Mickael : Bonjour Lilian.
Lilian : Bonjour Mickael.
Mickael : Merci de t’être proposé pour participer à cette émission. Donc on est aujourd’hui à Tours, chez toi. Tu souffres principalement de ce qu’on appelle une cyclothymie. Est-ce que tu peux nous dire avec tes propres mots ce que c’est ?
Lilian : La cyclothymie ça va être un trouble de l’humeur, donc ça fait partie des troubles bipolaires, et ça va se caractériser par des fluctuations de l’humeur donc qui vont être irrégulières, et de fréquence indéterminée. Donc il ne va pas y avoir véritablement de schéma euh précis, ça va être très aléatoire, donc voilà.
Mickael : Et si tu devais associer un mot ou une image à la cyclothymie, ce serait quoi ?
Lilian : Euh, moi j’y associe un renard, parce que c’est assez fourbe un renard, et la cyclothymie aussi, ça peut arriver n’importe quand, quand on ne s’y attend pas forcément.
Mickael : Et ces troubles ils ont débuté quand tu avais quel âge ?
Lilian : Je dirais vers une vingtaine d’années, parce que ça fait deux trois ans à peu près… J’ai pas trop réfléchi à la date vraiment, mais ça fait à peu près deux trois ans.
Mickael : Et ça a commencé de quelle manière ?
Lilian : Alors ça a commencé tout bêtement par un peu de stress. Je m’en suis rendu compte parce que j’avais des maux de ventre et des plaques sur le visage et donc c’est ma dermato qui m’a dit que ça pouvait être le stress. Et d’autre part le médecin généraliste m’avait redirigé vers une gastroentérologue à l’époque parce qu’il ne savait pas d’où ça pouvait venir, et le gastroentérologue m’a fait quelques examens, une échographie, tout ça, il en a conclu que tout allait bien et donc que ça pouvait, que c’était du stress. C’est aussi comme ça que je me suis dit bah effectivement, y’a peut-être quelque chose ! Moi je m’en rendais pas compte, c’est des maux de ventre principalement qui étaient dérangeants, parce que les plaques sur le visage j’avais des traitements pour les calmer. Et ensuite ça s’est intensifié avec ce qu’on peut considérer comme des vraies crises d’angoisse, qui étaient quand même assez modérées, assez légères, mais elles étaient là. Et après ça s’est intensifié encore et encore jusqu’au moment où en fait l’anxiété a été rattrapée par la dépression et les deux ont commencé à s’entremêler, et c’est comme ça que ça a commencé vraiment. Et la dépression ensuite ça entraine d’autres, ça peut entrainer d’autres choses, dans mon cas c’étaient les addictions parce que quand ça n’allait pas je consommais beaucoup de médicaments, notamment des anxiolytiques qui sont des benzodiazépines, qui ont un risque addictif quand même assez important, et plus ça allait plus la consommation était excessive, puis mélangée avec de l’alcool et des opiacées pour potentialiser l’effet… l’effet anxiolytique, donc ce qui n’est pas vraiment recommandé. Donc voilà comment ça a commencé et comment ça s’est vraiment installé.
Mickael : Tu parles d’anxiété, de crises d’angoisse, est-ce que tu peux nous dire un peu comment ça se manifestait chez toi cette anxiété ?
Lilian : Alors moi ça commençait quasiment toujours avec des maux de ventre, tout bêtes, et après bah quand j’avais ces maux de ventre se déclenchait tout le système de l’anxiété avec le cœur qui s’emballe, l’hyperventilation, la transpiration, et puis ce sentiment d’oppression, d’être complètement bloqué, de pas pouvoir s’extirper de ce sentiment.
Mickael : À ce moment-là au début de tes troubles est-ce que tu avais quelque chose qui te permettait d’aller mieux quand tu faisais ces crises d’angoisse ?
Lilian : Pas vraiment, au départ c’était… c’étaient juste des crises comme ça et donc je me disais bah c’est pas grand-chose, ça va passer tout seul, et avec le temps ça ne passait pas. Donc j’ai vu avec mon médecin généraliste, il a d’abord essayé les traitements à base de phytothérapie qui n’ont eu sur moi aucun effet, et ensuite il est passé à l’Atarax ou l’hydroxyzine, qui est aussi un anxiolytique moins fort que les benzodiazépines, et donc ça a marché quelques jours, pas plus. Après l’effet s’est estompé et là du coup il est passé aux benzodiazépines qui après m’ont plus du tout lâché jusqu’à encore aujourd’hui.
