"Je pense que la pire relation, c’est avec ma sœur. Elle ne me parle plus depuis quatre ans, parce que suis malade justement. Moi je me dis malade. On n’est pas obligé de se dire malade, moi je me dis malade en l’occurrence."

TROUBLE DE LA PERSONNALITE BORDERLINE— Borderline. Un mot, comme ça. Souvent utilisé pour qualifier des propos à la limite du tolérable, ou quelqu’un se comportant de manière inappropriée. Ce que beaucoup ignorent encore, c’est que ce terme est également le nom d’un trouble de la personnalité.

Le trouble de la personnalité borderline, ou état-limite, touche plus d’une personne sur 50. La personne qui en souffre doit souvent réaliser un travail permanent d’équilibriste pour réussir à maintenir une certaine stabilité de l’image de soi, de l’humeur, des émotions et des relations, tant à soi qu’aux autres. Entre idéalisation et détestation, la vie sociale et l’estime de soi s’en trouvent fortement impactées. Peur de l’abandon, colères féroces, comportements impulsifs, ou encore automutilations comptent parmi les principaux symptômes de l’état-limite.

Je reçois aujourd’hui Edwige, une jeune femme souffrant de ce trouble méconnu. Elle nous parle de son histoire, de ses relations amicales et familiales historiquement mouvementées, mais nous dit aussi qu’il est possible de trouver son équilibre et mener une vie épanouissante.

Bonne écoute !
Manon Combe, pour Les Maux Bleus, un podcast sur la santé mentale

Intervenant

Edwige

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Mickael : Bonjour Edwige !

Edwige : Bonjour Mickael.

Mickael : Merci de t’être proposée pour participer à cet épisode. Donc aujourd’hui on va parler d’un trouble de la personnalité qu’on dit trouble état limite ou trouble borderline. Est-ce que tu pourrais nous dire avec tes propres mots de quoi il s’agit ?

Edwige : Je pense que le terme état limite le décrit plutôt bien, dans le sens qu’on est toujours entre le très bien et le très mal, en tout cas c’est comme ça que je le ressens. C’est un trouble dans lequel on a des humeurs très changeantes, dans lequel on peut avoir des réactions très excessives, dans lequel il y a de la violence, une certaine part de violence, une violence envers soi-même, mais aussi une violence envers les autres. Ouais, c’est état limite, ça le décrit vraiment bien, on est toujours à la limite entre ce bien et ce mal sur tous les plans, psychologique, physique, voilà.

Mickael : Et est-ce que tu aurais une image ou une métaphore que tu associerais à ce trouble ?

Edwige : Bah un invité de ton podcast disait que lui ce qui représentait son trouble c’était le gris, moi ce serait plus le noir qui le représenterait parce qu’il y a toute cette colère, toute cette violence, qui sont pour moi associés à une couleur très foncée, très sombre. Et le noir le représente très bien, si on doit l’associer à une couleur. Voilà.

Mickael : Est-ce que tu peux nous parler un peu de comment tes troubles ont commencé ?

Edwige : En fait ça a commencé quand j’étais vraiment toute petite, au divorce de mes parents j’ai commencé à être insomniaque, à ne plus dormir du tout la nuit, ou très peu. De mes sept à mes 20 ans environ je dormais quatre, cinq heures par nuit, j’avais beaucoup de difficultés à l’endormissement, je pouvais mettre deux, trois heures à m’endormir. Et j’ai commencé à voir une psychologue à cet âge-là pour ce problème en particulier, et aussi parce que mes parents pensaient que j’étais perturbée par leur divorce, ce qui n’était pas nécessairement faux, je pense, avec du recul. Puis ça, c’est un peu calmé pendant quelques années, mais arrivée à l’adolescence, vers l’âge de 12 ans j’ai commencé à avoir des troubles du comportement alimentaire, j’étais, j’ai fait de l’anorexie restrictive, je ne mangeais pas ou je me faisais également vomir. Et le climax en fait c’est le jour où j’ai, on appelle ça décompenser en psychiatrie, le jour où j’ai décompensé je m’en souviens très bien c’était mon anniversaire le jour de mes seize ans, et j’ai passé la journée chez mes grands-parents et mon petit frère était vraiment petit à l’époque donc je ne lui en veux pas, avec du recul, avait vraiment été odieux ce jour-là… Et quand je suis rentrée chez ma mère je lui ai dit je veux mourir, je n’en peux plus, maman, je veux mourir. Et ce jour là ma mère m’a amenée à l’hôpital psychiatrique, en urgence, aux urgences de l’hôpital psychiatrique, parce qu’elle voyait que ça allait vraiment très mal. J’ai consulté pour la première fois un psychiatre, enfin, c’était une interne en psychiatrie parce que c’était la nuit, qui elle pensait que j’étais peut-être bipolaire de ce que je lui décrivais, des moments d’intense joie et des moments d’intense tristesse. Avec du recul, ce n’était pas ça, mais c’est comme ça qu’a commencé mon parcours en psychiatrie.

Mickael : Et quand tu dis qu’à ce moment-là tu te sentais très mal, c’était quel type de mal être que tu ressentais ?

Edwige : Ben je voulais vraiment mourir en fait, je voulais disparaitre, ne plus rien ressentir. C’est assez indescriptible comme mal être l’envie de mourir, c’est extrêmement fort, déjà le dire c’est très fort, et le vivre c’est encore plus fort, je pense que beaucoup de gens ne peuvent pas le… ne le vivent pas, c’est plus que de la tristesse, c’est ne plus être là, de ne plus voir les gens, de n’avoir jamais rien ressenti.

