Mickaël : Bonjour Franz.
Franz : Bonjour.
Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission.
Franz : Merci à toi.
Mickael : Aujourd’hui on va parler d’un sujet qui est d’actualité, dont on parle aussi beaucoup depuis plusieurs années, le burn-out, l’épuisement professionnel. Est-ce qu’avec tes propres mots, en une ou deux phrases, tu pourrais nous dire ce que c’est selon toi le burn-out ?
Franz : Alors pour moi le burn-out c’est un épuisement professionnel qui arrive dans le cadre de notre travail et c’est tout simplement en fait une impossibilité de travailler, un trop plein d’émotions par rapport à son travail, par exemple se faire reprendre tout le temps par son patron, avoir une charge de travail énorme… C’est pas vraiment une maladie, mais plus une chose qui va déclencher derrière une dépression, de l’anxiété, etc. C’est quelque chose qui pour moi arrive quand on s’y attend le moins, en fait, une sorte de mal être qui arrive, alors qu’on pensait pouvoir gérer on en est incapable en fait, c’est… C’est un épuisement au travail avec des conséquences derrière psychologiques qui peuvent être assez graves. Donc c’est comme je disais tout à l’heure, c’est comme une chute en fait.
Mickael : Avant ton burn-out, tu faisais quoi comme travail ?
Franz : Alors je suis développeur, je suis toujours développeur pour des sites internet et des applications, donc c’est de la programmation, globalement, je suis derrière un ordinateur et je programme pour créer des logiciels, des sites internet.
Mickael : Ça faisait combien de temps que tu travaillais là ?
Franz : Alors ça faisait… deux ans et demi. J’ai commencé en 2014 et ça s’est fini en 2016, début 2017, donc effectivement c’est plus deux ans, deux ans et demi, quelque chose comme ça.
Mickael : De manière globale sur les premiers mois ou les premières années avant le… cet épuisement, tu étais dans quel état d’esprit par rapport à ce métier dans cette entreprise ?
Franz : Tout s’est super bien passé en fait. J’ai adoré l’équipe, le patron, toutes les personnes avec qui je travaillais, j’étais hyper content d’aller au travail, c’était la première fois que j’allais au boulot euh… Non, mais j’étais très heureux, j’étais content de ce que je faisais, il y avait une bonne ambiance, donc tout allait bien.
Mickael : Est-ce qu’il y a eu un changement à un moment qui a fait que ton état d’esprit a changé ?
Franz : Je pense que beaucoup peuvent se reconnaitre là-dedans… Petit à petit il y a simplement eu une charge de travail plus importante. Ça arrive, les entreprises prennent des projets, il y a des moments où il en a plus ou moins, mais souvent quand on prend du retard sur un projet, il y en a un nouveau qui arrive, donc on prend encore plus de retard, on démarre toujours en retard, on fini toujours en retard… Et je dirais que c’est ça le début de la fin en quelques sortes, l’accumulation de travail se multiplie et on fini par faire des horaires, on fini par finir plus tard, commencer plus tôt, travailler à la maison, le travail nous suit partout, on rêve de travail, on pense qu’à ça en fait ! Le week-end c’est presque un moment pour rattraper le retard… On est obnubilé par ça en fait, même les moments de repos ne sont pas du repos, les vacances pareil, on pense au boulot qu’on va avoir, en fait les vacances c’est une façon de prendre du retard simplement, donc on pose pas de jours de congés, mais voilà, on n’a pas envie de décevoir les autres, on a une équipe qui compte sur nous, on n’a pas non plus eux de les mettre en retard, sachant que généralement ça ne touche pas une personne, mais toute une équipe, donc on se sent encore plus responsable des autres, on n’ose pas quitter trop tôt, ça devient impensable de partir devant tout le monde à un horaire qui semble tôt, en fait, mais qui est normal. C’est comme ça que je dirais que ça commence.
Mickael : Et pour qu’on se représente bien justement cette charge, c’était quoi tes horaires moyens dans une semaine, dans une journée ? Parce que c’est vrai qu’on a souvent l’image un peu du trait d’humour, quand une personne part à 17 h, 17 h 30 de dire ah, t’as pris ton après-midi !
Franz : Ouais !
Mickael : Déjà, ça c’est interprété comment ? Et les horaires, c’est quoi ?
