"Il y a des études qui remontent jusqu’à l’année 2005 qui montrent que l’état de santé mentale des étudiants en France est assez négatif, notamment si on regarde les chiffres autour des pensées suicidaires."

SANTE MENTALE DES ETUDIANTS — Début avril 2021, la France a lancé sa toute première campagne nationale de santé mentale. Et pour cause, les demandes de consultations auprès de professionnels de santé mentale ont doublé depuis l’an dernier.

Les derniers chiffres sont inquiétants, particulièrement chez les jeunes. Une étude menée auprès de 800 étudiants a montré que 60% d’entre eux montraient des signes de détresse psychique, un quart des signes de dépression, 40% des signes d’anxiété, et la moitié souffrait de solitude. L’Observatoire de la vie étudiante note par ailleurs un doublement des pensées suicidaires.

Les étudiants sont un groupe particulièrement vulnérable. Ils sont dans une période de transition entre le cocon familial protecteur et les responsabilités de l’âge adulte. La pandémie de coronavirus a mis un coup d’arrêt quasi-total à toute sociabilité, part essentielle de la période estudiantine, durant laquelle le jeune adulte se construit socialement et professionnellement. Le président de l’Université de Strasbourg parle même de « mort sociale des étudiants, bloqués derrière leur écran ». L’étude COVIPREV montre que 40% des Français souhaiteraient disposer d’une ligne d’écoute téléphonique. De tels dispositifs existent, mais ils sont méconnus.

Bonne écoute !
Jeune homme assis en train de téléphoner dans la nuit, illustrant la ligne d'écoute pour les étudiants Nightline. Manon Combe, pour Les Maux Bleus.

Intervenant

Patrick Skehan (@nightlinefrance)

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Mickaël : Bonjour Patrick !

Patrick Skehan : Bonjour, comment ça va ?

Mickaël : Ça va, et toi ?

Patrick : Oui, ça va.

Mickaël : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission consacrée à la santé mentale des étudiants.

Patrick : Avec grand plaisir !

Mickaël : C’est un point qui est très souvent évoqué dans les médias depuis quelques semaines, qui a été révélé finalement par la pandémie de Covid. La santé mentale de manière générale dans la population c’est quelque chose qui est souvent assez flou. On a souvent une image assez négative de ce que pourraient être les troubles psychiques, les personnes qui souffriraient de pathologies mentales. Est-ce que tu pourrais nous donner un peu plus de précisions sur les données que tu as quant à la situation en matière de santé mentale des étudiants en France ?

Patrick : Donc effectivement depuis plusieurs semaines, plusieurs mois maintenant on commence beaucoup à parler de la santé mentale des étudiants. Si la santé mentale des étudiants était en situation de crise en raison de la crise Covid, en fait c’est une situation qui dure depuis beaucoup plus longtemps que ça. Il y a des études qui remontent jusqu’à l’année 2005 qui montrent que l’état de santé mentale des étudiants en France est assez négatif, notamment si on regarde les chiffres autour des pensées suicidaires. C’est à partir de 2017 qu’on voit beaucoup d’études qui commencent à dire la même chose : il y a un niveau d’idéation suicidaire plus important chez les étudiants que dans la population générale, qui souffre de problèmes de dépression aussi. Et ce n’est pas un phénomène très étonnant vu que c’est la même chose qui se passe dans d’autres pays avec la population étudiante. La différence c’est que la prise en compte de cette crise se passe seulement maintenant en France ; la différence se trouve aussi dans la réponse.

Mickaël : Justement au niveau de la réponse qui est apportée en France grâce à cette détresse psychologique des étudiantes, dont tu dis qu’elle n’est pas forcément récente et qu’elle date quand même de plusieurs années, elle représente quoi en fait cette réponse aujourd’hui ? Elle consiste en quoi ?

