"Je crois que quelle que soit la forme d’art finalement, écrire, peindre, raconter des histoires, faire des films ; dans le fond, c’est toujours une manière de réparer quelque chose. Quelle qu’elle soit"

ARTISTES— Le 9 janvier 2022, Stromae nous faisait part de ses idées suicidaires en chantant L’Enfer au journal télévisé de TF1, le plus écouté de France. Depuis, des sportifs et des artistes ont commencé à parler de leurs troubles de santé psychiques et à s’engager dans cette vague de sensibilisation.

Engagée depuis cette année pour cette cause, avec notamment sa participation au Psychodon, la chanteuse Marie-Flore nous fait le plaisir de venir parler dans cette émission. Elle nous livre son point de vue sur la santé mentale dans le milieu artistique et sur l’impact des réseaux sociaux. Ecrire est pour elle une façon de dire la souffrance, comme l’explique le titre de son dernier album Je sais pas si ça va.

Bonne écoute !
Manon Combe, pour Les Maux Bleus, un podcast sur la santé mentale

Intervenant

Marie-Flore

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Mickael : Bonjour Marie-Flore.

Marie-Flore : Hello !

Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cet épisode. Tu as participé récemment au concert du Psychodon. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu qu’est-ce qui a déterminé ton engagement pour la santé mentale ?

Marie-Flore : Écoute c’est vrai qu’on m’a écrit et c’est vrai que je trouvais pas trop d’endroit en fait d’expression, en France, et plus globalement sur le terrain surtout artistique pour parler de ces questions-là. Je connaissais pas ce, voilà, ce concept, et du coup ça m’a vachement touchée et je me suis dit que j’allais participer parce que c’est des questions qui me touchent, et auxquelles je pense. Voilà, c’est important d’apporter quelques réponses.

Mickael : Est-ce que tu penses que la santé mentale et plus particulièrement les troubles psychiques sont un tabou dans le milieu de la musique ?

Marie-Flore : Euh, bah je dirais que c’est vrai que le monde de la musique c’est un monde aussi d’apparence et d’images. En tout cas je parle de mon point de vue qui est le point de vue artiste, et donc il est difficile parfois effectivement quand ça va pas très bien d’en faire part, en fait, parce qu’on avance souvent, voilà, avec des masques en fait parce que voilà, on a des obligations professionnelles. Oui, je crois que c’est pas, enfin ça a jamais été très à la mode de dire qu’on allait pas bien ou que les périodes qu’on traverse c’est dur, d’autant plus que quand tu fais un métier artistique comme ça, quand tu es sur la route, tu rencontres des gens, etc., il y a souvent ce, ce gouffre je dirais entre l’image qu’ont les gens et la projection qu’ils ont de ce métier et ce que c’est en fait réellement, ce que ça demande en termes d’énergie, émotionnellement, parfois ça peut être vidant, et puis c’est toujours très confrontant aussi. Donc oui c’est vrai que c’est quelque chose dont les gens parlent peu, voilà, je crois, même entre artistes parfois ça nous arrive d’en parler, mais la parole n’est pas non plus super libérée.

Mickael : En début d’année 2020, Stromae a sorti un single justement sur ses idées suicidaires, il s’était mis en retrait pendant quelques années… Est-ce que tu penses que cette sortie de Stromae a pu contribuer aussi à une certaine libération de la parole soit chez les artistes soit dans le public ?

Marie-Flore : Beh je pense que ça a été super qu’il fasse ça, quoi, parce que c’est… C (« est vrai qu’il est tellement reconnu, tellement écouté, c’est sur c’est une parole, une parole importante. Aussi parce que ça fixe l’idée que ça peut arriver absolument à tout le monde, quel que soit le stade dans lequel t’es de notoriété, voilà, ta place dans la société. Donc c’est important, quoi, de parler de tout ça ouais.

Mickael : Est-ce que selon toi l’engagement des personnes qui ont une certaine notoriété, notamment les artistes que ce soient des musiciens, des comédiens, peut jouer un rôle comme justement comme ce que tu viens de dire pour Stromae, est-ce que ça a selon toi une certaine utilité ou est-ce que ça peut passer un peu finalement au-dessus du reste ?

