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Combien parmi vos proches ont l’image d’un schizophrène violent aux personnalités multiples en lutte incessante ? Combien pensent qu’être atteint de troubles bipolaires signifie être lunatique et avoir des sautes d’humeur d’une seconde à l’autre ? Combien pensent qu’il suffit d’un peu de volonté pour se sortir d’un épisode dépressif ? Connaissez-vous des personnes publiques françaises qui ont rendu leur trouble psychique public ?
Les clichés et les tabous sur la santé mentale sont encore nombreux. L’essentiel, pour nous, est aujourd’hui d’y apporter une réponse, et de tenter de déconstruire les idées reçues qui circulent encore à tort dans la société, contribuant à stigmatiser les personnes souffrant de troubles mentaux, et empêchant de ce fait leur plein épanouissement.
Ces clichés peuvent être abordés de plusieurs manières, selon les intérêts propres à chacun. Nous avons choisi de les aborder aujourd’hui sous le prisme de la pop culture. Vous entendrez donc parler dans cet épisode de Mariah Carey, d’Angelina Jolie ou encore d’Alexander McQueen.
Je reçois aujourd’hui le Dr Jean-Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, auteur du livre Pop & Psy, paru en 2019, et qui travaille au quotidien pour la déstigmatiser les troubles mentaux et améliorer le quotidien des personnes en souffrance psychique.
Cet épisode évoque la dépression et le suicide. Si vous avez besoin d’aide, ne restez pas seul ; vous trouverez des ressources sur notre site.
[Musique de début]
Mickaël : Bonjour Jean-Victor !
Jean-Victor : Bonjour !
Mickaël : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission. Donc toi tu es psychiatre à l’hôpital Saint Antoine et tu travailles notamment sur les représentations de la santé mentale dans la société au travers du prisme de la pop culture. Donc tu as écrit un livre en 2019 qui s’appelle Pop culture et psychiatrie, qui est très intéressant et dont je recommande la lecture ! Et dont on va s’inspirer pas mal dans l’entretien d’aujourd’hui pour essayer de faire passer des messages à nos auditeurs sur pas mal de clichés qui circulent encore dans la population sur la psychiatrie et la santé mentale de manière plus large. Donc on va commencer par une question qui concerne la comparaison entre les différents pays. En France on connait peu de personnes publiques qui ont évoqué des troubles psychiques, qui ont dit publiquement qu’elles étaient atteintes de dépression, de troubles bipolaires, de schizophrénie ou d’autres troubles psychiques, alors que dans d’autres pays il semble que les personnes publiques ont moins de réticence à faire part de ce genre de troubles. Alors qu’en France les personnes publiques sont plus enclines à faire part de leurs maladies somatiques… Comment tu expliques justement qu’en France on en soit encore là aujourd’hui, à ce que les personnes publiques aient encore beaucoup de mal à parler de leur santé psychique alors que la santé physique est moins taboue ?
Jean-Victor : Je pense que c’est une très bonne question, il y a plusieurs niveaux de réponse. De manière générale je pense que l’exemple, beaucoup d’exemples que je cite sont anglo-saxons ou américains parce que je pense que déjà dans la culture américaine il y a quand ^même cette facilité à parler de soi, facilité à parler de son parcours et donc facilité à parler des embuches et notamment de la maladie. Je pense que même si en France on évolue, et là-dessus tu as raison, la différence entre le traitement de la maladie somatique et la maladie mentale… mais ça reste quand même, on n’a pas d’exemple en France aussi emblématique que Selena Gomez qui va montrer, qui a parlé de son lupus et qui va montrer sa cicatrice de néphrectomie, le moment où on lui a enlevé un rein justement en rapport avec sa maladie. C’est vrai que ça reste des… Une manière de se mettre en scène également, de parler de soi. Pareil, Angelina Jolie autour de son cancer du sein et la mastectomie donc… c’est vrai qu’il y a déjà dans la culture de l’entertainment américain cette facilité à parler de soi. En France on est quand même à des années-lumière de ça, même si effectivement on commence à parler plus de maladies physiques, pour ce qui est psychique ça reste quand même le grand tabou, ce qui est vraiment dommage parce que dans, typiquement moi dans mon travail de pédagogie autour de la santé mentale, c’est sûr qu’on me reproche, entre guillemets, parfois d’utiliser abondamment des célébrités américaines… Alors bon, il y a aussi quelque chose qui est que la pop culture est essentiellement américaine et qu’on n’a pas tout à fait de stars aussi peut être mythiques ou emblématiques que les stars américaines d’une part, mais aussi c’est un peu un aveu d’une manière de parler de sa santé qui est un peu différente et qui est moins facile en France. Après moi je fais souvent des parallèles entre la stigmatisation autour de la maladie mentale et d’autres stigmatisations, c’est vrai qu’aux États-Unis ils parlent beaucoup plus facilement de l’orientation sexuelle, de comment ils se positionnent en termes de genre, en termes d’ethnie également. C’est sûr que c’est es sujets qui sont encore beaucoup plus difficiles à évoquer dans la sphère publique, et notamment pour les célébrités et les personnages publics. Donc je pense qu’il y a cet effet-là et puis il y a aussi le fait que la santé et la santé psychique sont traitées de manière un peu différente.
Mickaël : Justement tu as évoqué l’exemple d’Angelina Jolie et de sa mastectomie qui a reçu majoritairement des messages de soutien, des messages positifs après l’annonce de cette opération en raison d’un risque génétique qu’elle avait de développer une certaine forme de cancer de sein. Et tu la compares avec celle de Maria Carey qui elle a reçu pas mal de critiques et messages négatifs après l’annonce de son diagnostic de troubles bipolaires. Donc là aussi, même aux États unis quand il s’agit de santé mentale il y a quand même une certaine réticence de la part de la société à entendre ce genre de choses. Comment tu expliques ça ?
Jean Victor : Effectivement c’est un peu deux poids de mesure, notamment si on met en parallèle ces deux célébrités qui sont américaines. Effectivement on a fait une étude dans le service, une petite analyse des répercussions sur les réseaux sociaux de la prise de parole de Maria Carey et on montrait qu’il y avait 15 % de messages sur twitter ou sur Facebook qui étaient stigmatisant et négatifs, et donc c’était le 3e contingent de message après les messages de fans et les messages de soutien. Et surtout quand on regarde le contenu de ces messages c’étaient des choses du style on a toujours su qu’elle avait un problème, ou alors elle fait ça pour qu’on la plaigne, elle fait ça pour parler de son prochain album… C’est du cinéma, etc., etc. ! Ce qui m’a vraiment interpelé c’est que finalement au-delà du phénomène people et de la haine sur les réseaux sociaux qui est un autre sujet, ce qu’on lui reprochait entre guillemets en mettant en doute son diagnostic, en ironisant sur sa souffrance, c’est finalement ce que vivent au quotidien beaucoup de personnes atteintes de troubles, c’est à dire que quelqu’un qui va parler de son cancer, on peut avoir des réactions négatives évidemment, des personnes qui vont avoir peur ou mal réagir, on a encore à progresser là-dessus, mais personne ne va oser dire ah bon, mais t’es sur que c’est un cancer, j’ai pas vu la prise de sang qui montre que tu l’as eu, et puis le cancer, ça se traite c’est une question de volonté… et pourtant toutes ces idées reçues c’est ce que doivent affronter les personnes quand ils parlent de leur diagnostic, quand ils ont déjà le courage de l’évoquer, et ça rend je trouve cette prise de parole de Maria Carey plus emblématique et qui dépasse le phénomène un peu people de quelqu’un qui parle de sa santé mentale. C’est sûr.