Franz : Ouais, ce trait d’humour on l’a fait beaucoup… [rire] c’est une façon de rigoler de la situation, mais ça montre un état d’esprit… Alors moi mes horaires étaient assez classiques, les horaires officiels c’était 9 h-18 h, mais en vérité c’était 9 h, 19 h, 20 h, 21 h… Et quand on rentre à la maison en fait on continue à faire des horaires, y’a pas vraiment de plage horaire, c’est toute la journée en fait. On se couche sur ça… Et on va travailler jusqu’à parfois 23 h… et à la fin, fin quand il y avait vraiment beaucoup de travail c’était une heure, deux heures du matin, travailler pour rattraper le retard.
Mickael : Et comment est-ce qu’on fait dans ces conditions-là pour équilibrer la vie perso et la vie professionnelle ?
Franz : Alors on le fait pas ! Généralement moi à cette époque-là ma vie personnelle était inexistante en fait, j’avais pas d’à côtés, donc j’avais mon équipe, et tout ce qu’on faisait c’étaient des soirées des choses comme ça on le faisait ensemble. Disons qu’il n’y a personne qui me connaissait mieux que mes collègues à cette époque-là. Voilà, on passait dix, onze heures ensemble par jour… Et ça continuait même en dehors du travail, donc le personnel et le professionnel se mélangeaient, en fait, il n’y avait aucun moyen de faire la distinction. C’est quelque chose que j’ai remarqué aussi dans les autres boîtes où je suis allé, on travaille, petit apéro à la fin, on reste avec les collègues, on rentre il est 23 h, minuit, on va se coucher, et on recommence le lendemain.
Mickael : Qu’est-ce qui fait que cet état d’esprit justement de privilégier la vie professionnelle à la vie personnelle se met en place, est-ce que c’est une quête de validation professionnelle ? Une quête de… d’avoir l’impression de devoir prouver sa valeur, ou est-ce qu’il y a autre chose ?
Franz : Exactement. Moi je dirais que pour moi en tout cas c’était une quête, par respect en fait pour mon équipe ou les gens avec qui je travaillais… J’avais pas besoin de me prouver quoi que ce soit, si je travaillais beaucoup, c’était tard, c’était… Bah voilà, on voulait que l’entreprise fasse plus de chiffre d’affaires, on voulait faire plaisir aux autres, en fait, parce qu’en travaillant beaucoup on allait rapporter plus d’argent, on allait avoir plus de clients… Il y avait pas dans mon cas à moi hein une envie de prouver que j’étais le meilleur développeur ou faire le meilleur travail, mes efforts étaient dédiés à la boîte, quoi, à la boîte et à ceux qui m’entouraient dans ce milieu pour vraiment pas les décevoir en fait. Donc c’était d’autant plus une vraie pression, d’ailleurs, parce qu’on pourrait se dire à ce moment-là bah pourquoi tu quittes pas ton travail, si tu travailles trop et que… comment dire, c’est comme si le capitaine quittait le navire, on se donne une importance énorme dans la boîte, on se pense irremplaçable, et on se dit si moi je pars, la boîte elle coule, et les autres avec en fait ! Donc ils vont plus avoir de travail, ils vont plus avoir de… On se met une pression, et pas seulement fais ton travail de la journée et puis après c’est bon, mais une pression de bien le faire… Cette pression elle est due au fait qu’on n’a pas envie de gâcher la vie des autres, en fait, de faire en sorte que la boîte elle marche plus et que les autres ils aient plus de travail.
Mickael : Et le mal être il a commencé de quelle manière, à quel moment tu as eu des signes qui se sont mis en place ?
Franz : Donc là je vais parler de mon burn-out de 2016 et puis un que j’ai eu plus tard en 2021, parce que les deux se ressemblent en fait. Alors les premiers signes, je dirais que c’est le manque de sommeil en fait ! On finit par être fatigué en permanence, déjà, on dort mal, on dort peu, la nuit n’est pas reposante… Ça commence par une grande fatigue et un grand stress en fait, le stress il est constant, vraiment, la qualité de vie commence à baisser drastiquement, on finit par moins bien dormir, moins manger, plus avoir faim, faire passer le travail avant la nourriture. Niveau social c’est catastrophique, on finit par être assez seul. Voilà donc je dirais que les premiers signes c’est surtout le stress, la fatigue, l’angoisse de pas réussir à finir le projet à temps. C’est une pression en fait constante, en fait, sur le cœur, quoi, c’est insupportable à vivre au quotidien. Parce que si c’était quelque chose qui durait qu’une heure, ça irait, ça nous arrive de stresser, et puis ça passe ! Sauf que quand ça s’étale sur une journée, c’est quelque chose qui devient présent tout le temps et auquel on ne s’habitue jamais, donc c’est hyper douloureux, à mon sens, l’anxiété, comme ça, constante, c’est pas une douleur vive, d’un coup, c’est quelque chose qui survole notre vie, constamment, qui nous suit partout où on va. Je pouvais pas par exemple sortir sans penser, sans avoir cette angoisse, le stress de, est-ce que je vais réussir à finir à temps, est-ce que… ça finit par prendre toute la vie quoi.
