Mickael : Bonjour Pauline.
Pauline : Bonjour Mickael.
Mickael : Merci de t’être proposée pour participer à cet épisode. Aujourd’hui on va parler d’un sujet dont on n’a jamais parlé jusqu’à présent qui est le TDAH, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Est-ce que tu peux nous dire ton histoire avec ce trouble avec lequel tu vis ?
Pauline : Alors TDAH ça a été diagnostiqué il y a un an, et ma génération fait que quand j’ai été en échec scolaire à l’école, j’avais un fonctionnement complètement atypique, j’arrivais à comprendre des choses compliquées, mais j’arrivais pas à comprendre des choses toutes simples… Et puis encore une fois comme à l’époque, au collège, dans les années 85/90 il n’y avait pas toutes ces compréhensions qui sont là, déjà maintenant peut être pas encore assez, mais qui commencent réellement à être initiées et à être comprises par les écoles et les professeurs, ben j’étais complètement mise à côté, j’ai vécu du harcèlement scolaire parce que les élèves comprenaient pas pourquoi je posais des questions qui étaient dans le cours d’après. J’étais toujours avec les adultes. J’ai été voir des psys parce que j’ai la chance d’avoir une famille qui se pose des questions, même à l’époque, mais encore une fois à l’époque il n’y avait pas cette compréhension du TDAH, on m’a fait faire des tests de QI à l’époque, quand j’avais huit, neuf ans. Les gens comprenaient pas pourquoi à l’époque j’y arrivais pas. Ça a engendré tout un parcours jusqu’à l’âge de 18, 19 ans, où… Bah ouais, échec scolaire, je suis allée en BEP, j’ai appris le métier pour travailler dans des restaurants et donc voyagé, ça m’a permis de découvrir le monde… Et pareil, l’anglais ! J’ai mis beaucoup de temps à comprendre, à apprendre l’anglais ! Et encore une fois c’est dans le cerveau, sans aller du tout dans une explication, parce que je pourrais pas expliquer au niveau scientifique, mais on a des compréhensions et des façons d’apprendre qui sont complètement différentes. Moi j’apprends en faisant, je n’arrive pas à suivre un cours, et donc pour le coup ça a été un parcours difficile, j’ai un caractère très résilient, et puis avec beaucoup d’enthousiasme, et l’envie… Et beaucoup de curiosité, qui a fait que j’ai pu rencontrer des gens qui m’ont fait venir vivre à New York pendant deux ans, et c’était le moment aussi où j’ai fait mon coming out et où pour le coup en 96/97 c’était aussi difficile d’accepter aussi bien pour ma famille que dans la société, donc… Parce que cette personnalité TDAH a aussi une capacité de créer du lien, de… J’ose aller vers les gens, leur parler, comme je les observe, j’ai un souvenir d’une conférence où il y avait plein de gens, je ne regardais pas la conférence, mais je regardais tous les gens autour de moi. Et un TDAH aussi… On, c’est, justement, on va être attentif sur les détails, mais qui peuvent nous donner des informations sur les personnes. Quand j’étais petite en maternelle j’observais les gens et je disais à la maîtresse qui avait envie de faire pipi, en fait, parce que je l’observais, qui était en train de bouger. Et donc on n’arrive pas à rester focus sur ce qu’on fait. Donc, ça c’était pendant l’enfance, parcours difficile, mais encore une fois que j’ai géré, et les voyages, les rencontres, ont fait vraiment… M’ont appris beaucoup beaucoup de choses sur la vie, sur le développement personnel aussi. Ensuite en 2003 il y a eu une épreuve de cancer du sein de stade IV, j’avais 26 ans. J’ai accueilli cette maladie avec beaucoup de curiosité, beaucoup d’envie de découvrir différentes approches, et ça fait vingt et un ans maintenant, et je suis là. J’ai repris mes études pendant cette période de cinq ans de maladie, il y a eu des traitements très lourds au départ, après il y a eu une reconstruction. Ça a été des vraiment, moments longs, en revanche comme je suis hyperactive, hyperactive d’envie de faire certains projets, pas hyperactive de bouger, faut faire