"Qu’ils aient coupé les ponts suite à ce qui m’est arrivé, ça m’a fait du mal. Mais je me dis aussi qu'ils n’en valaient pas forcément la peine, parce que moi j’avais été là pour eux."

TROUBLE SCHIZOPHRENIQUE ET PAIR-AIDANCE— Les troubles schizophréniques sont l’archétype des troubles psychiques stigmatisés. On en a tellement dénaturé le nom que les médias l’utilisent la plupart du temps pour désigner tout autre chose. Ils touchent environ 1% de la population, soit environ 600 000 personnes en France.

Loin des clichés véhiculés dans les films d’horreur, les schizophrénies sont des troubles complexes qui peuvent revêtir de nombreuses apparences, allant des hallucinations et idées délirantes au retrait social et à la perte du plaisir, en passant par des difficultés cognitives. On est loin de l’image du schizophrène tueur en série.

Je reçois aujourd’hui Lucille, une jeune femme souffrant de troubles schizophréniques, qui, en tant que médiatrice de santé paire, accompagne d’autres personnes après leur diagnostic. Elle s’engage aussi pour l’inclusion des personnes avec un trouble psychique avec son association La Maison Perchée.

Bonne écoute !
Une maison triangulaire perchée dans un arbre, la nuit, illustrant l'association La Maison Perchée qui vient en aide aux personnes atteintes de schizophrénie et d'autres troubles. Manon Combe, pour Les Maux Bleus.

Intervenant

Lucille

Catégorie

Thèmes

Mickael : Bonjour Lucille.

Lucille : Bonjour Mickael.

Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission. Donc aujourd’hui on va parler de troubles schizophréniques. Est-ce que tu pourrais nous dire avec tes propres mots, brièvement, de quoi il s’agit ?

Lucille : Alors la schizophrénie c’est une maladie qu’on peut qualifier d’épisodes psychotiques. Tout le monde n’entend pas des voix par exemple, mais le plus courant c’est d’avoir des hallucinations audiovisuelles… Euh… Oui, audiovisuelles, on peut avoir aussi des hallucinations corporelles et beaucoup d’épisodes psychotiques comme par exemple se sentir persécuté, avoir des périodes de dissociation, de déréalisation, un exemple c’est qu’on… on peut penser, vous êtes dans le métro par exemple et vous pouvez croire que vous êtes mort, des choses comme ça. Donc ça, c’est de la déréalisation par exemple.

Mickael : Et si tu devais associer tes troubles à un seul mot, ou une image, ce serait quoi ?

Lucille : De la souffrance. De la souffrance… c’est toujours difficile pour les personnes qui ne souffrent pas de maladie psy de se dire que c’est de la souffrance, ou c’est des gens qui font exprès, ou… qui inventent des choses, etc., mais quand on vit ces symptômes-là, parce qu’on parle de symptômes, c’est assez compliqué quand on n’est pas pris en charge de vivre avec toutes ces bizarreries, ces choses qu’on voit ou qu’on entend, que… Par exemple dans les endroits bruyants ça peut être très difficile de rester dans un café qui est bruyant, essayer de se protéger un maximum, et c’est une maladie qui apprend vraiment à bien se connaitre, essayer de faire très attention, etc., avoir vraiment une hygiène de vie assez bonne… Faire attention aux personnes qu’on côtoie aussi. Mais c’est une maladie avec laquelle on peut très bien vivre et se rétablir au quotidien.

Mickael : Alors on va revenir un peu sur l’histoire de tes troubles. Est-ce que tu pourrais nous dire quand et comment ils ont commencé ?

Lucille : En fait je travaillais à Dublin, j’étais commerciale pour une plateforme de réservation et de location de voitures, donc je travaillais en call center. À l’époque je sortais beaucoup donc je consommais pas mal de toxiques. Et euh… Après en voyage en Sicile je sais pas ce qui est arrivé, je dormais plus, je continuais à prendre des toxiques et quand je suis rentrée j’ai commencé à avoir des hallucinations dans l’avion, j’allais au travail et j’en avais aussi dans le bus, ça a duré trois semaines, un mois, à la fin j’arrivais plus à aller au travail. Je savais plus quoi faire pour aller mieux donc je buvais beaucoup d’alcool pour apaiser les symptômes, mais ça aidait pas, j’écoutais beaucoup de musique aussi et la musique, ça m’accompagne encore aujourd’hui, si je pouvais pas écouter de musique je serais vraiment pas bien. Donc j’ai fait ce premier épisode psychotique qu’on peut appeler soit bouffées délirantes aiguës soit premier épisode psychotique. Ça dépend sous quel angle on le voit. Et à la suite de ça, au bout de trois semaines un mois de symptômes assez intenses, ma famille est venue me chercher à Dublin et j’ai euh attendu deux trois jours avec beaucoup de médicaments et j’ai eu la chance que… à ce moment-là qu’un ami psychiatre de ma famille, Aziz, il est venu manger le week-end quand je venais de revenir de Dublin, et il aidait ma mère pour savoir quel médicament il fallait que je prenne pour me calmer, me canaliser, et lui il avait déjà pensé à un trouble schizo-affectif, par exemple, ce qui n’a pas été le cas par la suite. Mais la psychiatrie c’est assez difficile, enfin, c’est vraiment une prise charge qui peut être assez difficile parce que quand il y a une personne en crise et qu’elle doit attendre trois, quatre jours, que c’est sa famille qui doit gérer, c’est compliqué pour tout le monde. Et avant d’être pris en charge on est complètement démuni, et je me souviens, quand je suis arrivée dans cette clinique, comme je buvais beaucoup d’alcool pour apaiser mes symptômes et je pensais que c’était la seule solution qui était nécessaire pour que j’entende plus de voix, etc. Et ben… Je suis arrivée dans cette clinique et la première chose qu’on m’a faite c’est une perfusion de valium, donc moi j’étais en crise d’angoisse monumentale, j’étais vraiment pas bien, j’étais allongée sur un lit et je fais, mais qu’est-ce que je fais là ? J’ai une perfusion de valium dans le bras, comment j’ai pu rater autant mon année à Dublin, comment j’ai pu en arriver là ? Je culpabilisais beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, ce qui est un mécanisme assez fréquent dans les addictions, et à ce moment-là je suis restée deux semaines dans une clinique psychiatrique, ils m’ont bombardée de médicament, peut être beaucoup trop que les doses légales qui auraient dû être mises en place, ce qui m’a pas permis d’assurer mon job étudiant à la Fnac, j’ai pas pu continuer mon école de commerce, donc euh, j’ai fait des services civiques, j’ai retravaillé… En fait j’ai une personnalité qui voulait toujours aller de l’avant, je voulais pas arrêter, et je prenais pas en compte… C’était pas tout à fait un déni de la maladie, mais je prenais pas en compte mes difficultés et mes souffrances de l’époque. Et il m’a fallu bien deux, trois ans avant de comprendre que quand on a une maladie psy il faut prendre le temps pour soi, il faut bien se connaitre, il faut savoir dire non, savoir dire non, là je peux pas, je dois arrêter, etc., quoi.

