Un énorme merci à Unt’ Margaria pour son travail de retranscription.


Episode 10 – Une chanson douce

Loin du conte de fées que l’on pourrait s’imaginer, l’enfance est une période mouvementée durant laquelle beaucoup de choses se passent. Les enfants et adolescents ne vivent pas dans un monde enchanté et déconnecté des tracas de la vie. Ils sont très sensibles à ce qui les entoure, et ont souvent une compréhension bien plus fine que celle que l’on croit. D’où l’importance de parler de tout avec les plus jeunes, souvent assoiffés de découvertes.

On sait que la grande majorité des troubles psychiques se déclare avant l’âge de 25 ans. Cette période de la vie est donc capitale pour le repérage et la prise en charge précoce de la santé mentale. Aussi, les personnes migrantes et leurs enfants se retrouvent souvent dans une situation difficile dans un pays qui souvent n’est pas en mesure de leur offrir des soins adaptés.

Pour évoquer ces sujets, je reçois aujourd’hui le Pr Marie-Rose Moro, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, professeure des universités, cheffe de service de la Maison de Solenn, et, entre autres, directrice de la revue L’Autre, qui nous fait l’honneur d’être avec nous. Elle publie cette année 50 questions sur les bébés, les enfants et les adolescents. Comment devenir des parents ordinaires ? et Quand ça va, quand ça va pas. Leur(s) famille(s) expliquée(s) aux enfants et aux parents !.

Aujourd’hui, nous parlerons de l’enfance, de l’adolescence, de la situation de la pédopsychiatrie et des recherches et actions pour promouvoir la santé mentale des personnes en situation difficile, comme les personnes migrantes.

 [Musique de début]

Mickael : Bonjour Marie-Rose.

Marie-Rose : Bonjour Mickael !

Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission. Donc aujourd’hui on va parler de ta spécialité qui est donc la santé mentale des enfants et des adolescents. Et pour commencer j’ai une question que beaucoup de personnes se posent, c’est… finalement on a souvent l’impression que l’enfance c’est une période un peu enchantée, pendant laquelle il n’y a pas forcément de problèmes qui peuvent se poser sur le plan psychique, que les… justement que les plus jeunes ne connaissent pas ce genre de troubles contrairement aux personnes un peu plus âgées, les adultes et les seniors, mais au final qu’en est-il vraiment ?

Marie-Rose : Alors malheureusement on aimerait bien que comme dans les contes de fées les enfants soient toujours heureux et n’aient pas de souffrance psychique, mais ça correspond pas du tout du tout à la réalité ! On peut avoir des souffrances psychologiques, on peut avoir des douleurs psychologiques à partir du moment où on naît en fait, j’ai commencé par être psychiatre de bébés, c’était ma première spécialité, avec mon maître Serge Lebovici et euh et voilà j’ai rencontré des bébés qui avaient une anorexie primaire, qui ne voulaient pas vivre en fait, qui étaient déprimés, qui avaient mal partout, qui pleuraient… donc non, ça existe, il y a la psychiatrie du bébé maintenant qui s’est beaucoup développée et les interactions précoces parent enfant ou mère enfant, donc ça commence à cet âge, il y a la psychiatrie de l’enfant donc on peut avoir… Alors tout n’est pas psychiatrie, ça peut être des souffrances, quelque chose qui dans le développement peut arriver par exemple un deuil ou un événement traumatique, on va souffrir, ce n’est pas de la psychiatrie, mais c’est de la douleur psychique. mais après on peut aussi être déprimé enfant, on peut avoir des traductions somatiques de choses compliquées, on peut avoir des deuils, mais des deuils pathologiques, on peut, on peut avoir de « l’angoisse, surtout, beaucoup de somatisation comme on a pu voir au temps du Covid. Et donc psychiatrie de l’enfant, on peut aussi ne pas réussir à apprendre, avoir tellement peur de l’école qu’on ne parle pas à l’école, c’est le mutisme sélectif, et puis on peut aussi avoir des troubles du développement très vite, quasiment, donc en tous les cas à partir des premiers mois de la vie. Donc les enfants, et après les adolescents qui sont ceux dans cette tranche d’âge qui épidémiologiquement ont le plus de souffrances et le plus de difficultés psychiques, mais les adolescents, avec par exemple toutes les tentatives de suicide et toutes les dépressions de l’adolescence, même si aujourd’hui on discute beaucoup les concepts, mais dans tous les cas souffrance au moment de la construction identitaire, au moment de cette phase de transition, et surtout les tentatives de suicide ou les équivalents suicidaires, et bien malheureusement ça c’est 8 % d’une classe d’âge qui présente une souffrance psychique, donc ça fait beaucoup, c’est quelque chose d’important, mais il y a aussi les phobies scolaires, les troubles alimentaires, les troubles anxieux, les troubles névrotiques, les troubles, les psychoses qui vont apparaître à ce moment-là. En fait, il faut savoir que 50 % des pathologies psychiatriques apparaissent avant 18 ans et que 75 % des pathologies psychiatriques apparaissent avec 24 ans, 75 % ! Sachant qu’aujourd’hui l’adolescence, Mickael, vous savez c’est jusqu’à 25 ans, à peu près ! Il y a même un papier, mais je ne l’ai pas encore lu, qui aurait tendance à montrer, c’est toujours les Anglais qui font, avec l’IRM fonctionnelle, qui essaie de montrer que la maturation du cerveau avec tous ses circuits, c’est au moins jusqu’à 25 ans, il semblerait même un peu plus, mais disons 25 ans, en tout cas avant 25 ans la maturation et, on va dire neurologique, et psychique et affective n’est pas acquise. mais voilà, mais à 24/25 ans 75 % des pathologies sont apparues, certaines ont été guéries, la plupart on peut les guérir, et puis il y en a d’autres qui vont devenir des pathologies chroniques de l’adulte et qui vont nous faire souffrir toute la vie. mais voyez, bien s’occuper d’un bébé, d’un enfant, d’un adolescent, c’est s’occuper de lui et ça compte parce que c’est important que nos enfants soient bien et soient heureux, mais c’est aussi prévenir les pathologies de l’âge adulte, donc c’est essentiel.

Mickael : Donc tu as évoqué à juste titre l’impact qu’a pu avoir la pandémie sur le plan psychique notamment pour les enfants, on a vu pas mal d’articles sortir qui traitaient de l’augmentation des syndromes dépressifs, des idéations suicidaires chez les enfants et les adolescents, est-ce que c’est une réalité finalement ou est-ce que c’est une exagération journalistique ?

