"On encourage nos enfants à embrasser qui ils sont. Pourquoi on ne pourrait pas le faire au niveau des parents ?"

Parentalité, famille — Chez beaucoup de personnes vivant avec une pathologie chronique, les questions et remarques autour de la parentalité peuvent devenir oppressantes. Elles peuvent être le fait de l’entourage proche ou moins proche, mais aussi des professionnels de santé. Ces derniers ne sont pas exempts de préjugés sur les personnes en situation de handicap psychique.

Pour en parler, nous recevons aujourd’hui Pascaline, pair aidante spécialisée en parentalité et périnatalité. Elle produit également le podcast Mères en eaux troubles qui donne la parole à des femmes qui doivent concilier troubles psychiques et maternité.

Bonne écoute.
Manon Combe, pour Les Maux Bleus, un podcast sur la santé mentale

Intervenant

Pascaline du podcast Mères en eaux troubles

Catégorie

Thèmes

Retranscription par Unt’ Margaria 💙


Mickael : Bonjour Pascaline.

Pascaline : Bonjour Mickael.

Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission !

Pascaline : Avec plaisir !

Mickael : On s’est rencontrés à l’occasion de plusieurs événements, puisque toi tu parles beaucoup de santé mentale sous l’angle de la parentalité, un sujet qu’on aborde finalement assez peu. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton parcours pour nous dire comment tu en es arrivée à t’intéresser à ce sujet ?