Mickael : Et au moment de ce premier épisode psychotique, tu avais quel âge ?

Lucille : J’avais 21 ans.

Mickael : Et cet épisode psychotique il s’est manifesté de quelle manière, tu parles d’entendre des voix ?

Lucille : J’entendais beaucoup de voix, en fait dans ma tête c’était soit je fais de la télépathie soit je suis schizophrène. Et à ce moment-là il y a une collègue à Dublin, Pauline, qui est venue me voir, j’ai été chez elle et son copain, et elle me disait Lucille tu sais les symptômes que tu as là, tout ce que tu es en train de vivre là, j’ai une amie qui est devenue schizophrène. Sachant que j’ai été diagnostiquée schizophrène trois ans plus tard. Mais elle me l’avait déjà dit à ma première crise, et je l’avais entendu, mais moi j’étais dans une souffrance telle, j’avais des impressions de mort imminente que si je mangeais tel ou tel aliment il allait être drogué, que j’allais mourir si… enfin des choses un peu délirantes, que si je mangeais ça j’allais mourir, j’étais complètement désorientée, j’aurais pu me prendre un bus dans Dublin si j’avais pas un ami mexicain qui m’accompagnait, etc. Ben beaucoup d’hallucinations auditives et des impressions de mort imminente.

Mickael : Donc tu as dit que après ce premier épisode il a fallu plusieurs années, trois ans, pour avoir un diagnostic. Et entre ce premier épisode et le diagnostic, il s’est passé quoi ?