Mickaël : C’est intéressant ce parallèle que tu fais justement quand tu parles du cancer en disant qu’on n’a jamais ce genre de commentaires, il suffit de la volonté pour guérir, on n’a pas vu ta prise de sang… Parce qu’effectivement des personnes qui souffrent de dépression s’entendent souvent dire ce genre de choses. T’es sûr que t’es pas juste fatigué, pas juste un gros flemmard qui n’a rien envie de faire de sa journée, bouge-toi un peu, moi aussi ça m’arrive d’être déprimé… C’est un peu ce genre de choses qu’entendent les personnes qui souffrent de dépression au quotidien, avec un entourage qui n’est pas forcément informé, qui ne comprend pas la situation et qui ne comprend pas que la dépression c’est une vraie maladie qui a des éléments objectivables. Comment tu expliques qu’on en soi encore là aujourd’hui et comment on peut faire comprendre aux gens que la dépression et les autres troubles psychiques sont de véritables maladies et pas des caprices ?
Jean Victor : Je pense qu’il y a plusieurs choses, expliquer que ce sont des maladies et les définir avec un outil commun je pense que c’est quelque chose qui participe de ces représentations-là, et quand on parlait des différences franco-américaines l’héritage très important qu’on a en France autour des théories psychanalytiques peut-être ont joué en notre défaveur. Ces théories proposaient une grille de lecture qui n’était pas la plus explicite et la plus pédagogique pour le grand public. On le voit encore en consultation avec des représentations de soi, tout le monde est malade ou au contraire personne ne l’est… Je pense que déjà essayer de bien définir, de savoir de quoi on parle, et c’est pour ça que je me suis astreint dans le livre à garder un côté très clinique et pédagogique, avec les limites que ça a de l’expérience humaine décrite par les symptômes… Mais c’est quand même une base commune qui permet de parler de maladie. Après je pense qu’il faut garder en tête qu’il ne faut pas non plus trop biologiser les choses, dans le sens ou certaines études ont montré que ça pouvait aussi participer à la stigmatisation, si on dit la schizophrénie c’est une maladie du cerveau, c’est les connexions neuronales qui ne fonctionnent plus ou moins bien, différemment, et donc c’est un état de fait, ça a tendance à augmenter le rejet de la population envers ces troubles-là. Ce à quoi j’essaie de m’astreindre, la ligne de crête, c’est à la fois expliquer que les personnes n’y sont pour rien, ce qui est déjà une grande part de la relation thérapeutique et du soulagement pour les patients, de recevoir ce diagnostic, cette explication ! Après au-delà ce que les études montrent c’est que les mécanismes les plus puissants pour changer la perception d’une maladie c’est quand les personnes concernées en parlent, donc dans ce podcast je pense que c’est vraiment ce que tu as à cœur de faire. L’idée c’est que oui, dire la schizophrénie c’est une maladie, mais idéalement la sortir de quelqu’un atteint de schizophrénie qui montre que oui, c’est une maladie, c’est un handicap, mais ce n’est pas Shining ou le Joker, etc. ! Donc il faut vraiment essayer de combiner les deux même si ce n’est pas évident, et d’où l’intérêt de la multiplicité des approches, moi j’utilise la pop culture, mais certains utilisent d’autres outils et tant mieux pour ne pas être trop réducteurs dans les messages qu’on fait passer autour de la santé mentale.
Mickaël : Tu évoquais justement la schizophrénie qui a une image extrêmement négative dans la société. En général quand on pense aux personnes schizophrènes on pense à quelqu’un de violent, un tueur en série, qui a des personnalités multiples qui luttent en permanence dans sa tête… Alors qu’au final on sait aujourd’hui que les schizophrènes sont surtout dangereux pour eux-mêmes, parce qu’ils ont un risque de suicide qui est plus important que le reste de la population du fait de leur maladie. Comment tu expliques qu’on ait encore ce cliché là aujourd’hui ? Avec tous les moyens d’information qu’on a. Et est-ce que tu sais nous dire d’où vient ce cliché du schizophrène violent avec plusieurs personnalités ?
Jean Victor : C’est une question qui est très intéressante. Savoir d’où il vient je pense que finalement l’image que les gens ont de la schizophrénie c’est un peu l’image associée à la folie, finalement, qui est un peu différente… Il y a une étude du CCOMS sur les représentations des différents types de folie, des maladies psychiques. IL y a la dépression et là on va se dire c’est quelqu’un qui est un peu faignant, bon il est un peu comme nous, mais s’il se secouait ça irait mieux… Pour le coup la personne atteinte de schizophrénie ça va être le fou et on voit que dans le grand public ça suscite des réactions assez différentes. Par exemple autant pour les antidépresseurs les gens vont avoir une grande défiance en disant de toute façon puisque les gens ne sont pas malades, à quoi bon prendre des médicaments, c’est de la facilité ! Par contre si on interroge les personnes sur qu’est-ce que vous pensez des antipsychotiques, des traitements de la schizophrénie, les gens sont plutôt favorables parce que sinon ils vont être dangereux, sinon ils sont incontrôlables… C’est toujours quelque chose de saisissant quand j’explique à des amis dans un cadre privé que oui, beaucoup de personnes et la plupart des gens heureusement qui sont atteintes de schizophrénie ne sont pas hospitalisées et vivent parmi nous dans la cité, souvent ça suscite des réactions de crainte, ah bon ? Mais pourquoi ils ne sont pas enfermés ? Comme si c’était vraiment des malfrats, des criminels qu’on décidait sciemment de laisser dans les rues au bon vouloir de ce qui pourrait nous arriver. Quand on a rencontré une fois une personne atteinte de schizophrénie, on se rend compte que ce sont des personnes qui sont plutôt plus vulnérables que les autres, et qui du coup évoluent dans notre société avec cette difficulté, ce handicap lié à cette vulnérabilité, plus qu’une violence. Donc je pense que finalement quand les gens imaginent la schizophrénie ça va être oui un peu la folie, vaguement cette idée de troubles de la personnalité multiple qui n’a rien à voir avec la schizophrénie… Mais je pense que oui c’est un peu la maladie derrière laquelle on met un peu une sorte de fourre-tout qui va de la psychopathie aux troubles de personnalité multiple, à la violence, à la pédophilie, vraiment tout ce que la société craint, sauf ce qu’est vraiment la schizophrénie… Ça va être très rare que des personnes aient une image représentative de ce qu’est la maladie. Un autre aspect problématique ça va être le fait que dans les médias la majorité du temps quand le mot schizophrénie est utilisé ça va être pour parler d’ambivalence, d’inconstance, de choses négatives, jamais pour la maladie. Donc on voit que cette maladie elle est totalement dépossédée de son sens médical. D’où l’intérêt encore une fois je pense de revenir à cette définition médicale et de pouvoir l’expliciter, ou carrément changer de nom comme il y a beaucoup de débats actuellement !