Mickael : C’est une douleur qui dure dans le temps. Mais est-ce qu’il n’y a pas quand même crescendo ? Il y a quand même un moment où il y a un déclic, une étincelle. Qu’est-ce qui fait justement, qu’est-ce qui amène à ce déclic et se dire qu’il y a un problème ?
Franz : Alors malheureusement le déclic il arrive toujours trop tard, quand on atteint un niveau de stress et de fatigue… On a toujours l’impression que ça va aller mieux, en fait, on se dit tout le temps non, mais il va y avoir tel changement dans la boîte, ça va aller mieux… Sauf que quand on a déjà atteint un stress intense, qui augmente forcément, je disais qu’il était constant, mais il augmente dans le temps, si rien ne s’améliore, si on continue à accumuler des retards et que rien n’évolue à ce niveau-là le stress va augmenter… Le burn-out pour moi il est jamais prévisible, c’est-à-dire qu’on pense qu’on maitrise la situation, et le lendemain, je rentrais chez moi et c’était terminé, je savais que j’allais pas pouvoir retourner travailler… Donc je dirais que le point de non-retour arrive… Je pense que ça dépend de chaque personne, mais pour moi c’est arrivé après deux ans de travail et de stress crescendo, le jour d’après je finissais chez un psychiatre quoi.
Mickael : On voit qu’il y a une part de déni, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois de se dire voilà il y a la douleur qui est là, mais ça va aller mieux, finalement, il y a peut être pas tant de problèmes que ça, etc. Et à ce niveau-là est-ce que tu as remarqué quand même que tes relations avec tes collègues par exemple se modifiaient au cours du temps ?
Franz : Je dirais que les relations avec mes collègues étaient bonnes, mais il pouvait y avoir des petites tensions, en fait. Et je pense que tout le monde était plus ou moins dans le même cas de figure, mais il suffisait que quelqu’un par exemple… se reposait, ce qui est tout à fait normal ! Ou fasse ses horaires normaux, en fait, c’est ce qu’on attend d’un employé qui… bah voilà, c’est inscrit sur son contrat de travail, tu dois partir à 18 h ! Si quelqu’un se permettait de partir plus tôt on disait bah voilà, moi j’ai travaillé jusqu’à 23 h tu as travaillé jusqu’à 18 h… On le disait pas comme ça, mais c’est ça qui pouvait amener des tensions à mon sens au niveau des collègues. Mais bien souvent tout le monde est conscient de ce que tout le monde vit, donc ça n’a pas dégradé ma relation avec mes collègues, forcément le stress implique plus de petites tensions, mais dans mon cas à moi je n’ai pas eu de gros litige avec mes collègues.
Mickael : Quand on travaille dans ces conditions-là pendant plusieurs mois, avec cette douleur, est-ce qu’on finit pas par travailler un en mode pilote automatique plutôt que vraiment consciemment, un peu de manière machinale ?
Franz : Si ! Sur la fin moi c’était assez impressionnant d’ailleurs, j’étais comme dépersonnalisé, en fait, j’étais une personne qui était comme… Comment dire… Inhabitée, c’est-à-dire que je faisais mon travail, mais sans aucun plaisir. Mais parfois, même pas de déplaisir, en fait, y’avait juste rien, c’était le vide, c’était, j’étais un fantôme, et j’ai l’impression que c’était presque une stratégie pour mon cerveau de dire… De me mettre dans un mode comme ça pour pas souffrir. On fait les choses, on pense à rien d’autre, c’est comme une machine : elle fait son travail quand on lui demande, quand on s’arrête y’a plus rien quoi.
Mickael : Et est-ce qu’en dehors du travail ça a eu des conséquences ? Sur tes relations par exemple familiales, amoureuses, amicales ?