Mickael : Et au niveau de ton humeur, tu parles aussi d’une dépression, elle a commencé de quelle manière et à quel moment ?
Lilian : Alors de quelle manière je saurais pas vraiment dire, je pense qu’elle s’est installée un peu progressivement, j’ai pas eu une chute vertigineuse vers la dépression, ça a été beaucoup plus doux. Et donc c’est arrivé neuf, dix mois à peu près après les débuts de l’anxiété du coup, et depuis ça ne m’a jamais quitté.
Mickael : Et cette dépression elle se manifeste de quelle manière chez toi ?
Lilian : Moi ça va être de l’hypersomnie, je dors énormément quand je suis vraiment en bas. Ça peut être aussi bah évidemment une perte d’intérêt pour quasiment tout, même regarder des séries par exemple que j’adore, ça m’intéresse plus, quoi. Je vais aussi avoir des problèmes de concentration, ça, c’est quand même assez, assez problématique, et je pense que ça va un peu de pair avec la perte d’intérêt parce que forcément on arrive plus à rester concentré sur quoi que ce soit. Et dans les cas les plus extrêmes il va aussi y avoir des choses comme le fait d’avoir envie de consommer, c’est comme ça que sont venues les addictions aussi, pourquoi, bah pour essayer de dormir en se disant peut être que quand je me réveillerai demain, ça ira mieux. En général ça va pas forcément mieux le lendemain, mais… mais on essaie quand même un peu de se voiler la face et on essaie un peu de fuir la situation parce qu’à quoi bon rester dans une situation où c’est vraiment compliqué, donc plutôt que de s’apitoyer ou autre, je préfère dormir. Donc voilà, après c’est pas forcément la meilleure solution, mais voilà.
Mickael : Donc tu nous dis que c’est aussi une période dans laquelle tu as commencé à consommer des substances. Est-ce que ça a commencé tout de suite par les benzodiazépines ou est-ce que ça a été d’autres substances plus classiques comme l’alcool ou le tabac ?
Lilian : Non, moi ça a vraiment été par les benzodiazépines parce que j’en avais déjà de prescrites donc c’était vraiment à ma portée. Et ben du coup j’ai augmenté les doses par moi-même et j’ai consommé aussi d’autres benzodiazépines parce qu’il y a plusieurs médicaments, plusieurs molécules dans cette classe de médicament et donc j’ai commencé à les associer les unes avec les autres en espérant voir un effet plus important. Vu que ça n’a pas eu l’effet que j’attendais c’est comme ça que je me suis dit vu que ça ne suffit pas, je vais essayer de les associer à d’autres choses comme l’alcool ou les opiacées, qui vont être des médicaments, quoi, comme je disais tout à l’heure qui potentialisent l’effet, donc qui augmentent les effets. Ce que je cherchais à atteindre, c’était le sommeil, vraiment, principalement, une espèce de sérénité finalement. Ça n’avait pas vraiment un effet incroyable… Mais… tout ce qui est dépression anxiété ça restait là malgré tout, malgré les consommations. La consommation ne me permettait pas de me séparer de cette anxiété et de cette dépression… J’avais quand même un sentiment d’apaisement, c’est un peu particulier, malgré le fait que je ne me sens pas forcément mieux.
Mickael : Et au-delà du traitement anxiolytique que tu as eu et que tu as toujours, tu as eu quoi comme autre prise en charge ?
Lilian : La prise en charge que j’ai eue tout de suite après les anxiolytiques ça a été de voir un psychologue, j’ai pu en voir un grâce au CMP parce que j’avais pas forcément les moyens d’en voir un en cabinet. Donc je pense quand même que ça m’a apporté pas mal de choses de pouvoir discuter avec quelqu’un. Après je ne suis pas sûr avec le recul que… que voilà, que c’était forcément le bon psychologue avec la bonne approche, mais je pense quand même que ça m’a fait du bien. Et là c’est vrai que j’aimerais bien justement retrouver cette partie de la thérapie que je n’ai plus actuellement, ça me manque en fait de pouvoir m’exprimer, d’exprimer ce que je ressens et de pouvoir discuter avec une personne qui puisse m’aider.
Mickael : Donc ça c’était la première prise en charge que tu as eue de ce type. Et comment est-ce que le déclic t’est venu d’aller consulter, qu’est-ce que tu as fait qu’un jour tu t’es dit il faut que je voie quelqu’un ?