Mickaël : Et justement est-ce que tu peux nous décrire en termes médicaux en quoi consiste réellement la schizophrénie, pour remettre les points sur les i ?
Jean Victor : C’est une pathologie extrêmement difficile à appréhender, et je pense que c’est aussi pour ça que… que c’est compliqué à expliquer ! Et c’est moins cinématographique que les troubles de la personnalité multiple à la Split, pour les amateurs de sensations fortes ! La schizophrénie, ça va être une pathologie où il va y avoir quatre grands groupes de symptômes. Le plus caractéristique c’est ce qu’on appelle la désorganisation psychique, il y a une perte d’intégrité entre les pensées, les émotions et les comportements. Les personnes vont faire quelque chose qu’elles n’ont pas forcément en tête, ressentir une émotion qui ne va pas être raccord avec ce qu’ils pensent, et tout ça, ça va donner des troubles du langage, des troubles de la pensée, des troubles du comportement. Et puis les deux autres, les autres groupes de symptômes il va y avoir souvent ce qu’on appelle des symptômes positifs, des hallucinations, ça on imagine plus facilement ce que c’est, des croyances délirantes également. Et puis un ensemble de ce qu’on appelle les symptômes négatifs et les troubles cognitifs, tout ce qui va venir empêcher la personne d’avoir une vie sociale, une incapacité avec un déficit à aller vers les autres, à ressentir des émotions, à finalement avoir une activité sociale. Je pense que c (« est aussi pour ça, ça complète ma réponse précédente, que la schizophrénie est aussi mal comprise, c’est une maladie vraiment difficile à comprendre si l’on n’a jamais vu de personnes atteintes, et d’où l’intérêt du cinéma je trouve sur la question, pour essayer de se représenter ça.
Mickaël : Tu parles justement du cinéma qui peut aider à se faire une meilleure image de la santé mentale. Est-ce qu’à ton avis les films qui sont sortis récemment, ou ceux qui sont en cours de tournage dont tu as connaissance, sont à même de déstigmatiser la santé mentale ou est-ce qu’ils continuent à faire perdurer ces clichés ?
Jean Victor : Je suis persuadé qu’on évolue dans le bon sens. C’est vrai qu’aujourd’hui sur la santé mentale comme sur d’autres sujets les réalisateurs sont quand même astreints à une certaine représentativité. Re-proposer les mêmes clichés c’est prendre le risque de s’exposer à des remous médiatiques. C’est une des raisons pour lesquelles il y a une certaine responsabilisation du traitement de la santé mentale. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui font que la situation est différente aujourd’hui, je pense que le fait que ce soit plus présent dans notre société donne une visibilité au problème, le fait qu’on soit plus vigilants vis-à-vis de ce que peuvent ressentir les personnes en situation de minorité, victimes de discrimination, de handicap, la santé mentale bénéficie de ce mouvement qui traverse pour le coup le cinéma, mais aussi les autres médias et les autres arts. Pour citer quelques exemples de séries ou de films iconiques récents il y a la série Euphoria qu’on peut voir sur canal +, une série HBO qui est vraiment extrêmement emblématique de ce nouveau regard, ça parle de jeunes atteints de troubles psychiques, tous n’ont pas un trouble psychique d’ailleurs, et d’abus de substance. C’est traité de manière très moderne, très esthétique donc ça montre qu’on peut faire une très belle série sur ce sujet-là sans avoir un regard qui serait moralisateur vis-à-vis des personnages, ni misérabiliste ni condescendant. Souvent ce que je constate pour m’intéresser pas mal à la question, ces œuvres-là qui vont avoir un regard juste et intéressant sur la question, intéressant pour moi, ça va être des personnes qui sont concernées à titre personnel par la maladie. En l’occurrence Sam Levinson le créateur d’Euphoria il a beaucoup parlé de la dépression dont il a été atteint adolescent, du recours qu’il a eu aux substances, et c’est vrai également pour l’actrice principale Zendaya. Ce que je trouve fascinant dans cette nouvelle manière de traiter la santé mentale à l’écran c’est que finalement les personnes, ça ne vient pas de nulle part, ce n’est pas non plus… Souvent c’est des questions qu’on me pose, c’est taxé d’opportunisme ! C’est une réaction très française de dire maintenant dans toutes les séries il y a un noir, un homo, maintenant il va y avoir un déprimé ! C’est une manière française de voir le divertissement… Mais toujours est-il que je ne pense pas que ce soit très vrai ni adapté. Pour reprendre un autre exemple, Selena Gomez dont on parlait tout à l’heure, c’est elle qui a produit la série 13 Reasons Why qui a vraiment fait date sur le traitement du suicide à l’adolescence. Ça ne vient pas de nulle part. To The Bone, qui est disponible sur Netflix sur les TCA, la réalisatrice et l’actrice principale ont fait part des troubles dont elles ont été atteintes et pour lesquels elles sont en rétablissement. Et c’est ce qui rend la manière de le traiter fascinante.
Mickaël : Tu as utilisé le mot de rétablissement, qu’on entend de plus en plus dans le domaine de la santé mentale depuis quelques années, mais qui peut rester assez flou pour les personnes qui ne savent pas de quoi il s’agit. Est-ce que tu peux nous expliquer en quoi consiste le rétablissement ?
Jean Victor : Bien sûr ! Le rétablissement en fait ça va être un concept qui est proche, mais pas similaire de la guérison. La guérison c’est l’absence de symptômes, c’est un objectif qui va être médical, le cancérologue veut que ses patients guérissent et aimerait bien qu’ils n’aient plus une seule cellule cancéreuse dans le corps. Dans une vision médicale de la dépression, ce serait pareil, ne plus avoir de symptômes de dépression, etc. Donc le concept de guérison c’est un concept qui est médical avant tout. Celui de rétablissement il est un peu différent. Il se rejoint dans le fait que c’est une personne qui va bien et qui n’est plus empêchée par son trouble psychique dans sa vie, quelqu’un qui reprend le contrôle et qui fait ce qu’il a envie de faire. Ça ne veut pas forcément dire qu’on est guéri, par exemple la schizophrénie on n’est jamais, c’est une pathologie qui est chronique donc comme un diabète on n’en guérit pas dans le sens strict du terme, mais on peut être rétabli. Et on peut être rétabli en ayant une schizophrénie en ayant encore des symptômes délirants ou des hallucinations si elles sont bien tolérées et si la personne n’est pas handicapée dans son quotidien. Après c’est une vision médicale, mais qui est celle que j’ai au quotidien, être rétabli alors que sa santé est en train mauvais état, être extrêmement halluciné, en dehors de tout soin, errant dans la rue en étant rétabli c’est sûr que c’est quand même très difficile, je pense, pour la plupart des personnes. C’est des concepts qui sont proches, qui ne sont pas superposables, mais qui ne sont pas non plus antinomiques, je ne dirais pas que le rétablissement, ça n’a rien à voir avec la guérison.
Mickaël : Dans ton livre, tu parles aussi du fait que le diagnostic d’un trouble mental est souvent difficile à entendre pour les personnes qui consultent presque moins en raison de la maladie en soi, mais pour une sorte de stigmatisation anticipée en réalité, dont ils pourraient faire l’objet si leur diagnostic venait à s’ébruiter. Comment tu expliques qu’on en soit arrivés là, que les personnes souffrent plus d’une anticipation de stigmatisation, quelque chose d’intériorisé ?