Franz : Amicales c’est sur que… Donc je voyais que mes collègues, mes amis je les voyais pas. J’essayais de voir de temps en temps mes parents, mais bon, c’est extrêmement rare, on n’a pas le temps en fait ! Et amoureuses pareil, le vide, puisque pas de temps, en fait. Pas de temps, trop de travail !
Mickael : C’est quoi la réaction justement des personnes quand tu leur dis j’aimerais bien vous voir, mais en fait j’ai trop de choses à faire ?
Franz : Ça, ils comprennent. Et puis… Au bout d’un moment on leur dit ça deux fois, trois fois, quatre fois… Au bout d’un moment ils arrêtent ! Et là on se retrouve tout seul. Les autres ont l’impression que vraiment, on… c’est presque une excuse pour pas les voir, en fait. Et surtout on finit par parler que travail, en fait, même en dehors, même avec des amis qui n’ont rien à voir avec le travail, on finit par parler de ça, on n’est pas agréable, en fait, on n’est pas une personne avec qui on a envie de parler. Ouais, tout devient d’un coup bien plus sombre, en fait.
Mickael : Et est-ce qu’auparavant tu avais déjà eu des antécédents justement de stress intense, d’anxiété, de troubles dépressifs ?
Franz : J’avais de l’anxiété, quand même, beaucoup d’anxiété. La peur de sortir dehors, de me faire agresser… Des peurs assez classiques, des troubles obsessionnels compulsifs aussi, quelques-uns. J’avais pas d’antécédents de dépression. Après j’ai eu de grosses angoisses lors de mes études supérieures, que j’ai dû abandonner à cause de ça, mais rien de… rien de semblable, de toute façon, c’étaient des petites choses comparées à ça.
Mickael : Tu as dit que du jour au lendemain tu es allé consulter un psychiatre. Qu’est-ce qui a fait que tu t’es décidé, déjà à aller voir un psychiatre et pas un psychologue, par exemple, et pas ton médecin généraliste ? Et puis finalement tu l’as vu pendant combien de temps ?
Franz : J’ai décidé d’aller le voir parce que j’avais des idées noires, en fait, simplement. Pour le coup c’était risqué pour ma vie de pas me faire soigner. Je savais pas ce qui m’arrivait, je savais pas ce qu’est le burn-out à ce moment-là, je l’ai su bien après, hein ! Quand j’ai eu donc cette phase de burn-out qui est arrivée, voilà, pratiquement du jour au lendemain, ça faisait des années que j’adorais développer, et du jour au lendemain je voulais plus jamais toucher à un ordinateur de ma vie. Et surtout je voulais mourir, simplement. C’était très sombre, et ça a commencé par voilà, une consultation avec un psychiatre. Il m’a prescrit des anxiolytiques, pas d’antidépresseurs, et c’est tout en fait. Maintenant avec du recul cette première prise en charge était pas bonne en fait, il y a pas eu d’explications sur ce que j’avais, sur ce qu’il m’expliquait, le traitement était surtout médical. Mais je dois dire que la première fois que je suis allé voir un psychiatre… C’était assez froid, en fait. Donc il faut savoir qu’après le burn-out, j’ai annoncé ma démission, mais j’ai continué à aller au travail, ce qui est assez étrange maintenant que j’y repense, je sais pas comment j’ai fait… J’ai quitté la boîte, et après je faisais que de dormir, quatorze heures par jour… Donc je suis entré dans une phase de dépression, et pendant je dirais un an c’était dormir, quoi, tout le temps, en permanence, et puis les envies, des idées noires, des envies suicidaires, ce genre de choses. Et puis à un moment je me suis dit c’est pas normal, c’est pas normal de vivre comme ça en fait ! Il me semble pas que le but de la vie ce soit de souffrir 24 h sur 24 ! À ce moment-là j’étais très, j’étais pas du tout dans le milieu psychologue, c’est un peu des préjugés qu’on peut avoir quand on connait pas le milieu de se dire que les psychologues c’est… c’est pour les fous, tout ce milieu-là ça me concerne pas, je suis pas dingue, je trouve juste que ma vie est nulle, donc… C’est vrai, donc j’ai pas un problème, c’est juste la vie qui a un problème en fait ! Et à un moment quand même je me suis dit bon… tin, les autres