Marie-Rose : Alors ce qui est une réalité c’est le, l’impact au moment de la crise, je vais le redécrire rapidement, mais effectivement différentiel en fonction des âges, et l’impact post-crise. Ça, on l’a sous-estimé, c’est-à-dire qu’on fait comme si c’était une crise aiguë, qui touche, comme ça une sorte de parenthèse, un peu tragique, mais une parenthèse, et qu’après on va reprendre à partir du mois de septembre, le monde va reprendre, la rentrée, tout le monde va aller bien. On sait bien que sur le plan psychique c’est pas comme ça, les événements traumatiques, collectifs de surcroît, ils ont des effets après, même qui se traduisent individuellement, donc sur un long cours parce que c’est le fonctionnement psychique, pour les enfants c’est toujours aujourd’hui et puis ce que ça devient puisque c’est des êtres en développement. Alors qu’est-ce qu’on a pu décrire ? C’est difficile, hein, il faut quand même être sérieux et sincère, les… on a des enquêtes, on a très peu de grandes études qui peuvent démontrer l’augmentation très importante, mais on a des enquêtes et on a aussi des expériences de terrain. C’est subjectif, mais ça n’empêche que c’est grave, enfin c’est grave et important, et puis il faut aussi imaginer que les parents qui ont dû devenir instituteurs, tout faire dans la maison, pour s’occuper à la fois des enfants, du travail, des grands-parents et des deuils, etc., c’était difficile aussi pour eux donc parfois ils étaient épuisés aussi, ils étaient pas toujours en mesure finalement de tranquilliser les enfants. Comme les enfants, ce sont de vraies éponges, ils perçoivent tout ce que vivent leurs parents et tout ce que vit la société, ils vont exprimer des choses qui appartiennent à tous. Mais les études ont montré une augmentation des violences, des violences intrafamiliales sur les femmes, donc, et sur les enfants. Ça, c’est… C’est une vraie donnée brute et importante et vous voyez que rien que ça, le fait que les familles se referment sur elles-mêmes et que quand elles allaient mal, les conflits n’étaient pas réglés, par personne d’autre, on ne pouvait pas changer de configuration, on ne pouvait pas demander de l’aide, parfois on ne peut même pas aller à l’hôpital ou en tout cas dans de mauvaises conditions, etc., on ne pouvait pas non plus hospitaliser nos enfants s’ils en avaient besoin. Ce qui fait que les… enfin le premier point c’est l’augmentation des violences intrafamiliales et ses conséquences sur les enfants, ce qui n’est pas rien. Y compris les violences sexuelles. Ça a malheureusement augmenté aussi et ça aussi ça a un impact terrible. Ensuite… Ça, ça a été démontré. Ce qui a été aussi démontré c’est à partir de la fin du premier épisode l’augmentation des crises, des situations de crise qui arrivent à l’hôpital, ça on l’a démontré dans nos enquêtes. Donc des crises de toute sorte, des adolescents qui pètent les plombs, des enfants qui ont tellement peur qu’ils peuvent pas vivre leur vie normalement, des bébés qui crient tout le temps, des mamans déprimées qui n’arrivent pas à bien s’occuper des bébés, tout ça, c’est un fait, même si on n’a pas toujours des études, mais on a une grande difficulté, un afflux massif, et la pédopsychiatrie n’a pas pu prendre en charge ces situations et ils sont allés beaucoup en pédiatrie et les pédiatres se sont beaucoup plaint du fait qu’ils n’étaient pas adaptés pour ces situations de crise pédopsy, avec des automutilations, des tentatives de suicide, des choses très graves. L’autre élément c’est l’augmentation très importante des demandes de consultation. Nous on a une file active de 3500 à peu près nouveaux ados par an, c’est beaucoup déjà, mais là on est plutôt à 4000 quoi, donc on a bien une augmentation et on ne peut pas aller plus loin, si on pouvait aller plus loin on en aurait plus, mais on peut pas. Donc ça, c’est des faits. Ensuite comment ça se traduit on va dire sémiologiquement pour les enfants eux-mêmes ? Alors en fonction des âges, les petits et les… alors les tout petits, les bébés, c’est toutes les pathologies psychosomatiques, les adaptations du rythme, et puis les dépressions des bébés, les dépressions maternelles. Pour les enfants d’âge scolaire heureusement l’école a mieux tenu, peut-être pas encore assez, mais en tout cas mieux que dans d’autres pays, et donc ça a quand même beaucoup protégé les enfants, c’est sans doute eux qui ont eu le moins de pathologie, les enfants d’âge scolaire. Beaucoup moins que les adolescents, mais aussi les bébés, les adolescents collège, lycée, quoi. Donc eux les pathologies qu’ils ont essentiellement présentées c’est des pathologies anxieuses, c’est-à-dire que cette stratégie de dire aux enfants ah bah il faut mettre le masque, il faut pas sortir, ah bah on voit pas les camarades, ah bah on va pas à l’école parce que la maîtresse elle est malade ou parce que l’école elle est fermée, et puis il faut rentrer, le couvre-feu, etc., et puis il faut pas aller voir Papi et Mamie parce qu’on risque de leur donner le Covid… Et donc, vous voyez, on joue sur la question de l’anxiété pour faire en sorte que les enfants se protègent, mais il y a des fois, ça marche trop bien ! C’est-à-dire qu’il y a des enfants, ils se retrouvent dans une situation où ils ont peur de tout. Moi j’ai une petite fille que j’avais en consultation à l’époque, alors elle regardait mon horloge et elle avait l’impression que l’horloge elle tournait vite, alors elle pleurait, elle faisait une petite fille un peu tyrannique, comme ça, je veux rentrer ! Je veux rentrer ! Persuadée que le couvre-feu allait arriver et puis qu’elle serait à la maison, qu’elle serait pas à la maison, qu’elle serait dans mon bureau, donc c’était pas possible. Donc il y a une sorte… C’est comme si c’étaient des enfants qui inversaient la proposition qui leur était faite, ou qui la comprenaient trop bien, l’extérieur est effrayant, tu restes à la maison, bah là je sors pas de la maison sous aucun prétexte, alors ils poussaient des cris quand le papa sortait sur le balcon pour fumer, parce que genre le Covid va te tomber dessus… C’est vraiment des traductions anxieuses. Y compris corporelles, c’est-à-dire des enfants qui arrivent aux urgences, mal au ventre, mal au dos, c’est la troisième fois qu’ils arrivent, donc des traductions somatiques. Donc ça c’est clair que pour les enfants c’est des traductions somatiques, mais encore une fois je les trouvais assez protégés, même pendant une certaine période, ils adoraient être avec leurs parents, quand il n’y avait pas de conflit, pas de violence, etc., ils étaient contents d’être là avec leurs parents, plus souvent, plus longtemps… Et donc bon, voilà, des traductions somatiques, mais rien de catastrophique, je dirais. Alors que chez les adolescents, alors là ils ont payé le prix fort les jeunes gens, parce que l’adolescence est par définition un moment où on va vers l’extérieur, et là euh tout d’un coup c’est comme si le Covid avec tous les événements du Covid les obligeaient à rentrer à la maison, sous le regard et le contrôle des parents, donc c’était vraiment vraiment très embêtant pour eux, donc ils ont eu des traductions anxieuses, et puis ça a dégénéré, on a vu apparaître des traductions somatiques… Pardon, pas somatiques, des traductions dépressives, et puis des tentatives de suicide, la perte de l’élan vital au fond, l’impossibilité pour eux de voir le lendemain, le lendemain, mais de quoi vous me parlez ? J’ai pas envie, j’ai pas envie de faire d’efforts, j’ai pas envie de devenir adulte, tout, on va dire toutes ces situations comme ça sur l’avenir. Et donc je crois qu’au fond c’est ça qui a été le plus entamé, c’est la représentation de l’avenir des adolescents, donc c’était difficile, difficile pour eux, et je pense que c’est eux qui ont exprimé le plus de souffrances pour les trois âges de la vie.