Jean Victor : Évidemment, dès qu’on annonce un diagnostic en médecine c’est rarement un moment heureux, ça reste mettre un nom sur une souffrance donc évidemment, ce n’est pas de gaité de cœur d’un côté ou de l’autre. Après ce qu’on constate la plupart du temps c’est qu’en posant un diagnostic ça permet de déculpabiliser la personne vis-à-vis de ce qu’elle ressent, notamment quand elle n’a pas trop d’idée de ce que ça peut être. Quand on a mal au dos pendant plusieurs jours, qu’on va voir un médecin et qu’il nous dit c’est un lumbago ou une sciatique, bon bah on n’est pas forcément plus avancé tout de suite, mais on se dit typiquement ce n’est pas dans ma tête, ce n’est pas plus grave, on est quand même rassuré même si ça ne va pas forcément plus loin que ça. Pour la santé mentale c’est vrai également notamment pour les premiers épisodes par exemple de dépression, ils ne vont pas avoir conscience que le fait qu’ils pensent être mous toute la journée, ils sont crevés et ils n’arrivent plus à lire trois lignes de suite, c’est une maladie, ce n’est pas eux qui sont devenus incompétents, nuls ou insuffisants comme souvent déjà ils peuvent le ressentir, mais en plus l’entourage peut le renvoyer. Ça fait déjà un premier tamis à passer pour les patients. Ensuite on leur annonce le diagnostic et c’est vrai que souvent c’est plutôt un soulagement pour les patients, notamment parce que, bon là c’est aussi ma nature et je suis assez optimiste, mais c’est vrai que la dépression c’est une maladie qui se traite plutôt bien, la plupart du temps on atteint le rétablissement ou la guérison, avec l’amendement de tous les symptômes, ce n’est pas une pathologie qui contrairement à l’idée qu’on en a qui soit complètement étrange et pour laquelle on n’a aucun espoir. On traite mieux la plupart des troubles psychiatriques que les troubles neurologiques, où quand on annonce un parkinson à quelqu’un c’est un traitement qui va viser à enlever certains symptômes, mais n’empêche pas l’évolution du trouble donc ça, je pense que c’est important à avoir en tête, que les personnes qui écoutent puissent se représenter ces différences-là. Quand j’annonce une dépression je dis c’est une dépression, mais la bonne nouvelle c’est que ça se traite plutôt bien. Mais ensuite ce qui est compliqué c’est que les personnes ont soit déjà intériorisé de la discrimination, et là encore une fois je pense qu’on peut faire des parallèles avec l’orientation sexuelle par exemple ou d’autres types de discrimination, ils vont pouvoir le prendre comme étant quelque chose de péjoratif. Annoncer une schizophrénie à quelqu’un et sa famille, c’est sûr que ce n’est pas le diagnostic le plus évident à porter et ce n’est pas quelque chose qui va être accueilli avec enthousiasme, et ça on peut tout à fait l’entendre puisque le mot continue de faire peur. Mais ensuite c’est vrai qu’il va y avoir ce phénomène très propre à la santé mentale et à tout ce type de discriminations dites non visibles, c’est-à-dire que la personne va être dépositaire du secret, de se dire j’en parle ou pas ? À qui j’en parle, à quel moment j’en parle, comment j’en parle ? Sachant que c’est déjà quelque chose qui va être douloureux pour la personne, donc ce n’est pas non plus… en parler comme on parlerait de quelque chose d’anodin ou de banal, il s’agit d’un problème de santé ! Et finalement la personne va se retrouver dans cette ambivalence, est-ce que c’est mieux d’en parler quitte à recevoir de la discrimination ? Ou est-ce que c’est mieux de le cacher, vivre avec ça et porter ça tout seul ? C’est vraiment des dilemmes qui sont un peu cornéliens pour les personnes qui reçoivent le diagnostic, d’où l’idée d’essayer… C’est sûr qu’on fait de notre mieux et il y a encore beaucoup de choses perfectibles dans la perception des maladies mentales et ça je pense que personne ne va dire le contraire, par contre ce sur quoi on peut agir aujourd’hui et qui est particulièrement injuste pour les personnes concernées c’est que sur toutes les idées reçues pour le coup, aujourd’hui il n’y a pas de raison que quelqu’un ne puisse pas dire je suis schizophrène sans qu’on se dise ça y’est, il va sortir un couteau et je vais y passer ! Ça pour le coup ça ne repose sur rien, au contraire ça repose sur des idées fausses, et ça pour le coup je pense que c’est vraiment à nous tous de changer ça dans la société et que ce n’est pas quelque chose qui nécessite de grandes découvertes sur l’épigénétique de la schizophrénie, par exemple !
Mickaël : Et pour compléter un peu sur ces clichés négatifs qu’on a sur la psychiatrie, beaucoup de personnes qui n’ont jamais mis les pieds dans un service de psychiatrie s’imaginent des longs couloirs comme des couloirs de prison, remplis d’individus en camisole de force qui reçoivent des traitements, vraiment contraints, totalement sédatés par de multiples cachets… Toi qui travailles dans un service de psychiatrie est-ce que tu peux me dire comment ça se passe vraiment ?
Jean Victor : Bien sûr, d’autant plus que je peux en parler puisque je travaille dans un service hospitalier, à l’hôpital Saint Antoine, qui est assez particulier parce que c’est un service de psychiatrie dans un hôpital général. Donc ce n’est pas un hôpital psychiatrique. Souvent c’est déjà la première découverte pour les gens, ah bon y’a des services de psychiatrie dans un hôpital, comme si c’était pas une maladie, mais complètement une autre planète donc nous à l’hôpital le service d’au-dessus c’est l’orthopédie, en dessous c’est l’hématologie, et si ce n’est que notre service est beaucoup plus délabré que les autres spécialités, c’est encore un autre sujet, mais si ce n’est ça on est dans le même fonctionnement c’est-à-dire que le personnel infirmier est le même, on fonctionne sur le même mode que les services environnants. Il n’y a pas de grande distinction, ce n’est pas cette idée de l’asile loin de la ville, on est en plein Paris et la plupart des grands hôpitaux parisiens ont des services de psychiatrie comme ça en leur sein. Déjà c’est une première un peu des découvertes, on va dire, après c’est vrai que sur ce qui est des conditions d’accueil dans les HP en France, le constat de la profession est unanime, on aimerait que l’accueil puisse se faire dans de meilleures conditions, on aimerait que ça ne soit pas forcément des hôpitaux dans des états vétustes comme c’est aujourd’hui, on aimerait qu’il y ait un personnel en nombre, on aimerait que ça ne soit pas forcément les services délaissés, abandonnés pour lesquels il n’y a pas de moyen. Pour le coup c’est vrai que ces services sont en souffrance, en dehors du système des cliniques, c’est vrai que les hôpitaux publics en psychiatrie sont rarement dans un état satisfaisant, c’est clair que c’est un constat et on le prend en compte. Après il faut je pense avoir en tête que contrairement aux idées reçues les soins sous contraintes en France ça concerne 5 % de l’ensemble des soins, ces soins existent, ils ont certaines indications évidemment, mais c’est loin d’être la grande majorité des soins en psychiatrie. Et au-delà de ça, c’est quelque chose que j’ai toujours ressenti, mais finalement je sais que Gérard Garouste en a parlé, je sais que beaucoup de personnes qui ont du coup vécu de l’intérieur l’hospitalisation en psychiatrie, ce qui évidemment est précieux, car moi j’y travaille, mais je ne prétends pas y vivre, bien sûr que ma représentation est différente des usagers ! Mais pour ceux qui l’ont vécu de l’intérieur souvent ils disent qu’ils ont ressenti malgré justement le cadre et le décorum qu’on a dit, qui est vraiment perfectible, ils ressentaient une certaine douceur à l’intérieur du service parce qu’effectivement contrairement aux idées reçues le seul endroit où on ne reproche pas entre guillemets aux patients d’être fous, finalement, d’être malades, d’être déprimés, d’avoir des idées délirantes, de sortir un peu d’une certaine norme, c’est quand même le service de psychiatrie. Donc même si encore une fois il ne s’agit pas de faire une peinture qui serait paradisiaque, souvent dans ce que les patients disent c’est ça la différence notable, c’est que même si le cadre est affreux pour le dire franchement, finalement ils ressentent un certain apaisement notamment quand ils sont très symptomatiques, très malades, très gênés par le fait qu’au moins on ne leur reproche pas ce qu’ils sont et ce pourquoi ils sont atteints, ce qui tombe sous le sens, mais finalement c’est un des seuls espaces dans notre société où c’est le cas.