ils sont bien dans leur vie, ils sont heureux, et tout… Moi c’est mort, c’est-à-dire que moi je peux plus accéder à ça… Au début on est un peu dans le déni, quand même, on est carrément dans le déni en fait ! Y’a pas de maladie, y’a pas de problème, de toute façon ce monde il est beaucoup trop mauvais, le travail c’est nul, je ne recommencerai plus jamais à travailler, c’est l’enfer. Et à ce moment-là j’avais pas envie de mourir, j’avais juste envie que la vie passe rapidement et que je meure de vieillesse rapidement, voilà, j’ai fait le tour, je sais ce qu’il y a à savoir de la vie, y’a juste à attendre que ça se termine tranquillement. J’en parlais à mes parents à ce moment-là, et puis ça les… ça les désespérait en fait ce que je disais, c’était horrible pour eux. C’était une sorte de résignation, en fait, à l’envie de vivre, à l’envie de faire n’importe quoi, c’était incompréhensible pour eux. Généralement on fait rarement pleurer ses proches juste en expliquant ce qu’on ressent, en fait, et moi je comprenais pas, j’étais persuadé que vraiment j’avais fait mon temps, quoi, alors que j’avais vingt-six ans, et que voilà, j’étais juste plus intéressé par le reste, que c’était pas grave, que c’était comme ça… Alors je me suis dit quitte à… d’accord t’as envie de mourir, mais tente au moins une dernière chose, essaie… Donc j’ai juste tapé ça sur internet, et j’ai découvert le burn-out à ce moment-là. Parce que comme je disais j’avais vu un psychiatre avant, mais il m’avait pas du tout dit que c’était un burn-out ou quoi que ce soit, lui il était là, vous avez des anxiétés, voici des anxiolytiques. Ce qui est quand même une exception parce qu’après les autres personnes du milieu psychiatrique que j’ai vues étaient bien, bien mieux. Les médecins, ça arrive, parfois on tombe pas sur celui qui nous correspond. Donc j’ai juste fait mes recherches sur Internet, j’ai bêtement tapé j’ai plus envie de vivre, la vie ne m’intéresse plus, etc., j’ai vu plein de personnes qui étaient exactement, précisément dans mon cas, j’ai commencé à entendre le mot de burn-out, donc ça a donné un nom en fait sur ce que je ressentais… Et la solution à ça, bah c’était entre autres d’aller voir un psychologue. J’ai pas du tout eu envie au départ, j’étais, je vais pas raconter ma vie, ça intéresse qui, ça ? Pourquoi je raconterais ma vie à quelqu’un, ça va pas du tout régler mon problème, le problème c’est que le monde du travail est trop compliqué et trop dur, et que la vie vaut pas tant que ça le coup d’être vécu, je la trouve pas terrible, cette vie. Donc je vois pas en quoi discuter allait me changer ! En plus il y a toute cette chose où tu dois rechercher le psychologue, tu entends toujours dire oui, il faut trouver un bon psychologue ! Donc déjà qu’on est dans un état pas possible, si en plus on doit faire des recherches pour trouver quelque chose dont on n’a pas envie… C’est très compliqué. J’ai sorti Doctolib, j’ai tapé psychologue à côté de chez moi, et j’ai pris la première personne. Et puis je me suis dit bah voilà, t’as pris rendez-vous, vas-y, et après ça tu mettras fin à tes jours si vraiment t’as plus envie de vivre, mais au moins t’auras essayé ce qu’on te propose ! Donc je suis allé la voir… Ça a été très bizarre au début, je me voyais à parler avec quelqu’un qui ne disait pas un mot, en fait ! J’étais très gêné. Donc je racontais un peu ce qu’il s’est passé, sans vraiment y croire. Une première séance est passée… Deuxième séance pareil… Je ressens pas de mieux, je me dis bon, ça sert pas à grand chose… Mais je me dis, je vais quand même honorer mon rendez-vous, à la fin elle me prescrit… On reprend rendez-vous et j’ose pas dire non, donc je prends quand même… Et puis troisième séance, il commence à y avoir des effets. Donc ça c’est mon cas à moi ! Mais ça a pas été immédiat, il a fallu trois séances avant que je commence à ressentir un soulagement de juste parler de ce qu’il s’était passé, de dire mon ressenti sur la vie, en fait, de dire