Mickael : Alors toutes ces souffrances, on entend qu’elles peuvent émerger un peu à tous ces âges de manière totalement différente, ça peut être des manifestations anxieuses, des manifestations somatiques… Il y a une question je pense que se posent beaucoup de parents c’est si mon enfant va mal, comment je fais pour le remarquer ? Comment je perçois les signes du mal être ?

Marie-Rose : Alors c’est une question qu’on se pose tout le temps, hein, que les parents nous posent aussi. j’allais dire que c’est facile et difficile à la fois. C’est facile au sens de si on les interroge, ils le disent, mais c’est plus facile de le dire à un professionnel qu’à des parents. Si on a l’impression qu’un enfant va mal, par exemple, il a vraiment peur de tout… Lui il fait vite les liens, la petite dont je parlais qui voyait l’horloge, elle savait bien que l’horloge tournait pas plus vite, mais elle disait je suis tellement paniquée qu’au fond j’accélère le temps, elle savait bien que c’était sa représentation ! Donc ils le disent, mais encore faut-il déjà soit même le repérer, par exemple devant un enfant qui a mal au ventre, il peut avoir mal au ventre parce qu’il a l’appendicite, donc il faut aussi… C’est la répétition, c’est la manière dont ça se présente, et puis c’est l’investissement, comment l’enfant va en parler. Mais si disons qu’on fait cette hypothèse et qu’on le dit de manière gentille et bienveillante, parce que si on lui dit « oh la la, tu serais pas stressé ? Il manquerait plus que ça maintenant ! Des choses comme ça qui font des hiérarchies, si t’as mal au ventre parce que tu as l’appendicite, très bien, mais si t’as mal au ventre… – pourtant, c’est le mal de ventre ! – parce que tu es stressé, ce serait quelque chose, le signe d’une fragilité ». Et les enfants sont très sensibles à ça, et les enfants aussi veulent pas inquiéter leurs parents donc ils ont du mal à dire. Donc dans tous les cas s’asseoir tranquillement, parler avec eux, et leur dire de manière bienveillante peut-être il y a quelque chose qui t’inquiète et c’est ça qui te fait mal. Mais bien sûr dans le moindre doute ion fait d’abord un examen, la question somatique est très importante bien sûr ! Donc ça, c’est pour ce type de traductions, mais il y a d’autres, il y a d’autres choses qui doivent inquiéter les parents, c’est des changements brusques d’attitude, c’est-à-dire… Le Covid a changé nos habitudes et c’était parfois un peu difficile, mais sinon… Par exemple un adolescent qui d’habitude sort avec ses amis, travaille, sort avec ses amis, va au foot, au rugby, etc., et puis que tout d’un coup il commence à désinvestir progressivement, mais de manière claire ses activités, ses relations, ses amours, etc. Un changement, là il faut chercher une cassure, surtout à l’adolescence il faut chercher une cassure psychologique, et on la trouve souvent, ce désinvestissement, ce changement brutal ou progressif, mais sur un temps pas très long. Ça, c’est un point important. Pareil pour les adolescents bien sûr on va en parler avec eux, mais pour les adolescents il faut trouver le moment, il faut pas… Vous voyez un adolescent qu’on oblige à venir à table alors qu’il a pas envie, qu’il est en train d’écouter de la musique, le casque sur la tête à écouter de la musique, et puis on l’oblige à venir à table, il veut pas, il vient, puis le premier mot qu’on lui dit, on lui dit, mais t’es toujours comme ça, et là il se lève, il claque la porte, etc., c’est pas à ce moment-là qu’on lui dit tu serais pas déprimé, tu serais pas en colère, même ? Bien sûr il faut lui dire dans un moment de calme, dans un moment où on peut se parler. On peut même susciter des moments, c’est-à-dire si on voit… Par exemple, l’exemple récemment je voyais une maman qui élevait toute seule un garçon qui n’avait jamais posé aucun problème d’ailleurs, qui était plutôt très brillant, très cultivé, très sociable… Et puis non seulement il a commencé à avoir des diminutions de… de ses activités et de ses amis, quoi, mais en plus il avait du mal à se lever le matin, parfois il avait du mal à se décider à aller à l’école, et en fait… Il fumait un joint au moins avant de partir, qui était la seule manière de sortir de sa chambre vraiment. Donc ils habitaient dans un petit appartement tous les deux, forcément la maman elle a senti l’odeur, mais déjà au début elle avait beaucoup de mal à se dire que ce garçon parfait, parce que c’était vraiment un gentil garçon si j’ose dire, que ce garçon parfait se mettait à fumer, comme si c’était vraiment une transgression, ça l’est puisqu’on n’a pas, c’est interdit, mais à cet âge et sous cette forme derrière la transgression il y avait surtout, il s’enfonçait dans une dépression, et il essayait d’utiliser les moyens… C’est comme s’il se médicait tout seul, quoi, hein, il essayait de diminuer sa douleur en faisant comme ça, c’était une manière de se stimuler, bon, qui ne marche pas au long cours, mais il tentait de faire comme ça. Et donc la maman elle avait pas forcément, du fait du cannabis elle voyait pas forcément la souffrance sous-jacente parce que ce cannabis prend toute la place, mais du coup je demande à la maman, vous en avez pas parlé avec votre fils ? Parce que quand il est arrivé ça faisait un an et demi qu’il fumait au moins un, et deux, un le matin, deux le soir, donc il y avait déjà l’argent pour l’acheter, puis l’odeur, etc. Et la maman dit oui, mais chaque fois que je voulais lui en parler, d’abord j’ai tardé à le reconnaître, et puis chaque fois que j’ai voulu lui en parler c’était toujours dans des moments où j’étais très inquiète moi-même, et donc ça dégénérait, quoi ça explosait. Et donc oui effectivement dans cette situation il faut attendre un moment où l’ado n’est… C’est ni le matin ni le soir, et pas dans une situation où il devrait partir à l’école et on va l’engueuler, mais dans un moment où, dans le week-end, dans un moment un peu tranquille, et euh soit l’inviter à aller manger, soit lui faire un plat qu’il aime, que sais-je ! mais disons créer les conditions d’une discussion sur une base plus symétrique et plus tranquille, plus agréable, parce que c’est vrai qu’à nous ils nous le disent plus facilement, encore une fois, jamais ils nous mentent ! Si ils fument, ils fument, hein, et que ce soit, quelle que soit la chose qu’ils fument, ils vont nous dire, mais ils savent qu’à nous ça nous fait pas le même effet donc c’est pour ça que je disais qu’il faut créer les conditions, pour à la fois observer, ne pas dénier, discuter, et puis ensuite décider ensemble d’une manière de faire.

Mickael : Donc on parle du repérage de la souffrance, et cette souffrance au cours des dernières années est-ce que tu as remarqué qu’elle prenait des formes nouvelles, avec l’émergence de nouveaux tableaux pathologiques, de nouveaux symptômes qui n’existaient pas auparavant ?