attention aussi, un TDAH c’est pas quelqu’un qui va tout le temps sauter et ne pas savoir rester au calme, c’est… c’est très cérébral, et pour le coup j’ai repris donc mes études, en cours du soir, DAU, c’est un diplôme universitaire qu’on a, une équivalence. Ça a été difficile aussi parce que pour le coup ma façon d’organiser mes devoirs en économie, ou en histoire… Et c’est l’anglais qui m’a sauvée, qui m’a fait avoir la moyenne. J’étais allée voir une orthophoniste pendant mon BTS parce que mes professeurs arrêtaient pas de me dire Pauline, tes devoirs y’a toutes les idées, elles sont toutes là, mais ça part dans tous les sens. J’aime à dire je sais pas faire entrée plat dessert, intro développement conclusion, parce que pour une fois avec un cerveau en étoile c’est difficile en fait structurer son idée. Et donc six mois avant le BTS, le diplôme, j’ai failli abandonner. J’ai vu une orthophoniste, elle m’a fait faire plein d’exercices, et puis il y avait un exercice où elle m’a dit là, vous avez un âge mental de quatre ans. J’allais avoir trente ans. J’ai failli pleurer ! Elle m’a dit non, mais rassurez vous, c’est juste que votre cerveau est en étoile, et quand vous cherchez une idée vous commencez par A, mais après vous allez à M, vous revenez à B, ça n’a rien à voir avec l’intelligence… Et donc elle m’a fait faire de la sémiphonie, c’était il y a vingt ans, je devais jouer à des puzzles de Barbie de dix pièces, deux trois fois par semaine, et apparemment ça organisait un petit peu. Je pense que c’étaient les prémices du neuro-feedback… Est-ce que c’est pour ça que j’ai eu mon BTS ou pas, bon, mais j’ai toujours essayé d’aller chercher les solutions. Donc à ce moment-là encore une fois le TDAH adulte je ne le savais pas. Le diagnostic a été réellement posé avec une psychiatre parce qu’il faut savoir que j’avais fait des tests en 2019 avec un neuropsychologue, test de QI, plus le test TDAH qui effectivement avait, le neuropsychologue avait confirmé, mais pour pouvoir avoir le médicament il faut voir un psychiatre, et ça a été un… très très long, moment de covid, j’étais dans un univers bienveillant, j’étais retourné en Bretagne dans ma famille et j’ai vu un psychiatre en visio qui a confirmé que j’étais TDAH, mais il m’a parlé de bipolarité. Bipolarité c’est très large, mais c’est une étiquette aussi que je me suis mise à ce moment-là, et j’avais une conviction que le côté bipolarité, en me renseignant, en lisant, en regardant des vidéos, que je me reconnaissais pas dans ça. Cyclothymie peut être, parce qu’avec des émotions up and down, mais je me reconnaissais pas. Et quand j’ai trouvé une psychiatre je lui ai demandé qu’on fasse le test, parce que je sentais aussi que la ritaline pouvait m’aider de par différentes personnes qui m’en parlaient, et c’est là où elle a pas voulu, elle est restée focus sur le côté bipolaire, elle voulait vraiment pas parler de TDAH tout de suite, elle disait on va vérifier le côté bipolaire, etc. À un moment donné en énergie un peu basse je me suis dit OK, elle a raison. Elle m’a mise sous lithium, ça a fait le contraire, ça m’a mise complètement down, et en plus mon corps ne supportait pas. Heureusement que j’ai la capacité et que j’ai une famille, que j’ai des amis qui sont aidants, qui sont vraiment bienveillants et soutenants pour me donner la force à ce moment-là de pas rester enfermée chez moi, au bout de quatre mois on s’est dit avec la psychiatre qu’on arrêtait le lithium, et grâce à cette activité quand même, j’ai une émission de radio à Rennes dans une radio associative, qui m’a motivée à sortir, à créer du lien, à créer des émissions, à inviter des gens, donc même si j’étais pas bien ça m’a tenue. Et c’est à ce moment-là où au bout de quatre mois on a arrêté le lithium et on est passées à l’étape du diagnostic psychiatrique TDAH, il y a un an.
Mickael : Est-ce que tu veux bien nous en dire un peu plus sur la manière dont s’est fait le diagnostic ?