Marie-Flore : Euh non, mais en fait je pense surtout vu la période qu’on vient de passer, donc ces deux ans de Covid et tout, on sait qu’il y a eu quand même beaucoup beaucoup beaucoup de problèmes psychiques qui ont été mis à jour, voilà, chez des gens qui étaient un peu fragilisés de base, et puis voilà cette période de confinements et tout a favorisé le développement de certains troubles chez beaucoup de gens en France, et je pense que du coup, non, c’est important, enfin c’est un sujet d’actualité, et je pense que ça peut réellement aider les gens, c’est comme, je veux dire, on parle de ce sujet, mais c’est comme tous les autres sujets qui sont problématiques, je pense que chaque prise de parole peut être aidante, et il n’y a rien qui est inutile, parce qu’on sait pas tu vois qui va tomber sur quelle phrase à quel moment, peut être à un moment où ça va être ultra utile pour lui ou elle, donc non, voilà, je pense que ça a une certaine utilité. Après je ne crois pas non plus que ce soit une formule magique, voilà on arrive avec une baguette, on dit une phrase et tout de suite je me sens mieux, tu vois, c’est pas comme ça que ça fonctionne la psychologie, mais, mais en tout cas ça peut permettre de se sentir un petit peu moins seul.

Mickael : Dans une interview récente et aussi tout à l’heure tu as dit que c’étaient des sujets qui te touchaient aussi personnellement. Est-ce que tu acceptes de nous en dire un peu plus ?

Marie-Flore : Bah disons que moi c’est vrai que ça fait, je dirais très longtemps ! depuis ma vingtaine d’années en fait, depuis le moment où j’ai décidé de faire de la musique, que j’ai beaucoup de… Comment dire, d’anxiété. Mais à des points vraiment très très handicapants. Et c’est assez difficile en fait parce que je crois que, c’est terrible à dire, mais finalement quand on a ces troubles-là on ne peut être compris que par des gens qui soit sont des professionnels soit sont concernés en fait. C’est vrai que ces des troubles qui sont tellement irrationnels que c’est très difficile justement de partager, voilà, avec les personnes qui partagent ta vie, tes amis, tes amoureux, etc. Et c’est vrai, enfin pour moi en tout cas, en plus dans ce métier-là qui est quand même, enfin c’est un petit peu les montagnes russes donc ça ne favorise pas forcément une stabilité mentale exceptionnelle je dirais, parce qu’on est toujours mis un peu à l’épreuve, etc. donc c’est vraiment un combat entre guillemets que je mène, même si maintenant je le vois moins comme un combat, mais j’essaie en fait de tout simplement accepter l’état en fait permanent dans lequel je suis. Et d’ailleurs, enfin, ça m’aide aussi beaucoup à, voilà, passer au-dessus quand j’ai des crises.

Mickael : Et au-delà justement d’accepter ces crises et cet état d’anxiété, est-ce qu’il y a des choses qui, qui te permettent de gérer cet état, de te sentir mieux ?

Marie-Flore : Bah pfff… J’ai pas trop la solution ! [rires] ouais ! J’ai pas trop la solution, je sais que je… ce qui me calme le plus je dirais c’est certainement la présence de quelqu’un auprès de moi, les exercices qu’on apprend au fur à mesure pour redescendre un peu, et voilà, mais y’a pas, euh, j’ai pas l’impression qu’il y ait réellement de solution, quoi, c’est très… Très aléatoire, après avec les années c’est vrai que bon ben, t’arrives de mieux en mieux à gérer, à gérer ces questions-là parce que les signes physiques, tu sens en fait quand ça arrive très très vite, et du coup bah tu mets en place des mécanismes qui font que tu arrives à stopper l’angoisse qui monte, qui monte, qui monte… Mais parfois, état de fatigue, voilà, trop de gens, trop de machins, et voilà ça part sans que tu le calcules quoi, et… J’entends souvent des gens me dire ah ouais, je suis quelqu’un d’angoissé, et dans ma tête souvent je me dis si vous saviez, quoi ! Enfin l’angoisse c’est pas être stressé parce qu’on a un meeting, un rendez-vous, machin, l’angoisse c’est, c’est quelque chose voilà qui te ronge de l’intérieur, qui est présent tout le temps, qui fait que tu es dans une ultra vigilance de tout, et qui quelque part pourri vraiment la vie, même si ce n’est pas… Il y a différents stades, etc., et il y a différentes pathologies bien entendu plus graves que ça, enfin l’état d’angoisse est quelque chose de très handicapant je trouve, quoi, et moi je me rends de plus en plus compte, plus j’avance sur cette question justement et j’essaie voilà de m’améliorer, de m’en sortir un peu, plus je me rends compte voilà dans ma vie à quel point ça m’a bloquée, quoi, sur mille choses.