Marie-Rose : Disons que bon il y a les… les fondamentaux sont toujours là, les expressions de la souffrance que j’ai déjà décrites existent toujours. On voit apparaître quand même des nouvelles tendances comme ça, surtout à l’adolescence en fait, alors à l’adolescence parce que je pense que les adolescents sont très sensibles à la société et aux paradoxes aussi de la société, donc ils expriment en utilisant, presque en caricaturant un peu ce qu’on attend d’eux. Je vois deux tendances comme ça un peu nouvelles, enfin nouvelles en intensité ou en forme, pour prendre des exemples un peu différents. L’anorexie qui a toujours existé à l’adolescence depuis longtemps, donc des troubles du comportement alimentaire restrictifs, on ne mange plus, il y a aussi la boulimie, mais là je parle spécifiquement de l’anorexie, on voit des tendances un peu différentes c’est-à-dire qu’avant c’était réservé aux filles qui étaient euh adolescentes et qui avaient déjà des transformations claires pubertaires du corps, des seins, des fesses, de l’ensemble du corps, donc c’étaient des adolescentes qui étaient déjà entrées dans l’adolescence et qui refusaient, qui ne pouvaient pas supporter ce corps adolescent ou le regard des adultes sur ce corps adolescent, donc ça c’était la forme typique quand moi j’ai commencé il y a une trentaine d’années, l’anorexie de la jeune fille adolescente, et dans les livres c’était décrit comme ça. Et maintenant ce tableau est très très très diversifié, peut-être qu’il est minoritaire même ce tableau, parce qu’il y en a aussi chez les garçons ce qui n’existait pas avant, alors ça reste minoritaire, mais quand même de l’ordre de 10 %, euh, ensuite ça commence très jeune, c’est l’anorexie prépubère donc avant même d’avoir expérimenté la puberté, avant même d’avoir expérimenté les changements corporels et les changements psychiques, avec des conséquences très très différentes sur le corps des jeunes filles, à la fois des conséquences somatiques et psychiques, mais somatiques par exemple ça arrive vous êtes toute petite, vous mesurez je sais pas 1 min 50 s, bah vous allez rester à 1 min 50 s parce qu’en fait y’a pas eu la poussée pubertaire que vous ne ferez pas parce que vous êtes anorexique, et puis après si ça se prolonge trop, que vous ne ferez pas parce que vous restez anorexique, et donc avec des conséquences très importantes parce que ce n’est pas que la taille c’est aussi par exemple l’ostéoporose, des adolescentes qui sont toutes petites et puis qui se cassent tous les os, tout se casse, les mains, et puis tous les os peuvent se casser parce qu’ils manquent de minéralisation, de calcium, donc des conséquences somatiques très importantes, gynéco, et tout ça, en plus des conséquences psychiques qu’il peut y avoir. Donc vous voyez, tu vois, l’anorexie elle prend mille visages, déjà que dans l’anorexie on pense qu’il y a des conséquences très diverses, génétiques, psychiques et peut être d’autres caractéristiques, mais là on a l’impression que le spectre de l’anorexie s’ouvre et que donc on est dans des maladies presque très différentes les unes des autres. Donc ça c’est pour l’anorexie, et l’autre exemple que je voulais prendre toujours à l’adolescence, c’est les phobies scolaires, ce qu’on appelle les phobies scolaires en France, mais qu’on appelle plutôt partout dans le monde le refus scolaire anxieux, déjà pourquoi nous on l’appelle différemment des autres ? Alors déjà nous on est un pays où il y en a beaucoup et donc même en Europe, je parle même pas du Japon, donc beaucoup beaucoup beaucoup, une augmentation un peu épidémique qui touche pareil, les filles, les garçons, les plus jeunes, tout le monde est touché. Donc une forme plurifactorielle parce que c’est aussi bien les choses de l’école, le rapport au savoir, le rapport aux enseignants, le rapport aux adultes, le rapport aux pairs, aux autres enfants, des choses, par exemple du harcèlement qui peut se passer sur le trajet, ou ça peut être aussi des choses de la maison, on n’a pas envie de quitter la maison ou on a peur de quitter la maison donc on reste à la maison et on veut tout apprendre à l’intérieur de la maison. On craint que le Covid augmente les phobies scolaires en fait parce qu’on voit des situations comme ça où les enfants, les ados se sont installés à la maison, déjà qu’il y en avait beaucoup, beaucoup, mais là ! L’extérieur menaçant, l’extérieur… mais ça, pourquoi il y a une telle augmentation, pourquoi en France, donc tous ces éléments-là qui sont des éléments qui jouent.

Mickael : On a parlé dans la première partie essentiellement des plus jeunes, et forcément ces plus jeunes ont des parents qui peuvent se poser aussi beaucoup de questions sur l’identité de parent, le rôle de parent. Pour toi être parent aujourd’hui ça veut dire quoi ?

Marie-Rose : Alors, être parent bah moi j’y consacre des livres entiers dont le dernier là, parce que c’est une question importante, être parent c’est difficile ! Dans mon dernier livre, dans le titre c’est comment devenir des parents ordinaires ici et dans le monde ? Pourquoi je parle de cette question des parents ordinaires, parce que c’est difficile d’être parent, et l’idée c’est pas d’être des parents géniaux, des super héros, et y’a pas non plus un seul modèle, donc ça c’est un autre élément. Et donc du coup l’enjeu c’est de trouver les compétences en soi et autour de soi pour être des parents… Winnicott disait suffisamment bon, mais c’est un peu jargonnant, jargonnant au sens qu’il faut repasser par le concept de Winnicott, mais c’est un peu cette idée, des parents qui s’ajustent aux enfants et avec le fait qu’aujourd’hui y’a pas un seul modèle, même, y’a plein de livres sur l’autorité tout ça, mais pourquoi, parce que c’est difficile, mais aussi parce que ça se décrète pas, c’est surtout un ajustement avec nos enfants, et donc moi je trouve que c’est un processus assez complexe, mais on est en France, et dans le monde, mais en France aussi, à un moment où les familles se modifient, finalement, dans certaines, par exemple à Paris il y a plus de parents qui ont divorcé que de parents qui ont élevé leurs enfants… Enfin sans… Les mêmes parents tout la vie de l’enfant, donc ça veut dire qu’il y a des modèles familiaux qui changent, se réorganisent, de nouvelles manières de faire couple et de faire famille, avec parfois même des parents qui vont d’un endroit à un autre, les enfants restent dans la même maison et c’est le père et la mère qui viennent en alternance, c’est vraiment toute sorte, des constellations, on invente des familles où il y a plusieurs mères, plusieurs pères, comme les familles élargies Africaines. Donc il faut être parent, mais dans ces constellations, c’est pour ça que c’est pour moi, il faut à la fois faire confiance aux parents et puis aussi les soutenir quoi.

Mickael : Et tu parlais du concept de parent suffisamment bon pour reprendre Winnicott, est-ce que tu peux en dire un peu plus sur ce que ça veut dire, concrètement ?