Patrick : ça commence à se construire, peut-être. Il y a des services de santé universitaire et des bureaux d’aide psychologique universitaires qui existent depuis des décennies, mais ça ne veut pas dire que ces structures sont suffisamment bien dotées pour prendre en charge les étudiants qui sont en souffrance psychologique. En fait Nightline avait même mené une étude à ce sujet qui a montré qu’en France on a dans les services de santé universitaire un psychologue pour 30 000 étudiants quand les recommandations internationales sont d’un psychologue pour 1000) à 1500 étudiants, et que la moyenne des autres pays recensés, parce qu’on ne voulait pas quand même juste avoir un élément de recommandation internationale, mais quelque chose de réaliste, c’est un psychologue pour 3800 étudiants. Donc on était vraiment très loin de ça avant la crise sanitaire. Là, les choses commencent à se mettre doucement en place. Il y a eu l’annonce du gouvernement en décembre de 80 psychologues de plus, sur des postes non pérennes, et aussi l’annonce du chèque santé psy. Ce sont des débuts, mais je pense que pendant les prochains mois le gouvernement sera jugé sur s’ils apportent une réponse pérenne et concrète à ce problème ou s’ils continuent à agir comme si c’était quelque chose de lié à la crise sanitaire.

Mickaël : Cette situation qui dure depuis longtemps, est-ce que selon toi elle s’est vraiment aggravée avec la crise du Covid ou est-ce qu’on a uniquement révélé quelque chose qui était déjà sous-jacent et qui était déjà très fort à la base ?

Patrick : Ben… Je pense que la crise était plutôt là pour accentuer le problème, mais vu qu’on était déjà à bord de plusieurs situations qui étaient vraiment très compliquées… Le fait que ce soit accentué par la crise c’est pour ça qu’on commence à s’en rendre compte maintenant. Il y a eu quand même plusieurs suicides sur le territoire, chez des étudiants, plusieurs situations vraiment très dramatiques. Et c’est ce qu’on voit aussi à travers le service d’écoute, c’est ce qu’on avait vu pendant la première année suite à la crise Covid. Il y avait des gens avec des problèmes, des problèmes de famille, suite à la solitude, des problèmes d’études… Le Covid n’était pas forcément le sujet, mais il a tout empiré. Et du coup la crise de santé mentale étudiante, c’est la même chose, c’est quelque chose qui existait avant, ça s’est empiré avec la crise sanitaire et tout le monde s’est rendu compte que ça existe. L’important c’est que les gens se rendent compte que ça existait avant, ça va exister après. Il faut maintenant commencer à apporter des réponses structurelles.

Mickaël : Tu as parlé de Nightline, qui est une ligne d’écoute destinée aux étudiants qui intervient en soirée et dont tu es le directeur général. Est-ce que tu peux nous retracer un peu l’histoire de Nightline ?