Mickaël : Justement j’ai lu récemment à propos des services de psychiatrie que pas mal de patients avaient des réticences à dire un peu toute la vérité sur leurs symptômes à leurs psychiatres, de peur justement que leur prise en charge se durcisse et qu’ils doivent être hospitalisés. Est-ce que c’est quelque chose que tu vois au quotidien chez tes patients, est-ce qu’ils essaient de minimiser leur situation de peur que tu ailles plus loin dans leur prise en charge ?
Jean Victor : Bien sûr, c’est… moi je fais beaucoup de consultations à l’hôpital donc la plupart des personnes que je suis ne sont pas hospitalisées, ont pu l’être à un moment, mais viennent me voir et repartent. Donc c’est une question qui se pose, la question de la rechute, de la ré-hospitalisation. Je pense que c’est une question qui fait vraiment partie du suivi, il y a plusieurs éléments de réponse. Déjà il faut bien distinguer plusieurs cas, le cas d’un patient qu’on ne connait pas, aux urgences, en temps de crise, où on a beaucoup moins d’éléments pour prendre une décision et notamment une hospitalisation sous contraintes si ça s’avère nécessaire, du cas d’un patient qu’on connait bien, dont on a pu rencontrer la famille, dont on peut se dire que si ça ne va pas on peut mettre en place un traitement et lui donner un rendez-vous rapproché, chose qui avec un patient où on n’a aucune idée du contexte dans lequel il évolue est beaucoup plus compliqué, pour des raisons de lien et d’information qu’on a par rapport à la situation. Donc ça, c’est sur que ça peut pour certains patients être assez traumatique l’hospitalisation sous contrainte, et notamment quand elle s’est faite aux urgences, dans un cadre non préparé, et notamment avec une contention ou une injection de produit parce que la personne était trop malade pour accepter de prendre le traitement, c’est sûr que ça peut être des éléments assez traumatiques. Je pense que le moyen de contourner ça pour les patients qui l’ont eu c’est d’en reparler après coup, et notamment pour les patients qu’on suit sur le long court, c’est ce qui est le plus intéressant je trouve dans le métier. Ça va être de justement pouvoir en reparler, comment ils ont vécu ça, est-ce qu’ils ont compris ce qui se passait, est-ce qu’ils ont compris pourquoi on a pris la décision à ce moment-là. C’est vrai que la plupart du temps heureusement et bien sûr je parle des patients qui viennent nous voir, par définition qui sont dans les soins évidemment, même s’ils peuvent garder un souvenir assez compliqué de ce moment-là, ou le fait qu’ils aillent beaucoup mieux justifie cette hospitalisation, ah bah oui je n’étais pas dans mon état normal, j’étais à deux doigts de faire vraiment une grosse bêtise, entre guillemets pour parler d’un acte suicidaire, etc. Ils comprennent la logique médicale qui fait qu’à un moment il valait mieux qu’ils soient hospitalisés même s’ils n’étaient pas d’accord. Ça permet d’expliquer ça. En groupe de psychoéducation, c’est également quelque chose qu’on reprend, en expliquant les motifs d’hospitalisation et en préparant, justement, les signes d’une ré-hospitalisation. Après évidemment que certains patients, et parfois même souvent ça va être plutôt sur le ton de l’humour, vont pouvoir dire ça je ne sais pas si je vous le dis parce que vous allez encore me ré-hospitaliser… Bon déjà quand c’est sous forme d’humour c’est qu’il y a un second degré et qu’on n’est pas du coup dans une situation de péril imminent qui ferait des soins sous contraintes. Et je trouve que la psychoéducation, le fait que le patient comprenne mieux ce qui lui arrive et sa maladie, c’est rare qu’au bout de plusieurs temps d’évolution le patient ne soit pas lui-même à même de juger quand ça ne va pas et que du coup il doit être ré-hospitalisé. Donc cette idée des soins sous contraintes c’est vrai que ça fait partie du dispositif bien évidemment, mais dans la plupart des cas je trouve qu’on arrive quand même à désamorcer les situations problématiques. Après qu’un patient ne dise pas tout ce qui lui passe par la tête à son psy je trouve ça aussi complètement normal, bien évidemment. Mais je trouve qu’on arrive quand même à désamorcer la plupart des situations vraiment problématiques.
Mickaël : Alors concernant les traitements notamment pour la dépression, dans ton livre tu dis qu’environ la moitié des personnes qui sont mises sous antidépresseur ne correspondent pas aux critères diagnostic de dépression clinique caractérisée. Comment tu expliques ça ?