Pascaline : Alors moi la santé mentale, j’ai grandi dans un environnement où on n’en parlait pas. C’était… Je dirais pas que c’était un non-sujet, mais disons que j’avais beaucoup d’injonctions à ne pas montrer, je devais avoir une armure, vraiment avoir un visage impassible, de paraitre propre, de paraitre sereine, de paraitre efficace, il y avait beaucoup d’injonctions à la productivité, à la réussite. Et donc parler santé mentale c’était extrêmement compliqué et c’était vu comme une faiblesse, en fait, il fallait pas aller sur ce sujet là. Donc c’est devenu en fait quelque chose que je n’imaginais pas, je pensais pas en fait que je pouvais être concernée… C’est au niveau de l’adolescence, mon année de terminale a été un sacré tournant pour moi. Déjà le bac, c’est pas évident ! Mais j’ai passé six concours pour rentrer à Science Po, tout ça en l’espace de six mois, donc les six concours plus le bac, autant dire que ça s’est pas bien passé et que je le vivais vraiment pas bien, je sentais que ça ne se passait pas bien. Et ce que j’identifais pas encore à l’époque c’est que j’entendais des voix. Moi à ce moment-là je me disais c’est moi qui me parle à moi-même, j’étais dans cette idée-là. Et ces voix-là me disaient des choses, en fait, me disaient que j’étais bonne à rien, que j’arrivais à rien, que je réussirai jamais dans ma vie, que j’étais une personne détestable, je me persuadais moi-même, et avec le recul je me dis combien c’était un peu absurde, mais je me persuadais que j’étais la pire chose au monde. Maintenant je me dis non, mais je suis une fourmi dans le monde c’est pas possible ! Mais à l’époque, quand on entend que ça à longueur de journée on finit par se persuader, vraiment. Et c’était influencé par mon mal être, dès que j’avais des difficultés scolaires, que ça se passait pas bien, les voix augmentaient et augmentaient mon mal être, c’était vraiment très difficile, mais je n’arrivais pas à en parler. J’arrivais tellement pas à en parler que j’ai commencé un suivi avec un infirmier psychiatrique et que lui à chaque fois que je le voyais il me disait, mais vous allez très bien ! Vous allez bien, vous êtes souriante, vous parlez, vous rigolez, vous allez bien ! Et moi le soir en fait je me faisais du mal physiquement, j’ai fait de l’hyperphagie, je me suis scarifiée, j’ai fait des tentatives de suicide, j’entendais ces voix, j’avais des bouffées délirantes, mais malgré tout en fait je me disais bah s’il dit que je vais bien c’est que je vais bien ! Je continue, je vais à mes cours… Là où il y a eu vraiment, fin on va dire, là ça s’est brisé dans ce truc-là… J’ai fait un an en Allemagne, du coup je suis allée étudier à Stuttgart. J’étais dans un très mauvais environnement. Déjà j’étais dans un appart étudiant où on était douze étudiants, donc moi qui ai besoin de calme, de repos, c’était mort. Surtout que j’avais la seule chambre qui donnait sur la cuisine, donc bon… L’idéal ! Et puis les cours ça allait de moins en moins bien, j’arrivais pas à suivre, j’étais pas concentrée… Je commençais à faire de la dissociation, mais à l’époque je savais pas ! Maintenant je sais avec le recul que c’était de la dissociation. Je faisais un peu ce truc de je tendais mon bras en avant et je disais bah mon bras je sais qu’il est là, mais dans ma tête il est cinq centimères plus loin, enfin c’était vraiment très bizarre ! Et un jour, je faisais un stage dans un organisme, et un jour je me suis là je peux pas, il faut que j’aille voir un médecin. J’ai eu la chance quand même à cette époque-là que j’étais suivie par un psychologue en Allemagne, je sentais que ça allait pas bien, même si l’infirmier psychiatrique disait… Et ce psychologue-là il m’a dit assez rapidement j’ai pas la capacité de vous aider, il faut voir un psychiatre. Et lui il a commencé à m’aider. Parce que rien que ça, de m’aider à me rendre compte, à prendre en compte ce qu’il se passait, que c’était quand même… C’était pas juste une question de volonté, en fait, il y avait vraiment un truc grave qui se passait. Je me suis dit je peux pas aller travailler. Je me suis rendue à l’hôpital psychiatrique, au départ je voulais juste un rendez-vous, je voulais juste une attestation comme quoi je pouvais rester chez moi… Pardon, ça me fait rire encore à l’époque comme j’étais naïve que oui, j’allais rentrer chez moi, pas de problème ! J’entends des voix, tout va bien… Et en fait bah la psychiatre elle m’a dit bah non, non, vous me dites que vous avez essayé de vous suicider il n’y a pas longtemps, vous allez rester, c’est pas normal ! Et moi je suis tombée des nues, j’étais bah pourquoi en fait ? Et au final j’ai commencé des traitements, j’ai été hospitalisée pas si longtemps que ça, parce que ça a duré que cinq jours, au final c’était très rapide. Mes parents sont tombés des nues aussi quand je les ai appelés, ah bon, ça allait pas bien à ce point là ? On réalise des choses et j’ai commencé un traitement, et il y a eu ce truc très drôle où en fait au bout de quelques mois je me suis rendu compte que j’entendais plus de voix, et je me suis dit ah bon ? En fait c’était pas normal, c’était pas juste moi qui me parlais à moi-même ? C’était vraiment des voix ! Et c’est là où j’ai commencé un peu à comprendre en fait. Après j’ai mis beaucoup de temps, j’ai eu un gros passage à vide, j’ai repris des études de sociologie, que j’ai adorées, mais je n’en fais rien actuellement, j’ai eu de longues années un peu d’errance en fait à… J’aime pas dire d’errance, c’est vrai que sur le papier quand on regarde mon CV y’a quatre ans de rien, mais c’était quatre ans de thérapie où j’allais deux fois par semaine chez le psychiatre, que j’étais suivie par une psychologue, que je travaillais sur moi… Il y a aussi des temps où je me suis remis un peu en mouvement en faisant de l’associatif, qui m’a beaucoup aidée en fait à reprendre confiance en moi. J’ai fait de l’associatif, notamment dans un endroit où on faisait de l’écoute auprès des personnes handicapées, donc c’était une espèce de café, et c’était handicapé au sens large, vraiment il y avait de tout, et le principe c’était que les bénévoles étaient forcément concernés. Donc c’était déjà le début de la pair aidance pour moi. C’était un premier pas. En plus il y avait des magazines autour du handicap, et dans un des magazines je tombe sur un article sur le Cofor à Marseille et je suis fascinée, c’est génial, en fait c’est ça que je veux ! Mais c’était il y a un certain temps, il n’y avait pas de… Je pense qu’il n’y avait pas encore le DU de pair aidance, ou ce genre de choses. Du coup j’avance un peu dans mon chemin, quand j’ai eu mon tout premier diagnostic, que je suis revenue en France, j’ai rencontré la personne qui allait devenir mon mari. On s’est rencontrés à une période où j’étais complètement… J’avais quitté mon école de science po, je ne savais pas ce que je voulais faire dans ma vie, je ne savais pas ce que je voulais, lui il avait déjà un CDI, il était calé, il était bien, il était déjà dans la vie qu’il voulait ! On était très différents dès le départ. J’identifiais un peu mon trouble comme… Mon ensemble de troubles ça a un peu un effet d’un feu follet, en fait, c’est à dire que des fois c’est ultra chaleureux, bienveillant, et puis des fois ça commence à cramer les choses, ça m’agite, ça fait bouger un peu. Et en fait je lui en ai parlé direct, mais pas parlé, une conversation sereine comme on est en train d’avoir, je me suis vraiment déversée, tu veux me connaitre ? Tu vas me connaitre ! Tu vas apprendre tout ce que j’ai vécu ces derniers mois. Et donc bah il savait dès le départ. Et on était aussi dans un environnement, je le dis parce que ça a quand même une influence je pense sur ma relation avec mon mari, on était dans un environnement très catholique. Et quand on est catholique, bah généralement on se marie jeune et on a des enfants jeunes. Donc on s’est mariés, moi j’avais vingt-cinq ans. Je ne regrette pas de m’être mariée jeune, mais je me dis que ça aurait été bien de réfléchir un peu plus longtemps avant de me lancer là dedans. Au final ça se passe bien, on est heureux. Mais il y a eu quand même cette réflexion où comme on s’est mariés j’avais vingt-cinq ans, ça faisait trois ans que j’avais eu mon premier diagnostic, bah en fait tu te maries dans la religion catholique, les enfants quoi ! Vraiment, on est très, faut avoir des enfants… Et en fait quand on a commencé à parler mariage tout le monde a voulu mettre son grain de sel sur tu as un trouble, tu as un traitement, tu peux pas faire ça, tu peux pas avoir d’enfants ! Il faut imaginer, moi je prends souvent une comparaison de… on te dit que tu es un cheval. La première fois… La deuxième fois tu y réfléchis et la troisième fois tu commences à y croire, quoi. Et c’est des petites phrases comme ça, mais tout le monde un peu a commencé à s’en mêler, mon psychiatre m’a dit on fait une parenthèse thérapeutique ! Une parenthèse thérapeutique ça veut dire que pendant neuf mois tu arrêtes ton traitement, le traitement qui te permet d’avoir un confort de vie, d’être sereine, de te sentir heureuse, en fait. Neuf mois sans ça, non ! Non, non, on va pas par là. Ça me semblait inimaginable, et j’ai fait un processus de deuil par rapport à ce projet enfant parce que je pensais que c’était pas faisable du tout. Donc voilà, on a construit, on a commencé à avoir notre foyer lui et moi, on partait vraiment de l’idée qu’on aurait pas d’enfants au moins biologiques. Et puis moi j’avais quand même un désir d’enfant. Je dirais pas ancré, parce que je sais pas si c’est possible ou pas, mais c’était quelque chose qui me nourrissait, j’avais cet appel-là. Donc on en rediscute, avec mon mari on se penche sur la question de l’adoption. On a commencé à se renseigner, on est allés… En fait il y a des réunions de parents qui sont en processus d’adoption, donc on a commencé à aller à des réunions, à prendre des informations, à prendre le dossier de demande d’agrément qui est vraiment la première étape, une fois qu’on a l’agrément on rentre dans le processus d’adoption. Tout ça, c’est très long. Donc on dépose notre dossier de demande d’agrément un 14 février, on trouve ça extrêmement romantique, ça nous parlait ! On est très dans la signification. 14 février 2020, un peu intense parce qu’après on a eu le Covid ! Et confinement, et disons qu’on a été tous les deux un peu dans cette sensation qu’il faut vivre au jour le jour parce que c’est bientôt l’apocalypse ou ce genre de choses, il faut profiter tant qu’on est vivants… Je suis tombée enceinte. Je suis tombée enceinte dans une ambiance où on était très isolés tous les uns des autres, on n’avait pas accès aux médecins, c’était pas évident de prendre rendez-vous avec un médecin à ce moment-là. Et aussi les informations, c’était encore plus compliqué, à cette époque-là tout était filtré malgré tout, parce que tu ne peux pas aller à la bibliothèque, tu ne peux pas questionner, c’était très dur. Et moi à ce moment-là je m’y attendais pas. À tel point que j’ai pensé d’abord que j’avais le Covid en fait, ça me passait pas par la tête que je pouvais être enceinte. Et du coup j’ai quand même pris au moins six ans de préjugés qui me disaient que je pouvais pas être enceinte, et là je découvre que je suis enceinte, enfin ça me fait une énorme décompensation. Et donc ma grossesse a été très compliquée par rapport à ça parce qu’en fait c’était très difficile de croiser les deux entre la psychiatrie et l’obstétrique, l’obstétrique c’est la partie de la gynécologie qui touche à la grossesse.

Mickael : Tu nous as dit que tu avais fait le deuil finalement d’une potentielle grossesse, et bah, cette grossesse elle est arrivée. Comment tu as vécu ce processus justement, un peu de retournement de situation, de dire que finalement tu t’étais dit que ça ne serait pas possible, et tu l’avais accepté, mais finalement ça s’est passé ? Comment est-ce qu’on vit justement cette dichotomie-là ?