Marie-Rose : Alors pour Winnicott, et après je dirais comment moi je l’entend, mais pour Winnicott c’est l’idée que les parents doivent apporter à l’enfant les choses dont il a besoin, mais ni trop, ni trop vite, ni trop fort d’une certaine façon, c’est-à-dire que ça, c’est un concept important chez Winnicott, l’enfant au début il est dépendant des soins maternels et des soins parentaux, il est dans une sorte de dépendance et la bulle va s’ouvrir progressivement, et donc le rôle des parents c’est par exemple sur la nourriture, d’apporter de la nourriture adaptée, mais pas tout le temps parce que sinon il va tomber malade, il va devenir obèse, il va tomber malade, et de manière à ce que ça lui fasse du bien et qu’il puisse faire autre chose, que son fonctionnement psychique soit occupé par autre chose. Et pareil pour tout, pour la protection, le sommeil… Donc suffisamment bon, c’est pour ça qu’il dit suffisamment bon, c’est-à-dire que ça va apporter quelque chose de nécessaire à l’enfant, mais à une dose adaptée et pas en continu, en ouvrant progressivement le monde pour que l’enfant il puisse lui-même une fois qu’on lui a présenté le monde faire sa vie et construire un monde meilleur que celui qu’on lui a légué, ça, c’est une idée importante chez Winnicott, il dit que c’est le but de toute psychothérapie, c’est construire un monde meilleur que celui que les adultes ont légué aux enfants. Et donc, donc c’est important cette notion de suffisamment bon parce que c’est une sorte d’ajustement à l’enfant et d’un rythme qui dépend, on n’est pas les mêmes parents avec un bébé, un enfant, un ado, mais comme souvent pour comprendre cette expression il faut repasser par toute cette notion de développement de l’enfant, moi j’utilise être des parents ordinaires pour ne pas non plus imaginer qu’on est… ni très bon, ni très mauvais, on est des parents… Les bons parents c’est les parents qui sont adaptés à l’enfant !

Mickael : Et justement, être enfant aujourd’hui ça veut dire quoi ?

Marie-Rose : Ah bah alors là, être enfant aujourd’hui, Mickael, la question ! C’est vrai que ça change, je pense, en fonction du temps à la fois l’expérience des enfants, comment ils expérimentent leur enfance et leur adolescence, mais aussi la manière dont on les voit, les représentations collectives qu’on a. Et c’est important parce qu’en fonction de ces représentations on va se comporter différemment, et on va, on va apprendre aux enfants à l’école de manière différente, et on va ensuite les soigner si besoin de manière différente, donc c’est pas des questions théoriques en réalité, c’est vraiment des expériences et c’est des questions pragmatiques. Mais ce que je voulais dire sur l’expérience enfantine et adolescente d’ailleurs c (« est que c’est radicalement différent de l’adulte, c’est-à-dire que ça, y’a plusieurs travaux qui ont fait ça, on parle beaucoup en psychanalyse du fait qu’on oublie la toute petite enfance, l’amnésie infantile, mais moi je crois, enfin je ne suis pas la seule nous croyons souvent aussi qu’en fait on oublie son adolescence, quoi, c’est-à-dire que être enfant, être adolescent c’est tellement différent d’être adulte que pour passer à l’âge adulte au fond il y a une sorte d’amnésie globale et que en général, ça, c’est des études américaines, ils expérimentent tout, ils avaient par exemple cherché à savoir qui était le meilleur, qui se souvenait objectivement le mieux de l’adolescence des parents, est-ce que c’étaient les parents eux-mêmes qui pouvaient le mieux raconter leur adolescence, est-ce que c’étaient les grands parents, ou est-ce que c’étaient des professionnels, enseignants par exemple qui avaient connu les parents ado ? Et en fait si on regarde dans ces trois catégories, les plus mauvais c’est les parents eux-mêmes, c’est-à-dire que si vous me demandez à moi qui suis parent de raconter mon adolescence, dans l’étude, je vais soit l’embellir, dire moi j’étais une adolescente géniale, tranquille, cultivée, etc., soit j’étais rebelle, alors que vraisemblablement j’étais ni l’un, ni l’autre. Que… C’est là où on dit qu’il y a une amnésie de l’adolescence parce qu’on est très mauvais juge, on réécrit son adolescence sans aucun problème et en plus on n’a pas envie de la raconter à ses enfants, quand on la raconte, on la transforme. Les grands-parents font un peu mieux, et les enseignants font mieux aussi. Mais ils ne racontent pas forcément tout à fait les mêmes choses parce qu’ils n’ont pas vu tout à fait les mêmes choses. Mais les parents, c’est de très très mauvais indicateurs. Tout ça pour dire que, pourquoi, bah parce que sans doute on l’a oublié, mais aussi parce que, en partie, parce que on n’a pas très envie de la transmettre, et il y a peut-être encore un autre élément c’est, une fois qu’on a quitté l’adolescence, et en particulier quand nos enfants deviennent adolescents, c’est-à-dire que nous on commence à vieillir et on va passer bientôt du côté des grands-parents, en tout cas de ceux qui sont susceptibles, qui ne peuvent plus avoir d’enfants et qui sont susceptibles de passer la main à la génération d’après, c’est un deuil ça pour les parents, c’est pas une bonne période, c’est pas… Et en fait souvent à ce moment-là cette génération elle développe une sorte de fascination pour l’adolescence, qui est pas… Parce que tout le monde sait que l’adolescence c’est pas que du bonheur, vous savez cette fameuse phrase, je ne laisserai personne dire que l » adolescence est le plus bel âge, je la cite mal, mais quand on y est il y a de tout ! On a de tout et on a aussi des moments, des questions existentielles, des doutes, éventuellement l’idée que c’est franchement… On a envie de passer à autre chose, ou de revenir à l’enfance.

Mickael : Alors tu dis que les parents ont souvent un peu des réticences à transmettre l’histoire de leur adolescence, en revanche s’il y a quelque chose qu’ils transmettent souvent de manière assez large ce sont des légendes, des mythes, des croyances, des… La petite souris, le père Noël, toutes ces légendes qu’on fait croire aux enfants… Quel est le rôle de ces croyances dans le développement de l’enfant ?

Marie-Rose : Oui, alors ça, c’est vrai que c’est parmi les questions que les parents se posent ou m’ont posées pour les chroniques là que j’ai publiées… Et elles revenaient régulièrement, et je vois que les adolescents eux-mêmes se posent cette question, pourquoi on ment aux enfants, pourquoi on leur raconte des choses qu’ils croient un certain temps, mais souvent moins longtemps qu’on ne l’imagine, sur la petite souris, sur le père Noël et les choses comme ça… En fait c’est une question difficile ! On… Je crois qu’on, officiellement si j’ose dire on ment pour embellir, pour rendre, transformer de choses un peu de manière féérique, parce qu’on pense que ça va faire plaisir aux enfants, par exemple voilà, la petite souris, les enfants vont être contents de trouver quelque chose quand ils auront perdu leur dent, mais on est d’accord qu’on pourrait faire, d’ailleurs dans le monde il y a plein de manières différentes par rapport à ça, par rapport aux dents par exemple que les enfants perdent, il y a tout, ça va de aucun intérêt à on invente des histoires et on donne plein d’argent. Donc en tout cas je pense que c’est… Moi je dirais que c’est la marque de la nostalgie des parents, quelque chose comme ça, et ceux qui nous écoutent savent peut être que Lévi Strauss, qui est un grand anthropologue… Il a beaucoup étudié le père Noël, comme si c’était quelque chose, un mythe fondateur en fait ! Mais un mythe fondateur de, de don, d’enfance aussi, de féérie, et je crois que c’est ça qu’on répète inlassablement, des choses dont on pense que ça va faire du bien aux enfants.