Jean Victor : Là aussi il y a beaucoup d’éléments de réponse, en fait. On sait qu’en France il n’y a pas trop de personnes qui sont sous antidépresseur, contrairement aux idées reçues ion n’est pas le premier prescripteur d’antidépresseur, on est 16e au niveau des pays de l’OCDE donc c’est en dessous de la moyenne des pays occidentaux. Par contre on sait qu’il y a une certaine proportion, environ 30 % des patients atteints de dépression qui n’ont pas de traitement, et à l’inverse 30 à 50 % des patients qui n’ont pas de dépression, pas de symptômes qui justifieraient d’une dépression, bien sûr c’est des études avec les limites que ça implique de repérage des symptômes par entretien téléphonique, etc., mais 30 à 50 on se dit que ce n’est pas que des faux négatifs, qui du coup ont des antidépresseurs, mais n’ont pas de symptômes de dépression. Je pense qu’il y a plusieurs éléments de réponse. Le premier c’est le manque de formation des médecins généralistes, on sait que 8 traitements sur 10 antidépresseurs en France sont prescrits par les généralistes, et c’est souvent les premiers à faire ce constat la formation qu’ils ont reçue initiale n’a pas été suffisante. Pour la plupart des médecins qui ne sont pas psychiatre la psychiatrie ça se résume au mieux à un mois de stage sur dix ans de formation, donc forcément en un mois on imagine que la formation est assez réduite, alors qu’en médecine générale les troubles psychiques c’est quand même 30 % des consultations donc clairement les chiffres ne sont pas bons. C’est le premier élément de réponse. Le deuxième c’est les difficultés d’accès aux soins, d’une part parce que les structures publiques sont surchargées d’autre part parce qu’il y a aussi, je pense, un manque de lisibilité des structures qui découle du manque de formation, mais les généralistes ne savent pas forcément comment adresser les patients dans un centre médico-psychologique, qui sont les centres du système public de consultation, ou les CSAPA qui vont être les centres en addictologie. Donc je pense qu’il y a vraiment un effort d’information qui devrait être fait pour améliorer ça. Et in fine du coup le repérage et l’indication des traitements en médecine générale et puis plus largement au niveau de la prescription d’antidépresseurs. Ce qui est compliqué c’est que non seulement des personnes en souffrance ne vont pas avoir le traitement et vice versa, mais ça participe beaucoup et c’était le sujet de ma thèse de médecine, ça participe beaucoup à l’idée d’inefficacité qu’on attribue souvent aux antidépresseurs. Parce que souvent on va confondre les antidépresseurs avec d’autres traitements comme les anxiolytiques par exemple, donc on dit les antidépresseurs, les patients c’est assez fréquent qu’ils vous disent « les antidépresseurs, j’en ai eu plein, j’ai eu du Valium, du Lexomil, du Diazépam », et finalement on fait la liste à la Prévert, il n’y a pas un seul antidépresseur dedans. Que des traitements hypnotiques, des somnifères ou de traitements contre l’angoisse. On voit bien qu’il y a un manque d’information de la part des patients vis-à-vis des traitements. Et la première conséquence de tout ça, ça va être que les personnes vont avoir une idée des traitements qui sont inefficaces alors qu’en fait ils n’en ont pas eu, ou ils en ont eu, mais pas chez les personnes qui en bénéficieraient. Et ça renforce cette idée de maladie un peu floue, inexistante, et des traitements inefficaces et un peu de confort, chose que ne sont pas les antidépresseurs.
Mickaël : On entend souvent parler aussi ces dernières années de la qualité des soins somatiques dont bénéficient, ou ne bénéficient pas les patients atteints de troubles psychiques. Comment est-ce que tu expliques que les personnes atteintes d’un trouble psychique soient finalement moins prises au sérieux par les praticiens de médecine somatique et du coup aient une expérience de vie qui soit réduite en fait ?
Jean Victor : Bien sûr, alors là aussi il y a plusieurs éléments de réponse, je dirais que… il y a plusieurs études, mais surtout une grosse étude australienne qui avait montré que les patients atteints de troubles psychiques avaient une dizaine d’années d’espérance de vie en moins que la population comparable et que finalement les principales causes de décès « étaient les causes cardiovasculaires en un, en deux les causes néoplasiques, et finalement les causes accidentelles ou de suicide n’arrivaient qu’en troisième position entre guillemets, la plupart des patients avaient une espérance de vie du coup réduite par des éléments indépendants de leur maladie psychique. Ça, c’est une donnée à prendre en compte. Je pense qu’elle a plusieurs réponses, déjà la stigmatisation dont sont victimes les patients, qui malheureusement est encore diffusée dans tout le milieu soignant, et en psychiatrie, mais quand même en l’occurrence surtout en médecine somatique. Et du coup c’est des histoires qui malheureusement sont trop fréquentes pour être anecdotiques de patients qui vont se présenter avec une schizophrénie aux urgences, avec une douleur abdominale et on va dire ah oui c’est encore lui, il est délirant, on va le laisser végéter en salle d’attente en se disant qu’il va peut-être partir. Et finalement au moment où il est examiné, s’il est examiné correctement, on se rend compte qu’il avait une appendicite ou une péritonite, qu’il était en grande souffrance. Ça, pour faire des gardes aux urgences c’est un dialogue qu’on doit avoir en permanence, on explicite aux médecins urgentistes et ensuite on prend une décision avec eux. D’une part il y a ça, que leurs plaintes ne sont pas forcément prises au sérieux en raison de la stigmatisation. Ensuite, il faut aussi bien sûr balayer devant la porte de la psychiatrie, beaucoup de médecins psychiatres ont peut-être un peu lâché la rampe sur tout ce qui va être somatique et finalement n’ont pas cette formation, cet intérêt ou cette exigence qu’ils devraient avoir vis-à-vis de la prise en charge somatique de leurs patients. Pourtant on prescrit des médicaments, on est médecins, et en plus on prescrit des médicaments qui peuvent avoir des effets sur la santé générale donc les recommandations pour le coup de la HAS sont très claires, elles stipulent qu’un patient sous antipsychotiques doit avoir régulièrement un bilan sanguin, une mesure de son poids, de son périmètre abdominal, etc., pour le coup c’est vrai que ça soit le psychiatre doit le faire soit il doit s’assurer que quelqu’un d’autre le fasse, le médecin généraliste, mais ce n’est pas toujours le cas. Les deux principales raisons de ce mauvais traitement physique elles sont là.
Mickaël : Dans un autre registre, tu évoques dans le cadre des troubles bipolaires cette idée reçue qu’on peut avoir sur le lien qu’il peut y avoir entre les phases maniaques, hypomaniaques et la créativité. En citant notamment Aristote qui disait “Point de génie sans folie”. Et du coup ce lien, il est encore souvent fait aujourd’hui, on se dit souvent que justement la plupart des chanteurs ou autres artistes ont des troubles psychiques et c’est justement pour ça qu’ils sont très créatifs parce qu’ils dessinent ou ils chantent des trucs qu’ils voient dans leur délire, etc. Est-ce que c’est une réalité ce lien entre des crises de santé psychique et la créativité ou c’est un mythe ?