Lucille : Il s’est passé que je voulais retravailler tout le temps. Donc j’ai travaillé dans une start up de jeux vidéo, j’étais chargée de développement commercial, ça se passait pas bien, je consommais de la cocaïne à l’époque, avec mon copain de l’époque, donc ça allait vraiment pas bien, au bout de sept mois j’ai craqué, je suis retournée en clinique, donc c’était ma 2e hospitalisation en clinique, l’été 2017, j’ai refait pareil l’année d’après, donc j’ai re été en clinique, et là je me suis dit non, c’est pas possible, parce que j’ai fait une TS à ce moment-là, médicamenteuse, et il s’est ensuivi que chaque fois que je sortais de clinique je reprenais un travail, après j’ai fait conseillère clientèle pour une banque, à la BNP, ça a pas tenu, ils ont fait une rupture conventionnelle, etc. parce que je sortais la nuit, enfin… Même je m’en souviens mon responsable de l’époque il me disait, mais c’est pas possible, vous avez un réseau la nuit, qu’est-ce que vous faites ? Et j’étais vraiment pas bien, pas bien à l’époque et en mai 2018 ou 2017 je sais plus du tout, j’ai décidé d’arrêter la cocaïne d’un coup sec, et ça allait vraiment pas, donc en mai je m’en souviens j’étais chez mon père, et je lui ai dit il faut que je sois hospitalisée, mais pas à la clinique, parce que j’avais un psychiatre à l’époque qui passait son temps au téléphone, qui me gardait dix minutes, qui écoutait pas ma souffrance, qui… je lui disais à toutes les séances je prends de la cocaïne, je sais pas quoi faire, je sais pas quoi faire, il m’aidait pas du tout. Donc là j’ai dit là il faut vraiment que je change, je sais que l’hôpital public, ça peut être traumatisant pour certaines personnes de vivre une hospitalisation à l’hôpital public, mais dans ma tête je me disais je vais être mieux prise en charge. Et ça a été le cas. J’avais beaucoup, beaucoup de médicaments, mais il y avait une équipe Elsa, c’est les équipes mobiles qui viennent en psychiatrie pour parler de problèmes d’addictions, et du coup cette équipe m’a fait un dossier, m’a proposé de faire un dossier pour aller dans un CSAPA résidentiel qui s’appelle Kairos, donc j’ai passé mon été à Kairos, on était euh 2018 c’était l’été de la coupe du monde ! Donc j’ai été à Kairos, j’ai vu un médecin ; je lui ai dit que je voulais arrêter les médicaments, il m’a suivie, etc., il parlait que c’était peut-être un stress post-traumatique et que c’était pas forcément de la schizophrénie, et qu’on savait pas trop, donc on a décidé d’arrêter le traitement et j’ai refait une bouffée délirante, donc réhospitalisation, sous contrainte cette fois-ci, à l’hôpital public. Je suis passée deux fois devant le tribunal. Et euh… Quand on est en hospitalisation sous contrainte on passe devant le tribunal, moi c’était au tribunal d’Évry. Après j’ai réussi à prendre conscience des choses, l’interne en psychiatrie qui me suivait m’a fait une annonce de diagnostic auquel je m’attendais, donc de schizophrénie, une infirmière Sonia qui m’a beaucoup accompagnée, avec qui j’ai repris contact y’a pas très longtemps, et là ça a mis des mots sur des maux, et en fait cette interne en psychiatrie elle m’a beaucoup rassurée sur le fait qu’elle connaissait des patients qui souffrent de schizophrénie qui avaient fait des grandes écoles, qui avaient fait polytechnique, etc., et moi c’était mon grand regret d’avoir arrêté les études à un bac+2, et je m’accrochais, je me rappelle j’étais à l’hôpital et je m’accrochais beaucoup à des brochures, à des écoles d’ingénieurs, des écoles de, pas des écoles de commerce, mais je me disais une école d’ingénieur, ou d’autres écoles qui m’intéressaient, je lisais les brochures, je lisais beaucoup de livres, j’ai lu Vernon Subutex en plus à la suite de Kairos parce que j’ai rencontré beaucoup de gens qui étaient sous… Sous, bah pas sous Subutex, sous Métadone, etc., donc j’ai lu Vernon Subutex, la trilogie, à l’hôpital, je lisais beaucoup, on écrivait beaucoup avec d’autres patients aussi, parce qu’il y a une grande humanité entre les patients en psychiatrie qui peut se créer, et euh… Et à ce moment-là… Je sais qu’il peut se passer des choses belles après, même si je suis malade, ça peut être dur, je sais que je pourrais avancer peut-être ça mettra peut être plus longtemps que pour quelqu’un d’autre, mais je peux avancer. Et cette psychiatre m’a aidée là-dessus, mon infirmière aussi, à Kairos ou à l’hôpital on m’a souvent parlé du fait que j’avais des ressources, et je pense que tout le monde a en lui des ressources et c’est ça qui permet de passer ces maladies-là et de se rétablir après, quelques années après. Donc à ce moment-là, là à force de foncer tête baissée et de vouloir retravailler à chaque fois que je sors de clinique là j’ai dit je prends une pause, j’avais le chômage à l’époque, et donc j’ai fait une pause d’un an à peu près. Et à ce moment-là euh… Ça allait beaucoup mieux quand même, parce que j’ai rencontré un nouveau psychiatre en libéral, en banlieue, dans le 91 où j’habite, et lui il m’a changé mon traitement, je suis tombée sur le traitement qui m’a convenu le mieux, après trois essais de trainent je suis tombée sur, sans une dose de cheval, une dose qui me permet de faire des choses ! Et à ce moment-là j’ai rencontré Maxime à la fondation Orange pour une conférence sur le Psychodon, il était derrière moi et je lui ai demandé… Il avait l’association Bipolaire et fiers, et fières, et puis je lui ai demandé, mais tu veux pas faire pareil pour les personnes qui souffrent de schizophrénie, etc. ? Il me dit oui oui… Bon, et le lendemain il me recontacte il fait oui, il avait fait un plan, on fait ça, la page Facebook, on fait de la déstigmatisation, on rencontre d’autres personnes, d’autres associations, etc. Et ça a commencé comme ça, euh… début 2019, donc c’est un projet qu’on a depuis trois ans, sachant que la Maison perchée elle a un an, parce qu’après on a rencontré plein de personnes sur notre route et on a décidé d’allier les deux et d’aider les personnes qui souffrent de bipolarité et de schizophrénie. Et la Maison perchée c’est des groupes de parole qui s’appellent les Perchoirs, animés toujours par des personnes concernées. Les Nids, pareil, c’est des calls d’urgence avec des personnes concernées. Et on a des ateliers comme du yoga, de la sophro, de la nutrition, etc., tout en visio pour l’instant parce qu’on n’a pas de financement pour des lieux publics, mais on cherche actuellement, on a lancé une campagne de crowdfunding actuellement pour pouvoir financer un lieu, pour pouvoir financer un lieu à Paris, et on a déjà des propositions dans d’autres villes en France pour qu’il y ait des Maisons perchées, euh, dans d’autres villes, je sais pas en combien d’années on pourra essayer de faire développer le projet, etc., pour l’instant on est une petite équipe, on est quinze bénévoles, concernés et non concernés, euh… C’est mixte quoi, donc c’est ça qui est intéressant, il y a de très beaux échanges entre concernés et non concernés, mais toutes les personnes qui sont non concernées par la maladie psy sont très très intéressées par ce domaine. Je pense qu’on va bien avancer, c’est beaucoup de travail, mais, mais c’est un projet qui est un peu mon bébé et que j’ai envie de développer au maximum, et je me dis que dans les prochaines années, en même temps que mon travail de médiatrice santé-pair à Sainte Anne, je veux continuer à développer le projet et qu’on puisse aider des jeunes, parce que la Maison perchée c’est pour les jeunes qui sont en souffrance psychique, aider des jeunes à reprendre leur projet de vie, à les valoriser, à leur dire que c’est possible de retravailler, d’avoir une vie de famille, d’avoir un amoureux ou une amoureuse, etc., d’avoir des relations amoureuses, d’avoir des relations amicales, et on travaille beaucoup par exemple sur l’annonce diagnostique, comment en parler à ses proches, etc., parce que quand il y a une annonce diagnostic il y a beaucoup d’autostigmatisation en fait, il y a beaucoup beaucoup d’autostigmatisation de la part des personnes concernées parce que euh, la pop culture véhicule encore des schémas sur des maladies comme la schizophrénie assez… assez énormes comme si c’était un dédoublement de la personnalité, etc., ou que les schizophrènes sont dangereux alors que c’est une infime minorité statistiquement, il y a moins de schizophrènes qui passent à l’acte que des personnes sans maladies psy quoi ! Mais ça peut faire, ça fait encore les gros titres, et c’est pour ça qu’on essaie aussi de faire de la sensibilisation et de la déstigmatisation, de la sensibilisation auprès des universités pour que les jeunes en souffrance psychique puissent avoir un accompagnement dans les écoles, donc on fait vraiment de la sensibilisation là-dessus aussi, dans les entreprises aussi, on va développer une offre entreprise pour justement parler des problèmes psychiques en entreprise, et il y a vraiment beaucoup beaucoup de choses à faire en psychiatrie que par exemple l’hôpital public ne peut pas faire aujourd’hui par manque de moyen, manque de fi… Oui par manque de moyens, manque de financement, donc il y a vraiment encore beaucoup beaucoup de choses à faire, qu’on n’est pas assez et que c’est compliqué, mais c’est vraiment un but de la Maison perchée d’aider ça, et on n’a pas l’ambition de changer la psychiatrie, mais vraiment on voudrait améliorer les choses.