à quel point je trouve… tout me dégoutait… Donc voilà, on finit par avoir confiance en son psychologue, au fur à mesure on commence à raconter des choses qui nous passent par la tête, tout simplement. Au début je me disais il faut que je vienne avec un plan, il faut que j’expose… ce que je vais dire, etc. En fait non, y’a juste un siège, elle est assise en face, il y en a qui aiment bien aussi s’assoir dans le sofa… Moi voilà, j’étais juste en face d’elle, et je lui racontais tout ce qui me passait par la tête, et elle ne disait pas un mot, en fait. Et au début ça parait très bizarre, mais à force, on va mieux, en fait. Je ressortais de la séance avec une sorte de poussée de dopamine, en fait, j’étais soulagé de pouvoir dire à quelqu’un qui me répondait pas, en fait, qui me jugeait pas, tout ce que j’avais envie de dire sur la vie en règle générale et le travail. Je parlais pas forcément de ce qu’il s’était passé au travail ! j’expliquais tout ce que je détestais dans ce monde. Et à force, il faut se rendre à l’évidence que… Bah parler c’est salvateur, en fait. Et ça pour moi c’était impossible avant d’en avoir fait l’expérience. Bon déjà pour moi j’avais du mal à croire en la dépression, en fait, ça n’existait pas, les gens qui veulent se suicider je comprends pas, c’est… Donc ça c’était quand j’étais avant le burn-out, quand j’étais bien dans ma vie, impossible de comprendre les personnes qui font ça, j’étais presque en fait… arrogant, en disant comment tu peux mettre fin à tes jours, c’est honteux, c’est n’importe quoi, c’est, pour moi c’est un truc… enfin je stigmatisais beaucoup les gens quand j’entendais parler de ça, quand j’entendais parler des dépressifs… Il y a quelque chose qui s’est passé à force d’en parler. C’est pas mon amie, ma psychologue, en fait, à la fin je la paye. Donc ça déjà ça me rassurait, j’avais pas envie d’imposer ça à mes potes ou à ma famille, en culpabilisant d’avoir raconté ma vie, à quel point ça doit les ennuyer. Là à la fin je lui payais une somme d’argent pour avoir écouté ce que j’avais à dire, avec cette découverte que en parlant de ses problèmes on prend un recul dessus et on va mieux, en fait, et ça il faut se le mettre dans la tête, en fait, c’est comme ça, en fait, quand tes parents ils entendent que tu as envie de mettre fin à tes jours ou que t’aimes plus la vie, c’est horrible, tu vas avoir un retour derrière qui va être affreux, tes parents ils vont devenir fous en fait ! Tes amis, pareil ! Ils te jugent là-dessus, donc ça n’aide pas, en fait, ça fait l’effet inverse. Or parler à un professionnel qui l’habitude d’entendre des choses qui sont horribles pour le commun des mortels, en fait, qui sont pas du tout exposés à ça… Pour eux c’est quelque chose de tout à fait normal, ils ont l’expérience, et ils paniquent pas quand quelqu’un dit je vais me suicidaire. Voilà, parler, c’était parler avec quelqu’un professionnel, dans ce domaine, quoi, et ça fait une différence énorme ! Donc c’est pour ça que je pensais que la parole ça servait à rien, parce que je parlais à mes parents, je parlais à mes amis de ce problème-là, mais ça changeait rien, donc pourquoi est-ce que j’aurais pensé que parler de ça à un psychologue allait changer quoi que ce soit ? il est pas différent, il va pas dire des mots totalement différents… Et bah si, en fait, et ça, c’est quelque chose, faut se forcer à le faire. SI on n’est pas là-dedans, moi je trouve que… Alors c’est ptet pas la solution à tout, mais je trouve qu’il faudrait quand même un moment y aller sur un coup de tête, et se dire bah je teste, je mourrais moins bête ! Mais il faut quand même tester sur deux trois séances, surtout si le mal être est profond, il faut persévérer ! C’est pas grand-chose, c’est trois heures, et ça peut nous changer la vie !
Mickael : Tu nous l’as dit, il y a eu un deuxième burn-out après, en 2021. Est-ce que maintenant tu arrives à identifier des choses un peu communes qui se sont passées, qui ont mené à cette situation ?