Patrick : Il faut savoir que Nightline existe depuis maintenant 50 ans dans les pays anglo-saxons. La première Nightline a été lancée à Essex, une ville en Angleterre en 1970. Et puis de façon vraiment très naturelle, ça s’est répandu sur l’ensemble du territoire britannique, sur plusieurs villes étudiantes en Irlande et partout dans le monde. Aujourd’hui il y a environ 35 Nightline en Grande-Bretagne et en Irlande, une vingtaine en Allemagne, il y a en Autriche, en suisse, au canada, aux US… Comment c’est arrivé en France c’est que j’ai fait une année Erasmus en 2013, ça remonte un peu, et j’avais une amie à l’époque qui a fait une tentative de suicide. C’est quelque chose qui était assez choquant pour moi, même si j’avais été bénévole à Nightline à Dublin, quand elle m’avait parlé de son expérience notamment de la prise en charge, j’étais horrifié. La prise en charge était tellement mauvaise ! Elle a été amenée à l’hôpital, qu’elle a fui pour terminer sa tentative de suicide. C’est un taximan russe qui l’avait convaincue de ne pas la faire. Et je me suis dit à l’époque si la prise en charge dans un hôpital pour une étudiante qui est tellement en souffrance qu’elle fait une tentative de suicide… Si la prise en charge est comme ça, c’est comment dans les établissements, c’est quoi la réponse ? Du coup j’ai commencé à interroger autour de moi, il y avait beaucoup de personnes qui m’expliquaient pourquoi les gens se suicidaient, qu’il y avait beaucoup de pressions notamment grâce aux concours, qu’il y avait parfois le stress qui était lié aux familles. Mais on ne parlait pas de solutions ou d’actions pour prévenir tout ça. Et c’est resté avec moi et vu que j’avais été bénévole à la Nightline de Dublin je me suis dit que ça pourrait être une bonne idée de mettre ça en place ici. J’ai dû quand même terminer mes études en Irlande d’abord, et j’ai repris mes études quelques années plus tard à l’ENS. C’est là que j’ai parlé de cette initiative étrangère et trouvé un premier soutien. Depuis ça a pris de l’ampleur, on a des antennes maintenant à Paris, à Lille, à Lyon, à Saclay et le mois prochain à Toulouse. Et puis on lance des actions qui vont plus loin que simplement le service d’écoute pour répondre aux différents besoins des étudiants et apporter un peu plus d’information sur les faiblesses du système actuel, notamment avec l’objectif de ramener plus d’investissement dans les structures professionnelles, car c’est là qu’il faut de l’argent.

Mickaël : Tu as parlé du service d’écoute que Nightline propose. Concrètement ça se passe comment ? Comment on fait pour prendre contact avec Nightline, est-ce qu’il y a plusieurs canaux différents ? Il se passe quoi, on est en contact avec qui et quel soutien est apporté ?

Patrick : Donc c’est un service d’écoute qui est disponible entre 21 h et 2 h 30 du matin, tous les soirs de la semaine, en anglais et en français. En anglais on est quand même fermés deux soirs par semaine le mardi et le mercredi si je me souviens bien parce qu’on n’a pas suffisamment de bénévoles anglophones. On peut nous contacter par téléphone ou par chat, notamment dans les billes que j’ai mentionnées, et on va être mis en contact avec un bénévole étudiant formé à l’écoute active. L’idée derrière Nightline c’est la possibilité de parler avec un pair, quelqu’un qui est peut être plus à même de comprendre ce qu’on est en train de vivre. La deuxième chose qui est très importante c’est qu’il n’y a pas de mauvaise raison de nous appeler. Ce qu’on disait souvent quand on faisait des amphis de rentrée et que c’était possible c’est que si tu es en train de rentrer du cinéma le soir et que tu veux parler d’un film avec nous, tu peux nous appeler et on va être contents d’en parler. Il n’y a vraiment pas de mauvaise raison de nous contacter. Et ça, c’est essentiel pour permettre aux gens d’avoir une première discussion dans un cadre qui est anonyme, confidentiel, sans jugement et non directif, ce qui permet aux gens d’explorer ce qu’ils sont en train de vivre, ce qu’ils sont en train de ressentir, et éventuellement d’explorer les options possibles, tout en sachant qu’on ne va pas donner de conseils parce qu’on n’est pas des professionnels. On apporte une écoute, une écoute qui peut vraiment apporter pas mal quand on a l’opportunité d’explorer notre problématique avec quelqu’un. Et si on a besoin d’informations, on peut aussi en apporter, notamment sur des soutiens professionnels qui existent.

Mickaël : Parmi les étudiants qui s’appellent Nightline, est-ce qu’il y a un profil type ?