Mickael : Donc tu as parlé de… de ces clichés que la société a souvent sur les troubles schizophréniques qui sont que les schizophrènes seraient des personnes violentes, qu’elles auraient un dédoublement de la personnalité, et justement toi qui vis ces troubles au quotidien est-ce que tu pourrais nous parler justement des véritables manifestations de ces troubles ?

Lucille : Euh les véritables manifestations des troubles, après j’ai le trainent donc c’est beaucoup réduit, mais je vais entendre des voix trois ou quatre fois par semaine, je peux pas être dans un endroit bruyant sinon je crois que j’entends des voix, etc., et j’ai beaucoup moins d’angoisses psychotiques, sinon j’ai un traitement qui m’aide pour les angoisses psychotiques. Il y a beaucoup de personnes souffrant de maladies psy qui ont des angoisses qui les paralysent un peu, et en prenant un traitement euh très ponctuel parce que les anxiolytiques, les benzodiazépines faut pas en prendre tout le temps, mais si tu en prends une fois tous les deux mois, ça peut t’aider sur le moment et te permettre de… Je parle pour moi, parce que c’est pas le cas de tout le monde, les médicaments ils font pas le même effet sur tout le monde. Mais moi par exemple j’ai un anxiolytique qui me permet d’être alerte, concentrée, et ça m’endort pas, alors que je connais une autre personne, ça la tasse complètement, elle a les yeux à moitié fermés, etc., alors qu’elle prend la même dose que moi, et moi… je pense que l’angoisse est tellement forte que ça apaise l’angoisse et ça me permet de… d’être alerte, alors que l’angoisse me paralyserait, quoi. Donc là au quotidien c’est surtout des angoisses qui restent. Et après sur l’entente de voix euh c’est beaucoup plus minime et c’est, et c’est gérable. Et c’est gérable. Mais… Du coup ces ententes de voix si elles ne sont pas positives peuvent entraîner vraiment des problèmes de confiance en soi, et peut provoquer des problèmes dans les relations sociales aussi, parce qu’on n’a pas assez confiance en soi, etc. Après les questions qui reviennent souvent dans nos groupes de parole c’est comment agir sur les symptômes positifs, donc les symptômes positifs c’est ce qu’on a en plus de la maladie, les hallucinations, etc., et les symptômes négatifs comme la clinophilie, le fait de rester tout le temps au lit, de pas se lever de son lit, etc. Et pour pallier tout ça moi je suis persuadée qu’il faut un accompagnement global et qu’en psychiatrie il faudrait qu’il y ait plus de moyens, il y a des équipes qui le font déjà, des équipes de case manager, etc., c’est vraiment accompagner sur deux, trois ans, là où je travaille c’est sur deux/trois ans, et accompagner le projet pro, le projet d’études, accompagner sur toutes ces choses-là, sachant que les case managers c’est des équipes pluridisciplinaires pour vraiment aider la personne à rebondir et à reconstruire un projet de vie, et à lui dire c’est pas parce que tu as une schizophrénie ou une bipolarité que tu pourras rien faire de ta vie, au contraire, y’a des tas de gens qui travaillent, qui arrivent à être bien insérés. Après il y a une autre question qui vient par rapport à ça, c’est est-ce que je le dis, est-ce que je le dis pas ? Donc c’est… Par exemple où je travaille en tant que médiatrice santé-paire c’est vraiment une question qui… qui revient souvent, c’est à qui je l’annonce, comment je l’annonce, est-ce que je peux être amoureuse, est-ce que je peux être amoureux de quelqu’un ? Est-ce que je pourrai avoir une famille, etc. y’a certains exemples qui le prouvent, mais c’est vraiment les inquiétudes de la plupart des gens et j’espère qu’on vivra dans une société plus inclusive où la maladie mentale sera moins stigmatisée et où ça permettra de voir que c’est pas parce qu’on a une maladie mentale qu’on n’est pas comme tout le monde non plus, quoi… [musique] La psychiatrie c’est un peu un combat pour moi depuis que je suis enfant, en fait. À l’époque je me renseignais beaucoup sur les maladies psychiques parce que mon père est bipolaire, et qu’il a eu des traitements très très lourds, mais il a toujours travaillé, mais il a eu des traitements très très lourds, ce qui fait qu’il avait du mal à… Mes parents sont divorcés, mais il nous voyait un week-end sur deux, mais il avait du mal à nous euh… à s’occuper de nous, en fait, donc on était chez nos grands-parents, etc., il dormait beaucoup. J’ai vécu des mini-traumas, ou des traumas, on peut dire les choses comme ça, à la maladie de mon père quand il a fait ses bouffées délirantes, j’étais en maternelle. Ma mère a tout fait pour me protéger. J’étais une enfant très anxieuse… Euh, j’ai fait un peu de dépression à huit ans aussi, en cours, mais ça se voyait pas trop, ma mère travaillait beaucoup, elle se levait tôt, etc. Je faisais de grosses crises d’angoisse au collège aussi, y’a eu ces signes-là. Après au lycée, enfin, pour moi c’était une période merveilleuse donc j’ai pas… Mais j’ai commencé à beaucoup boire en soirée, comme beaucoup de jeunes, mais je fumais pas de cannabis ou de beuh, parce que j’ai jamais aimé ça et que mon père m’avait dit faut pas en prendre du tout, ça peut te déclencher une maladie psy, et puis à 21 ans j’ai atterri à Dublin, là j’ai consommé beaucoup plus, et puis j’ai commencé, avant de faire mon premier épisode psychotique, j’ai commencé à entendre des voix six mois avant, six mois avant, et je pensais que ça allait passer, dans ma tête… je l’occultais complètement, je me disais ça va passer, sauf que c’est pas passé et pendant trois semaines un mois j’avais des… des voix dans ma tête, plusieurs voix dans ma tête, mais pendant trois semaines, un mois non-stop quoi ! Mais j’ai des amis à Dublin qui ont voulu m’aider sur les addictions, mais que j’écoutais pas, j’avais 21 ans, j’étais trop jeune, j’étais dans mon délire, voilà. Mais après j’ai rencontré des médecins qui m’ont rassurée et qui m’ont dit que la schizophrénie, ça peut être en toi et que tu peux la déclencher à 27, 28 ans si t’avais pas consommé, et limite c’est peut-être une aubaine de l’avoir déclenchée à 21 ans, parce que bon j’ai perdu quand même mon école de commerce, mon travail, etc., mais je sais pas comment j’aurais réagi à 27, 28 ans… Oui, pour me rassurer, je sais pas si c’était pour me rassurer ou pas, mais les médecins m’ont dit que j’aurais pu la déclencher à 27, 28 ans sans consommation de toxiques.