Mickael : Depuis quelques années il y a des pratiques qui se développent comme l’art thérapie, la musicothérapie… Est-ce que tu penses justement que l’expression artistique peut être un moyen pour certaines personnes d’extérioriser certaines souffrances ?

Marie-Flore : Euh… Je crois, ouais. Et je crois que c’est le but en fait, en tout cas je parle en mon nom, mais c’est vrai que faire de la musique, moi j’ai jamais choisi de le faire, c’est quelque chose qui s’est imposé à moi, écrire des textes, dire ce que j’avais sur le cœur, etc., et je crois que quelle que soit la forme d’art finalement, la démarche d’écrire, de peindre, de raconter des histoires, de faire des films, etc., je pense que dans le fond c’est toujours une manière de réparer quelque chose, quoi. Quelle qu’elle soit.

Mickael : Et toi aujourd’hui tu commences ta tournée finalement très bientôt. Tu te sens comment ?

Marie-Flore : Euh, je me sens plutôt bien ! Je me sens plutôt bien, j’espère juste avoir voilà beaucoup d’énergie et tout à donner sur scène parce que là y’a quelques semaines où on va faire cinq, cinq dates de suite, et c’est vrai que les concerts c’est toujours assez éprouvant, voilà, émotionnellement très fort, et donc voilà, je m’interroge juste sur ça, mais j’aurai la réponse du coup en fin de semaine prochaine vu que j’aurai passé la première semaine cinq soirs sur la route. Et non bah sinon bien entendu il y a beaucoup d’excitation et puis là les deux premiers concerts qu’on a fait à Lille et à Paris euh voilà enfin j’ai reçu énormément de, énormément d’amour du public et voilà, enfin c’est, c’était magique.

Mickael : Cette année tu as sorti un single qui s’appelle Je sais pas si ça va, sur ton nouvel album. Ça veut dire quoi Je sais pas si ça va ?

Marie-Flore : [rire] Bah ça veut dire ce que ça veut dire ! Comme son nom l’indique. Je sais pas si ça va, ouais, c’est une phrase un peu… pas niaise, mais on va dire naïve, mal écrite, quoi, qui parle en fait de l’état latent dans lequel je peux être parfois, c’est-à-dire de pas arriver à se sonder. Qui fait une sorte voilà de parallèle avec l’injonction constante qu’on a à être heureux ou en tout cas à démontrer qu’on l’est ou en tout cas à, voilà, à performer, à toujours devoir vivre mieux, vivre, voilà. Et ça, je dois avouer que c’est des méthodes et… Même si je suis très attirée par ça aussi parce qu’on aspire tous, je me suis rendu compte que c’était aussi à double tranchant, savoir que ces injonctions permanentes à être le meilleur de nous même, etc., et tout, en fait c’était ultra pressurisant, quand on se dit qu’on est le seul responsable de son propre bonheur et bien voilà, c’est doublement, la peine est double si on n’arrive pas à toucher du doigt ce bonheur. Et donc voilà, donc là j’en suis revenue de ça !

Mickael : Dans tes chansons tu parles souvent de relations amoureuses, de relations affectives, avec souvent une impression de déception. Pourquoi est-ce que tu choisis d’écrire justement sur ce sujet-là ?