Mickael : Et ces troubles de manière générale ils se manifestent de quelle manière ?

Edwige : Ça se manifeste de manière très diverse. Pour le trouble borderline il y a une dizaine de gros symptômes que moi je ressens tous ! En premier lieu il y a cette alternance entre ce moment où on va bien, où on est plutôt très en forme, et des moments où on se sent extrêmement mal, ou on a envie de mourir, on a envie de se faire du mal. Il y a le fait de se faire du mal physiquement aussi, ce que j’ai fait moi puisque je me suis pendant plusieurs années automutilée, j’ai eu des troubles du comportement alimentaire aussi comme je l’ai mentionné. Il y a ce lien avec l’autre qui est extrêmement complexe puisqu’on est toujours entre l’amour et la haine, en fait, le besoin de l’autre, on a besoin d’être avec quelqu’un en permanence en fait, mais on a besoin de se protéger des autres. On oscille tout le temps entre l’amour et la haine, un jour on peut rencontrer quelqu’un et le trouver merveilleux, et quelque temps plus tard trouver cette personne odieuse, qu’elle nous aurait déçu, mais une déception qui serait invivable en fait, ce n’est pas une petite déception, c’est une déception invivable, il faut rayer la personne de sa vie, il faut se venger d’elle, il faut lui faire subir ce qu’elle nous a fait subir en pire, euh… Il y a un côté que moi j’ai un peu moins vécu, c’est le côté… auquel les personnes borderline peuvent être confrontées, c’est les addictions à la drogue, alors moi je suis pas du tout attirée par les drogues, mais je fume pas mal et j’ai une consommation d’alcool qui est parfois irraisonnable. Je ne bois pas au quotidien, j’ai l’alcool social, mais quand je vois en société je bois trop. C’est une autre manifestation du trouble. Je sais que ça vient de là. Ça, j’ai du mal à le contrôler à l’heure actuelle. Voilà quelques manifestations du trouble, déjà.

Mickael : Et depuis ta prise en charge à l’hôpital quand tu avais seize ans, les troubles ont évolué de quelle manière ?