Pascaline : Bah moi j’ai fait une énorme dissociation, en fait, et c’est ça aussi qui m’a le plus marquée. C’est que je répétais que l’enfant qui était dans mon ventre n’avait pas de lien de sang avec moi, en fait, qu’il était là… Je me sentais un peu comme une mère porteuse, je savais que c’était mon enfant, mais comme s’il était pas attaché à moi, que c’était pas mon enfant biologique que je faisais naitre. Et vraiment je le voyais chez les autres femmes enceintes, je dis oui, c’est leur enfant, c’est leur sang, tout ça, mais moi j’y arrivais pas. J’avais pas cette image. C’était comme un ballon avec un enfant à l’intérieur et qui, voilà, et qui était là, mais c’était pas le mien, j’y arrivais pas du tout. Ce qui m’a un peu aidée là-dessus c’est que mon psychiatre m’a suggéré de lui parler, de discuter avec, mais j’arrivais pas en fait vraiment à rentrer dedans. Et pourtant j’aime faire les choses bien, du coup j’ai commencé à faire de l’accompagnement à la grossesse, j’ai fait des ateliers, j’ai vu ma sage-femme… J’ai essayé d’en discuter, je sentais qu’il y avait quelque chose, mais j’arrivais pas trop à être dedans. Ma gynécologue quand je l’ai rencontrée, j’ai dit, je me suis dit moi je connais mon trouble, je vais lui en parler. Sauf qu’elle m’a… Elle est pas spécialisée donc en fait elle comprenait pas trop pourquoi je lui disais tout ça, pour elle, c’est des antécédents, bah OK, on les note, et puis voilà. Au final j’ai fait ce qu’on appelle une dépression anténatale, c’est à dire une dépression pendant la grossesse. Mais ça, ça n’a été identifié par personne. Moi je l’ai identifié… Alors j’avoue que c’est un autodiagnostic, faut pas le faire ! [rire] C’est pas bien ! Mais je le dis avec le recul en fait parce qu’à l’époque… Je considère être, vivre dans un désert médical, parce qu’en fait mon médecin traitant n’avait aucune notion de tout ce qui est troubles liés à la périnatalité, la gynécologue qui m’a suivie n’en avait quasiment pas, et en fait personne n’a su identifier ce qu’il se passait. On m’a dit soit c’est ton trouble, soit c’est les changements hormonaux, ça va passer. Sauf qu’en fait il y a eu un moment où j’étais en train de prendre un bain et j’ai commencé à dire à mon mari je vais me noyer… Et vraiment je lui disais ça, je vais me noyer, je vais me noyer, il était là non, non, il m’a aidée à sortir de la baignoire. Et ce qu’on fait souvent lui et moi c’est que… On a cette discussion de qu’est-ce qui est réel, qu’est-ce qui est dans ma tête ? Et ça m’aide un peu à revenir à moi, à m’ancrer, on est là en fait, la baignoire elle est là, tu es en sécurité… Et j’y arrivais pas, en fait, je perdais un peu la notion de la réalité. C’était très compliqué. Et du coup j’avais en même temps cette culpabilité de dire, mais j’ai un enfant, en fait, tout ce que je vis, tout ce que je fais, ça va l’impacter ! J’ai accouché aussi dans des conditions particulières parce que j’ai été déclenchée, le déclenchement ça peut être très long. Des fois c’est rapide, des fois c’est très long. J’ai été hospitalisée pour le déclenchement le 22 décembre, j’ai accouché le 27, je suis sortie le 31. Ça fait neuf jours d’hôpital dans une période Covid où il n’y avait que mon mari qui pouvait venir quatre heures par jour. Et sachant en fait, comme j’ai été déclenchée trois semaines plus tôt, j’étais supposée accueillir ma famille chez moi. Donc j’avais ma famille dans ma maison, qui ne pouvait pas me voir, et tous les repas qui étaient dans mon frigo. Donc j’ai pas vu ma famille à ce moment-là, ils sont repartis en fait, j’étais encore à l’hôpital, et j’étais extrêmement seule, en fait. Au début j’étais bien, j’ai dit direct j’ai besoin de voir la psychologue, j’ai besoin d’en discuter… Mais en fait au fur et à mesure mon état se détériorait parce que j’étais extrêmement isolée, je vivais des choses que je comprenais pas, j’arrivais pas à discuter, en fait, à sortir de ma tête, c’était ça dont j’avais besoin, de sortir les mots de ma tête, sortir tous ces trucs qui étaient en train de me travailler. Et ça, ça n’a pas été compris en fait par l’équipe soignante, une sage-femme qui m’a dit non, mais on peut pas faire selon le petit confort de tout le monde, c’est vraiment cette expression de petit confort, sauf que moi en fait je me sentais, je sentais que j’étais en train de décompenser, que ça se passait très mal. Et donc après je suis sortie de l’hôpital, durant mon postpartum, donc toute la période qui est après l’accouchement, j’ai fait bah une dépression postpartum, j’ai fait aussi ce qu’on appelle une psychose puerpérale, c’est quand on a des hallucinations liées à la périnatalité, tout ça c’est des troubles qui relèvent de la périnatalité, mais ça n’a pas été identifié ! Parce que… Pour donner un exemple très simple quand j’ai commencé à dire à mon médecin traitant je pense que je fais une dépression postpartum, il m’a dit non, c’est trop tard, c’est au début de… En fait il confond avec le baby blues, le baby blues c’est dans les douze premiers jours, la dépression postpartum c’est quand il y a une dépression qui s’installe au-delà des douze jours. Et c’est là en fait que ça peut devenir grave, parce que le bébé blues, c’est éphémère, la dépression postpartum ça a besoin d’un traitement, d’un accompagnement. Donc j’ai pas eu d’accompagnement. Et moi je disais, mais je connais mon trouble, en fait, je sais que j’ai des difficultés, donc pourquoi en fait ça m’arrive ? C’est, vraiment… Je connais le truc, en fait, je connais ma voiture, je sais comment elle fonctionne, donc pourquoi là j’ai une panne en fait ? Et ça a été très compliqué de faire entendre ça, parce que j’étais, je vivais dans une petite ville, encore maintenant, je vis dans la même ville, trouver des gens avec qui c’est possible de discuter, de poser ces questions, c’est dur ! Ce qui s’avère aussi que, je sais toujours me faciliter la vie ! J’avais déjà avant, même avant de devenir enceinte, j’avais ce projet de devenir pair aidante, et en fait j’ai été accompagnée par une personne super qui m’a dit je sens que tu es faite pour la pair aidance… Et à six mois de postpartum, alors que ma fille était encore un bébé, j’ai dit je m’inscris, je fais un DU de pair aidance. Allez, on y va ! Quitte à ne plus dormir et à stresser autant que ça soit pour une bonne raison… J’ai commencé à faire mon DU, au départ c’était vraiment sur je veux me reconvertir, je veux avoir quelque chose de stable qui me plait… Mais j’avais quand même cette expérience-là qui était dure pour moi et sur lequel je n’arrivais pas à comprendre. Moi j’estime que comprendre, c’est savoir digérer, en fait, avoir une explication sur ce qu’on a vécu. Des fois on peut pas forcément maitriser ce qui nous arrive, mais si on comprend comment ça fonctionne c’est plus facile à accepter, le fait de dire ah oui, mais en fait, c’est normal. Mon psychiatre m’a fait un truc que je trouve très malin, pour prouver combien il me connait bien, c’est que… Je disais ouais je veux pas faire de rechute, il m’a dit c’est pas une rechute, hein, c’est juste les neurones qui dysfonctionnement ! Ah oui c’est vrai. C’est exactement comme ça que je fonctionne, en fait, c’est ça que j’ai besoin d’entendre, en fait, c’est que c’est pas de ma faute, c’est des choses, vraiment, qui arrivent. Et donc j’arrive dans ce DU qui est dans un hôpital psychiatrique, avec des psychiatres, des pair aidants, des professionnels, des experts… J’avais ce besoin là de poser mes questions, j’avais besoin de comprendre, en fait, de relire ce que j’avais vécu. Et du coup pour ce DU je devais écrire un mémoire, j’ai décidé d’écrire mon mémoire sur la prise en charge des femmes enceintes ayant des troubles psy dans les maternités. Et vraiment ce mémoire je l’ai fait pour moi au