Lilian : Euh, ce qui a fait que j’ai pris la décision de consulter, c’était que je savais très bien qu’à long terme ce serait pas possible, parce qu’il y avait peu de chances que ça aille mieux à long terme si je ne prenais pas de décision. Et même si je n’avais pas forcément envie de parler à un psychologue, ou pas très envie d’aller voir mon médecin et de lui raconter un petit peu ma vie, je me suis dit qu’il valait mieux le faire maintenant quand il y a encore moyen de faire quelque chose, plutôt que d’attendre encore et encore jusqu’au moment où en fait ce serait trop tard, et du coup que la prise en charge serait beaucoup plus complexe, et probablement beaucoup plus lourde aussi, pour aussi dans un sens me libérer du fardeau de l’anxiété, des addictions, etc., et du fardeau de me dire bah si ça se trouve dans quelques années je vais être encore pire, et je devrai aller consulter, et ce sera bien pire.
Mickael : Est-ce que la démarche en elle-même a été compliquée, de trouver un professionnel ? Parce que c’est souvent le cas, tu as mentionné le CMP, on sait que l’attente peut être assez longue, le professionnel n’est pas forcément celui qui convient dès le départ… Comment ça s’est passé ?
Lilian : Le premier interlocuteur évidemment ça a été mon médecin généraliste, avec qui pour le coup j’ai une très bonne relation thérapeutique donc ça a été assez facile, et qui lui m’a dit de consulter un psychologue. Et quand la prise en charge médicamenteuse au niveau dépression, etc. a été un peu plus complexe, il a su me dire il faut que vous voyiez un psychiatre, ce n’est plus dans mes compétences, moi je suis toujours là s’il y a besoin, mais le mieux c’est que vous voyiez un spécialiste. Donc à ce moment-là j’ai contacté le CMP de mon secteur et j’ai pu voir un psychologue assez rapidement. Et ensuite j’ai fait une demande de psychiatre, alors à ce moment-là ça allait pas du tout. Quand on m’a dit qu’il y avait, je ne sais plus, un mois d’attente, ça m’a paru une éternité, alors qu’un mois d’attente pour voir un psychiatre en CMP c’est pas long du tout ! J’ai eu la chance pendant ce temps-là de pouvoir voir le psychologue pour faire des choses tant bien que mal, et à côté de ça j’avais encore mon traitement qui était encore là au niveau purement médical pour atténuer un peu les choses. Et ensuite j’ai pu voir mon psychiatre qui a été mon psychiatre de suivi pendant neuf dix mois aussi, à peu près le moment où la dépression a commencé, jusqu’à mon hospitalisation. Et donc avec le psychiatre ça s’est aussi bien passé, en tout cas au départ tout me semblait très bien, on avait une bonne relation thérapeutique. mais c’est avec le temps où je me suis rendu compte que malgré mes consommations excessives de certaines substances ou ma dépression finalement qui n’évoluait pas en bien, il prenait aucune, aucune autre initiative. Et donc je me suis dit que c’était peut-être plus ce psychiatre qu’il me fallait, qu’il fallait que j’en change, qu’il m’avait bien aidé pendant ce temps-là, mais que peut-être ce n’était pas suffisant. Et c’est aussi vrai pour le psychologue, avec le recul je sais qu’il m’a bien aidé, mais je n’ai pas l’impression d’avoir fait un travail qui m’a permis d’avancer. Et donc c’est ce que j’ai pu faire après mon hospitalisation, donc je suis allé au centre de santé universitaire, où je savais qu’il y avait aussi des psychiatres qui consultaient, et donc j’ai été reçu bah la semaine dernière par la psychiatre qui a été très à l’écoute. Dans les services de santé universitaire le problème c’est que ce n’est pas fait pour du suivi, plutôt pour de la réorientation vers un professionnel adéquat. Donc là je suis encore en recherche de psychiatre… Et de psychologue !
Mickael : Et quand tu as consulté au CMP, ta demande première c’était quoi ? Tu voulais… C’était quoi la souffrance principale dont tu voulais te délester ?
Lilian : C’était principalement pour l’anxiété, pour essayer de… Je sais pas, peut être mettre des mots, où trouver des solutions… Des solutions autres que les anxiolytiques. Et après ça… On a commencé à parler un petit peu de ma vie, etc., et en fait ce qui est ressorti et qui effectivement a un lien avec l’anxiété, c’est cette envie de tout contrôler, d’être dans le contrôle absolument pour toi, qu’il n’y ait pas de place pour le hasard, qu’il y ait pas de choses qui puissent venir s’intercaler ou autre. La peur aussi de l’échec, que je ne considère pas comme envisageable, pourtant en ce moment dieu sait que je suis dedans ! [rires], Mais c’est toujours deux choses qui sont au cœur de tout ça… Enfin peut-être, je sais pas vraiment.