Edwige : Alors pendant je dirais… quatre, cinq ans, ça a été de pire en pire. C’est-à-dire que quand j’ai été prise en charge la première fois à l’hôpital psychiatrique, aux urgences, je n’y suis pas restée, j’ai juste passé la nuit, on m’a conseillé d’aller dans un centre spécialisé qui ne dépend pas de l’hôpital psychiatrique, ça s’appelle le centre Abadie à Bordeaux, c’est assez connu. J’ai d’abord vu une psychologue là-bas et au bout de quelques consultations elle a décidé qu’il fallait m’hospitaliser parce que j’étais trop mal pour continuer à vivre comme si tout allait bien. J’ai donc été hospitalisée quelques jours au centre Abadie et en fait au bout de quelques jours je faisais tellement de crises d’angoisses qui étaient tellement violentes qu’en fait le centre a dit à mes parents elle ne peut pas rester ici. Soit vous la reprenez, soit elle va à l’hôpital psychiatrique. Suite à quoi, mes parents n’étaient pas prêts à ce que j’aille à l’hôpital psychiatrique, donc je suis sortie, je suis allée en cours, mais ça n’allait pas du tout. J’ai eu une autre manifestation à ce moment-là, c’est-à-dire que j’ai perdu tous mes amis pour une histoire un peu bête, et j’étais très seule, j’étais harcelée notamment par une fille qui m’a tenu des propos extrêmement durs, et en fait je ne pouvais pas me dire on est dans le même lycée, et aller au lycée tous les jours et savoir qu’elle était là, c’était trop dur pour moi. Et en fait j’ai commencé à faire des crises d’angoisse tous les jours et à faire une phobie scolaire, je n’arrivais pas à aller à l’école en fait. J’allais à l’infirmerie toute la journée, je pleurais en cours. Est arrivé décembre 2011 où j’ai fait une première tentative de suicide. Je suis allée aux urgences générales et aux urgences ils ont décidé de m’hospitaliser. En psychiatrie, puisque le centre Abadie ne voulait pas de moi. Donc j’y ai passé un mois et demi là, en psychiatrie, d’abord dans un service adulte parce qu’il n’y avait plus de place dans le service pour les adolescents. Ça a été un moment extrêmement compliqué cette hospitalisation. Et donc la seconde partie de mon hospitalisation dans un centre pour adolescents, toujours dans l’hôpital psychiatrique. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me mutiler, et c’est aussi à ce moment-là que mes troubles du comportement alimentaire ont été les plus forts parce que quand j’étais à l’hôpital j’ai complètement arrêté de manger, donc j’ai perdu beaucoup beaucoup de poids. J’étais très très maigre en sortant, j’avais les bras recouverts de cicatrices parce que dès que j’étais en permission… j’avais souvent des permissions parce que je me comportais bien ! Dès que j’étais en permission, je me mutilais, je me faisais vomir, je faisais toutes les choses qu’on ne pouvait pas faire à l’hôpital psychiatrique ! Je suis sortie d’hôpital psychiatrique en janvier 2012, j’ai changé de lycée à ce moment-là parce que je ne pouvais plus rester dans le lycée où j’étais avant, c’était devenu trop compliqué pour moi. Et donc je suis arrivée dans le nouveau lycée où les choses se passaient mieux d’un point de vue social et amical. Mais moi au niveau personnel ça allait toujours extrêmement mal. J’ai continué à faire tentative de suicide sur tentative de suicide, j’étais aux urgences au moins une fois par mois pour un lavage d’estomac ou une réanimation. Donc l’année scolaire s’est poursuivie, je faisais toujours beaucoup de crises d’angoisse, c’était très compliqué pour moi d’aller au lycée, même si ça allait mieux dans ce lycée-là c’était très compliqué de venir au lycée, je faisais des crises d’angoisse pendant les cours, je me mutilais pendant les cours… je ne vais pas donner plus de détails, mais je me mutilais pendant les cours. J’allais toute la journée à l’infirmerie, j’allais pas en cours un jeu sur deux, même si j’avais un emploi du temps aménagé qui était censé m’aider à prendre du temps pour moi c’était très compliqué. En parallèle de ça, je voyais un psychiatre, une psychologue et une infirmière psychiatrique toutes les semaines dans un CMP. Et puis l’année s’est terminée et mon lycée a dit on ne peut pas la garder, c’est trop compliqué pour elle, elle ne peut pas rester ici. Donc l’année suivante je suis partie… en hôpital de jour, c’était un hôpital de jour qui faisait aussi des cours pour assurer la scolarité des personnes avec des problèmes psychiques. Encore une fois ça a été une année extrêmement compliquée, je devais aller tous les jours dans cet établissement dans lequel je n’avais aucun ami, dans lequel les gens me harcelaient aussi, parce que je viens d’un milieu un peu favorisé donc pour eux j’étais une bourgeoise qui faisait des caprices de petite fille riche et qui n’avait pas de vrais problèmes comparativement à eux. Je continuais à me mutiler, je continuais à faire des tentatives de suicide extrêmement régulièrement. La psychiatre que je voyais là-bas, parce que dans cet hôpital de jour chaque… élève… patient et élève voyait un psychiatre, donc la psychiatre que je voyais disait tout le temps à mes parents : elle doit retourner en hôpital psychiatrique, elle doit retourner en hôpital psychiatrique. Mes parents s’y opposaient fermement parce que ça avait été tellement compliqué la fois précédente qu’ils ne voulaient pas que je revive ça. Cette psychiatre c’était très compliqué, elle a tenu des propos très durs à mon égard, elle a notamment dit que je ne ferais pas d’études et que je finirai dans un établissement spécialisé pour adultes. Donc moi je l’avais très très mal vécu. Et euh bon, l’année scolaire s’est finie, j’ai eu mon bac et l’année suivante je suis partie en études supérieures. La première moitié de l’année a été un peu compliquée, mais ça allait mieux, j’étais partie de chez mes parents, j’étais partie vivre à Paris, parce que je viens de Bordeaux moi à la base, donc j’étais partie vivre à Paris, j’étais dans un foyer pour jeunes filles. Au sein du foyer ça ne se passait pas très bien, j’aimais pas trop ça, mais sinon en dehors de ça j’avais des amis dans ma prépa, j’étais en prépa IEP, j’avais des amis dans ma prépa, j’avais des amis en dehors, je faisais pas mal de choses. Je rentrais régulièrement chez moi pour faire des lessives, voir ma famille… donc cette première moitié d’année ça allait. Et la seconde moitié d’année a été bien plus compliquée. En parallèle de ça… Mon psychiatre de Bordeaux, du CMP, m’avait conseillé une psychiatre à Paris, à l’Institut Montsouris qui est un hôpital qui a un service de pédopsychiatrie. Donc moi je voyais une psychiatre là-bas, et la seconde moitié de l’année la psychiatre voyant que mon état se dégradait à nouveau a décidé de me faire hospitaliser au sein de l’hôpital de jour. Donc j’y allais environ deux ou trois demi-journées par semaine, donc j’allais pas en cours, j’allais à l’hôpital de jour, on faisait des activités, du collage, ce genre de choses qui me laissent a posteriori très dubitative. Ça ne m’a jamais vraiment aidée, mais ça peut aider des gens, j’imagine. Donc pourquoi pas. j’ai songé pendant un temps à carrément abandonner mes études cette année-là parce que ça se passait trop mal. C’était une prépa IEP donc je préparais les concours de Science Po. Je n’ai eu aucun concours parce que j’ai tout simplement été trop mal toute l’année pour travailler, j’ai un peu travaillé, mais pas suffisamment pour avoir les concours. L’année suivante je suis partie à Lille, là ça a été une catastrophe. Je n’avais plus de suivi psychiatrique parce que j’étais partie à Lille, on m’avait conseillé un psychiatre, j’y suis allée une fois, il était obsédé par les troubles du comportement alimentaire, il ne voyait que par ce prisme-là alors que moi c’était clairement plus mon problème prioritaire, et on est arrivés, on arrive à décembre 2014 et là j’ai refait une tentative de suicide, mais une tentative de suicide très très grave puisque là j’ai fini en réanimation, des chocs, j’ai été intubée avec des câbles partout dans mon corps… Et je crois que ce jour-là ça a été une sorte de déclic, je crois que je me suis dit ce jour-là, je ne peux plus en arriver à ce stade-là, à faire des tentatives de suicide tout le temps, il fallait que je revoie quelqu’un d’autre. Avec la psychiatre que je voyais à Paris on a décidé de se revoir, j’y allais environ une fois par mois ou toutes les deux semaines pour la voir, elle me faisait une psychothérapie. Ça a continué à aller mal pendant plusieurs mois. Au début de ma deuxième année, ça n’allait pas très bien non plus… J’ai l’impression de beaucoup dire que ça allait pas, mais vous allez voir ça va mieux après ! Et on arrive finalement on arrive à aujourd’hui où maintenant je suis suivie par une psychiatre et une psychologue en libéral. Entre-temps j’ai également revu un psychiatre dans un CMP puisqu’à l’institut Montsouris ils ne pouvaient plus me prendre en charge parce que j’étais trop vieille, donc ils m’avaient conseillé d’aller en CMP. Ça a été extrêmement compliqué la prise en charge en CMP, des mois d’attente pour au final un suivi pas vraiment à la hauteur avec un psychiatre… On ne sait pas trop ce qu’il fait là, on se demande s’il a un vrai investissement… Et, ah oui, ce que je voudrais ajouter aussi c’est que j’ai vu un psychologue au BAPU pendant que j’étais en études à Paris, là aussi beaucoup d’attentes, mais un bon suivi avec un psychologue très à l’écoute, qui était très bien pour moi en tout cas, j’y allais une fois par semaine et ça m’a beaucoup aidée, et surtout c’était une prise en charge gratuite parce que je pouvais pas du tout payer un psychologue ou un psychiatre en libéral donc ça m’a vraiment aidée à ce moment-là.