départ. Et du coup j’ai rencontré d’autres mamans pour essayer de parler de leur vécu, j’ai rencontré des sages-femmes, des professionnels… Quand j’ai fait mon mémoire j’étais très contente parce que du coup j’ai appris plein de choses, j’ai lu beaucoup de choses et ça m’a aidée à mettre des mots. Et en fait j’ai eu beaucoup de retours d’autres personnes qui disaient ah, mais c’est intéressant, on parle pas de ça, on n’a pas d’information. J’ai eu la possibilité de participer à un événement avec Les mille premiers jours, le projet Pass, du coup un projet européen qui a lancé Les mille premiers jours, et on m’a invitée à présenter mon mémoire de recherche. Et en fait c’est là où j’ai… plein de personnes qui ont commencé à me dire, mais du coup, ça, ça donne ça, on m’a posé plein de questions ! Et moi j’étais, mais c’est évident, ton cerveau, il réagit… Un truc tout bête, mais sur lequel je demande vraiment qu’on fasse attention, les nausées de grossesse. Attention on va parler d’un truc dégueulasse, mais c’est important. Quand on a un traitement régulier qu’on doit prendre tous les jours à la même heure et que si on le prend pas régulièrement il y a des impacts, et bah les nausées de grossesse ça peut être très dangereux ! Ce qu’on appelle l’hyperémèse gravidique c’est quand on a pas mal de nausées, de vomissements, par jour. Ça peut être très grave des fois parce que du coup y’a des grosses pertes de poids, tout ça. Mais là, sur le point du traitement, il peut y avoir des problèmes au niveau de l’assimilation. Et donc ça arrive qu’il y ait des personnes qui soient en décompensation, qui soient en virage, parce que leurs traitements n’ont pas été assimilés. Mais ça, on n’en parle pas ! Et personne n’y pense en fait, moi j’ai encore maintenant des psychiatres, des IPA qui viennent me voir, et quand je leur parle de ça ils disent ah oui, j’y ai jamais pensé ! C’est la base ! En fait, c’est vraiment, c’est… Pourquoi on n’en parle pas, pourquoi on fait pas le lien de A+B, je n’estime pas être extrêmement intelligente, j’ai pas fait des études… Mais c’est quand même logique de se poser cette question-là. Tout le monde ne se posait pas ces questions-là, et tout le monde ne savait pas y répondre, des fois il y avait des personnes qui se posaient des questions… Ah, mais en fait, je savais pas où chercher, je savais pas où aller. Et ce qui m’a touchée à ce moment-là, c’est que je voulais que ça soit accessible. Je me suis dit que les personnes concernées il y en a partout, et tout le monde n’a pas la possibilité de travailler en psychiatrie, tout le monde n’a pas la possibilité de fréquenter des psychiatres, des infirmiers, des aides-soignants, des personnes spécialisées, des experts, en fait. Qu’est-ce qu’on fait au quotidien ? Tout le monde n’a pas cette motivation-là, tout le monde n’a pas cette patience, ou les capacités de le faire. Sauf que ces informations on en a besoin dans le quotidien, il s’agit de notre quotidien, de notre vie de tous les jours. Il s’agit, mais pas seulement du parent, mais aussi de l’enfant ! Donc ça m’a vraiment touchée de rendre ça accessible au grand public. Et du coup c’est pour ça que j’ai décidé de me spécialiser comme pair aidante sur la question de la parentalité et de la périnatalité chez les personnes concernées. Une des premières choses que je dis toujours c’est que je suis pas là pour dire il faut avoir des enfants, parce qu’en fait c’est un choix personnel. Là où je vais travailler un peu plus c’est déjà sur la partie stigmatisation, pourquoi moi j’ai vécu…. Pourquoi en fait on m’a dit que je devais pas avoir d’enfants, essayer de comprendre en fait quel fonctionnement, pourquoi on m’a dit ça, pourquoi j’y ai cru, en fait, sur quoi c’est basé ? Et la stigmatisation, ça a quand même un impact énorme sur nous. On a tendance à dire que la stigmatisation, oui, c’est juste des préjugés à droite à gauche. Mais ça a un effet sur le moral. Et ça a un effet aussi sur le quotidien. Il y a un modèle sur lequel je travaille et que j’ai appelé le syndrome du parent imposteur. Je pars du principe d’un professionnel qui accompagne une personne concernée. Le professionnel va commencer à dire à la personne ah non, mais il faut pas que vous soyez parent, ça va pas bien se passer. La personne concernée elle, elle a un désir. Elle sent qu’elle a envie d’être parent. Mais comme elle se sent plus en confiance, elle se sent jugée, bah du coup elle va plus trop intégrer le professionnel dans ce projet. Et quand l’enfant arrivera bah du coup le parent il va se dire moi il faut que je montre, il faut que je montre au professionnel qu’il a eu tort, il faut que j’arrive à assurer pleinement, il faut que je sois au taquet, enfin, il faut que je sois à fond ! Il va être tenté de ne pas s’écouter pour se prouver davantage, de ne pas écouter ses limites, de ne pas écouter ses fragilités, et surtout de ne pas demander de l’aide. Des fois, on a besoin d’aide. Et être parent, pareil, n’importe quel parent peut avoir besoin d’aide ! Et rien que sur le principe, pendant les six premiers mois de ta vie possiblement tu ne vas pas dormir la nuit, que tu auras des repas froids, que tu ne t’appartiendras plus, tu appartiendras à ton enfant, ce genre de choses, c’est normal d’avoir du mal. Mais comme il y a cette injonction de prouver que non, on est des bons parents on est des bons parents, et ben on va être tentés de ne pas dire qu’on a des difficultés. Et du coup en fait on va avoir le professionnel en face qui lui sait que la parentalité c’est vraiment pas tout rose, qui va dire ah mais là, la personne concernée, elle ose pas demander de l’aide, elle ose pas te dire que elle a du mal… C’est que j’avais raison, en fait, elle gère pas, elle est décompensée, et en fait ça va continuer à nourrir ce préjugé-là. Et donc ça c’est un cercle vicieux. Et c’est ça que j’appelle le syndrome du parent imposteur, c’est vraiment cette tendance qui s’autoalimente à essayer de se prouver, mais c’es un manque, c’est lié à un manque de communication et d’information, ça va des deux côtés. Alors que si on pose les… On posait juste les choses, bah je sais pas si vous êtes prêt, mais c’est votre projet, et moi je suis là pour vous. Vraiment rappeler qu’il s’agit de la vie des personnes, on a le droit de ne pas être d’accord avec tout le monde, mais là décider à la place des autres, c’est infantilisant, c’est déshumanisant. Or c’est pas la vie du soignant, c’est la vie de la personne. Et ça cette différence c’est un peu sensible parce que ah oui, il s’agit d’enfants ! Dès qu’il s’agit d’enfants tout le monde se donne le droit de commenter, en fait, sauf que bah non en fait ! Quand j’ai commencé vraiment à travailler sur ce sujet, j’ai essayé de me rapprocher des programmes de psychoéducation sur la vie affective. Parce que je me suis dit bah ça va ensemble, en fait, ça travaille ensemble. Et alors sur la vie affective, tout le monde est très motivé, c’est génial, c’est très inspirant, ça va vers le rétablissement. Moi j’arrivais OK, on parle avec des enfants, en fait, parce que c’est un peu la suite. Ah non, mais les enfants on n’y touche pas, dès qu’on parle de parentalité et de troubles psys, j’ai des gens qui me disent ah, mais la protection de l’enfance ! Mais dans tous les cas, troubles ou pas troubles, on peut parler de la protection de l’enfance. Mais il y a énormément de préjugés. Quoi qu’on fasse les personnes concernées vont continuer à avoir des enfants. Soit on regarde les choses et on dit ah non, mais c’est pas bien, oui, mais en fait en attendant les personnes elles vont continuer, je vais pas vous dessiner sur comment on fait des enfants, mais voilà, ça va arriver, voulu ou pas. Mais par contre, là où on peut jouer, on peut aider à faire les choses bien.