Mickael : Et pendant le mois où tu attendais ton rendez-vous avec le psychiatre, il s’est passé quoi ?
Lilian : J’ai pu voir le psychologue toutes les semaines donc ça a permis un peu de temporiser la situation. Mais c’est quand même resté très très compliqué, voire carrément difficile. Je pense que c’est vraiment la première vraie phase dé… enfin dépression que je faisais, et donc c’était quand même assez violent. Parce qu’on ne voit pas d’avenir, c’est très sombre, on ne se projette plus. On se projette pas et donc un mois ça paraissait une éternité. C’est très difficile.
Mickael : Et au niveau de ces symptômes dépressifs est-ce que tu as eu aussi une prise en charge pour ça ?
Lilian : Alors la prise en charge a été très simple et classique ça a été un antidépresseur, tout simplement. Je l’ai encore aujourd’hui, mais je ne suis pas sûr qu’il ait une grosse influence sur la dépression, ni même sur l’anxiété d’ailleurs, ça a aussi quelques effets anxiolytiques. Cependant il est toujours là, j’ose espérer qu’il sert à quelque chose et qu’il a vraiment un effet, et j’espère que, ouais, que je suis quand même un peu réceptif parce que sinon c’est un peu triste.
Mickael : Donc à ce moment-là, pendant les premiers mois de ta prise en charge, il n (« était pas encore question de cyclothymie ? Le diagnostic, il est venu plus tard ?
Lilian : Donc le diagnostic il s’est fait assez rapidement entre guillemets dans le sens où ça a été fait un an après le début, de, de tous ces symptômes, notamment dépressifs. Et il a été fait donc pendant mon hospitalisation, parce qu’en fait le psychiatre que je voyais en CMP il voyait que ce qui était dépression, anxiété, et il voilait un peu le fait qu’il y avait des addictions, c’était pas quelque chose qui revenait comme au centre de la prise en charge. J’ai demandé à être hospitalisé et quand je l’ai été on m’a demandé de lire un livre que j’ai lu dans la journée, et donc le lendemain on m’a demandé finalement ce que j’avais pensé de ce livre, et en fait c’était un livre d’une personne cyclothymique qui racontait un peu son quotidien, comment ça avait été diagnostiqué, etc., un peu tout son parcours. Et en fait je me retrouvais dans énormément de situations. Parfois c’était quelqu’un qui été en phase dépressive, qui avait envie de rien, qui était très pessimiste, qui avait une perte d’intérêt pour tout, qui était vraiment pas bien. Mais dans les phases hypomaniaques, alors là je suis pas certain de m’y reconnaître, dans ses phases hypomaniaques à elle, je me retrouvais dans certaines petites choses, mais c’était pas non plus… Les dépenses excessives, travailler la nuit sans vraiment faire attention aux heures, ça c’est des choses qui me sont arrivées aussi, après est-ce qu’on peut parler d’hypomanie je sais pas dans mon cas. Et donc c’est comme ça en fait qu’en parlant avec mon psychiatre et avec d’autres psys le diagnostic a été posé. Donc pour certains je sais que quand on pose un diagnostic comme ça c’est compliqué à vivre, pour moi je me suis juste dit au moins je sais ce que j’ai, je suis tranquille, entre guillemets, je sais à quoi m’attendre. C’est comme ça que le diagnostic est arrivé, avec le temps, mais assez rapidement.
Mickael : Donc tu nous dis que cette hospitalisation c’est toi qui l’avais sollicitée. Qu’est-ce qui a fait là encore une fois que tu t’es dit que tu avais besoin de plus d’elle ?
Lilian : Alors oui, c’est moi qui l’ai sollicité parce que je l’avais déjà refusé auparavant quand j’étais vraiment dans des phases dépressives très basses, et j’étais pas bien du tout et je me suis dit en fait si je le fais pas maintenant ça arrivera à un moment ou à un autre, comme pour la prise en charge initiale je me suis dit que plus j’attendrais, plus ce sera compliqué, donc pourquoi ne pas la demander maintenant à un moment où je vais pas bien, mais… Je sais pas si c’est le bon terme, mais où je suis encore un peu lucide sur mon état, etc. C’est pour ça que je l’ai demandée à ce moment-là et c’est aussi pour ça que mon psy a été un peu dubitatif parce que pour lui y’a rien qui permettait d’avoir une hospitalisation maintenant, en l’état. Et donc voilà, il a fallu un petit peu négocier.