Mickael : Et à l’heure actuelle tu bénéficies de quel type de prise en charge, justement, toi qui parles de prise en charge globale ?

Lucille : Moi je l’ai pas eu cette prise en charge globale, je l’ai fait toute seule. Par contre j’ai un médecin qui m’a beaucoup accompagnée sur le traitement, qui me fait des piqures de rappel sur les addictions à chaque consultation, je sais que ça fait trois ans que ça va beaucoup mieux, mais je vous fais une piqure de rappel à chaque fois, etc., j’ai une très bonne alliance thérapeutique, une grande confiance dans le médecin auquel je vais, je vais bientôt déménager sur Paris, il est en banlieue, mais je continuerais d’aller le voir parce que je m’entends très bien, et c’est ce que je dis même en tant que MSP, si vous avez une bonne alliance thérapeutique avec votre médecin, que vous pouvez tout lui dire, il va pas vous mettre des doses énormes de traitement si il comprend bien, si vous lui dites que vous avez des effets secondaires, etc. il peut ajuster le traitement, et c’est important de… Tous les médecins sont pas comme ça, mais si vous trouvez le bon médecin ça peut être compliqué. J’ai pas forcément, on me demande des fois des adresses de psychiatres, j’ai pas forcément, parce qu’il y a une pénurie de psychiatres en France qui est assez énorme. Mais moi j’ai vraiment… Je pense que je l’ai un peu perdu avec la première bouffée délirante aiguë, mais… Le fait que je sois partie à 21 ans toute seule à Dublin avec mon sac à dos, etc., c’est pas parti ces choses-là, je suis plus apeurée maintenant de partir toute seule, etc., mais comme je dis souvent votre caractère il disparaîtra pas, en fait. Vous le retrouverez, même si vous avez des problèmes de concentration, moi je sais qu’au début dans les relations amicales ou surtout dans les repas familiaux je pipais pas un mot de ce qu’on me disait, j’arrivais pas à me concentrer, je disais pas, j’allais me coucher… Et cet état là, ce que j’ai envie de dire c’est qu’il est pas là pour toute la vie, quoi. Le rétablissement en schizophrénie, le rétablissement en bipolarité existe. Et je pense que les médiateurs santé-pairs sont des bons biais pour prouver ça et porter de l’espoir, et rassurer, surtout rassurer et dire que c’est possible, mais que pour ça il faut qu’il y ait plein d’éléments, que ça aille bien, au C’JAAD par exemple les familles sont prises en charge aussi, il y a des groupes d’éducation thérapeutique, avec Care you care, y’a Profamille pour les familles… Pour que la personne elle ait plus d’insight, qu’elle comprenne mieux ses symptômes, à partir du moment où la personne comprend mieux ses symptômes et qu’elle intègre le diagnostic elle aura moins de mal à adhérer au traitement, adhérer aussi à des choses comme prendre soin d’elle, faire du sport, avoir une hygiène de vie assez convenable, mais sans pour autant dire qu’elle aura plus de vie sociale, on va pas dire non tu vas plus jamais boire de bière, tu peux boire une bière de temps en temps avec tes amis, etc., d’avoir une vie comme tout le monde ! Mais si t’as besoin de te protéger des lieux où il y a du bruit, etc., fais-le parce que tu en as besoin ! Et Victoria la cofondatrice de la Maison perchée avec Caroline et Maxime, elle a écrit un article sur l’inclusion justement dans Usbek & Rica, dans cet article elle parlait que les relations amoureuses pourront se faire sans qu’il y ait une stigmatisation des maladies psy, parce qu’un premier rendez-vous amoureux on va pas dire je souffre de schizophrénie, je souffre de bipolarité, ça peut… c’est tellement, y’a tellement de méconnaissance des troubles psy aujourd’hui en France que c’est compliqué pour ces personnes-là, comme croire qu’un schizophrène est fou dangereux, qu’il a une double personnalité, je l’avais entendu de ma prof de français en seconde et ç’a m’avait marquée ! Donc c’est peut-être pour ça aujourd’hui que j’ai créé l’association avec d’autres personnes, que aujourd’hui le travail de médiateur santé pair à Sainte-Anne au C’JAAD me plait énormément, parce que ça me rassure de voir qu’au C’JAAD on accompagne les personnes de façon globale, que je peux accompagner quelqu’un à un service d’orientation pour qu’il soit mieux pris en charge dans son université et qu’il puisse aspirer à ses projets de vie, il veut absolument faire une double licence et bien sûr qu’on le suivra sur ce plan-là, etc., en trouvant des plans B si ça va pas, etc. Mais moi j’ai une approche dans mon métier c’est si la personne a envie de faire quelque chose on l’accompagne, si on voit qu’elle est trop en échec on trouve des alternatives, mais tout en y allant step by step quoi, essayer de rassurer, de dire tu peux pas faire tout d’un coup, il faut y aller doucement, si tu veux faire une thèse par exemple peut être mettre plus d’années que quelqu’un d’autre, ou… des choses comme ça quoi.