Franz : Donc en 2021 j’étais dans une agence… Ce genre d’agence c’est… comme je disais tout à l’heure plusieurs projets très différents, qu’on doit terminer en temps et en heure et c’est quelque chose sur lequel on peut prendre du retard, donc des choses qui vont s’accumuler, etc., etc. Et là j’ai ressenti la même chose donc en 2021, une progression de la charge de travail, tout doucement, voilà, charge de travail commence à augmenter, donc on se dit oh lala, je commence à finir plus tard, là ! Au début on 18 h, 19 h, 20 h… On se dit voilà, c’est pas grave, ça arrive des jours où il y a beaucoup de travail, des semaines, et après… Ça va mieux. Sauf que là ça commençait à durer, et je remarque le même schéma. Je remarque le même schéma, je finis par penser qu’à ça, à rêver de ça, même. Progressivement, voilà, je commençais à comprendre qu’il y avait quelque chose qui allait pas, dû à mon expérience passée. Et c’est ce qui m’a permis d’échapper au pire, puisqu’en 2014 donc je n’étais pas du tout au courant qu’on pouvait devenir malade en travaillant beaucoup, mais l’impact que ça a eu sur ma vie quand j’ai fait mon premier burn-out était tel que je me suis dit plus jamais je refais ça ! Parce qu’il a fallu un an ou deux avant de me remettre pleinement à juste toucher un ordinateur, en fait, j’étais dégouté de l’informatique. Donc pas que ça à faire de perdre un an ou deux dans ma vie à être déprimé. Et je me suis rappelé que la première fois où j’avais toujours tendance à dire je gère, je gère, je gère, ça va aller mieux… Plus tard je vais le rattraper, et là j’ai remarqué que non, je le rattrapai toujours pas… Et c’est sorti de nulle part, du jour au lendemain j’ai arrêté. C’est très particulier, parce qu’il y avait des personnes qui attendaient mon travail, en fait, j’étais sur un projet énorme qui devait être fini le lendemain, pas le choix, c’est-à-dire c’est… et c’est pas des petits projets, c’est des clients qui payent des centaines de milliers d’euros en fait, donc la pression que ça nous met, elle est énorme, on se dit si c’est pas rendu demain c’est foutu. Je savais que j’allais pas le finir avant le lendemain, et ça me stressais tellement de le dire, ou de… que ça me créait des crises d’angoisse, mais énormes, et là je me suis dit bah arrête ça tout de suite. Donc j’ai pu arrêter comme ça du jour au lendemain en me souvenant de ce qui s’était passé la première fois et en me disant si tu refais un truc comme ça tu peux y passer en fait, fais attention, la santé mentale c’est aussi important que la santé physique, et coupe net ! Donc j’ai coupé net. Voilà, comme, je sais pas, quelqu’un qui ferait de l’escalade et qui voit que sa prochaine accroche ne va pas tenir, au lieu de la tenter, de se dire ça va peut être passer, y’a des chances que ça passe, je crois que ça passe, bah j’ai dit non en fait. J’abandonne, je fuis en fait ! Donc j’ai fui, je suis parti et le lendemain je suis pas revenu. Et voilà, j’ai écrit un mail en disant que la pression était tellement grande que j’avais peur pour ma vie en fait, c’était effrayant en fait parce que… je me suis dit, mais les autres ils vont devoir se prendre ce projet-là alors qu’ils ont déjà des tonnes de projets, et moi je vais leur donner ça en plus… C’est horrible ! En fait, je vais faire souffrir tout le monde… Mais je me suis dit soit tu quittes le navire, soit tu coules avec en fait, donc entre la vie et la mort, pour moi le choix était vite fait à ce moment-là, je me suis dit je vais pas tout gâcher encore une fois, donc j’ai juste fuis en fait, c’était une fuite comme on fuirait un danger immédiat, bien visible, un ours… On se dit si je continue par là je vais me faire tuer, bah là c’était la même chose en fait, si je continuais pas là ça allait être le burn-out. Je pense que beaucoup de personnes n’osent pas fuir parce que justement ils ont peur du regard des autres, en fait, peur de ce que les autres vont penser en disant, mais tu nous as abandonnés en fait ! Personne n’a jamais pensé ça, parce que j’ai dit qu’en fait ma vie en dépendait. À ce moment-là… Qui va dire bah non, non, tue-toi à la tâche ! J’étais pas obligé de venir, en fait. L’avantage c’est que j’avais la possibilité de pouvoir abandonner, c’est-à-dire que j’avais pas d’enfants à charge, de devoir gagner de l’argent… On pourrait très bien dire bah oui, mais c’est facile, tu es parti du jour au lendemain, mais y’en a qui peuvent pas, en fait, s’ils font ça ils vont finir à la rue ! Honnêtement j’aurais préféré finir à la rue, largement, plutôt que de devoir mourir en fait d’épuisement. C’était même plus une question à ce moment-là, je savais ce que m’avait fait le premier burn-out, tout sauf ça, en fait ! Tout sauf ravoir des idées noires, recommencer tout ça. J’étais vraiment prêt à me dire s’il faut que je vive dans une tente pour éviter ça, je le ferais, en fait, je m’en fiche, je suis juste parti avant le pire en fait. Et j’étais assez fier d’avoir pu le faire, en fait, j’étais assez fier de pouvoir me dire que le regard des autres n’allait pas m’affecter, que j’avais pas peur qu’on me dise que j’étais un lâche, que je fuyais, que je… C’est la solution la moins pire, en fait, c’est ça qui va pouvoir nous remettre en selle après parce qu’on sera en capacité de le faire.