Patrick : Non ! C’est quelque chose qui est très important à savoir c’est que cette crise de santé mentale étudiante touche l’ensemble de la population étudiante. On a tendance à focaliser sur des groupes spécifiques, comme les étudiants en santé ou les étudiants internationaux, qui ont bien sûr des problématiques spécifiques qui méritent une attention particulière, mais c’est vraiment… et c’est ce qu’on voit à travers le service d’écoute, des étudiants dans toute filière, de toute année, de toute classe sociale qui sont affectés par des problématiques de santé mentale. Et du coup il faut que la réponse qui est apportée soit apportée pour l’ensemble de ces étudiants, à l’université ou pas, dans n’importe quelle filière. Et c’est par la suite qu’on va pouvoir apporter une attention particulière aux étudiants qui ont des problématiques spécifiques.

Mickaël : Et au niveau des situations qui sont rapportées par les personnes qui vous appellent, est-ce qu’il y a des choses récurrentes ou fréquentes ?

Patrick : Oui ! Du coup les thèmes les plus importants qu’on voit sont les problèmes relationnels, donc tout ce qui est problème avec des amis, des copains, des copines. Le stress lié aux études, la solitude aussi. Ce sont vraiment trois thématiques très importantes parmi les appels. Et il faut aussi savoir que le suicide est quelque chose qui est évoqué ces deux dernières années dans environ 10 % des contacts. C’est une chose très inquiétante, mais malheureusement pas très étonnante vu les chiffres au niveau national, les chiffres au niveau national montrent que ce sont environ entre 8 % et 10 % des étudiants qui en ont.

Mickaël : Comment tu expliques cette prédisposition des étudiants à avoir ce type de problèmes de santé mentale plus que d’autres types de population ?

Patrick : je pense qu’être étudiant c’est être à un moment de transition dans sa vie. On est en train de passer de l’adolescence souvent au sein du cocon familial et de partir dans le monde réel, dans un certain sens, avec tous les problèmes qui viennent avec : le loyer, se nourrir, ce qui n’est pas facile vu ce qu’on est en train de voir en ce moment, les premières relations, les études, devoir décider ce qu’on veut faire de sa vie. Ce sont beaucoup de problèmes qu’on doit vivre d’un coup, qui ne sont pas forcément faciles à gérer pour certains. Et je pense que c’est en raison de cette période de transition que les étudiants peuvent être une population qui a des pensées suicidaires ou des niveaux de dépression plus importants que la majorité. C’est aussi pour ça que ça mérite une attention particulière parce que ce sont aussi les personnes qui vont devenir des adultes, qui vont devenir des travailleurs, des personnes dans la société par la suite. Si on apporte des compétences à ce moment-là, elles vont rester tout au long de la vie. Donc c’est le bon moment pour apporter un accompagnement spécifique, un accompagnement rapproché, quelque chose qui n’existe pas suffisamment en ce moment.

Mickaël : Donc ce sont des choses qui n’existent pas, qui ne sont pas forcément proposées par le secteur public, les institutions publiques… Mais est-ce que ces institutions ont quand même tenté de nouer des partenariats avec des lignes d’écoute comme Nightline ? Est-ce qu’il y a des collaborations qui se nouent entre les associations comme celle que tu diriges et les structures publiques type Crous, université, etc. ?

Patrick : Oui, oui. Nightline existe grâce aux universités, grâce aux écoles, grâce au Crous, aux agences régionales de santé… On a vraiment un soutien de tous les bords. Et puis c’est important de savoir que Nightline se place en tant qu’acteur dans un système. On apporte une réponse très spécifique, qui permet de toucher les étudiants souvent au plus tôt, au moment le plus tôt de leur détresse, ce qui est quelque chose qui a de la valeur. Mais notre travail peut seulement se faire si les autres structures sont bien en place. Et c’est la difficulté que beaucoup de structures voient en ce moment, depuis des années, des décennies, il y a des fils d’attente énormes, il y a tellement peu de moyens qu’ils ne peuvent pas forcément répondre aux besoins de tous les étudiants. Ce sont des structures pleines de personnes qui font un travail vraiment incroyable, mais ils ne reçoivent pas le soutien qu’il leur faut, et c’est très embêtant pour nous ! Quand on a des étudiants qui ont besoin d’une orientation vers ce type de services et quand on sait qu’on envoie les étudiants vers des services qui sans aucune faute ont des listes d’attente de plusieurs mois, qu’est-ce qu’il se passe pour l’étudiant derrière ? Quand on a des services comme le nôtre qui ramènent plus d’étudiants en difficulté à se présenter, à parler de leurs difficultés, quand on est en train d’encourager ça, derrière ne pas avoir les services pour les prendre en charge… Il y a un problème !