Mickael : Et en entrant à l’hôpital, tu t’attendais à quoi ? C’était ta première expérience en hospitalisation pour ce type de troubles, c’est quoi que tu t’imaginais qui allait se passer ?
Lilian : Donc je savais pas du tout à quoi m’attendre et finalement j’ai pas du tout été stressé à l’idée d’y aller. C’est seulement en fait le matin même, le matin de mon admission où là j’ai eu un petit coup de pression et où j’ai eu cette réflexion bête. Je savais qu’il y avait des gens qui avaient des pathologies assez sévères et c’est aussi ce qui pouvait me freiner parce que j’avais peur que leur impact sur moi soit négatif, dans le sens où ça m’affecte trop. Bah nan, c’était pas du tout comme ça, les gens étaient… Bah étaient tout à fait normaux, voilà ! Et puis après au niveau médical c’était aussi bien organisé. Donc on devait voir un psychiatre chaque jour. Et ça, c’était une très bonne chose en fait parce que ça permet d’avoir un suivi qui soit très régulier, et puis après toute la journée aussi donc il y a les infirmières évidemment qui sont là, les infirmiers et les infirmières qui sont là toute la journée, toute la nuit, qu’on peut appeler aussi. Et puis évidemment les traitements.
Mickael : Et en dehors des rendez-vous avec le psychiatre ou avec les infirmiers il se passe quoi dans une journée classique d’hospitalisation ?
Lilian : Euh donc y’a des activités qui sont thérapeutiques et d’autres qui sont libres. Donc les activités thérapeutiques doivent être prescrites par un médecin. Pendant ces activités on peut faire du sport, on peut faire… Il y avait de la poésie, il y avait de l’écriture, il y avait de la peinture, il y avait de la sculpture, un certain panel d’activités donc il y en a quand même un peu pour tout le monde ou alors il faut être un peu difficile ! Au niveau thérapeutique il y avait des choses pour par exemple aider à la détente, ou des choses comme ça avec… Il y avait de la sophrologie, il y avait aussi de l’ergothérapie pour les personnes qui en avaient besoin. Je pense que c’était suffisant, du moins à mon point de vue.
Mickael : Tu es resté combien de temps à la clinique ?
Lilian : J’y suis resté deux mois et demi.
Mickael : C’était deux mois et demi parce que c’était convenu au départ comme ça, ou c’est quelque chose qui a été décidé ensuite ?
Lilian : Alors en fait quand je suis arrivé à la clinique il y avait pas de délai, il y avait pas de temps. Quand on est prêt à ressortir, on ressort, donc non il y avait pas de temps de prévu à la base.
Mickael : Pendant ces deux mois et demi, ton état a évolué comment ? Est-ce que tu t’es senti progressivement mieux, est-ce qu’il y a eu à un moment un changement assez brutal, ou est-ce que ça a stagné ? Qu’est-ce qui s’est passé finalement sur le plan de ton état psychologique ?
Lilian : Alors ça a beaucoup, beaucoup évolué, beaucoup varié. Quand je suis arrivé, c’était un petit peu le moment où voilà, on connait personne, on est un peu au milieu de tout le monde et on sait pas comment ça fonctionne donc c’est un peu compliqué. Donc c’est vrai que moi au début j’ai eu tendance à beaucoup m’isoler, comme tout le monde en fait on s’isole dans sa chambre et on attend un peu que le temps passe. À table on est avec des gens différents donc ça nous oblige un peu à parler avec d’autres personnes. Et au fil du temps, même avec les activités, etc., on fini par discuter avec d’autres gens, donc euh… Donc après mon état a évolué, sinon, au niveau de l’humeur ça a été un peu les montagnes russes, par moment ça allait bien, par moment ça allait moins bien. Enfin ça m’a aussi permis de faire mon sevrage des benzodiazépines. Ça, ça a été un peu chaotique parce que je l’ai fait un peu à ma sauce sans vraiment respecter ce qu’on avait convenu avec le psychiatre et du coup ça m’a valu un petit syndrome de sevrage sympathique. Et puis après, le fait voilà de ne plus rien avoir à consommer dans ma chambre, dans un sens ça m’a aussi un peu poussé à quand j’allais pas bien, j’avais pas d’autre chose que de prendre soi moi et de faire un peu avec ce qu’on a, donc ça ça peut aussi être un peu compliqué, et c’est vrai que moi quand ça allait pas bien j’avais tendance à avoir envie de consommer. Et comme j’avais rien, prendre sur moi c’était un peu trop à ce moment-là, donc ce que je faisais c’est que j’avais toujours des petites choses à manger dans ma chambre, des gâteaux, des sucreries, des petites