[Intermède musical]

Pascaline : Donc il faut faire la différence entre le baby blues et la dépression postpartum. Le baby blues c’est une réaction physique en fait, c’est une chute hormonale soudaine qui arrive dans les douze premiers jours, c’est normal, c’est supposé être éphémère, c’est passager, c’est censé arriver dans les deux ou trois premiers jours. Des changements d’humeur soudains, beaucoup de pleurs, de l’irritabilité… Voilà, un peu désordonné, mais c’est passager. Si ça dure au-delà, là il faut commencer à s’inquiéter. Dépression postpartum ça veut dire des idées noires… Ça peut être aussi, quelque chose sur lequel il faut être attentif, on parle de la dépression souriante, c’est qu’on peut avoir quelqu’un de serein, tout va bien, mais en fait à l’intérieur c’est en train de s’effondrer quoi. C’est très compliqué. Et puis il y a quand même une injonction à la maternité, cette phrase qui est un danger au niveau de la santé mentale parentale, les enfants c’est que du bonheur ! Ça, il faut arrêter de le dire ! Non ! La mère qui va se retrouver, moi ! Je me suis dit, et plein d’autres en fait, c’est que, ah, mais les enfants c’est que du bonheur, et pourquoi moi je ressens pas du bonheur, en fait, c’est moi le problème. Et en fait cet enchainement-là, cette culpabilisation, sauf que bah on sait très bien, si tu dors pas la nuit, si tu passes ton temps à nourrir un petit être qui ne fait que pleurer, bah oui, t’as le droit de dire que c’est chiant, en fait, que tu galères sur ce niveau-là. Et il y a beaucoup de difficultés encore à en parler. Donc après il y a eu Les mille premiers jours, donc commencer à lancer le sujet justement, à dire les chiffres actuels sont entre 20 et 30 % des femmes vont faire une dépression postpartum, sauf que les chiffres, ça implique un diagnostic, et qu’il y a beaucoup de moments où c’est pas diagnostiqué. Déjà parce qu’on ne sait pas forcément identifier déjà, les femmes, même les professionnels ne savent pas forcément reconnaitre, il y a beaucoup de professionnels qui identifiant ça comme ah oui, c’est le baby blues. Non. Au-delà de douze jours, ce n’est plus le baby blues. Et c’est quand même persistant, en fait, c’est pas juste un jour… Voilà, c’est que vraiment on sent sur le long terme. On estime qu’il y a un pic au niveau de deux mois, six mois et puis un an, mais ça peut durer au-delà, et puis ça peut se déclencher plus tard, c’est pas seulement dès la naissance, des fois c’est plus tard. Mais on n’en parle de plus en plus, il y a des associations super comme Maman blues qui fait des groupes de parole pour aider justement les mamans à identifier, même en parler, en fait, poser les choses. J’ai assisté à des groupes de parole, parce que j’avais besoin, de Maman blues, et y’a eu des choses… Ah, mais en fait c’est normal de galérer, c’est normal de souffrir, ah, mais en fait je peux demander de l’aide et ça fait pas de moi une mauvaise mère ! L’injonction au niveau de la performance, au niveau de la parentalité elle est tellement dure que du coup au niveau santé mentale bah on se détruit, en fait à ce moment-là. Et y’a un sujet sur lequel ça me touche énormément, c’est que la dernière enquête au niveau de la mortalité maternelle, qui est sortie en mars dernier, a mis le suicide comme première cause de mortalité du début de la grossesse aux un an. Sachant que l’enquête de base s’arrête aux un an, donc en fait on ne sait pas au-delà. C’est quand même la première cause. Ça montre combien l’impact est là/Après l’enquête quand même dit que, y’a quand même un manque de diagnostic, y’a un manque d’accompagnement. Il faut voir que sur la grossesse, il y a des rendez-vous partout, des rendez-vous gynécologues, de sage-femme, de même sophrologie et tout ça, on peut avoir plein de rendez-vous. postpartum qu’est-ce qui est fait ? Quasiment rien. Il y a les entretiens postnatals qui sont proposés justement dans l’optique de dépister la dépression postpartum, sauf qu’en fait beaucoup de sage femmes disent on n’a pas les moyens, on est déjà surchargés, on nous demande de rajouter des rendez-vous, on n’est pas formés, on ne sait pas faire. Donc en fait sur les grandes lignes c’est bien, mais la mise en place n’est pas réaliste. Et c’est quand même extrêmement difficile. Toujours dans le dispositif des Mille premiers jours il y a la possibilité de remplir ce qu’on appelle l’échelle d’Edimburgh qui en fait est un petit autoquestionnaire de dix questions qui aide à évaluer un petit peu est-ce que je vais bien ou pas en ce moment. Et c’est justement pour évaluer le mal être de la maman en postpartum. Donc moi je recommande de pas hésiter à les utiliser dès la grossesse, notamment pour essayer de dépister aussi les dépressions anténatales. Après la psychose puerpérale c’est encore plus compliqué à diagnostiquer, parce qu’en fait… On parle de plus en plus de la dépression postpartum et malheureusement, du coup, on met un peu de côté la psychose puerpérale. La psychose puerpérale elle est quand même là, en fait, et ça peut être très violent. Et si on sait pas que c’est pas normal, si on ne sait pas quoi chercher, on ne saura pas quoi faire en fait. On commence à agir là-dessus, à réaliser, mais depuis le temps en fait qu’il y a des mamans qui essaient de témoigner, de faire bouger les choses, de rattraper des personnes qui sont en train de se détruire à l’intérieur, en fait, seulement maintenant on commence à en entendre parler. C’est pas normal, en fait, mais c’(est comme ça. Le temps de faire bouger toute la société, bah, c’est un peu long.