Mickael : Et finalement les enfants, comment est-ce qu’ils finissent par comprendre que ce n’est pas la réalité et qu’est-ce que ça peut avoir comme impact psychologique sur eux ?

Marie-Rose : Alors… Ils comprennent, ben ils comprennent que c’est pas la réalité parce que souvent c’est des grosses ficelles, donc ils réfléchissent quand même les enfants, et ça ne correspond pas à leur connaissance de la réalité. Mais souvent c’est aussi les petits camarades, qui sont juste au-dessus, qui eux ont découvert le pot aux roses et qui vont aider les autres. Donc il y a toute une série comme ça de confrontations à une réalité qui ne tient pas longtemps, même si parfois ils continuent à faire croire aux parents qu’ils y croient parce qu’ils aiment bien les bénéfices secondaires, avoir des cadeaux, à telle heure, tel moment, etc., voilà, c’est sympa. Mais euh, alors est-ce que ça fait du mal aux enfants ? Moi je crois pas, je crois pas, pourquoi, parce que c’est collectif, c’est pas qu’on a voulu berner, qu’on a voulu ridiculiser un enfant, c’est pas ça. C’est quelque chose que la culture, le groupe prescrit que l’on fasse. Par exemple, dans le bassin méditerranéen, à l’anniversaire des enfants on leur tire les oreilles. Assez… Faut le faire assez directement, on leur tire les oreilles, évidemment faut pas faire mal, mais il y a une petite notion de quand même, on met en scène une petite douleur parce qu’on tire les oreilles du nombre de l’âge de l’enfant, il a 5 ans, on tire cinq fois, on va le réveiller en lui tirant les oreilles. Bon. Il y a plein de variantes hein de ce petit rituel, donc évidemment si je le fais alors que l’enfant sait que c’est comme ça, qu’évidemment ça fait pas mal, qu’en même temps j’applaudis, qu’il sait qu’après il va y avoir la fête, le gâteau, les bougies, tout ça, ça va ensemble, c’est plutôt un signe que les parents, ils ont pas oublié que c’est important. Si ça n’existe pas et que je vais tirer les oreilles le jour de son anniversaire à mon enfant évidemment que là c’est un acte individuel et que même si je lui fais pas très mal, je lui fais mal, parce que je suis en train de lui tirer le lobe de l’oreille, comme ça, je lui dis pas pour quelle raison, ça n’a pas de sens, c’est presque de la maltraitance. Des fois, surtout adolescents, ils s’en plaignent, ils disent c’est quoi ces histoires, comment on traite les enfants ? Il peut y avoir des moments comme ça où on s’interroge sur pourquoi on ment aux enfants, quoi !

Mickael : Et dans la lignée de ces mythes et légendes qu’on fait croire, il y a aussi celles qu’on peut comprendre, comme tu l’as dit, pour embellir un peu les choses difficiles, notamment les choses difficiles, comme par exemple le fait qu’une personne décédée partirait rejoindre les étoiles du ciel nocturne, mais au final est-ce que les enfants ont vraiment une compréhension de la mort ?

Marie-Rose : Alors ça, c’est une question vraiment qui est posée depuis longtemps en fait, et moi j’avais une certaine idée, l’idée qu’il y a dans les livres, que les enfants, il faut attendre 5, 6 ans pour que les enfants perçoivent le caractère irrémédiable, durable de la mort. C’est ça qui fait la mort, sinon vous êtes parti en voyage, dans les étoiles tout ça, vous allez revenir, ça c’est pas la mort, c’est la disparition, mais vous réapparaissez. C’est d’ailleurs ce qu’on leur dit pour atténuer parfois la douleur. Mais ce côté irrémédiable, chez nous en France, il apparaît… Sauf si ! Moi ce que j’ai constaté sur les terrains, parce que j’ai beaucoup travaillé avec MSF dans les zones de guerre, si vous êtes dans un milieu où vous avez beaucoup été confronté à la mort très tôt, en fait beaucoup plus tôt que ça les enfants ils comprennent qu’il reviendra jamais, quoi, moi j’ai vu des enfants de trois ans au cœur de la guerre pleurer parce qu’ils avaient compris que non, c’était pas l’étoile, c’était le noir, quoi, y’aurait plus rien. Et pareil si un enfant en période de Covid ou pour d’autres périodes pour des raisons familiales a été confronté tôt, plus tôt, il va plus tôt que les autres percevoir ce caractère irrémédiable. Et donc c’est vrai que la question qui se pose c’est que par exemple un enfant si quelqu’un meurt, est-ce qu’il faut qu’il aille à l’enterrement ou à l’incinération ou pas, alors les familles font comme elles veulent, ça, mais globalement on peut dire qu’un enfant il faut l’associer à tous ces moments-là parce que c’est comme ça qu’il se construit son idée quoi.

Mickael : Et finalement inversement comment est-ce qu’une famille peut entre guillemets « survivre » au décès d’un enfant ?

Marie-Rose : Alors ça ! C’est une des choses les plus difficiles que je connaisse, je crois. Euh… C’est… Le… Survivre au décès d’un enfant c’est vraiment un grand malheur et c’est décrit dans plein d’endroits comme un paradigme de malheur. Et même dans les endroits où les enfants, la mortalité infantile est plus élevée qu’en France, moi j’ai remarqué que les familles s’habituent pas du tout, et que les mères en particulier… Des fois il y a une sorte de, de répartition des rôles, les pères disent et bah voilà, il faut… il faut accepter la mort de l’enfant, et les mères pleurent à chaque fois comme des pleureuses, quoi, elles pleurent beaucoup beaucoup parce que… elles ont le droit de pleurer, c’est le rituel, quoi, mais aussi parce qu’elles vont pas bien, quoi ! Et donc euh, oui… Mais par contre il y a des rituels très différents, et en particulier à l’égard de la mort d’un enfant, il y a des endroits où les femmes sont exclues de, du rituel, ce qui est très difficile, c’est la manière que la société a trouvée pour adoucir, les femmes restent entre elles, les hommes partent enterrer. Bien sûr, c’est pas la nôtre, et… je recommande que chez nous tout le monde puisse être ensemble y compris les enfants, mais… Voilà, il y a dans ces sociétés cette manière-là, et d’ailleurs dans ces cas-là la confrontation au corps de l’enfant n’est pas du tout non plus, n’est pas préconisée, et quand ces mamans sont ici en France et qu’elles le perdent à la maternité par exemple, ici en France on a tendance à montrer le corps des enfants aux parents, donc aux mères, et certaines mères ne veulent pas, donc il faut vraiment leur demander quoi, parce que sinon on les retraumatise ! C’est fait pour ça les rituels pour pas augmenter encore la douleur de la perte.

Mickael : Donc on a parlé des parents, des enfants, il reste l’âge intermédiaire qui est celui de l’adolescence, avec une manifestation qui est assez fréquente et souvent spectaculaire qui est la crise d’adolescence. La question qu’on peut se poser c’est si cette crise d’adolescence, elle est universelle ? Est-ce que tout le monde la connaît à un moment ou à un autre ? Et finalement quel est son rôle dans le développement de l’individu ?