Marie-Flore : Bah disons que c’est un peu pareil, j’ai pas trop choisi, quoi, ça m’est venu assez naturellement ! Et puis il faut dire que sur mon premier album, Braquage, ça parle d’une histoire qui a été extrêmement toxique et très difficile, en fait. Et du coup, bah forcément j’allais pas écrire sur le printemps, les fleurs et comme c’est beau l’amour parce que j’étais dans un, voilà, dans une passade très très difficile et très compliquée à gérer. Et voilà, et à la fois je trouve que parler d’amour et de parler aussi de ses parts sombres ça dit beaucoup plus de qui on est, finalement. Parce que sinon je trouve que tu… Si tu montres que le bon côté de toi tu restes finalement assez en surface, et moi j’ai un rapport assez, voilà, direct, très franc avec l’écriture, c’est une manière de se raconter aussi, et ouais, de raconter sa version de l’histoire. Donc c’était, voilà c’était surtout pour ça que j’ai écrit et exploré on va dire les aspects toxiques de cette histoire d’amour, quoi, mais après c’est vrai que je me vois assez peu écrire une chanson d’amour on va dire positive, parce que je sais pas… Et en même temps moi je trouve pas ça moche, quoi, tu vois. C’est-à-dire que, voilà, les choses difficiles pour moi ça sert jamais à rien, c’est jamais moche, ça peut être difficile, mais exaltant à la fois, ça peut être passionnant, ça peut être nourrissant, ça peut être tout ça.

Mickael : Tu parles de ton album qui est sorti il y a quelques années, Braquage, qui est sorti à peu près au même moment que le Covid. Tu devais partir en tournée justement bah pour défendre ce bébé. Et il se trouve que cette tournée a été annulée justement en raison des restrictions sanitaires. Comment est-ce que tu as vécu ce moment et finalement tout le moment du Covid ?

Marie-Flore : Bah avec beaucoup de sidération au début, je crois que j’ai mis vraiment quelques semaines voire quelques mois à comprendre que les choses n’allaient pas évoluer, etc. Bon, et puis avec sidération, mais à la fois avec beaucoup de calme, quoi, parce que justement du coup j’avais l’espoir que ça reprenne très rapidement. Ce qui n’a pas été le cas donc après j’ai eu le coup de massue quelques mois après en me disant bon bah, voilà, ce disque c’est fini quoi. Et j’ai remis encore quelques mois en me disant il faut que je commence à écrire un nouveau disque. Et ce qui n’est pas tout à fait simple parce que dans le fond c’est vrai que j’ai une écriture qui est très basée, très autofictionnelle, et la quand tu sors de deux ans voilà de on and off, de confinements successifs, où donc tu n’as pas vraiment le temps d’engranger des expériences voilà humaines… Et en même temps du coup j’ai trouvé une porte d’entrée, j’ai commencé à écrire ce titre Je sais qu’il est tard, qui était plus en observation, du coup, plus que sur moi-même. Voilà.

Mickael : Est-ce que tu considères aujourd’hui qu’en France on est bien informés sur les sujets de santé mentale, est-ce qu’on en parle suffisamment ?

Marie-Flore : Je crois qu’il y a un petit peu de renouveau sur la fin de la crise, mais c’est vrai que c’est quand même un sujet, en tout cas moi depuis que je suis née, quoi, qui a toujours été ultra, ultra tabou dans mon entourage. On a quelques personnes qui sont sujettes à ces pathologies et moi je, enfin j’ai vraiment le souvenir effectivement que ça a toujours été très difficile d’en parler, en fait, avec beaucoup de cachoteries, et de, et de voilà il fallait pas dire que, l’état dans lequel on était, quoi. Et ça, c’est un peu en train de changer, et à la fois c’est des pathologies qui sont tellement difficiles à gérer pour les proches, la famille que souvent les gens n’ont pas les clés pour prendre en main les trucs, quoi. Et à la fois moi j’estime aussi que c’est pas forcément aux plus proches de prendre en main ce genre de trucs parce que c’est des problèmes qui sont très lourds et on n’est pas toujours équipés, je dirais, émotionnellement pour supporter ce genre d’aventures.