choses comme ça. J’en mangeais beaucoup d’un coup pour essayer de combler ce manque de consommation. Une fois qu’on a ingurgité tout ça on culpabilise et on se dit que c’est ridicule d’avoir fait ça. Et donc quand c’est comme ça bah moi ce que je me dis c’est il faut revenir en arrière, et le seul moyen de revenir en arrière dans ces cas-là, qui n’est pas le meilleur moyen d’ailleurs, c’est de se faire vomir. Je ne dirais pas que ça a été une phase compliquée parce que pour moi c’était vraiment sporadique, c’était pas quelque chose qui se répétait, on n’entrait pas dans les TCA, les troubles du comportement alimentaire. Par contre j’en avais parlé à mon psychiatre évidemment. Et après évidemment ça s’est atténué avec le temps, et maintenant bah voilà, j’ai plus besoin de consommer ou autre. Tant qu’il n’y a pas d’anxiété derrière j’ai pas besoin, j’ai pas d’envie de consommer. Et après ça s’est bien passé, il y a eu des fluctuations d’humeurs, mais ça… Ça c’est un peu normal aussi ! Et quand je suis sorti j’étais quand même dans un meilleur état d’esprit, j’étais un peu plus combatif, j’avais envie d’aller de l’avant même si bon on va pas se cacher que c’est vite passé cet état d’esprit ! Deux, trois jours après j’étais retombé dans mes travers, bien plus modéré, déjà il n’y avait pas de consommation de substances que ce soit des benzos ou de l’alcool, opiacées, et puis voilà j’arrivais à gérer les choses, gérer les choses moi-même sans avoir à consommer de médicaments en grande quantité donc on était plutôt sur une situation on va dire entre guillemets normale, voilà.
Mickael : Donc tous ces troubles ont commencé quand tu étais relativement jeune, dans l’âge de jeune adulte, tu es aujourd’hui étudiant. Et est-ce que ces troubles ont eu un impact sur ta construction d’adulte, sur la construction de tes relations sociales, soit ton parcours scolaire, universitaire, tes relations familiales, tes relations amoureuses aussi… Est-ce qu’il y a eu un impact social de ta propre souffrance, est-ce que ça s’est répercuté aussi sur ton entourage ?
Lilian : Au niveau social, je sais pas vraiment, je pense que ça a eu une petite incidence, mais euh, enfin je vois pas un changement quelconque. Après c’est vrai que les gens quand je leur ai dit en fait, je leur ai un peu balancé un peu tout, une espèce de petit récap, quoi, et donc forcément ça fait un peu beaucoup à recevoir quand on s’y attend pas. Et y’a quand même des amis qui m’ont dit bah je sais pas quoi te dire, en fait, enfin moi je… je suis un peu bouche bée devant ce que tu me racontes, je sais pas comment te parler, comment te répondre, et tout… Y’a juste à leur répondre que bah voilà en fait, je suis toujours pareil, qu’il y a juste à me parler normalement ! Après au niveau familial du coup, c’est un peu particulier, enfin c’est un bien grand mot, mais quand je vais par exemple chez le médecin ou autre on me demande toujours si ça va, on me pose beaucoup plus de questions par rapport à ma santé, dès que je fais une prise de sang, le moindre petit examen ou autre on me demande si c’est par rapport à ça, si ça va… Après je pense que oui, y’a quand même une part d’inquiétude dans ma famille par rapport au fait que j’ai quand même passé un certain nombre de nuits aux urgences pour des IMV, et récemment un petit séjour en réanimation, donc euh… donc oui c’est sur que pour mes, ma famille c’est un peu compliqué parce que finalement ils savent pas très bien à quoi s’attendre parce qu’ils se rendent compte que c’est un peu aléatoire, que tout peut arriver n’importe quand. Bon au niveau amoureux c’est simple c’est le néant, donc euh, comme ça ça règle… pas mal les choses ! Mais après le problème c’est que… Moi c’est que je me lasse très très vite des choses, et du coup j’ai un peu ce sentiment quand je passe beaucoup de temps avec une personne, que ce soit amical ou amoureux d’ailleurs hein peu importe, je m’en lasse très vite aussi parce que tout commence bien et petit à petit, ça fait partie du processus, mais petit à petit on se rend compte des petits défauts, des petites manies, etc. de l’autre, et du coup ça me rend complètement fou ! Donc ouais c’est un peu… J’ai tendance à me lasser, ou alors avec la personne… qu’on cohabite pas, quoi ! Et après au niveau scolaire, universitaire, je saurais pas trop vraiment dire. Je pense que ça a quand même eu un impact parce que depuis que j’ai ces