Marie-Rose : Alors ça, ça fait partie des questions que de grands anthropologues se sont posées, je pense, à Françoise Héritier. Elle a écrit un très beau texte, que nous avons publié dans la revue L’autre, et on a même publié un texte de Cristina Figueiredo qui est anthropologue, qui a commenté la position de Françoise Héritier. Et donc si je commence par la fin, non ! La crise d’adolescence n’est pas universelle. Même pas chez nous, d’ailleurs ! Chez nous elle est fréquente, mais tu le sais on peut ne pas faire de crise d’adolescence, et c’est pas grave. Parce que souvent on me dit oui, mais si on la fait pas ça sera peut-être plus grave si on la fait à trente ans, à quarante ans, non. Si on fait quelque chose à trente ans, quarante ans, ce sera autre chose, ce sera sans doute pas la crise d’adolescence et en tout cas ce n’est pas parce qu’on l’a fait ou on l’a pas fait que ça enlèvera quelque chose à la crise de quarante ans. C’est euh… Voilà, dans la construction identitaire, dans la séparation d’avec les parents on a peut-être besoin de s’opposer aux parents, mais il y a des adolescents, la crise d’adolescence elle est interminable, 25 ans sans problème ! Et elle a commencé à onze ans, quoi, donc c’est vrai que ça peut être long chez nous. Déjà Freud parlait d’adolescence inter, non terminée, interminable, alors là aujourd’hui je ne sais pas comment il faut l’appeler, elle est très longue, beaucoup plus longue pour des raisons d’organisation de la vie et de l’autonomie aussi de ces jeunes gens, hein, qui font… Donc chez nous elle est pas universelle, on peut la faire en silence aussi et que personne s’en, la voie, quasiment. on peut ne pas la faire et ça ne change rien au fait qu’on a fait notre adolescence. Donc si on regarde comment ça se passe aussi bien dans l’histoire que dans la géographie et bien on se rend compte que ce qui est universel c’est le passage entre enfant et adulte, voilà, ça c’est universel, à un moment vous êtes enfant, à un moment vous êtes adulte. Mais combien de temps ça dure, ça ? C’est très variable. Il y a plein d’endroits où ça passe de l’un à l’autre. Ça nous choque ça nous, parce que nous on dit on est soit enfant, adolescent ou adulte. Y’a des endroits où on est soit enfant, soit adulte, donc si on considère qu’on est adulte quasiment à la puberté, on est adultes à la puberté. Ça veut pas dire que les jeunes filles sont prêtes pour se marier, pour avoir des enfants, pas du tout, mais elles sont considérées comme adultes, quoi. Adultes au sens de elles ne sont plus dans le monde de l’enfance, mais elles sont pas dans quelque chose d’intermédiaire. En plus on va s’opposer à ses parents, tout ça ça dépend de comment on se construit dans ces sociétés-là. Donc un processus de transformation, mais plus ou moins rapide, un processus de passage, mais plus ou moins long. Et euh pas forcément des crises, mais des étapes, ou des rituels, ou des manières de s’appuyer sur la génération d’avant qui font que, non non, on est vraiment… Le passage est universel, mais pas la crise d’adolescence telle que nous on la décrit, qui est liée à la manière dont on voit les adolescents. Nous, ça nous surprend pas qu’un adolescent soit un peu irrespectueux, claque des portes ou fasse des choses comme ça, donc d’une certaine façon il y a une attente par rapport à ça.

Mickael : Alors tu as dit dans la première partie de l’émission que la crise du Covid a révélé certains manques de moyen, notamment dans le service de pédopsychiatrie dans lequel tu travailles, avec une demande qui a beaucoup de mal à trouver une réponse. De manière plus générale, selon toi quel est l’état actuel de la pédopsychiatrie en France ?

Marie-Rose : Alors euh… On parle régulièrement de crise de la pédopsychiatrie, bon… Je crois quand même que c’est un, un mot possible, mais euh… Comme toute crise il y a aussi des éléments positifs, quoi. Mais les éléments négatifs c’est le manque de moyens, vraiment, vraiment, le manque d’universitaires pour former les pédopsychiatres, les futurs pédopsychiatres, hein, il y a des régions entières où il n’y a pas d’universitaire de pédopsychiatrie. il y a vraiment des structures insuffisantes, une nécessité parfois alors qu’on devrait voir les enfants toutes les semaines, on peut pas, donc on les voit une fois tous les quinze jours ou tous les mois, ce qui est une ineptie à cette période, donc il y a euh… ça met parfois en colère les professionnelles parce qu’il y a, ce n’est pas que les pédopsychiatres, c’est aussi les infirmiers, les éducateurs, c’est très pluridisciplinaire la pédopsychiatrie, donc c’est tout le monde de la pédopsychiatrie. Il y a à mon sens un excès de protocole, on voudrait tout protocoliser, sur les enfants, c’est vraiment excessif. Donc euh les moyens et puis une sorte d’organisation un peu rigide qui, qui ne permet pas toujours de s’adapter aux besoins et aux enfants, moi je trouve aussi, parce que c’est une de mes spécialités, que y’a des enfants qui n’ont pas assez accès à la pédopsychiatrie, comme par exemple les enfants de migrants ou les enfants de famille socialement défavorisées, et donc tout ça c’est quand même des problèmes quoi ! Mais… mais je vois quand même dans cette période difficile, je vois quand même comment, la prise de conscience de l’importance de la pédopsychiatrie pour la société, pour les familles, pour les enfants, euh, des vocations, des envies, des engagements, des belles recherches… Voilà, des choses qui se passent, mais on a besoin aussi d’une sorte de… Oui, de, la pédopsychiatrie doit s’autonomiser de la psychiatrie c’est-à-dire qu’elle doit être une discipline à part entière pour bien s’ajuster aux besoins des enfants.

Mickael : Et actuellement dans le champ de la pédopsychiatrie quelles sont les principales questions ouvertes ?

Marie-Rose : Ah, les questions il y en a quand même beaucoup ! Il y a des questions de comment on nomme ce qui arrive. Je vais prendre des exemples dont j’ai peut-être pas encore beaucoup parlé, les troubles de l’attention et euh, l’hyperactivité des enfants, bah il y a toujours des débats, quoi, tu sais qu’en France on en a, beaucoup moins qu’aux États-Unis heureusement, mais aussi parce qu’on les médicalise moins, on leur donne beaucoup moins de médicaments, comment on va nommer ces choses-là, et ce qu’on va faire, et toutes les ressources qu’on va utiliser pour s’occuper de ces enfants, sans forcément leur donner à tous des médicaments, la psychomotricité, ça peut leur faire beaucoup de bien, toutes les techniques corporelles, mais même parfois de s’occuper de ce qui les fait bouger comme ça, ce qui les fait tourner, donc pourquoi ils sont comme ça et pas seulement comment ils sont. Moi je trouve qu’il y a des débats intéressants, mais importants autour de ça. Le deuxième débat un peu théorique, mais important c’est est-ce que la catégorie dépression de l’adolescent est une catégorie en soi ou est-ce qu’on met derrière les mêmes mots des tas de choses très différentes. Le dernier débat que j’ai déjà souligné c’est l’accès de tous, tous les enfants quels qu’ils soient, tous les parents à la pédopsychiatrie. Et ça, je pense qu’on est loin d’avoir une égalité de traitement de tous les enfants, or par rapport aux conséquences que ça a, par rapport à l’école, à la vie, au bonheur, c’est un vrai sujet de société.