Mickael : Donc tu l’as dit, tes symptômes ont eu une répercussion sur ton parcours professionnel, sur ton parcours universitaire. Et sur le plan social, au niveau relationnel, au niveau amical, au niveau familial, est-ce qu’il y a aussi des répercussions qui ont été présentes ?

Lucille : Bien sûr ! Euh… Les trois quarts de mes amis sont restés très proches de moi, j’ai des amis de lycée qui quand ils ont vu les vidéos que j’ai faites sur Kombini ou Brut l’ont très mal pris, ils ont dit, mais qu’est-ce qu’elle devient Lucille ? Enfin bref… Moi j’ai pas voulu rentrer là-dedans parce que c’est pour moi un manque d’ouverture l’esprit… Et qu’ils aient coupé les ponts suite à ce qui m’est arrivé ça m’a fait du mal, mais je me dis aussi que c’est des personnes qui n’en valaient pas forcément la peine parce que moi j’ai été là pour elles à des moments donnés. Donc je me suis dit euh, non, j’étais entourée pour la plupart d’amis bienveillants et assez ouverts d’esprits, et aujourd’hui j’ai rencontré des personnes formidables, donc, je pense aussi faut choisir ses amis, et qu’il y a des moments, même si c’est des amis de longue date qui nous tournent le dos bah c’est que c’était pas des vrais amis, si pendant les périodes difficiles que tu traverses elles peuvent pas t’aider c’est que… Enfin pour moi c’est pas normal, c’est pas quelque chose que je conçois dans mes valeurs. Du coup j’ai laissé trainer le truc et tant pis, maintenant c’est comme ça, c’est comme ça quoi. Mais ça peut faire mal, donc c’est pour ça qu’accompagner les personnes, si en psychiatrie on peut accompagner les personnes sur l’annonce de diagnostic déjà que eux ont par le médecin, mais si on peut les accompagner sur comment annoncer leur diagnostic à es proches, que ce soit familial ou amicaux, c’est très important, et c’est très rare qu’en psychiatrie les gens fassent ça.

Mickael : Et donc comme tu l’as mentionné aujourd’hui tu es médiatrice de santé paire et tu accompagnes donc au quotidien des personnes qui souffrent de trouble schizophrénique après l’annonce d’un diagnostic, donc là la question est je pense tout à fait adaptée à ton cas, c’est quels conseils est-ce que tu peux donner à ces personnes finalement ?

Lucille : Pas mal de conseils, surtout les rassurer ! Leur dire une maladie psy c’est un peu comme on a une jambe cassée, on a un plâtre pendant six mois, et qu’après on l’enlève on peut remarquer normalement. Et une maladie psy dans notre tête on se dit bah non, je vais être guéri dans trois semaines, rétabli dans trois semaines, je suis sorti de l’hôpital, ça va mieux, j’ai plus rien. Sauf que c’est comme si on avait un plâtre, euh, qu’on avait un plâtre au cerveau, mais il faut prendre en compte qu’il y a un moment de convalescence après les crises, et qu’il faut vraiment y aller step by step, reconstruire un projet de façon à se ménager, trouver des solutions, apprendre à très bien se connaitre, le gros conseil c’est tu seras l’expert de ta maladie donc c’est toi qui te connaitras le mieux et tu sauras quel travail tu peux faire, quelles études tu peux faire, où tu pourras aller… sans forcément viser trop haut, ou des fois en visant trop bas donc trouver l’entre-deux, et moi j’ai envie de leur dire si vous avez tel ou tel projet je peux vous accompagner là-dessus, tout en leur disant peut être si c’est trop ambitieux de leur dire peut être là essayez de trouver un plan B, parce que ça peut être compliqué, ça fait pas trop longtemps que vous avez été diagnostiqué, que vous avez eu le début des troubles, etc., mais vraiment mon rôle je pense il… Le rôle de MSP il porte beaucoup d’espoir parce que c’est une personne qui est rétablie en face de lui, qui peut avoir des moments de pas bien comme tout le monde, mais qui sait s’arrêter au moment où ça va pas bien et c’est ce que je leur dis, tout le temps, c’est tu es ton meilleur conseiller, tu sais à quel moment tu peux t’arrêter, à quel moment, là, tu peux y aller, et beaucoup d’entretien individuel donc parler de tout et de rien des fois, parler de tout et de rien, mais si la personne des fois elle veut plus prendre de traitement, l’accompagner sur un plan de crise, que moi j’appellerai plutôt plan de prévention, pour prévenir, pour prévenir une future hospitalisation, faire de la prévention, faire de la sensibilisation dans les lycées, dans les universités, au travail. Déjà que les personnes apprennent à vivre avec leur maladie psy, il y a les groupes d’éducation thérapeutique du patient qui aident beaucoup pour ça, il peut y avoir de la remédiation cognitive aussi, mais pas laisser les patients seuls à la sortie d’une hospitalisation, ça, c’est juste pas possible, c’est juste pas possible ! Parce qu’après l’hospitalisation je me souviens pour mon cas personnel, j’étais en crise d’angoisse, j’avais une dose maximale de médicaments, jusqu’à ce que je trouve le médecin qui me change mon traitement ! Mais même en sortant de l’hôpital c’est… Pour certaines personnes, ça peut être un choc. Donc laisser les personnes sortir de l’hôpital psychiatrique sans suivi, c’est… c’est juste inadmissible pour moi, quoi ! Et je pense que le MSP, les infirmiers, les case managers sont nécessaires en psychiatrie en France pour pouvoir aider justement à la suite de tout ce qui s’ensuit de l’annonce du diagnostic, des symptômes, etc. quoi.