Mickael : Et le suivi actuel dont tu bénéficies auprès de ces psychiatres et psychologues, il consiste en quoi ?

Edwige : Alors la psychiatre je la vois environ deux fois par mois, principalement pour me prescrire mes médicaments parce qu’actuellement j’ai un traitement médicamenteux. En fait au début de la prise en charge j’avais déjà un traitement médicamenteux et puis quelques années plus tard on a décidé de l’arrêter parce que je faisais trop de bêtises avec les médicaments notamment. Et là on a décidé d’en reprendre un avec ma psychiatre actuelle parce que ça allait pas très bien, donc elle me prescrit mes médicaments, on parle un petit peu, mais c’est pas vraiment une psychothérapie, c’est pas un vrai échange très construit, très long, c’est des séances assez courtes d’une demi-heure environ, et la psychologue je la vois aussi une fois par mois, en alternance, une semaine ça va être la psychologue, une semaine la psychiatre. Là c’est des séances assez longues de 45 minutes pendant lesquelles on va échanger sur comment je me sens en ce moment, quelles sont les choses qui m’ont fait du mal, quelles sont les choses qui m’ont fait du bien, qu’est-ce qui me rend heureuse, qu’est-ce qui dans la vie en général me fait me sentir bien… On essaie d’identifier qu’est-ce qui me fait me sentir très mal et de trouver ensemble des outils pour que ces choses ne m’atteignent plus en fait.

Mickael : Et ces outils dont tu parles et que tu essaies de développer avec ta psychologue, c’est quel type d’outils ?

Edwige : C’est pas vraiment des outils pratiques, c’est plus par la parole, par identifier des choses spécifiques euh… pourquoi dans telle situation j’ai réagi comme ça, qu’est-ce que j’aurai pu faire pour réagir autrement, qu’est-ce qu’on fera la prochaine fois pour pas ressentir ça… C’est pas des outils pratiques comme certains invités t’ont dit, d’écrire ses sentiments dans un carnet ou quelque chose comme ça. Ça, on le fait pas du tout.

Mickael : Et au niveau de ton quotidien et de tes relations professionnelles, sentimentales et amicales, ça se passe comment par rapport à ce trouble qui est quand même très présent finalement dans la construction des relations ?