Pauline : Donc on passe par, on récupère les bulletins scolaires. Il y a eu un entretien famille. On a parlé à ma grande sœur, voilà, pour évaluer un petit peu mes comportements quand j’étais enfant par rapport à l’attention et à la compréhension. Test ECG parce que c’est un traitement qui a des répercussions sur le cœur. Et puis j’ai commencé le traitement méthylphénidate au mois de mai. Avec une constatation, ça s’est fait en évolution, mais je constate à quel point mes émotions sont beaucoup plus canalisée, et l’impulsivité. Parce qu’en fait, pour moi… Je dis toujours que le trouble de l’attention n’est pas bien nommé, je trouve. Parce que je peux être pendant deux jours sans sortir de chez moi à travailler sur une émission de radio ou je peux être focus sur des choses qui m’intéressent. En revanche, ce qui est le plus dérangeant, et je constate que le traitement m’a beaucoup aidée, c’est de rester à sa place, de moins surréagir. Quand je parle d’impulsivité, ce n’est pas que de la colère, c’est aussi de l’impulsivité de la prise de décision. Là j’ai constaté depuis que j’ai le traitement, dans des situations de famille qui peuvent souvent être des situations stressantes, j’arrive à prendre plus de recul. En revanche le traitement n’est pas magique, si on n’a pas une complémentarité avec des TCC, des thérapies comportementales et cognitives, ou de la psychoéducation, le sport, la nutrition, si on fume le traitement ritaline a moins d’effet, si on boit, ça c’est avec tous les traitements. Au tout début j’ai eu un traitement, un accompagnement avec un psychologue en TCC, ça ça m’a beaucoup aidée. Là depuis le début d’année, parce que je peux plus avoir de psychologue d’accompagnement, je sens que je retombe dans des travers de cigarette, de dépendance, ce qui est une des problématiques des personnes avec un trouble de l’attention c’est qu’on a du mal à réguler nos envies, et là typiquement je sens que le fait de pas avoir de psy, d’accompagnement, c’est difficile. J’aimerais bien qu’un jour on puisse avoir un accompagnement avec le traitement, mais aussi que pendant les deux, trois premières années de ce traitement-là qu’on puisse avoir des facilités pour une approche encore globale. Mais pour ça il faut financièrement avoir une capacité à payer une ou deux séances par mois avec un psychologue, qui est en moyenne 70 euros, du neurofeedback ou de la remédiation cognitive ou on sait que ça peut fonctionner, c’est de la rééducation du cerveau qui nous aide à réorganiser les neurones, et c’est ça que j’ai envie de mettre en place aussi par rapport à mes projets du moment qui vont être dans la désensibilisation, la déstigmatisation du terme santé mentale, TADH adulte, bipolarité, de faire comprendre à la société, humblement avec mon petit niveau, et toujours avec des gens qui sont là pour donner des données scientifiques, moi je vais témoigner, je vais donner des informations par rapport à ce que j’ai vécu, mais j’aimerais bien dans quelque temps me former pour être dans le métier qu’on appelle la pair-aidance où on donne du concret à des gens qui ont un traitement avec le psychiatre. Pour que ça fonctionne, il faut qu’il y ait une approche globale. Et pour ça, c’est la psychoéducation, c’est apprendre à se connaitre, c’est avoir où on est bien, où on est pas bien, et ça se fait en se découvrant, ça se fait pas tout de suite, quoi.
Mickael : Est-ce qu’il y a eu des répercussions de ce trouble sur ta vie professionnelle ou ta vie sociale, amicale, familiale ?