problèmes d’anxiété et surtout de dépression « j’ai beaucoup de mal à travailler, à cause des problèmes de concentration ça devient vraiment compliqué de travailler. Sauf que j’ai quand même une masse de cours assez conséquentes à apprendre et du coup c’est vrai que c’est une très grosse part d’incertitude et d’inquiétude parce que je me dis si je peux pas faire ça qu’est-ce que je vais faire ? Je ne vois absolument rien d’autre qui puisse me convenir ou alors les autres choses qui puissent me convenir vont être des choses où aussi il faut faire des études, donc c’est un peu compliqué. Et puis il y a aussi le problème des absences, avec les aménagements j’ai droit à quelques absences ponctuelles qui ne sont pas préjudiciables, les cours par exemple où il y a des choses notées, que ce soient des td, des tp, ou même pour les partiels si on ne peut pas être présent le problème c’est que du coup on passe directement au rattrapage. C’est la règle, mais du coup je trouve ça un petit peu compliqué de se dire que déjà on n’est pas sur de soi et en plus on prend une chance de plus, au lieu d’avoir deux chances on n’en a plus qu’une, ça met pas du tout en confiance ! Et sinon après j’ai pas spécialement de… d’impact sur l’universitaire si ce n’est le fait de travailler, d’apprendre ses cours.
Mickael : Et aujourd’hui sur tous ces plans, de l’anxiété, de la dépression, de la consommation de substances, tu en es où ?
Lilian : En ce qui concerne l’anxiété elle s’est très largement diminuée, alors elle est toujours présente, mais elle est relativement gérable selon les moments, parce que j’en étais quand même arrivé à un point où j’arrivais plus à sortir de chez moi, passer le pas de ma porte c’était très compliqué, il m’était impossible de prendre un transport en commun, alors qu’aujourd’hui je prends les transports en commun et… ça me pose plus trop de problème, alors j’ai toujours des petits moments d’anxiété, des moments un peu plus compliqué, mais dans l’ensemble c’est très gérable. Au niveau de la dépression maintenant c’est plus compliqué parce qu’elle est toujours là, malgré, malgré les traitements c’est quand même assez persistant, après je trouve quand même qu’elle est un peu atténuée, il y a des moments où ça descend vraiment pas, mais c’est assez atténué, que mon humeur neutre, latente, c’est la dépression, dans le sens où je suis toujours, bah toujours un peu dans cette humeur-là un peu… Un peu dépressive, mais on s’y fait un petit peu avec le temps. Et après pour les consommations de substance pour l’instant tout va bien, je ne consomme plus de substances, si ce n’est quelques benzo de temps à autre, mais très occasionnellement pour l’anxiété. Je sais que l’alcool j’en ai reconsommé avec des amis dans un cadre festif et j’ai pas été tenté d’en boire plus que de raison. Et puis les opiacées bah ça, j’en ai pas sous la main, et j’en ai pas besoin, donc euh, voilà, ça m’est un peu égal pour les opiacées. Donc pour l’instant, oui, j’ai quand même une consommation qui est bien claire, j’avais déjà initié un contact avec le CSAPA pour que je puisse les contacter et avoir un suivi avec eux, avec un addictologue pour ça.
Mickael : Et aujourd’hui ta prise en charge elle consiste en quoi ?
Lilian : Pour l’instant j’ai une prise en charge purement médicamenteuse, donc avec un psychiatre, en tout cas je cherche encore un psychiatre, mais j’en vois quelques-uns ces derniers temps. Et donc je vais avoir un régulateur de l’humeur, c’est le lithium. Il est pas forcément recommandé en première intention, mais j’ai eu un autre traitement qui s’appelle Lamotrigine, sauf que quelques jours après, enfin quelques semaines après parce qu’on a augmenté un peu trop vite les dosages, j’ai fait une réaction cutanée et donc il a fallu arrêter cette molécule, et à ce moment-là mon psychiatre m’a proposé deux molécules, il m’a dit de m’informer dessus et de lui dire le lendemain ce que je préférais. Donc c’était soit le lithium soit l’Aripiprazole, et bah moi je connaissais plus le lithium, je savais que c’était entre guillemets une valeur sûre dans le sens où on le connait depuis bien longtemps. Donc euh, donc je suis parti là-dessus. En parallèle de ça j’ai toujours l’antidépresseur donc l’Escitalopram et puis du Propranolol pour essayer de justement de prévenir les angoisses, de l’Alprazolam donc une benzodiazépine, puis de la Loxapine en cas d’extrême angoisse, voilà.