Mickael : Et d’un point de vue un peu plus personnel, est-ce que tu peux nous parler de tes projets de recherche et des projets que tu as pour la maison de Solenn pour les mois à venir ?

Marie-Rose : Alors j’ai un grand grand projet de recherche en ce moment qu’on appelle PHRC c’est-à-dire un programme hospitalier de recherche clinique que je fais dans le cadre de l’APHP et de l’INSERM qui est un projet sur l’ensemble de la France et qui est de démontrer l’efficacité de prise en charge des thérapies transculturelles pour tous les enfants donc des enfants de migrants ou les enfants qui migrent et de le faire sur le mode d’un essai de médicament, c’est-à-dire que… C’est pour les enfants déprimés donc on regarde si les thérapies transculturelles sont plus efficaces que les thérapies qu’on fait d’habitude pour les enfants, quels que soient les traitements habituels, médicaments, thérapie individuelle, thérapie familiale, tout. Et nous on veut démontrer que la thérapie transculturelle est plus efficace, donc thérapie qui prend en charge toutes les composantes de la famille, qui prend en charge toute la famille dans la langue de la famille, et avec un groupe de thérapeutes, c’est ça la thérapie transculturelle. Et donc l’enfant lorsqu’il est suivi pour dépression et qu’on nous demande une thérapie transculturelle on va faire un tirage au sort et soit il est dans le bras traité donc on va le traiter, nous, en plus de son traitement habituel, et sinon s’il est dans le groupe contrôle il va rester sur liste d’attente pendant plusieurs mois avec son traitement habituel. Et donc on va démontrer comme ça, je l’espère, en tout cas c’est la recherche, on va démontrer que la thérapie transculturelle c’est plus efficace que n’importe quelle autre thérapie. Mais ça a jamais été fait parce que c’est très difficile pour les thérapies parce qu’il faut des grands nombres, il faut, il faut trouver une manière, là c’est parce que c’est une thérapie de deuxième intention donc on peut montrer que ça marche mieux que la première intention, mais d’habitude c’est pour les médicaments, c’est très difficile à faire pour les thérapies, il faut un modèle comme on dit bayésien pour avoir un peu moins de thérapies parce que c’est une thérapie qui dure aussi plusieurs mois. Donc c’est un bel enjeu pour nous. Donc enfants et adolescents. Sinon on a aussi, on a des études très intéressantes, toujours dans le transculturel, on a une étude très intéressante sur le trouble du comportement alimentaire chez les enfants de migrants, donc euh, ça c’est un sujet important pour nous, et puis après on a des, plein de, des thérapies, enfin des thérapies des recherches pardon sur l’obésité à l’adolescence par exemple, ou un sujet, on a un nouveau groupe de recherche-là qui travaille sur les violences sexuelles à l’adolescence, les effets sur l’adolescence, mais aussi comment on peut minimiser les conséquences sur les enfants et les adolescents, y compris comment on dévoile ou pourquoi on dévoile pas, donc ça, c’est tout un nouvel axe de recherche sur les enfants et les adolescents.

Mickael : Et si tu avais un message à porter aujourd’hui sur la pédopsychiatrie, sur la santé mentale, sur la psychiatrie, sur la crise qu’elle est en train de connaître et qu’elle connaît depuis plusieurs années, ce serait quoi ce message d’espoir ?

Marie-Rose : Alors moi mon message, d’ailleurs j’espère qu’on l’a entendu jusqu’à présent, c’est que la pédopsychiatrie c’est… c’est un engagement de la société en fait, pour la cause des enfants, pour aujourd’hui et pour demain, la cause des bébés, des enfants et des adolescents, et qu’on a tout à y gagner quoi ! On a à y gagner parce qu’on sera une société plus solidaire, plus généreuse, on a aussi à y gagner parce que les adultes demain seront plus heureux, on a tout à y gagner parce que moins de souffrance pour les enfants c’est un critère pour moi d’une société qui se porte bien parce qu’elle fait en sorte que les plus vulnérables souffrent le moins possible ou pas du tout. Donc c’est un message presque politique je dirais, d’engagement, quoi, de… Parce que la pédopsychiatrie c’est trop sérieux pour être laissé qu’aux pédopsychiatres, ça appartient à tous, aux parents, aux professionnels, aux associations, aux curieux ! Et moi je trouve que c’est pas pris assez au sérieux par… comme un objet politique justement, comme un engagement politique, donc mon message il serait, voilà, de donner à la pédopsychiatrie les moyens dont elle a besoin, mais parce que c’est un objet politique, parce que c’est un engagement politique.

Mickael : Dans cette émission on a à cœur de porter le message sur la santé mentale au plus grand nombre, dans des termes compréhensibles avec un format accessible, et il y a une question que je me pose c’est finalement là on parle moins des personnes qui sont adultes, mais si demain on a envie de parler de santé mentale à un enfant, on s’y prend comment ?

Marie-Rose : Ah bah on peut, hein ! Dans un de mes derniers livres là, la famille quand ça va, quand ça va pas, c’est un livre pour enfants. Moi j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire, je l’ai beaucoup testé avec les enfants et les adolescents, ça marche bien, mais il faut faire à hauteur d’enfant, c’est-à-dire que… Alors il faut faire sérieusement, hein, parce que sur des sujets comme ça, la famille, la souffrance, la jalousie… ce qu’on peut vivre, bah les enfants ils deviennent vite sérieux, hein ! D’ailleurs de temps en temps si je trouvais des blagues elles trouvaient que mes blagues elles étaient pas toujours très bonnes parce que c’était sérieux, ils voulaient aller jusqu’au bout de leur idée. Donc moi je… Là on l’a fait clairement en s’adressant aux adultes et aux parents, on pourrait refaire le même exercice en s’adressant aux enfants. C’est un peu plus difficile parce qu’il faut faire attention, s’interroger, parce que des fois c’est un peu facile, je le fais aussi, je prends le mot technique et hop ! Mais avec un enfant on peut pas faire ça, il faut dire qu’y’est-ce que je mets dans ce mot technique, c’est pour ça que ça demande finalement un petit effort, mais c’est toujours très gratifiant de le faire, je trouve, et les enfants ils percutent cinq sur cinq, quoi !

Mickael : Eh bien merci beaucoup Marie-Rose d’avoir participé à cette émission, et merci beaucoup pour ton engagement pour la santé de l’enfant, pour la santé mentale, transculturelle, pour ton engagement auprès des migrants, auprès des personnes migrantes, on ne peut que te remercier pour tout ce que tu fais au quotidien et je te remercie une nouvelle fois d’avoir accepté mon invitation.

Marie-Rose : Et beh moi Mickael je te remercie et je suis contente d’être écoutée par des gens curieux et intéressés.

Mickael : Merci !

[Musique de fin]

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