Mickaël : Tu évoques ce problème des listes d’attentes, des services surchargés… En France on sait qu’on a environ 50 000 psychologues qui sont formés justement à l’écoute et la prise en charge de la santé mentale. Mais le problème qui se pose c’est celui de l’accessibilité à cette prise en charge. Tu évoquais tout à l’heure la création du chèque psy à destination des étudiants qui propose de prendre en charge il me semble sur ordonnance médicale trois consultations chez un psychologue certifié dans le programme, éventuellement renouvelable une seule fois. Est-ce que tu penses que cette initiative est suffisante ?

Patrick : Je pense que c’est une bonne initiative dans le sens où c’est une réponse à la crise qu’on est en train de vivre, mais ça ne suffit pas. Et je pense de plus que si les structures en place existent déjà, donc les services de santé universitaire, les CMP, les BAPU, étaient suffisamment bien dotés avant la crise on n’aurait pas eu besoin de créer ce chèque santé psy. On aurait pu faire comme les autres pays européens et autres qui ont décidé simplement de renforcer les services existants. Là ce n’était pas possible, car comment renforcer un service qui n’existe pas, dans certains cas, ou existe très peu ? Dans un service universitaire avec peut-être un ETP de psychologue, on ne va pas avoir une stratégie locale de santé mentale étudiante très développée. C’est difficile de développer ça pendant une crise, quand tout est en distanciel. Le chèque santé psy, c’est une réponse d’urgence. Et c’est bien d’avoir une réponse, mais comme j’ai tout à l’heure l’important maintenant c’est de voir si on va avoir une solution pérenne, une réponse pérenne. SI c’est le cas, je pense que c’est quelque chose qui va peut-être être fait, là on peut espérer des jours meilleurs pour les étudiants qui passent par l’enseignement supérieur et les structures qui les accompagnent ; si ce n’est pas le cas, je pense que ça va être encore très difficile pour les étudiants pendant les années à venir. À certains moments on aura d’autres crises comme ça et on se demandera pourquoi on n’a rien fait quand on a vu que le système ne fonctionnait pas.

Mickaël : Nightline est présente dans plusieurs villes en France avec l’ouverture bientôt d’un nouveau centre à Toulouse. Quels sont les autres projets ?