Mickael : Tu dis justement que ce n’est pas aux proches de gérer ces situations, tu as tout à fait raison parce que la relation qu’on a avec ses proches n’est pas la même que celle qu’on peut avoir avec un psychothérapeute, un psychologue, un psychiatre. Et ça, c’est aussi une question qu’on se pose souvent dans les entretiens qu’on fait dans ce podcast c’est que les soins sont très difficiles d’accès, on ne sait pas forcément qui aller consulter, on ne sait pas forcément qui est pris en charge, etc. Est-ce que toi aussi dans ton expérience personnelle tu as pu rencontrer ce problème de… Bah qui est-ce que je peux aller voir pour parler ?

Marie-Flore : Bah concernant ma personne en tout cas, c’est vrai que je me suis toujours dirigée vers des professionnels de la profession. Il y a des stades en fait parfois de maladie où c’est très difficile en fait, parce que souvent les maladies mentales, la plupart quoi des troubles sont aussi accompagnés d’un déni de la part de la personne atteinte, même en parler n’aide pas forcément puisque, enfin, de toute manière la personne en face va dire, mais non, pas du tout, nininin. Et du coup moi ce que j’ai le plus rencontré vis-à-vis de ces troubles c’est l’incapacité d’agir, l’incapacité à rediriger les personnes vers des services, etc. Et en fait même si tu connais bien ces services et tu sais où, voilà, cette personne devrait aller pour être prise en charge, etc., il y a une grosse difficulté qui est que quand tu n’es personne pour cette personne, par exemple c’est un ami, tu n’as pas de liens familiaux, etc., en fait bah il y a aucune solution, quoi. Si la personne ne veut pas se prendre en charge, il n’y a aucun, aucun, aucun moyen pour qu’elle soit prise en charge malgré elle-même. Et ça, en ça parfois je trouve ça assez terrible, en fait, parce que c’est, parce que ça donne des scénarios et des histoires pas évidentes à gérer, quoi, et des descentes aux enfers qui… voilà, quoi, qui se passent. Et ça, je trouve ça assez, assez difficile. Je pense après qu’il y a, voilà, assez de, potentiellement assez de services et tout. Je pense que bon, il y a quand même, comme à l’hôpital beaucoup de soucis de prise en charge, de budget, de moyens qui est très problématique puisqu’en plus là on va à l’avant d’une crise psychologique et psychiatrique énorme ces prochaines années, toute la jeunesse et tout, nous bah voilà je suis trentenaire, etc., ça a été dur, mais j’ai les clés en fait, et je pense que ces crises qu’on vient de passer pour un jeune de dix-huit, vingt ans, avoir été voilà enfermé comme ça, bon ça peut je pense potentiellement laisser des traces et fragiliser là où ils étaient en train de se consolider. J’espère juste que le gouvernement fera en sorte qu’il y ait assez de budget pour voilà juste suivre simplement tout ce petit monde.

Mickael : Tu parles des jeunes et du fait que toi tu as trouvé les clés justement au fil des années. Est-ce que tu as des conseils à donner à, notamment aux jeunes, pour essayer de prendre du recul sur l’actualité, sur le Covid, sur la guerre, sur le changement climatique. Comment est-ce qu’on peut faire pour gérer cette anxiété qui peut émerger dans toutes les mauvaises nouvelles qu’on reçoit tous les jours ?

Marie-Flore : C’est vrai qu’on est vraiment assaillis de, il y a que des mauvaises nouvelles quasiment dans les journaux télévisés, les chaines d’infos, etc., les réseaux, c’est l’indignation permanente sur, enfin sur tout en fait quoi ! Et je pense que pour les jeunes, moi je suis ultra contente d’avoir grandi en dehors de ça, et que pour les jeunes maintenant ça doit être très très difficile de faire la part des choses parce que tout ce qu’ils voient passer c’est, enfin c’est des horreurs quoi ! Le tableau qu’on leur dépeint de l’actualité est horrible, etc., et c’est assez peu déjà encourageant. Donc moi le premier conseil que j’ai à donner c’est quand même de freiner déjà tout ce qui est réseaux sociaux et de pas s’autonourrir avec trop de pensées, de faits négatifs, etc., ce qui est difficile à faire parce qu’on a bien évidemment toujours envie de savoir comment la guerre évolue, parce que bah on est tous concernés par ça, mais c’est vrai qu’à un certain point je pense que l’effet peut être contreproductif à savoir plus nous endormir, nous anesthésier et devenir insensibles finalement, voilà, à ce flot de désespérance. Donc voilà, je pense qu’il y a aussi entre guillemets une certaine distance à garder, mais une distance à garder pour conserver cette capacité d’indignation réelle et concrète, en fait, quoi, pour essayer de faire avancer les choses. Je crois que le plus soignant entre guillemets c’est d’agir, quoi, clairement voilà, d’agir si y’a des choses qui sont trop dures voilà à supporter, c’est d’agir, c’est de s’engager, d’être sur le terrain, et d’arrêter d’être sur son siège à s’indigner parce qu’en fait une story Instagram ça changera rien du tout quoi.