Jean Victor : Bah c’est une question qui est très intéressante et je pense que je vais encore faire une réponse de psychiatre qui va être très avantage/inconvénient ou pro et contre. C’est effectivement assez compliqué. On sait qu’il y a plus de troubles psychiques parmi les professions créatives et artistiques, après on sait aussi que ça peut venir de plusieurs choses. Il y a des représentations parmi les artistes de leur santé mentale qui peuvent être délétères, il y avait une étude assez intéressante qui montrait que par exemple ils avaient comparé plusieurs professions créatives, et ceux qui avaient le plus de dépression c’étaient les poètes. Est-ce que la poésie expose à de la dépression, je ne suis pas certain que la réponse soit à chercher au niveau d’une IRM, par contre probablement qu’un poète qui va mal on se dit bah c’est normal, il doit être sur une super phase créative et quand il me parle d’en finir ou que le monde court à sa perte, c’est génial. Donc je pense que les artistes, les poètes, ont cette idée reçue, mais l’entourage également quand ils vont mal, ce qui peut amener à des situations évidemment un peu catastrophiques, donc ça moi qui cite et regarde beaucoup de biopics et de documentaires… C’est ce qu’on voit notamment dans le documentaire McQueen à propos du créateur de mode qui est décédé d’un suicide, et qui en fait décrit ça à son équipe créative une semaine avant son suicide, il propose comme idée de défilé en fait une référence à un défilé qui avait fait sensation à l’intérieur d’une boîte en verre il me semble, sauf que là le final il propose de se faire sauter la cervelle, un truc hyper violent, et l’équipe créative raconte qu’il leur avait dit ça la semaine d’avant et qu’eux s’étaient dit ah ! C’est vraiment quelque chose de très fort, de très poétique, de très politique ! Comme si on ne parlait pas de quelqu’un qui vient de dire qu’il comptait mettre fin à ses jours, quoi ! Ils étaient un peu fascinés par l’image de l’aura, de l’enfant terrible, et c’était un peu l’image qu’il avait dans le milieu de la mode britannique donc je pense qu’il y a vraiment cet effet de halo, de fascination autour des troubles psychiques dans les professions créatives qui finalement a tendance à pas mal desservir les artistes, parce que quand on interroge les artistes, tout à l’heure on a parlé de Garouste, c’est également Sophie Calle qui est une artiste contemporaine que j’aime beaucoup, on lui pose souvent des questions autour de la souffrance psychique et l’art parce que c’est vrai qu’elle a utilisé beaucoup ses ruptures sentimentales pour faire des œuvres, ou des deuils. Et elle dit moi quand je fais des œuvres, je ne fais pas de la thérapie. Globalement c’est un peu ça l’esprit, l’idée de pour créer il faut être en forme ! Et finalement ce que la plupart des artistes disent, c’est que l’activité créative c’est très exigeant et que ce n’est pas quand on est super mal qu’on fait des œuvres incroyables. Que dans un second temps ça soit utilisé, Emmanuel Carrère le dit également, c’est possible, ou Lady Gaga dans un autre registre ! Mais cette idée qu’il faille absolument chercher la souffrance, et surtout ne pas la traiter, ne pas la prendre en charge pour être un bon artiste, je pense que beaucoup d’artistes s’y sont un peu voire carrément brulé les ailes avec des destins assez tragiques ! C’est un sujet qui est vraiment fascinant, et sur lequel il y a beaucoup de pédagogie à faire, et d’essayer de changer un peu ses représentations. Sachant que là aussi comme on a vu dans le cinéma les artistes arrivent, les exemples que j’ai pu citer ou d’autres, Lady Gaga par exemple qui parle dans son dernier single d’un antipsychotique qui l’aide à créer parce que sinon son cerveau fait n’importe quoi, c’est sûr que c’est des prises de position qui font date et qui montrent vraiment qu’il y a un changement là aussi autour des idées qui étaient véhiculées, parce qu’honnêtement dans les années 80 ou 90 on n’avait pas tellement de prises de parole comme ça, et ça allait plutôt être oui, pour être un bon artiste c’est cocaïne le matin et alcool toute la journée ! Donc je pense que là-dessus aussi les mentalités évoluent et plutôt dans le bon sens, dans le sens où ça va dans un sens qui me parait être quelque chose qui peut aider les personnes en souffrance.
Mickaël : Le premier épisode du podcast était consacré aux troubles du comportement alimentaire, et on avait reçu Coralie, une jeune femme de 28 ans qui souffre d’anorexie. Et justement ces TCA on sait qu’ils ont essentiellement féminins, 90 % des patients qui souffrent de ce genre de troubles qui sont des femmes, mais on sait que des hommes sont atteints également. Comment tu expliques cette différence de prévalence de ces troubles entre les sexes, et est-ce que les TCA chez les hommes suivent les mêmes schémas ?
Jean Victor : Alors c’est des questions qui sont très intéressantes. Je pense que pour expliquer le sex-ratio, la prédominance féminine dans les TCA, il y a beaucoup de pistes actuellement autour de l’origine de ces troubles. La plus on va dire avancée un peu novatrice c’est quand même la piste génétique qui expliquerait entre 50 et 60 % du poids de la maladie. Dans ce poids génétique peut être que le sexe a également un rôle, on le sait pour les TCA, mais pour la plupart des maladies il n’y a pas une répartition égale entre homme et femme. Après que ça puisse être également alimenté par des aspects plus culturels et sociologiques autour d’un idéal d’un corps féminin, etc., je pense que c’est vrai également, car l’anorexie, la boulimie, comme la plupart des troubles psychiques c’est une intersection entre un risque générique et un risque environnemental, individuel. À la fois les TCA sont décrits depuis des milliers d’années donc ce n’est pas non plus né avec la dernière couverture de mode, mais c’est sûr qu’il y a une augmentation du nombre de cas qui a été décrite, ce qui pose la question de l’influence de cet idéal corporel féminin inatteignable, très mince, très maigre, etc. Ce qui va aussi dans le sens de cette hypothèse c’est les mutations qu’on peut voir parmi les hommes. Longtemps l’anorexie masculine était considérée de mauvais pronostic et souvent associée à d’autres pathologies notamment des formes de schizophrénie. Donc en fait les personnes ne se nourrissait pas parce qu’ils étaient extrêmement délirants, qu’ils pensaient que la nourriture était empoisonnée, qu’ils avaient des idées délirantes, des hallucinations qui leur disaient de ne pas manger, etc. Donc c’est sûr que ce n’étaient pas du tout les mêmes profils que l’anorexique au féminin où pour le coup c’est plutôt des cognitions qui vont être du style rechercher la minceur à tout prix et finalement avoir un bien être lié à la maigreur. Pour le coup c’est vrai que depuis quelques années il y a beaucoup de travaux publiés sur ce qu’on appelle la manorexie, ou la bigorexie, qui est un concept assez intéressant, assez flou parce qu’à l’intersection entre les TCA, les troubles obsessionnels compulsifs et les addictions où en fait ça ne va pas être le même profil que chez les femmes où il va y avoir une course à la minceur, mais plutôt une course au muscle, dans les sens où les personnes ne vont pas se peser frénétiquement dans le but de perdre du poids, mais dans le but de gagner de la masse musculaire, donc ils ne vont pas forcément se restreindre au niveau alimentaire en termes caloriques, mais manger plutôt hyper protéiné. Et ça, c’est sûr que la plupart des études sur le sujet disent que c’est probablement là aussi l’évolution des standards. C’est sûr que si on regarde les films des années 70/80 on voit que les standards de la musculature d’un homme de blockbuster c’est pas du tout la même qu’aujourd’hui ! Aujourd’hui c’est vrai qu’il y a énormément d’images d’hommes hyper musclés, il y a pas mal d’études sur les GI Joe, les figurines pour petits garçons qui étaient avant plats et aujourd’hui ont des biceps très proéminents, des pectoraux, etc. Donc pour le coup il y a une influence effectivement sociale et culturelle là-dessus ce qui fait qu’il y a ces nouveaux profils d’hommes atteints de TCA, ce qui va dans le sens de l’hypothèse culturelle et pas uniquement génétique, même si c’est une intrication entre le deux.
Mickaël : Concernant l’émergence de nouveaux profils, il me semble que tu t’intéresses pas mal à la santé des millenials. Est-ce que d’après ton expérience, ta pratique clinique e ce que tu en sais, cette génération est sujette à des troubles psychiques différents ou qui se manifesteraient de manière différente ?