Mickael : Et justement à ce propos on avait reçu dans un précédent épisode Baptiste qui était patient expert en addictologie, qui nous avait parlé un peu de ce qu’il faisait au quotidien et comment il en était arrivé là. Et toi de ton côté comment est-ce que s’est passée ta, finalement ta formation pour devenir MSP et à quoi ressemblent finalement tes journées, quelles sont tes tâches concrètement ?

Lucille : Bah déjà comment je suis arrivée à faire la licence MSP… J’ai repris mes études en 2019 j’ai fait une licence intervention sociale au Cnam, insertion, et réinsertion sociale et professionnelle, dans laquelle j’ai fait un stage de 4 mois en association, une association qui s’appelle Carton plein pour l’inclusion sociale et professionnelle des personnes vivant à la rue. Et après euh y’avait l’association, donc je suis arrivée dans l’association à faire un peu de pair-aidance, etc., bénévole. Et après j’ai vu qu’il y avait une offre d’emploi pour le C’JAAD à Sainte-Anne, pour pouvoir être médiateur santé pair et qu’il fallait faire cette formation, donc je venais de valider une licence, je me suis dit est-ce que je vais refaire une licence l’année prochaine ? Et en fait le métier il… il correspond parfaitement à ce que j’avais envie de faire donc…. Donc j’ai fait ce métier. Je le fais depuis janvier. Mes journées types c’est faire des entretiens avec des patients, participer au groupe d’éducation thérapeutique du patient, faire le groupe sport, faire des entretiens individuels téléphoniques, suivi pro, CV, lettre de motivation, aider à la réflexion du suivi pro, tout en prenant en compte les fragilités des personnes. C’est surtout ça le travail de médiateur santé pair, que moi je fais au C’JAAD en tout cas. Et pourquoi pas aussi animer un groupe sur un projet de rétablissement, un petit groupe de WRAP (Plan d’action de rétablissement et de bien-être/Wellness Recovery Action Planning) par exemple.

Mickael : Et au-delà des personnes qui sont directement concernées, se pose souvent la question de l’entourage, de la famille. Justement, soit lorsqu’un premier épisode psychotique se déclare ou lorsqu’un diagnostic est annoncé. Comment est-ce qu’on peut accompagner finalement les proches de la personne concernée ?

Lucille : Ce qui est très intéressant, il y a une… une grosse différence entre les jeunes que j’accompagne et les familles, c’est que les familles, les parents des patients, vont me poser énormément énormément de questions sur mon expérience, sur mes savoirs expérientiels, sur le rétablissement, sur quels sont les médicaments à prendre, alors que moi je suis pas médecin, je leur dis j’ai pris ce médicament-là, j’ai eu des hautes doses, là où vous êtes le psychiatre il va jamais mettre des doses monumentales, etc. Et les proches ils posent beaucoup beaucoup de questions et récemment j’ai eu un cas où ça a beaucoup rassuré le papa et ça a permis une prise en charge beaucoup plus apaisée quoi. Et les jeunes vont moins spontanément poser des questions, mais ce sera plus sur un accompagnement global justement, expliquer beaucoup de choses, etc., et avec les proches y’a vraiment une proximité qui est plus individuelle, c’est, c’est que eux ils ont vraiment beaucoup de questions et des fois c’est eux qui suggèrent à leurs enfants, mais tu peux contacter Lucille, etc., parce qu’ils vont pas forcément oser, ou ils vont pas savoir quoi dire… Les parents ça les rassure beaucoup qu’une médiatrice santé paire soit dans l’unité en tout cas. J’ai fait plusieurs entretiens avec une psychologue, en binôme avec une psychologue, avec une maman par exemple, ou intervenir aussi avec une psychiatre en entretien, et c’est assez intéressant, peut être que prochainement je participerai à… si vous connaissez Pro famille… Participer à certaines séances de Profamille qui est une formation pour aider les jeunes qui souffrent de schizophrénie. La famille aussi c’est une clé de voûte du rétablissement, si la famille permet d’accompagner au mieux la personne qui souffre de schizophrénie ou de bipolarité, ça peut changer beaucoup de choses. À la Maison perchée on va aussi ouvrir un groupe qui s’appelle le Wrap, Wellness Recovery Action Planning, c’est un plan de rétablissement en 8 étapes, alors ce sera des petits groupes, pour l’instant ça va être un groupe test de quatre personnes, et ça sera euh sur un mois quatre sessions d’une heure où on corédigera ensemble une heure des questions sur un plan de rétablissement, qui sont corédigés par les personnes elles-mêmes, et à la fin de l’heure ou à la fin des trois quarts d’heure plutôt pour qu’on ait le temps d’avoir les réponses de tout le monde, échanger entre tous pour que le groupe puisse sortir des similitudes, ou ah moi j’ai pas pensé à ça, j’aurai pu mettre ça, etc. ! Donc on va mettre en place, en plus des ateliers du Perchoir et des Nids, j’animerai les ateliers Wrap, que j’ai déjà expérimentés dans un CSAPA, à Kairos, et donc on va mettre ça en place en juillet, on aimerait bien pérenniser les choses, recruter plus d’animateurs, etc., parce que la Maison perchée c’est vraiment une communauté, donc c’est les gens qui participent à nos Nids, à nos Perchoirs, quand ils se sentent prêts à vouloir eux-mêmes être animateurs ils ont une formation, en coanimant d’abord avec moi ou une autre personne pendant deux ou trois sessions et après ils deviennent autonomes pour animer des groupes de parole parce que c’est toujours une personne concernée qui anime les groupes de paroles ou les Nids, les Nids les appels d’urgence…

Mickael : Et si tu devais te décrire en un ou deux mots, ce serait quoi ?

Lucille : Euh… toujours aller de l’avant, et l’espoir. C’est deux moteurs dans ma vie ça a été l’espoir et pas lâcher, aller de l’avant, malgré les difficultés qu’on peut rencontrer sur son parcours, qu’il y a toujours des solutions qui existent, il y a toujours des solutions qui existent, même quand on est dans une souffrance énorme et qu’on peut avoir des idées suicidaires penser à la mort, etc., il y a toujours des solutions pour apaiser la souffrance de la personne. On n’y croit pas quand on l’entend ! Mais ça arrive !