Patrick : Au-delà du service d’écoute, on mène plusieurs autres projets. Un des projets principaux c’est faciliter l’accès des étudiants aux services de soutien psychologique existants. C’est quelque chose qui émerge d’un problème très concret, qui est qu’il fallait que nous on fasse le travail d’orientation, les bénévoles, et on voyait clairement que les étudiants étaient perdus parmi tous ces acteurs. Si je suis étudiant à Paris 3 je peux aller au service de santé universitaire de Paris 3, mais si je fais une recherche en ligne je vais tomber sur tous les autres services de santé universitaires, ça va être difficile de comprendre auquel j’ai accès. Je peux accéder çà un BAPU, à un CMP, mais seulement dans mon quartier, aux services de la ville de paris avec l’association Apaso, au chèque santé psy… Pour un étudiant qui est en difficulté, c’est difficile de prendre le temps de se repérer et trouver le bon soutien. On voulait dans un premier temps créer un annuaire qui rendrait ça évident, l’étudiant met son établissement, son adresse et voit une liste par la suite des structures les plus pertinentes pour sa prise en charge, souvent les structures de l’université en premier lieu et les autres en fonction de la distance et de leur spécificité à la population étudiante. Ce projet a débuté en janvier de l’année dernière et la crise sanitaire nous est tombés dessus tout de suite après. On a temporairement réorienté le projet pour repérer les changements dans les modalités d’accès aux services existants. On savait qu’avec la crise du Covid beaucoup allaient passer en visio. Donc on avait fini par créer des listes utiles pour les professionnels et pour les étudiants par la suite. Les ministères nous ont demandé de faire ce travail pour l’ensemble du territoire, ce qui a mené à un site qui s’appelle soutien-étudiant.info qui recense dans chaque académie l’ensemble des soutiens disponibles ainsi que les lignes d’écoute et des tips pour les étudiants en difficulté. Ce volet orientation on est en train de le développer, et cet annuaire. On va se lancer dans les prochains mois pour la région parisienne et puis bientôt sur les autres régions du territoire, dans l’espoir que ce soit une version pérenne du soutien étudiant. On mène aussi des projets en communication pour déstigmatiser la santé mentale auprès des étudiants. On est très actifs sur Instagram notamment où on publie des contenus pour déstigmatiser la démarche d’aide. Et on avait lancé une campagne autour de soutiens étudiants à la fin de la dernière année civile, en lien avec plusieurs influenceurs, car on s’est dit que c’était très bien de faire du contenu pour des personnes déjà sensibilisées pour des personnes déjà sensibilisées au sujet de la santé mentale, mais que notre cible était vraiment le grand public, les jeunes qui n’en savent rien, car comme tu l’as dit ce n’est pas forcément un sujet… c’est un sujet récent de société. Cette campagne a touché deux millions de jeunes sur le territoire, entre 18 et 24 ans, c’est le genre de choses qu’on espère continuer sur les années à venir, en lien avec des experts qui peuvent aussi fournir leur expertise, mais dans des formats qui ont peut être plus convenables pour la population étudiante. On a d’autres projets comme la prévention des suicides dans les classes préparatoires, où les suicides sont vraiment très importants. Et puis on va bientôt augmenter notre présence physique sur les campus universitaires si c’est possible, avec des groupes de services civiques qui vont mener des actions auprès des étudiants qui ne sont pas forcément intéressés par les questions autour de la santé mentale encore une fois, pour leur apprendre ce que c’est et leur apprendre que c’est OK de demander de l’aide s’il le faut. Et on continue notre travail sur les actions d’accompagnement par les pairs en développant notamment une formation et un cadre éthique pour que les étudiants qui sont confrontés à des étudiants en difficulté, par exemple dans les BDE et les associations étudiantes, puissent avoir un cadre pour savoir comment répondre à ces étudiants-là. Ce sont tous les projets en cours en ce moment, donc c’est une période vraiment de… de croissance pour l’association, d’augmentation de nos activités pour essayer de toucher un maximum de personnes toujours dans le domaine de la prévention.

Mickaël : Tu as parlé de ces deux axes prioritaires pour Nightline qui sont la déstigmatisation et la prévention. Est-ce que tu penses que les pouvoirs publics peuvent s’engager aussi dans cette voie, à leur façon et avec leurs propres moyens, à plus grande échelle ? Est-ce que tu penses que c’est quelque chose qui va arriver prochainement ?

Patrick : C’est une bonne question. Je ne sais pas si les campagnes de prévention faites par le gouvernement ou les pouvoirs publics sont forcément bien reçues de la part du public. C’est quelque chose qu’on a vu avec soutien étudiant, où certaines personnes en ligne ont pensé que c’était une initiative du gouvernement, du fait qu’on avait leur logo sur notre site du fait de leur soutien. Et du coup ça a été fortement attaqué juste par un certain groupe de personnes à cette époque-là. Et une fois qu’on a bien expliqué que c’était une initiative étudiante avec des professionnels, les gens étaient plus rassurés. Donc je pense qu’il y a quelque chose là-dedans d’assez intéressant, et que peut être ce sont les associations, surtout les associations qui impliquent les personnes qu’on veut cibler, qui sont mieux placées pour… pour faire passer un message qui va être mieux reçu par le public cible, et aussi construire le message. Parce qu’il y a une différence entre une construction par un groupe d’étudiants et une équipe qui travaille étroitement avec et par les services du pouvoir public. Donc je pense que ça va être intéressant pour les pouvoirs publics de soutenir plus ce type d’initiatives, et pourquoi pas en lancer certaines, mais il faut voir comment c’est reçu.