Mickael : Si tu pouvais changer une chose là maintenant comme ça, en claquant des doigts, ce serait quoi ?
Lilian : S’il y a une chose que je pouvais changer je pense que ce seraient les maux de ventre, tout bêtement, qui m’arrivent pendant l’anxiété, parce que souvent justement c’est un peu le déclencheur de toute la cascade d’angoisse, et donc se débarrasser de l’anxiété ce serait déjà une bonne partie de réglée et au moins je pourrais me concentrer sur autre chose et ne plus penser à ça en presque continu.
Mickael : Et d’un point de vue plus personnel, si tu devais te décrire en un mot ce serait quoi ?
Lilian : Je dirais que je suis assez indécis. J’aime pas faire des choix, j’aime pas choisir, c’est toujours compliqué de choisir ! Bon parfois y’a pas le choix, mais du coup ça rend les choses parfois un peu compliquées, ça peut rendre les choses aussi très frustrantes. Ça me définit bien d’être frustré ! Je suis très frustré dans la vie ! Indécis, frustration, c’est bien, c’est deux mots, mais si je devais en choisir un justement je ne saurais pas lequel choisir !
Mickael : Donc je l’ai dit tout à l’heure, tu es étudiant en ce moment, tu te destines à quoi comme carrière ?
Lilian : Donc je suis étudiant en quatrième année de pharmacie, mon objectif premier c’est d’être pharmacien hospitalier. Je ne sais pas encore si je me vois plus dans la pharmacie clinique, ou autre, dans la biologie médicale, ce que je sais c’est que dans les deux il y a des choses qui peuvent m’intéresser. Cependant bah évidemment il y a un petit concours à passer avant de pouvoir accéder à cette filière-là. Donc voilà, on verra bien, on va essayer de faire le maximum pour l’avoir. Quelque chose que j’aimerais faire en plus ce serait enseigner, j’aimerais bien faire de l’enseignement. Je pense que comme beaucoup d’étudiants on sait que la pédagogie c’est pas forcément ça dans un certain nombre de facs, mais aussi essayer un peu de revoir cette manière d’enseigner pour que ça soit plus efficace et que ça soit plus intéressant surtout pour les étudiants. Donc voilà. Et puis… Après ça je me dis, ça c’est mon premier plan, et puis mon deuxième plan c’est que si je ne réussis pas justement ce concours, ce serait déjà une très grande déception, mais la vie elle s’arrête pas pour autant donc faire de l’officine et en parallèle passer un master de psycho pour justement jongler un peu entre les deux et pas me lasser justement de l’un ou de l’autre. C’est pour ça que j’ai un peu besoin d’avoir plusieurs choses sur lesquelles me concentrer parce que sinon je me lasse très vite, donc euh… En ce moment j’essaie de créer un site internet justement autour de la cyclothymie donc il est en construction, mais ça avance pas très vite. Mais euh, mais il est là et j’espère qu’il verra le jour pas trop tard ! Donc voilà, ça me permet d’avoir plusieurs activités, avec des activités où ce sont les miennes, et où j’ai pas besoin de me mettre la pression, y’a pas de délai et si c’est pas fait demain, ce sera fait après-demain, et c’est pas grave ! Voilà !
Mickael : Est-ce que tu as un message à faire passer aujourd’hui ?
Lilian : Je pense que le seul message à passer, en tout cas celui qui me semble le plus important, c’est de… de pas hésiter à consulter, qui que ce soit, que ce soit un médecin généraliste, un psychiatre, un psychologue peu importe ! Quand on a des difficultés comme ça, psychologiques, psychiques, de quelque sorte qu’elles soient, que ce soit de la détresse émotionnelle, que ce soient des addictions, que ce soient… Quoi que ce soit, je crois que l’important c’est de savoir consulter le plus vite possible pour, pour essayer d’éviter toutes les complications un peu possibles où voilà, où la prise en charge deviendra plus complexe et plus contraignante aussi. Le message à faire passer c’est consulter quand on en a besoin et de pas attendre. Et voilà.
Mickael : Il me reste à te remercier Lilian pour ce message que tu souhaites faire passer et d’avoir participé également à cette émission. On te souhaite tout le succès dans tes études et dans tes projets. Et voilà, je te remercie une nouvelle fois.
Lilian : Et bien je te remercie à ton tour Mickael d’être venu à Tours, de m’avoir permis de passer ce message et de parler de la cyclothymie.