Mickael : Et… C’est bien que tu parles justement d’espoir et d’aller de l’avant parce que ma prochaine question concerne tes projets pour les mois et les années à venir. Comment tu envisages l’avenir ?

Lucille : Alors je l’envisage, les dix prochaines années je les envisage avec la Maison perchée, avec le travail à Sainte-Anne auquel je pourrai intervenir, mes missions vont évoluer, donc je pourrai intervenir à Profamille, par exemple, ce qui n’est pas encore fait, je pourrai aussi faire de la sensibilisation dans les lycées, ce qu’on fait déjà à la Maison perchée pour les universités, et aussi pourquoi pas faire de la recherche. Ce qui me plairait à la suite ce serait de continuer à travailler au C’JAAD et en même temps de faire de la recherche, faire de la recherche en santé mentale dans une école qui s’appelle l’EHESS, si je pouvais allier les deux ! Je sais pas si ça sera possible, si j’aurais le temps, dans quel état je serai, etc. Mais si je suis dans l’état actuel que je suis, je pense que ça va durer un petit peu, je pense pouvoir mener à bien mes projets tout en me reposant à certains moments etc., tout en se ménageant à certains moments. Pour moi la santé mentale, la psychiatrie c’est un combat que j’ai depuis que j’ai vu mon père dans des états pas possibles, puis ça m’est arrivé à moi. Pour moi… Oui c’est un combat de vie un peu, donc je sais pas combien d’années je tiendrai, mais pour l’instant je suis encore très jeune donc j’ai envie de continuer à faire évoluer les choses, et j’espère que la Maison perchée pourra apporter sa petite brique, j’espère aussi que ce que je fais à Sainte-Anne au GHU psychiatrie et neuroscience pourra aussi faire évoluer les choses. Certaines personnes me disaient qu’il y a dix ans ils espéraient que dans dix ans la psychiatrie se serait un peu améliorée… Moi je dis la même chose aujourd’hui, peut être que je serai déçue dans dix ans, peut-être pas ! Mais je veux me battre pour ça en tout cas pour l’instant.

Mickael : Et tu parles de te ménager, de prendre soin de toi, et dans cette optique justement au-delà de cet engagement très important qui te tiens toi à cœur et qui me tient aussi beaucoup à cœur, est-ce qu’il y a des choses autres qui te font du bien aujourd’hui, comment est-ce que tu arrives à te ressourcer ?

Lucille : Voir les amis. Partir en week-end chez des amis, parce que j’ai des amis qui sont un peu partout en France comme j’ai vécu à Dublin et à Tours, j’ai des amis d’un peu tout horizon aussi, j’ai une famille qui est très aimante et qui me supporte beaucoup sur tous mes projets, mes amis me supportent sur mes projets, etc. donc c’est vraiment voir mes amis, les relations humaines j’apprends toujours beaucoup de choses des gens que je rencontre. La vie sociale pour moi c’est assez important, le Covid l’a un peu mise entre parenthèses et savoir juste se ressourcer en famille aussi de temps en temps, se ressourcer en famille, voir ses amis, se ressourcer en famille, pour l’instant c’est deux choses simples, mais qui m’aident beaucoup au quotidien.

Mickael : Et si tu devais faire passer un message aujourd’hui ce serait quoi ?

Lucille : C’est qu’il faut pas hésiter à parler de psychiatrie parce que ça peut sauver des vies. Il faut expliquer. C’est une minute, deux minutes, trois minutes, en une deux trois minutes on peut expliquer ce qu’est la schizophrénie, dire que c’est pas un dédoublement de la personnalité, que c’est un très faible pourcentage des personnes souffrance de schizophrénie qui font des actes malveillants, que ce pourcentage-là est plus faible que sur le reste de la population. C’est des choses qu’on répète à chaque fois, qu’on a répétées dans des médias aussi à la Maison perchée. Il faut faire des piqures de rappel régulièrement parce que les gens oublient, peut être qu’un jour… Moi je crois vraiment que les générations futures mettront tout en œuvre pour vivre dans une société beaucoup plus inclusive, et j’ai vraiment grand espoir en la nouvelle génération, on est encore jeunes, mais les plus jeunes qui ont dix ans de moins que nous encore, j’ai beaucoup confiance en eux aussi.

Mickael : Tu as parlé à plusieurs reprises de rétablissement, c’est un mot qui peut parfois paraître un peu flou pour certaines personnes, mais selon toi, selon ton expérience personnelle, le rétablissement ça passe par quoi ?

Lucille : Alors un médiateur santé pair que j’ai rencontré en addicto, Robert, disait une phrase souvent que ma psychologue m’a rappelée, c’est que le rétablissement, ça passe aussi par le fait qu’on ait un travail et qu’on trouve l’amour. Et c’est une définition que je trouve assez belle et qui est assez pertinente aussi. Voilà.

Mickael : Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose ?

Lucille : À la Maison perchée on lance une campagne de Crowdfunding en ce moment même, ; donc si vous pouvez aller sur notre site internet ou sur les pages Facebook et Instagram vous pourrez nous soutenir, nous soutenir pour cette campagne de Crowdfunding, pour qu’on puisse ouvrir un lieu sur Paris, parce qu’on a une plateforme numérique, mais on souhaiterait aussi ouvrir un lieu sur Paris.

Mickael : Et bien merci Lucille d’avoir participé à cette émission, merci pour tous tes projets qui sont très intéressants, merci pour ton engagement au côté des patients, pour ton accompagnement au quotidien, et on mettra bien entendu sur notre site l’adresse de la Maison perchée pour avoir accès à la campagne de crowdfunding pour ouvrir ce lieu. Encore une fois merci beaucoup Lucille.

Lucille : Merci Mickaël.

Vous avez des idées suicidaires ?

3114 ou 15