Edwige : Pendant de longues années, ça a été extrêmement compliqué. Comme je l’expliquais plus tôt quand mon trouble a démarré je me suis brouillée avec beaucoup d’amis qui n’ont pas compris pourquoi j’allais mal et ce que j’avais. Des gens qui se sont braqués sur ça, qui pensaient que je faisais des caprices. Ensuite j’ai eu dans mes relations toujours cette alternance entre j’adore quelqu’un et je te déteste deux jours plus tard, j’étais très facilement déçue par les gens en fait, je les idéalisais aussi très facilement. Maintenant ça s’est beaucoup stabilisé, j’ai un bon groupe d’amis auquel je tiens énormément. Mes amis m’aident beaucoup, mais pas dans le sens où ils vont m’aider au quotidien à me sentir mieux, dans le sens dire ah tu te sens mal, viens on parle ! On va faire quelque chose ensemble. C’est plus avoir ces gens près de moi qui me fait me sentir bien en fait, et savoir qu’ils sont là, et que si j’ai besoin de parler à quelqu’un ils seront là, même si je les sollicite pas pour ça. Mais je sais qu’ils existent et ça fait beaucoup du bien d’avoir des gens près de soi comme ça. Concernant les relations amoureuses ça a été extrêmement compliqué aussi, j’ai eu quelques copains sérieux pendant… quand j’étais plus jeune, mais ça finissait toujours dans les larmes et dans le sang, j’ai envie de dire, y’avait pas littéralement du sang évidemment, mais ça se finissait très mal, très très tendu, j’ai fait des choses très très bêtes aussi, j’ai failli finir à l’hôpital psychiatrique à cause d’une chose que j’ai faite, notamment, contre mon gré évidemment… Et maintenant ça va beaucoup mieux, puisqu’en fait je suis en couple depuis longtemps, depuis six ans avec quelqu’un, avec qui ça se passe très bien, qui a totalement accepté ma différence si je peux le dire comme ça, mon trouble, qui m’aide beaucoup, sur qui je peux vraiment compter quand ça va mal, avec qui je peux parler, c’est vraiment la première personne vers qui je vais me tourner quand je vais mal. Et les relations professionnelles… Dans le milieu professionnel, ce n’est pas quelque chose dont je parle. J’ai été amenée il y a très peu de temps à en parler en fait, parce que j’ai fait une crise d’angoisse au travail, et sous le coup de la crise d’angoisse j’ai dit à ma supérieure de toute façon moi j’ai ça comme problème… Et je pense qu’elle a été un peu secouée, on n’en a pas reparlé, et… ouais, j’évite d’en parler dans le monde professionnel parce que ça reste une question très taboue, en plus je pense que c’est un trouble qui est très méconnu, qui est commun, mais méconnu, et qui renvoie à des images pas forcément très positives en plus. Donc c’est vrai que c’est quelque chose dont je ne parle pas toujours nécessairement. Et il y a autre chose dont je voulais parler ce sont les relations familiales, qui sont je pense les plus complexes. Déjà parce que j’ai une famille pas facile, de base, mes parents sont séparés, mon père s’est remarié une première fois, il a eu un autre enfant, il a redivorcé, il est en couple avec une autre personne, avec qui ça se passe bien pour moi, mais ça a pas toujours été le cas avec ses compagnes antérieures, qui elles n’acceptaient pas le fait que mon père ait un enfant qui a des troubles et qui m’ont fait beaucoup de mal, une de ses compagnes m’avait notamment dit on s’est séparés, c’est ta faute, des choses comme ça alors que je venais de sortir de l’hôpital psychiatrique. Donc j’ai une famille assez difficile, aussi parce que je suis pas la seule à avoir des troubles psychiques donc ça rend les choses encore plus complexes, ma mère est atteinte d’un trouble bipolaire et c’est vrai que quand tu confrontes les deux ça fait une réaction pas forcément très joyeuse en face à face, il y a eu beaucoup de violence entre ma mère et moi, de la violence physique pour le coup et de la violence verbale, pendant de longues années, maintenant ça s’est stabilisé. Mais je pense que la pire relation c’est celle que j’ai avec ma sœur, parce que ma sœur ne me parle plus depuis quatre ans, parce que suis malade justement. Moi je me dis malade, hein, on n’est pas obligé de se dire malade, moi je me dis malade en l’occurrence. Mais des relations sociales globalement assez complexes puisqu’on oscille toujours entre l’idéalisation et la haine de l’autre.

Mickael : Et justement dans ce que tu dis du déroulé des relations avec… ces relations qui commencent souvent par de l’idéalisation de la personne et qui aboutissent fréquemment sur un sentiment de déception qui est assez fort, ce sentiment de déception il vient d’où finalement ? Est-ce qu’il y a des éléments finalement qui sont communs dans toutes les relations qui aboutissent à ce sentiment, ou c’est vraiment un type de relation en particulier qui s’applique à pas mal de situations différentes ?

Edwige : Moi j’ai l’impression que l’élément commun c’est la déception quasi systématique. Pas systématique parce que j’ai des relations qui durent depuis plusieurs années, qui ne m’ont jamais déçue et qui j’espère ne le feront jamais ! mais il n’y a pas de schéma type dans ces relations, parce que c’est des gens très différents, des relations très différentes aussi. Mais je suis quelqu’un qui donne beaucoup dans les relations amicales en fait, et du coup j’attends aussi… Je pense que j’attends beaucoup et beaucoup trop de l’autre, et du coup in fine je suis forcément déçue à la fin.

Mickael : Justement ce que tu dis ça fait un peu penser à ce qu’on appelle un type de pensée en tout ou rien, soit on s’investit au maximum soit on ne s’investit pas du tout, et ce type de pensée dichotomique entre tout et rien est-ce qu’il se retrouve dans d’autres aspects des relations ?

Edwige : Oui c’est un peu dans tout c’est-à-dire que je suis quelqu’un d’assez hyper actif, mais je peux aussi être quelqu’un qui ne veut rien faire et qui peut juste vouloir rester dans son lit quand ça va mal. Et y’a une journée où je peux me sentir hyper bien, être hyper en forme et vouloir faire mille choses, et le lendemain ça va hyper mal et je ne veux rien faire et être dans le lit. Quand j’ai pris mon travail actuel au début j’étais hyper motivée, je voulais faire plein de choses, j’avais plein d’idées. Et avec le temps les choses se sont un peu compliquées et je dirais pas que je suis démotivée maintenant, j’en suis pas arrivée au rien non plus, mais j’ai des journées de travail dans lesquelles je n’arrive à rien faire, et j’ai des journées de travail dans lesquelles je suis à 100 %, à fond, je rends plein de trucs, et y’a des journées pendant lesquelles je ne peux rien faire.

Mickael : Et ces journées où tu n’arrives pas à faire grand-chose ou à ne rien faire, tu le vis comment au niveau émotionnel ?

Edwige : Bah c’est quelque chose que je vis très mal parce que… moi je suis quelqu’un d’assez perfectionniste et j’aime bien que tout soit très bien fait. Donc, savoir que je ne fais rien ça veut dire que je fais forcément mal les choses, donc c’est quelque chose que je ne vis pas bien du tout, je culpabilise énormément donc j’essaie de me forcer, donc c’est pire, les choses sont encore plus mal faites, donc je me remets à ne rien faire. Et c’est un cercle infernal, un cercle vicieux dans lequel on ne fait rien, on se sent mal, on se force, mais du coup on se sent encore plus mal, mais du coup on ne fait rien, etc., etc. C’est très difficile.