Mickael : Ta fille va avoir quatre ans bientôt. Est-ce que tu peux nous dire un peu comment ça se passe toi au quotidien, dans ton foyer comme tu disais tout à l’heure, avec ton mari, avec ta fille, comment est-ce que tu te sens aujourd’hui par rapport à cette maternité, est-ce qu’on te fait encore des remarques aujourd’hui, est-ce que toi encore tu peux avoir des appréhensions sur le fait que, tu parlais de parents imposteurs tout à l’heure, sur le fait que peut être qu’un jour ça va avoir des conséquences, etc., finalement, comment est-ce que toi tu vis aujourd’hui tout ce que tu as subi avant ?

Pascaline : Je le vis de mieux en mieux. Il y a un terme qu’on utilise qui s’appelle la matrescence, le mix entre maternité et adolescence, c’est, on a ce changement de corps, ce changement d’habitudes, ce changement de rythme qui fait qu’on va un peu vaciller et petit à petit on va développer de nouvelles compétences. Ce qu’il faut savoir aussi c’est que ça a été prouvé qu’il y a des changements au niveau du cerveau et au niveau corps de la femme, une fois qu’on est passée par une grossesse ou un accouchement on est modifiée, d’une certaine manière, et il faut réapprendre à vivre avec son corps, avec ses capacités, tout ça. Et du coup j’ai mis du temps, mais je le vis de mieux en mieux. Et surtout tout le processus que j’ai fait pour comprendre, pour relire ce qu’il s’était passé, ça m’a aidée. Et en fait quand je suis arrivée justement au niveau de la pair aidance j’ai eu cette réflexion de je veux pas que ma fille si jamais un jour elle se retrouve au même moment que moi, si elle a été coincée comme moi j’ai été coincée, je veux qu’elle sache qu’il y a des moyens de s’en sortir, et pour ça il faut que je trouve des moyens de s’en sortir, il faut que moi je m’en sorte pour que elle ait cette conviction également. Et c’est ça qui m’a lancée notamment dans la pair aidance et puis également ensuite sur la parentalité chez les personnes concernées, parce que je voulais que mon expérience serve à ce que les autres sachant qu’il y a des possibilités. En fait il n’y a pas qu’une seule voie, il y a plein de choses qui sont possibles à mettre en place. J’ai beaucoup de créativité, j’aime bien tester des choses, je suis très curieuse, je suis un peu touche-à-tout, et du coup j’ai construit plein de choses, j’ai commencé à construire des outils un peu pour m’alléger mon quotidien, alors outil, pas Mc Gyver ! Hein quand même ! Mais par exemple au niveau de l’attention je me faisais des listes de choses à penser quand je devais emmener ma fille en balade en fait, j’avais ma liste et je me mettais un magnet sur chaque chose que j’avais pris, j’avais des choses visuelles pour m’aider. J’ai commencé à adapter mon quotidien. Au niveau adaptation, ça encore on n’en parle pas assez des adaptations pour les handicaps psy. Moi je parle de handicap parce que je considère que c’est pas nous qui sommes handicapés c’est la société qui nous handicape, c’est le fait que des choses sont pas adaptées pour nous. On a tendance encore maintenant à ne pas penser aux adaptations pour les handicaps psy, on a besoin comme tout le monde ! Mais chaque fois on dit, mais c’est quoi une adaptation ? Exemple très simple que je sors souvent c’est le casque réducteur de bruit. J’ai une fille qui aime chanter, faux clairement ! Et chanter n’importe quoi, et à n’importe quel moment, mais j’ai envie de la laisser parler tant que c’est pas, ça énerve pas les voisins et que c’est pas non plus suraigu ou quoi que ce soit, j’ai envie de la laisser vivre, d’être elle-même. Sauf que moi ça me fatigue énormément, ça m’impacte. Bah en fait au bout d’un moment, en discutant avec mon mari moi je me rendais compte que je n’arrivais plus à manger à table, je n’étais plus concentrée sur mes repas, justement à cause de ça, tous les soirs après avoir couché ma fille je disais ah, mais j’ai faim, je comprends pas, il me disait, mais t’as rien mangé ! Ah c’est vrai, mais pourquoi j’ai rien mangé ? Et en fait c’était ça, parce qu’il y avait beaucoup de bruit, beaucoup de stimulation. Et j’ai commencé à mettre mon casque réducteur de bruit lors du repas. Et en fait ça me permet d’être là, j’entends ! C’est ça qui est très rigolo. J’entends, et ma fille peut être elle-même, c’est tout simple en fait. Très drôle, d’ailleurs, comme j’ai commencé à mettre ça en place, Noël dernier, repas de famille plein de monde. Je sentais que je commençais à être un peu sur les nerfs, tout ça, et mon homme dit, mais met ton casque, et moi je dis bah non, je vais pas oser… j’ai mis mon casque, tout le monde était un peu perplexe au départ, les gens disaient, mais c’est bizarre… Ma mère qui vient me voir après… Ma mère qui est toujours dans ce milieu où ils ont du mal à parler santé mentale, et qui me dit ah, mais en fait tu vas tellement mieux quand tu mets ton casque ! Et maintenant à chaque fois en fait elle me dit, tu as pensé à ton casque ? C’est inimaginable, elle a réalisé qu’en fait, vraiment, c’était dans mon bienfait, c’était dans mon intérêt de faire ce genre de choses. Et du coup maintenant je le prends comme exemple, c’est un exemple simple qui est bénéfique et relativement facile à faire. Mais ça m’aide vachement. Alors la première fois que je l’ai mis, avec ma fille elle était perplexe parce que je sentais qu’elle comprenait pas trop ce que ça voulait dire, elle était pas très à l’aise, elle aimait pas trop. Et je lui ai fait mettre en fait, elle l’a mis comme ça, je lui ai parlé, comme elle voyait que du coup elle m’entendait et que du coup je l’entendais quand j’avais le casque. Et ça a été tout. C’était pas du tout le sujet, en fait, elle était vraiment pas là-dessus. Des fois les parents ils se prennent vraiment la tête sur ah oui, j’ai peur, je veux pas que mon enfant porte un poids qui ne lui est pas destiné, je veux qu’il reste un enfant… Oui, mais en fait là, on leur dit pas de passer de la guerre ou ce genre de choses, on parle d’une réalité, que la santé mentale ça concerne tout le monde. En fait malgré tout il faut sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge sur la santé mentale. Il y a énormément de choses. On leur fait parler de leurs émotions, très tôt on leur fait parler de leurs émotions. Mais pourquoi on laisse pas les parents parler de leurs émotions à eux ? Un truc que je trouve très intéressant, des fois des parents, des enfants qui disent ah, mais là j’ai pas eu peur, j’ai pas pleuré. Est-ce que les parents disent des fois ah bah tu sais moi ça m’arrive de pleurer, en fait, moi ça m’arrive. Justement ma nièce je lui disais, mais en fait moi ça m’arrive d’avoir peur, ton père aussi ça lui arrive. Et là elle s’est tournée vers son père en disant ah non ! Papa il a pas peur ! et son père dit bah si, ça m’arrive en fait. C’est pas négatif, au contraire c’est positif, c’est montrer que c’est humain d’avoir plein d’émotions, on encourage nos enfants à être différents, à embrasser qui ils sont, à assumer leurs émotions, à avoir cette discussion-là… Pourquoi on le fait pas au niveau des parents, en fait ? Pourquoi on montre pas qu’il ya une diversité au niveau des parents, une diversité des émotions ? Et surtout que quand même, l’éléphant dans la salle, l’injonction au bonheur c’est un énorme problème. On est dans une société où dans les magazines on… dans n’importe quelle librairie, dans tout, même les pratiques de sport, on nous pousse à paraitre heureux sauf que les émotions en fait y’en a plein, et le bonheur c’est une des émotions. Des fois j’entends des personnes qui disent j’arrive pas à être heureux. Mais est-ce que t’as d’autres émotions, c’est OK, t’as le droit de dire, mais il s’agit d’un équilibre. Quelqu’un qui est toujours heureux moi je le crois pas. Moi, c’est pas humain, c’est Ken à la limite, mais c’est pas une personne en fait. C’est normal d’avoir plein d’émotions, et on le dit aux enfants d’avoir plein d’émotions, alors pourquoi on laisse pas les parents avoir plein d’émotions ? Pareil on encourage les enfants à être différents, on parle beaucoup d’inclusivité au niveau des enfants, on a beaucoup de sujets au niveau du harcèlement scolaire, que justement l’inclusivité ça a un rôle au niveau du harcèlement scolaire, alors pourquoi on pousse les parents à être tous les mêmes ? À paraitre tous les mêmes ? Moi ce que j’encourage tout le temps c’est de parler de différence. Il ne faut pas nécessairement parler de diagnostic dès le départ, il faut adapter le discours à l’âge de l’enfant, mais la différence ça on peut en parler très tôt, expliquer que voilà, moi je suis différente, toi tu es différent, le voisin il est différent, grand-mère elle est différente… Plein de sujets, ça, parler de la différence c’est super important, mais quand on parle de la différence on peut amener sur la différence de besoin, que y’en a qui ont besoin de commencer la matinée au calme pour être efficace tout le reste de la journée, il y en a qui ont besoin d’aller courir dehors sous la pluie parce qu’en fait c’est ça qui les aide à fonctionner en fait. Et si on comprend la différence, on va commencer à parler de différence au niveau du mental en fait, accepter qu’on ne fonctionne pas tous de la même manière. Et que c’est OK ! J’ai l’impression de dire des évidences, j’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes, mais y’a encore des problèmes là-dessus, et pourquoi y’a des problèmes alors qu’on n’arrête pas d’en parler ? Voilà, je m’énerve toute seule !