Jean Victor : Pour l’instant il n’y a pas de rupture on va dire sémiologique, il n’y a pas de nouvelle maladie où on se dirait, mais qu’est-ce que c’est que ça, qu’on ne comprendrait pas, parce que je pense que ce n’est pas sur une génération qu’on verrait des mutations aussi importantes. La psychiatrie n’est pas que sociale donc il y a aussi des invariants. Après la grande différence avec les autres générations c’est sûr que ça va être le recours et l’influence des réseaux sociaux et des écrans, c’est vrai que la plupart des études là-dessus vont se concentrer sur ce sujet. Là aussi c’est une réponse très médicale, mais il va falloir du temps avant de voir les effets et surtout de pouvoir attester scientifiquement des différences, pare que c’est sûr que savoir l’influence des écrans sur les tout petits alors que l’iPhone a quoi, 15 ans ? Il n’a pas 50 ans en tout cas donc on ne peut pas savoir ce que 50 ans d’iPhone ça peut faire. En ce moment avec la pandémie, ça pose aussi beaucoup de questions auxquelles on ne peut pas tellement répondre. La particularité ça va être vraiment l’hyper-connexion et finalement l’usage ou moi mon ressenti c’est que finalement les écrans et l’internet vont être utilisés comme une projection possible d’un mal être. Un ado qui va mal il y a trente ans il devait être dans sa chambre à écouter son walkman. Aujourd’hui c’est sûr qu’un ado qui va mal il est sur internet comme tous les autres ados. Il y a peut-être eu à un moment une certaine diabolisation des écrans et des réseaux là-dessus. C’est sûr qu’il n’y a pas que des ados qui vont mal sur les réseaux sociaux, ça se saurait. Au contraire, cette génération se saisit aussi des réseaux sociaux pour avoir un soutien, construire des communautés, échanger sur des ressentis, je pense vraiment qu’il n’y a pas du tout que des aspects négatifs à cette connexion. Après c’est sûr que les études qui ont vraiment recherché la psychopathologie derrière les réseaux sociaux vont montrer que par exemple sur les ados qui ont un usage intensif d’écran il y en a plus qui sont atteints de dépression, il y en a plus qui ont des conflits familiaux, etc. C’est plus un moyen d’expression et un reflet de leur santé mentale que quelque chose qui ferait apparaitre de nouvelles pathologies. Sous réserve bien évidemment que des découvertes nous montrent le contraire, auquel cas il faudra l’intégrer, mais pour l’instant c’est plutôt ça ce qu’on trouve dans la littérature et ce qu’on ressent cliniquement.
Mickaël : Et tu as évoqué à juste titre le contexte sanitaire actuel qui a bouleversé nos comportements au quotidien. On a vu récemment que la pandémie avait augmenté notamment nos comportements addictifs. Est-ce que tu peux expliquer pourquoi ce qu’on appelle les paradis artificiels, les drogues, sous toutes leurs formes, avec ou sans substance, sont au final une très mauvaise solution pour gérer l’anxiété ?
Jean Victor : Effectivement c’est que les personnes qui vont être plus vulnérables, plus soumises au stress, atteints d’idées dépressives ou délirantes vont avoir tendance à se retourner plus vers les produits les plus psychotropes et notamment l’alcool ou le cannabis, ou finalement le produit qu’elles vont avoir disponible dans leur entourage, et ça varie en fonction de la personne. C’est sûr qu’en ce moment on assiste à une vague, un raz de marée, un tsunami, je ne sais plus quelle métaphore utiliser ! Il y a de plus en plus de personnes qui consultent, tant mieux, ils ne restent pas seuls, ceci dit c’est sûr que en ce moment beaucoup de choses sont propices à la consommation que ce soit l’atmosphère anxiogène dans laquelle on vit, l’inactivité pour un certain nombre de personnes, l’isolement, ce qui fait qu’on a des profils de personnes qui ont du mal à s’abstenir de consommer seules, qui vont boire plus que de raison, qui vont se tourner vers des produits, les nouveaux produits de synthèse… Là aussi c’est à la fois un marqueur d’une moins bonne santé psychique, c’est certain, ce qui est compliqué, c’est un peu la double peine, pour les personnes qui sont vulnérables et qui vont se tourner vers les produits bien sûr sur le court terme ça va leur procurer un bien-être et un intérêt, si l’alcool n’anxiolysait pas, si le cannabis faisait pas dormir et si la cocaïne ne donnait pas d’énergie, personne, il n’y aurait pas de problème de consommation, pas de dépendance avec ces produits-là ! mais sur le moyen et long terme ça a tendance à aggraver l’état de la personne, soit parce que ça va masquer certains symptômes soit parce que la plupart des produits sont toxiques pour le cerveau et finalement vont aggraver l’état de la personne jusqu’à des proportions qui peuvent être dramatiques, la personne va non seulement avoir un trouble bipolaire, mais en plus va être dépendante à l’alcool, et on sait que ça va être plus difficile de stabiliser les deux troubles une fois que les deux sont installés.
Mickaël : On arrive au terme de cet entretien, est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose pour donner une note d’espoir sur l’avenir des représentations de la santé mentale dans notre société ou l’avenir de la psychiatrie en général ?
Jean Victor : Bien sûr, bah je pense qu’on est à un moment qui est assez fascinant, et ce que la pandémie révèle c’est que la santé mentale devient un sujet tellement présent, qui concerne tellement de personnes qu’on ne peut plus vraiment le mettre sous le tapis et se dire bah de toute façon les gens tristes c’est des gens qui sont faibles, il suffit de se secouer… après une année comme on vient de traverser je pense que tout le monde au cours de l’année a pu ressentir de l’angoisse, a pu se poser des questions sur sa santé, a pu ressentir de la tristesse, donc je pense que c’est aussi, c’est mon côté optimiste, mais voir ça comme une opportunité pour arrêter de mettre d’un côté les personnes malades, de l’autre la société qui serait soi-disant saine ou normée. Donc je pense que ça, c’est le premier élément d’espoir. La seconde c’est qu’on est une spécialité dans laquelle il y a encore beaucoup de découvertes à faire, et pour le coup ce qui génère beaucoup d’espoir, même si, comme je le disais, il y a encore bien sûr des choses à améliorer en termes de prise en charge, si on regarde comment on soignait la maladie mentale il y a soixante ou cent ans… C’est sûr que sans neuroleptiques la vie des personnes atteintes de syndromes psychotiques par exemple était quand même nettement plus compliquée et nettement plus violente. Il y a quand même une évolution qui selon moi va dans le bon sens. Et puis le troisième aspect c’est justement toute cette pop culture, mais au-delà de ça, que ce soit le milieu de la mode où il y a eu beaucoup justement de prises de paroles de personnes concernées, que ce soit le monde de la beauté, que ce soit le monde de l’entreprise qui je pense est peut-être moins avant-gardiste et un peu plus frileux sur ces sujets, mais qui va bien évidemment je pense finir par s’y mettre… On voit que ce n’est plus uniquement Maria Carey qui parle de son trouble bipolaire et ensuite silence radio, on passe au suivant, non, depuis que je m’intéresse au sujet c’est vrai qu’il ne se passe pas quasiment une semaine sans qu’il y ait une série intéressante, ou un livre, ou une prise de parole de quelqu’un sur le sujet. Pour le coup, là, le terme de raz de marée, je l’assume et je le revendique, je pense qu’on est à un moment assez fascinant, on n’a jamais été dans une société où c’est aussi facile de parler de la santé mentale et ça, c’est vraiment très pourvoyeur d’espoir.
Mickaël : Merci Jean Victor !
Jean Victor : Merci !
[Musique de fin]
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