Mickael : Et comment est-ce que tu arrives justement à gérer ces situations émotionnelles difficiles ?

Edwige : Maintenant c’est moins difficile à gérer dans le sens où j’accepte beaucoup plus cette non-productivité certains jours parce que je sais que le lendemain je pourrai être beaucoup plus en forme et beaucoup plus productive. J’ai une capacité à travailler très vite et plutôt bien sans vouloir me jeter de fleurs, donc je sais que si j’ai pas bien travaillé un jour le lendemain je vais réussir à rattraper ça et j’arrive à me déculpabiliser maintenant. Ça a pris un certain temps parce que quand je faisais mes études et que je voyais que j’arrivais pas à aller en cours, que j’arrivais pas à aller à la bibliothèque pour travailler, que j’arrivais pas à rendre mes TD, c’était infernal parce que je me disais je vais gâcher ma vie si je ne fais pas mes études je vais, j’aurais pas de travail, et si j’ai pas de travail je vais être au chômage, et si je suis au chômage c’est la fin du monde parce que j’ai un prêt étudiant à rembourser, etc., etc., etc. C’était vraiment ce schéma de pensée où tout était de pire en pire, un tout petit élément qui était j’ai pas réussi à aller à une heure de cours pour finir par « je vais rater ma vie ». Maintenant je suis beaucoup plus déculpabilisée vis-à-vis de ça, je sais qu’il y a des jours où je vais pas réussir à travailler, où je vais travailler une heure ou deux heures dans la journée correctement, mais c’est pas grave parce que je sais que le lendemain je travaillerai mieux et mon travail sera de bien meilleure qualité si je me sens bien et si j’ai pris du temps pour moi pour me sentir mieux.

Mickael : Donc on a parlé au final des relations que tu entretiens avec les autres, qui sont un peu en équilibre entre une idéalisation et une forte déception, mais finalement la relation que tu entretiens à toi même elle est de quelle nature, comment tu te perçois ?

Edwige : Globalement je me perçois vraiment très négativement, je pense beaucoup de choses négatives sur moi, ça a toujours été le cas ça, depuis extrêmement longtemps j’ai toujours pensé que j’étais moins bien que la moyenne, beaucoup moins bien que la moyenne, bien moins intelligente, bien moins jolie, bien moins tout. Au final que j’étais vraiment quelqu’un de pas terrible, bien moins sympathique. J’ai toujours eu cette image très négative de moi-même et c’est quelque chose que je continue à voir aujourd’hui, je me dévalorise énormément, j’ai du mal à voir le positif chez moi. Quand on parlait de travail tout à l’heure, même quand à mon travail je fais quelque chose de bien j’ai du mal à m’en attribuer le mérite je vais dire non, mais on m’a aidée ! C’est pas grâce à moi. J’ai vraiment ce syndrome de l’imposteur très très fort, aussi, je pense souvent que j’ai volé la place de quelqu’un d’autre, que je devrais pas être là. Que ce soit dans mes études auparavant ou maintenant dans mon travail je me pose souvent la question, mais qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi moi ? Et… oui globalement j’ai vraiment cette mauvaise image de moi, même toujours aujourd’hui, même si je travaille là-dessus, c’est encore un sentiment que j’ai aujourd’hui de me dire que je ne me verrai jamais positivement.

Mickael : Tu as évoqué au début de l’entretien des passages douloureux qui sont plusieurs tentatives de suicide. Et c’est un sujet finalement qu’on aborde assez peu, qui est considéré comme presque le tabou ultime. Mais il y a une question qu’on peut se poser pour toutes les personnes qui sont passées par ces moments très difficiles, c’est comment est-ce que l’envie d’en finir arrive ?

Edwige : Moi ça n’a jamais été quelque chose de calculé, de réfléchi, c’est toujours arrivé sous le coup de l’impulsivité en fait. C’est à dire qu’à chaque fois que j’ai fait une tentative de suicide, j’en ai fait un certain nombre, c’était toujours la rupture ultime de me dire je ne me supporte plus, je ne supporte plus personne, je ne supporte plus ce monde, qu’est-ce que je fais encore là en fait ? Je veux juste disparaitre, arrêter de ressentir ces choses. C’est une telle haine de soi même, finalement du monde qui nous entoure, une telle haine, qu’on en arrive à ce geste. On est dans cette phase de mal être qui perdure.

Mickael : Et si tu devais donner des conseils à des personnes qui souffrent du même trouble que toi, ça serait quoi ?