Mickael : Tu nous l’as dit, comme d’autres invités dans ce podcast tu pratiques la pair aidance, est-ce que tu peux nous expliquer concrètement en quoi consistent tes activités ? Tu as un mi-temps en hôpital et un mi-temps libéral, est-ce qu’il y a des différences entre les deux exercices ?

Pascaline : La différence entre les deux déjà c’est que je parle pas je fais pas la même chose en fait. Quand je suis en libéral, je travaille exclusivement sur la question de la parentalité et périnatalité chez les personnes concernées. Donc là je fais de l’accompagnement individuel, je fais des ateliers en ligne, de la prévention, de la sensibilité, de la psychoéducation au niveau des compétences parentale, j’essaie d’accompagner les parents sur comment prendre en compte leur trouble en faisant en sorte que le trouble ne soit pas l’élément central de leur parentalité, mais une partie en fait. Qu’il ne faut pas ignorer les choses, mais s’intégrer autour en fait. Je fais des ateliers sur la fatigue chronique, parce que les enfants, la fatigue ils connaissent pas ! Comment gérer ses crises quand on est parent, ça aussi c’est des difficultés à discuter. J’ai aussi un atelier qui est assez apprécié sur comment parler santé mentale avec son enfant, comment avoir la discussion ? Et puis un atelier information sur tout ce qui est grossesse, postpartum, la prévention de la dépression postpartum, ce genre de choses. Donc ça c’est ce que je fais en libéral. En milieu hospitalier je travaille dans une équipe mobile dédiée aux directives anticipées en psychiatrie. C’est vraiment très différent au niveau fonctionnement parce que déjà… En fait je ne connaissais pas le milieu hospitalier avant et là où je suis en libéral, où j’ai énormément de créativité, où je peux faire les projets comme je le sens, il n’y a pas forcément de cadre, le cadre c’est moi qui le pose en fait. Rien que le milieu hospitalier, le premier jour il manquait un câble, je me suis dit où est le placard, je vais aller le chercher ! Tu souris, toi même tu sais, moi je savais pas ! La secrétaire qui me dit en fait il faut envoyer un bond, quoi, c’est quoi un bond ? Il faut envoyer un bond au service, ça doit passer par le cadre et puis de service en service jusqu’à… Juste pour un câble ! En fait ! Vraiment rien que ça. Ça, là, c’est un petit truc futile, mais tout passe par la hiérarchie, tout doit être validé, on n’est pas une personne, on est un fonctionnement, on est un système. Donc moi je fais de la rédaction dans l’accompagnement des directives anticipées en psychiatrie, mais tout ce que je fais en fait doit… Est… Pas contrôlé, parce qu’au final dans les entretiens je suis avec une binôme infirmière et pour le coup on a toutes les deux des fonctionnements différents, mais c’est ultra complémentaire, on s’entend très bien et je suis ravie de l’avoir, c’est vraiment une personne super, mais elle du coup elle a vraiment le côté médical, infirmier, et moi j’ai le côté pair aidant où je suis un peu plus sur le concret, sur le quotidien, en fait. On a des positionnements différents. Et ça c’est chouette parce que du coup les personnes voient les deux aspects et ça aide justement à avoir des échanges parce qu’on est complémentaires, c’est vraiment utile, en fait il faut arrêter de faire en sorte que tout le monde soit pareil, justement être complémentaire ça aide à la discussion. Donc voilà ce que je fais en milieu hospitalier. Il y a le fait de rendre des comptes, en fait, on parle quand même de santé. La santé c’est pas rien, il peut y avoir des choses qui se passent mal, il peut y avoir des erreurs, ça peut arriver de faire une erreur. Un pâtissier, il fait une erreur, bon voilà, c’est du gâchis, c’est dommage. Moi je fais une erreur, potentiellement ça va mettre quelqu’un en danger, c’est quand même ultra grave ! La problématique quand même actuelle dont je parle de plus en plus c’est que j’ai décidé de travailler en libéral au départ parce qu’il n’y avait pas de poste autour de moi, et moi je voulais travailler, j’étais prête, je voulais travailler donc je me suis mise en libéral parce que c’était le seul moyen pour moi. Mais en libéral ça veut dire que j’ai le statut d’autoentrepreneur, on dit en libéral, mais je ne suis pas infirmière, je ne suis pas psychologue, je n’ai pas ce statut-là. Donc techniquement je ne réponds à personne. Donc s’il se passe un truc, autant pour moi que pour la personne en face, en fait, c’est dans les deux sens, et bien possiblement, il n’y aura rien, sauf peut être la mise en danger de la personne, c’est ultra grave en fait, c’est très dangereux. Et pourtant la pair aidance libérale ça va arriver, il y a de plus en plus de formation, de DU, moi je trouve ça bien, c’est ultra positif, la psychiatrie là elle va changer vraiment, sauf que les postes ne sont pas en train de s’ouvrir, ça va pas sur le même rythme. Et dans mes collègues il y en a de plus en plus qui se tournent en libéral parce qu’ils n’en peuvent plus de l’ambiance hospitalière, que plusieurs ont été très mal reçus, il y a des professionnels qui ont créé des embauches, mais en fait finalement, oui, mais les pair aidants on va les mettre un peu dans le coin, ils sont là pour faire beau, pour faire un peu potiche, mais du coup on est quand même des personnes et donc il y a de plus en plus de personnes qui se tournent vers le libéral. Mais le cadre, en fait, c’est nécessaire, on parle de santé ! Nous on est quand même personnes concernées malgré tout, il faut qu’on se protège, mais il faut qu’on protège les gens. Moi le cadre c’est moi qui me le suis construit, et je le dis, je le donne toujours aux personnes dès le départ, j’explique, j’explique mes formations, j’ai un DU pair aidance de Lyon, j’ai un DU pathologies périnatales de l’université Paris Cité, voilà mes formations, moi je travaille de telle manière, voilà ce que je sais faire, voilà ce que je ne peux pas faire aussi, je ne fais pas de diagnostic, je ne fais pas d’ordonnance, je ne me prononce pas sur les médicaments, des fois j’aide au niveau grossesse pour pouvoir identifier parce que je lutte aussi sur la parenthèse thérapeutique parce que c’est quand même extrêmement dangereux… C’est pas à moi de me prononcer là-dessus et je le dis, en fait, je ne suis pas thérapeute. L’image que j’ai souvent, parce que du coup je commence à donner des cours de pair aidance, c’est que le psychologue et le psychiatre sont dans le cabinet, le pair aidant il est dans la salle d’attente, il est dans le quotidien, il est là sur le concret, il est là pour aider à patienter entre les rendez-vous. Et c’est important aussi d’avoir cette notion-là.