Mickaël : beaucoup de jeunes ont dans leur entourage des amis qui ont une situation qui s’est dégradée au cours des derniers mois, parce qu’ils ont perdu leur petit job, parce qu’ils supportent mal l’isolement des cours à distance ou pour mille autres raisons. Qu’est-ce qui est pour toi les caractéristiques d’un bon écoutant ? Ça peut être difficile d’avoir un ami qui va très mal et de ne pas savoir comment l’écouter sans juger, en étant bienveillant. Les étudiants de Nightline écoutent de quelle manière ?

Patrick : C’est une bonne question. Je pense que c’est donner assez peu son avis et très peu ses solutions. C’est quelque chose qui est très difficile pour les candidats d’apprendre à écouter à la façon Nightline, à la façon on dit active en fait. Nous on dit active, ça veut dire qu’on ne donne jamais notre avis, notre ressenti ou nos opinions sur cette situation. Pourquoi on procède comme ça ? Ça donne une liberté à la personne qu’on a rarement face à nos proches. C’est une réponse assez naturelle, je pense, quand on a un ami qui vient vers nous de vouloir trouver une solution tout de suite parce qu’on veut que la personne aille mieux, ce qui est tout à fait compréhensible. Sauf que sans explorer en détail la situation et les émotions de la personne c’est difficile de proposer des solutions qui sont pertinentes. Parfois il n’y a pas de solution à une situation. Je pense que la situation dans laquelle on se retrouve là avec la crise Covid qui pèse sur énormément de gens, c’est un bon exemple. Est-ce qu’il y a une solution à proposer à des gens qui sont affectés par ça ou est-ce que c’est simplement quelque chose qui est à supporter pendant un certain temps ? Et quad on parle de cette difficulté à d’autres personnes, est-ce qu’on veut une solution ou est-ce qu’on veut être écouté ? Parce que s’exprimer quand on va mal c’est aussi une forme de décharge, c’est un moyen de se libérer de ce problème pendant un certain temps, et c’est ça que l’écoute peut apporter concrètement.

Mickaël : Merci beaucoup, Patrick, pour ces informations sur la ligne d’écoute Nightline et la situation de la santé mentale des étudiants en France aujourd’hui. Il y a une question que je me pose et qui sera une conclusion, je pense positive c’est au final comment on peut contribuer à aider Nightline ?

Patrick : Pour les étudiants, il y a la possibilité de devenir bénévole chez nous, surtout dans les nouvelles villes où on cherche pas mal de candidats pour devenir écoutants et pour aider les autres étudiants. Donc c’est possible de candidater à travers notre site Nightline.fr. Pour des personnes non étudiantes, il y a la possibilité de faire des dons aussi à travers ce site web. Mais je pense que ce qui pourrait être utile c’est de rappeler aux pouvoirs publics l’importance du sujet de la santé mentale, de la santé mentale étudiante plus particulièrement, et de rappeler aussi que c’est une chose sur laquelle on attend des réponses pérennes et pas seulement des réponses de crise, parce que c’est quelque chose qui a été révélé comme problématique pendant la crise sanitaire, mais qui ne va pas disparaître après. Ça c’est un moyen concret de nous aider, à la fois notre structure, mais l’ensemble des structures qui répondent aux besoins des étudiants en détresse psychologique.

Mickaël : Merci Patrick.

Patrick : Merci à toi.

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