Edwige : Vraiment, parlez-en et… parlez-en à des professionnels, parce qu’en parler à ses amis c’est pas suffisant, c’est un premier pas vers la guérison et le mieux-être, et pouvoir poser des mots sur ses maux, c’est un grand pas, mais… Allez voir des psychiatres et des psychologues, je sais que c’est pas facile, parce que c’est pas assez abordable, c’est… y’a beaucoup d’attente parfois, mais y’a des solutions, les CMP ça existe, j’ai dit en début d’entretien que c’était pas la prise en charge idéale, mais c’est un début de prise en charge vers quelque chose d’autre. Il y a aussi le BAPU, c’est aussi beaucoup d’attentes, mais ça vaut le coup d’attendre si vous êtes à un point de rupture, n’hésitez pas à aller aux urgences psychiatriques, c’est une démarche compliquée à faire, n’y allez pas seul, n’hésitez pas à y aller avec quelqu’un de votre entourage qui saura vous accompagner si c’est plus simple pour vous, mais vraiment parlez-en, n’hésitez pas à en parler à des professionnels. C’est vraiment ça mon conseil, c’est d’en parler à un professionnel, de pas garder ça en soi. C’est un trouble qui est quand même assez lourd, qui est assez lourd à vivre parce qu’on pense à des choses très négatives, moi pendant longtemps je pensais à la mort, je pensais au fait que je voulais en finir, je pensais au fait de me faire du mal, mais parler avec quelqu’un de ça, parler à quelqu’un d’extérieur à sa vie, ça fait un bien fou. Ça fait pas un bien fou tout de suite, mais avec du recul, au bout de quelques mois parfois, on se dit finalement ça en valait le coup, je me sens quand même un petit mieux que le mois dernier, et puis le mois suivant on se sent un peu mieux que le mois précédent, et puis le mois d’après on rechute, et… dans six mois, ça ira mieux ! C’est un chemin qui est très long et qui est semé d’embuches, mais la guérison ou le mieux-être est possible.

Mickael : Et comme ce trouble concerne essentiellement les relations aux autres, et comme tu l’as dit ça peut être des autres qui sont des amis, qui sont des membres de la famille, ils peuvent être confrontés à des situations qu’ils ne comprennent pas forcément et face auxquelles ils ne savent pas comment réagit. Est-ce que toi de ton point de vue d’insider tu saurais aiguiller un peu les proches des personnes qui sont concernées par ce trouble ?

Edwige : Moi je leur dirais de déjà se munir de beaucoup de patience et de beaucoup de compréhension. Ça va pas être tous les jours facile avec la personne borderline qui peut avoir des réactions excessives, qui peut être extrêmement désagréable pour des raisons que vous ne comprenez pas, parlez à cette personne, demandez-lui pourquoi ça ne va pas, qu’est-ce que vous avez fait de mal, qu’est-ce que vous pourriez avoir fait de mal ? Soyez patient, essayez d’être compréhensif, essayez d’aider cette personne à aller voir quelqu’un, accompagnez là au rendez-vous si il faut. Moi on m’a forcée dans ma prise en charge, mais finalement c’est tant mieux, maintenant ça fait une dizaine d’années que je suis prise en charge et rétrospectivement ça va quand même mieux qu’il y a dix ans donc merci à mes parents qui m’ont forcée à aller vers cette prise en charge. Donc si vous voyez quelqu’un dans votre entourage qui a des symptômes de trouble psychologique de manière générale, essayer de l’inciter à aller voir quelqu’un c’est vraiment le plus grand conseil que je pourrai vous donner.

Mickael : Tu l’as dit, il est possible d’aller vers le mieux-être. Et toi, aujourd’hui, tu te sens comment ?

Edwige : Aujourd’hui ça dépend vraiment des jours et des périodes. Il y a des périodes où je vais me sentir plutôt très bien, comme en ce moment ça va bien, je suis assez à l’aise dans ma vie, avec la personne que je suis, même si j’ai toujours cette image dégradée de moi-même, mais je me sens globalement bien, j’ai des projets d’avenir, des projets de voyage… Donc ça va. Il y a six mois tu m’aurais demandé comment ça allait je t’aurais dit ça ne va pas du tout, c’est la catastrophe… Mais ça, j’ai su le dire à quelqu’un, ma psychiatre et ma psychologue, j’ai su leur dire que ça n’allait pas du tout, que j’avais besoin… À ce moment-là j’ai eu besoin d’une béquille, la béquille ça a été les antidépresseurs, et depuis que je les prends ça va beaucoup mieux, ça m’aide énormément en fait au quotidien. J’ai vraiment sent la différence à partir du moment où j’ai commencé à les prendre, au bout d’un mois je me sentais bien plus stable, je respirais à nouveau, c’est un peu comme sortir la tête de l’eau, comme si on vous appuyait la tête sous l’eau pendant de longues minutes et que d’un coup vous pouviez la sortir et vous respiriez à nouveau l’air autour de vous. Donc c’est vraiment par phases, y’a des phases où je vais bien qui peuvent durer plusieurs mois, y’a des phases où je vais moins bien qui peuvent durer des mois ou des semaines. Mais ce que j’ai remarqué déjà c’est que les phases où je vais moins bien deviennent de plus en plus espacées et surtout elles sont beaucoup moins fortes qu’avant. C’est-à-dire que maintenant je n’ai plus de troubles du comportement alimentaire, je ne me mutile plus, et je n’ai plus fait de tentatives de suicide depuis 5 ans. Ce qui est un grand changement parce que pendant les 5 premières années de mon trouble je me suis mutilée et je faisais des tentatives de suicide tous les quatre matins. Donc ça va, c’est bien. Et c’est possible d’aller mieux.

Mickael : Et d’un point de vue plus personnel, si tu devais te décrire en quelques mots ce serait quoi ?