Pauline : Bah dernièrement je me suis retrouvée confrontée professionnellement parlant à des gens qui m’ont dit bah on va pas trainer avec toi Pauline parce que tu as trop d’idées, tu pars trop dans tous les sens. J’avais fait une période d’essai, j’avais fait des réunions où tout allait bien. Au bout du compte j’ai arrêté de me remettre en question parce que c’était pas ma façon d’être qui dérangeait, c’était autre chose. C’est encore arrivé il y a quelque temps, vous avez trop d’enthousiasme Pauline, trop d’enthousiasme donc on a peur que vous alliez trop vite et qu’on ne puisse pas gérer ! Et d’entendre constamment ça… En termes d’estime de soi, en termes de positionnement et d’ancrage sur ses capacités, c’est compliqué, surtout quand on a vécu du harcèlement, et c’est dans l’enfance qu’on se crée son estime de soi et qu’on arrive à oser être qui on est. Quand ça s’est cassé avec des brimades, avec du harcèlement, avec… Puis avec son cerveau qui parle aussi à soi même en se disant qu’on est nul et qu’on ne mérite pas d’être aimé… Là moi en ce moment je suis en train d’apprendre le bonheur, c’est-à-dire j’apprends à vivre et à réussir, avec le cerveau que j’ai pour être dans une dynamique de dire à mon mental, Pauline, tu es capable de réussir. À aller sur un projet, de le commencer et de le finir. Parce que j’ai fait beaucoup de choses, mais souvent comme j’en faisais trop, j’arrivais pas au bout. Et là je réalise aussi que j’aime faire les projets à plusieurs. Là j’aimerais aller faire un reportage sur la structure MDPH, parce que ça c’est aussi un vrai sujet, et j’aimerais bien faire un reportage sur justement le process, pas du tout être dans une dynamique de critique du système, mais d’essayer de comprendre et de faire comprendre le quotidien des gens, qui travaille à la MDPH, les commissions, comment ça se passe ? C’est là que j’ai réalisé, Pauline, tu peux pas faire ça toute seule, toi tu as l’idée, maintenant trouve des gens autour de toi pour t’aider à le mettre en application. Il y a un terme que j’utilise qui est la cécité temporelle, c’est inhérent au TDAH, quand on a un projet il y a plusieurs tâches à l’intérieur de ce projet-là, et on est dans l’incapacité à diviser en tâches. Quand j’ai compris ça, déjà, encore une fois le fait de comprendre le fonctionnement ça permet de me dire… Pas de me culpabiliser, déjà, parce que la culpabilité elle est tellement facile à arriver dans son mental, mais de me dire bah ça j’y arrive pas donc je vais demander à des gens qui sont pas capables d’aller faire comme moi, discuter avec des gens qu’ils connaissent pas, etc., de par ma personnalité, mais qui vont adorer faire un rétroplanning et diviser toutes les tâches. Et dès lors qu’on fait ça, qu’on a cette conscience-là, c’est plus léger.
Mickael : Tu viens de parler de ta volonté, de ton désir de témoigner, de l’importance que ça a. Est-ce que tu peux nous dire justement en quoi c’est important pour toi de partager ton expérience ?
Pauline : C’est pas toujours simple, mais je me rends compte que… À travers toutes ces expériences là je suis amenée à découvrir beaucoup de choses, et maintenant j’ai envie effectivement de le transmettre. Donc j’habite à Rennes, j’ai cette émission sur une radio associative, radio libre comme on dit, qui s’appelle Quartier des ondes et qui est une radio où on s’amuse à apprendre à faire de la radio, et c’est le rêve de ma vie. Donc une émission qui s’appelle Ensemble trouvons notre place, pour justement parler avec une personne qui a un trouble autistique de son quotidien et surtout trouver les solutions, avec les associations sur le territoire. Je fais partie depuis peu du collectif de la Semaine de la santé mentale à Rennes où il y a des projets de création sonore, pour récolter toujours l’information avec les usagers comme on dit, pour que les collectivités puissent prendre des solutions politiques pour améliorer le quotidien des usagers. D’ouvrir les portes des collectivités, inviter… des gens, des structures, des associations, et on espère des outils pour concrètement aller mieux. Pas faire que de la sensibilisation. Et que ça soit lisible, et que les gens puissent savoir où trouver l’information.
Mickael : Merci beaucoup pour ce témoignage. Est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose ou faire passer un court message aux personnes qui nous écoutent ?
Pauline : Alors court pour une… un TDAH, c’est compliqué ! Le message que j’aimerais effectivement dire c’est la santé mentale ça nous concerne tous, tout le monde est concerné que ce soit pour un post-partum ou une bipolarité ou autre. Cherchez l’information, il y a des gens qui sont vraiment là pour vous aider, pour nous aider. Et ne restez pas seul.
Mickael : Merci beaucoup Pauline d’avoir participé à cette émission et d’avoir partagé avec nous ce témoignage à la fois sur le TDAH, mais aussi ton vécu du cancer du sein. Merci beaucoup.
Pauline : Merci beaucoup à toi.