Mickael : Tu parles de réseaux sociaux sur lesquels tu es présente aussi. Plusieurs personnes récemment, des artistes, des comédiens ont décidé de se retirer des réseaux sociaux en raison notamment du harcèlement qu’ils ont pu subir, ou des critiques qui sont très vindicatives, violentes. Comment est-ce que toi tu gères ces relations qui peuvent être assez conflictuelles sur les réseaux sociaux ?

Marie-Flore : Il y a une chose dont je suis sure c’est que je pense que le monde se porterait mieux sans réseaux. Je pense que dans le fond si je pouvais en fait ne pas avoir de réseaux ce serait le cas, vraiment, parce que je pense que ça développe vraiment des connexions neuronales très mal placées, c’est le lieu de l’ego, du narcissisme, voilà comme je te disais de la vexation gratuite, d’un déversement comme ça de violence gratuite où les gens ont directement accès à toi, donc tout est beaucoup plus facile. En tant qu’artiste bon j’imagine que voilà nous sommes très sensibles pour la plupart et c’est vrai que c’est assez difficile à gérer parfois quoi. Moi enfin très longtemps j’ai été épargnée, parce que j’étais un peu comme ça underground, quoi, et là ces derniers mois j’ai fait mes premiers passages télé, etc., et il m’est arrivé de lire des commentaires à charge, gratuits complètement débiles quoi, et ça m’a énormément, énormément touchée, quoi, ça m’a fait pleurer, j’étais pas bien pendant des jours, jusqu’à remettre en question bon j’arrête, j’arrête la musique en fait ! Si dès que je suis exposée c’est le déferlement gratuit de Robert et Michel qui ne me connaissent pas, qui n’ont pas pris le temps d’écouter… Voilà en tout cas ça a été très difficile pour moi vers la sortie de l’album, en tout cas il y a quelques mois. Et j’ai bizarrement réussi à trouver ça amusant, voilà. Et donc bon j’évite quand même pas mal, mais ça m’arrive quand même d’aller voir, et puis voilà ça me fait sourire parce que bon, c’est le lot de… Mais c’est juste que Internet et les réseaux c’est devenu un tel déversoir que je me dis dans le fond quel est l’intérêt d’aller voilà j’en sais rien chanter, etc. sur des plateformes qui en fait ne donnent qu’en retour des commentaires négatifs, les trucs sont pas modérés et où en fait c’est le déversement total, pour moi c’est contreproductif, on est des artistes, voilà, bien entendu les gens ont le droit de ne pas aimer ou de te trouver moche, conne, il n’y a aucun souci sur ça ! De là à le signifier par écrit, de faire la démarche, pour moi c’est un truc qui me scotche, quoi, je trouve ça tellement… C’est hors sol pour moi ce genre de comportements.

Mickael : Est-ce qu’il y a un message aujourd’hui que tu voudrais faire passer ?

Marie-Flore : Que je pense que c’est important de se ressentir, et si on ressent des choses qui nous semblent désagréables il faut en parler, à un ami ou des professionnels, et ne pas laisser les choses s’installer.

Mickael : Merci beaucoup Marie Flore d’avoir participé à cet épisode, et on te souhaite tout le succès que tu mérites.

Marie-Flore : Merci à toi !

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