Edwige : Assez paradoxalement je pense que je suis quelqu’un d’assez gai, d’assez joyeuse, de très spontané, ça c’est à cause de l’impulsivité aussi liée au trouble, mais du coup ça rend… Ça me… Oui du coup j’ai cette spontanéité qui fait de moi une personne relativement agréable… Je dis relativement parce qu’encore une fois j’ai du mal à me considérer positivement donc c’est assez difficile pour moi de me décrire dans des termes pas trop négatifs. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup sortir, voir des gens être entourée, faire des voyages… Je réfléchis beaucoup à l’avenir en ce moment, j’essaie d’être positive.

Mickael : Justement dans ces projections sur l’avenir, tu as parlé de projets d’avenir, de projets de voyage, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Edwige : Moi j’aime beaucoup voyager, alors du coup je prévois mes vacances souvent très en avance, je prévois beaucoup de voyages et même des petits week-ends parce que maintenant j’en ai les moyens financiers, donc je prévois avec mon copain. J’ai des projets un peu plus importants et un peu plus long terme comme le mariage, c’est quelque chose auquel on pense avec mon conjoint et dans lequel je me vois bien. Après on parle peut-être un jour de faire des enfants dans un futur un peu plus lointain. Donc j’essaie de voir l’avenir positivement, de voir peut-être les bonnes choses qui vont m’arriver, de me dire que je vais aussi évoluer professionnellement, qu’il va m’arriver des choses bien à l’avenir.

Mickael : Et pendant la période qu’on a vécue depuis 2020, ; e st-ce que tu as senti que cette crise du covid avait des effets négatifs ou paradoxalement positifs sur la manifestation de tes troubles et sur ton vécu de ça ?

Edwige : Alors pour moi la crise ça a été extrêmement compliqué à vivre d’un point de vue psychologiquement, notamment le premier confinement parce qu’on était confinés dans un tout petit appartement où on avait une voisine qui nous rendait dingues, donc c’était l’enfermement plus le fait d’avoir des problèmes de voisinage qui me faisait me sentir extrêmement mal, je parlais de ça en permanence, je faisais une fixette là-dessus, ça me pesait sur le moral, j’étais très triste, je me sentais pas bien… Ensuite il s’est passé des choses au niveau professionnel qui ont fait que je me suis sentie encore moins bien. J’ai fait un petit burn-out en novembre, en octobre/novembre dernier où j’ai pas été au travail pendant… Ça n’a pas duré très longtemps, j’ai pas été au travail pendant une semaine, mais pendant les trois semaines qui ont précédé c’était l’enfer pour moi, je me sentais incapable de faire quoi que ce soit. Et c’est… je pense que c’est aussi lié à la crise parce que si je n’avais pas été en télétravail… En fait j’ai pris mon poste en février 2020 et un mois plus tard on était confinés. Je pense que si on avait été dans des dispositions différentes je n’aurais pas été dans cet état-là en octobre/novembre. Ce qui me pesait aussi c’était de ne pas voir mes amis, de ne pas voir ma famille, d’être relativement seule même si j’étais pas seule, j’étais avec mon copain, donc j’étais pas seule du tout, mais ça me pesait de voir personne d’autre, de pas voir mes collègues, de rien pouvoir faire, de pas bouger de chez soi, ça me pesait beaucoup. Maintenant ça commence à aller mieux, maintenant que les choses reviennent un peu à la normale, ça a participé au fait que je me sente mieux.

Mickael : Et au-delà des voyages qui te font beaucoup de bien, est-ce qu’il y a d’autres choses aujourd’hui qui t’apportent du plaisir ?

Edwige : Oui ! Moi je fais de la danse classique depuis que j’ai cinq ans, cinq/six ans, et c’est quelque chose qui me fait extrêmement de bien, de danser, il y a ce sentiment de liberté, il y a aussi quelque chose qui me fait beaucoup de bien c’est la rigueur, en danse classique on a beaucoup de rigueur, moi ça me fait beaucoup de bien d’être très cadrée et d’avoir beaucoup de rigueur, et paradoxalement il y a ce sentiment de liberté quand on danse. C’est quelque chose qui m’apporte beaucoup et qui me fait vraiment du bien, j’en fais depuis longtemps et ça a toujours été quelque chose de très positif dans ma vie.

Mickael : Est-ce que tu souhaites porter un message aujourd’hui aux personnes qui nous écoutent ?

Edwige : Le message que je voudrais porter je l’ai déjà un peu mentionné, c’est vraiment qu’on peut aller mieux. Je sais que… Je pense que j’ai été un peu négative tout le long de cet entretien, mais on peut aller mieux, je vais quand même beaucoup mieux qu’il y a dix ans, je vais mieux que pendant mon enfance, mon adolescence, et on peut aller mieux, on peut aller vers… On ne peut peut-être pas aller vers la guérison quand on est borderline parce qu’il n’y a pas vraiment de guérison possible, mais on peut aller mieux, on peut aller vers une vie normale, on peut faire des études, on peut avoir un travail, on peut être quelqu’un de, entre gros guillemets, on peut être quelqu’un de normal en fait. On peut avoir des amis, on peut avoir un copain, on peut avoir une vie familiale, toutes ces choses-là sont possibles et il ne faut pas en avoir peur.

Mickael : Et bien merci Edwige d’avoir participé à cette émission, merci pour tous ces éléments que tu nous as donnés et qui aideront beaucoup de personnes à se faire une idée plus claire et plus réaliste de ce que sont les troubles borderline. On te souhaite tout le bien du monde avec ces projets que tu as, de voyage, de mariage, d’enfant et surtout un rétablissement qui soit rapide et durable !

Edwige : Merci Mickael !

Mickael : Merci !

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