Mickael : Avec ce que tu nous as partagé aujourd’hui, si on devait se mettre dans la peau d’une personne qui a un désir de grossesse et qui vit avec son trouble psy, qu’est-ce que tu aurais voulu toi savoir, avoir à disposition, et que finalement tu pourrais fournir à cette personne aujourd’hui ?

Pascaline : Déjà je pense qu’il faut se dire qu’avoir des fragilités psy c’est pas négatif en tant que parent, ça peut même être une grosse force en fait, ça peut aider nos enfants là-dessus. On a conscience de actuellement de tout ce qu’on peut transmettre à nos enfants, et pas uniquement psy, j’ai de l’asthme, j’ai des yeux très mauvais, j’ai plein de maladies qui courent dans ma famille… Au final le trouble psy je le connais, je sais qu’il y a de l’accompagnement, on a aussi ce, le fait qu’on pourra repérer tôt parce que justement on est sensibilisé à ça, si jamais il y a quoi que ce soit qui se déclenche on pourra réagir parce qu’on connait en fait. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à s’approprier la notion de P : parentalité, il ne faut pas chercher à correspondre aux autres. Il faut d’abord se demander de quoi je suis capable, mais aussi qu’est-ce qui me tient à cœur. Parce qu’au final on ne pourra pas être sur tous les plans, on ne pourra pas tout faire. Il y a des parents pour qui c’est ultra important de faire la cuisine maison, c’est bien, c’est bénéfique ! mais si faire la cuisine maison ça vous mets sur les nerfs et qu’après le repas tout le monde est tendu tout le monde est en train de gueuler, ce n’est dans l’intérêt de personne. Alors si vous faites un fast food de temps en temps, mais au moins vous êtes dans la bonne humeur, vous passez un moment de qualité, il vaut mieux ça ! Je crois que c’est ça qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y aura jamais de décision parfaite, mais s’il y a plus de bénéfices à faire quelque chose, faites-le ! Réfléchissez vraiment, parce que vous prendrez jamais la décision parfaite, il n’y a jamais de risque zéro, il n’y a jamais quelque chose absolument il faut le faire. Je prends l’exemple de l’allaitement qui va toucher beaucoup plus de personnes parce que je pense il y a une grosse discussion autour de l’allaitement au niveau de développement de l’enfant, mais l’allaitement en fait tout le monde ne le vit pas bien ! Il ne faut pas chercher à correspondre aux autres parents, il faut se concentrer sur qu’est-ce que je peux faire, qu’est-ce que j’ai envie de faire, et qu’est-ce que je peux donner à mon enfant ? Parce que les enfants aussi sont tous différents. Et se rappeler que le bien-être de la maman, c’est ça qui va donner le bien-être de l’enfant, surtout sur les premières années. Après, petit à petit, l’enfant va comprendre son fonctionnement et tout ça, mais il y a un intérêt de prendre soin de soi. On culpabilise énormément de ce qu’on vit, de ce qu’on fait, tout ça, mais il y a un intérêt, énormément ! De prendre le temps, d’aller chez le psy, de demander du relai, de faire garder son enfant en fait. Si c’est nécessaire pour le moral de faire garder son enfant, et bien on fait garder un enfant, parce qu’il y a un intérêt que la mère soit bien. Il vaut mieux que la mère soit épanouie, zen, plutôt qu’elle soit stressée toute la journée en se disant c’est dur, j’y arrive pas, et tout ça, enfin non, en fait ! C’est… Il faut s’affranchir de cette injonction, se concentrer sur soi, cherchez pas à être les parents des autres, cherchez juste à être le parent que vous pouvez être.

Mickael : Merci beaucoup, Pascaline, d’avoir partagé avec nous ton expérience et tes activités sur ce sujet important de la maternité. On partage bien entendu dans la description de l’épisode ton compte Instagram et ton podcast qu’on recommande chaleureusement. Merci beaucoup !

Pascaline : Merci à toi !

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