Mickael : Et aujourd’hui, quelques années après, ça se passe comment au niveau du travail ? Qu’est-ce que tu as mis en place pour changer aussi ton rapport au travail, par exemple ?
Franz : Donc je travaillais à Paris et je me suis rendu compte que je travaillais beaucoup pour payer mon loyer, payer tous mes frais, etc., je pouvais pas vraiment trouver un travail où j’allais moins travailler, en fait, parce que j’allais moins gagner et je pourrais pas avoir le confort de vie que je rêvais d’avoir. Donc à ce niveau-là je me suis juste remis en question et j’ai quitté cette ville très chère, je suis allé à la campagne pour payer beaucoup, beaucoup moins cher, et me permettre d’avoir un travail qui est plus lent en fait. Mon problème c’est pas le travail en lui-même, c’est la charge de travail, moi j’adore mon travail, je pense que plein de personnes sont dans ce cas là, ils adorent ce qu’ils font à la base, mais pas jusqu’à en être dégoutés à force de cette charge énorme. Donc c’est ça que j’ai mis en place, c’est un changement de vie, je pouvais pas moins travailler en habitant à Paris, moi j’ai pas trouvé la solution à ça en tout cas. J’ai juste instauré une lenteur, en fait, au lieu de mettre une semaine pour créer un site internet, bah j’allais mettre un mois. J’ai vraiment multiplié par quatre tous les délais, je me suis dit y’a pas moyen de recommencer dans cette vie speed, quoi, en fait, c’est pas une solution extraordinaire, en fait, mon problème c’était une grosse charge de travail, bah je l’ai réduite. En la réduisant, je gagne moins d’argent, en gagnant moins d’argent, bah je vais habiter dans un endroit où j’en ai pas autant besoin. Je travaille à mon compte, donc je peux, voilà, décider de mes propres horaires, je suis plus dans un cadre où si je pars plus tôt on va me voir… C’est ça moi les solutions que j’ai trouvées. La campagne ça me va très bien ! Il y en a qui détestent ça. J’ai pas d’enfants, j’ai pas de personne qui m’empêche de faire ce que je veux. Cette façon de vivre plus lentement elle est pas venue non plus du jour au lendemain, au début ça m’a pris un peu de temps parce que j’aimais quand même bien la ville. C’est venu progressivement, il faut se laisser un peu de temps, je pense. De réfléchir à des solutions. Et en attendant, en fait, bien sûr aller consulter des professionnels de santé ! C’est grâce à ça que j’ai pu avoir moins ce temps de réflexion et de pas ruminer tous les problèmes dans ma tête. Pour trouver des solutions dans sa vie pour moi il faut avoir l’esprit libre en fait. Pour moi je vois pas de solution, je vois pas comment on peut trouver des solutions à ses problèmes si déjà on n’a pas la capacité d’en trouver.
Mickael : Tu nous as beaucoup parlé de la thérapie, avec une psychologue, et ton échec un peu infructueux avec un psychiatre qui n’était pas forcément le bon. Est-ce que tu es retourné dans ce cadre médical de la psychiatrie ensuite ?
Franz : Donc après un an avec un psychologue, les choses étaient mieux, mais j’avais quand même l’impression qu’elles pouvaient être meilleures. J’avais toujours, voilà, un petit fond dépressif, voilà, j’avais beau parler de mes propres problèmes, il restait que bah je dormais beaucoup, je dormais beaucoup, j’avais du mal à manger… Et au bout d’un moment je me suis dit bon, je sais que ça c’est des symptômes de la dépression… Je règle beaucoup de choses en en parlant avec une psychologue, mais j’avais regardé que c’était souvent quelque chose qui allait de pair avec des antidépresseurs. Donc là j’ai demandé à ma psychologue de me recommander un psychiatre, en fait, j’en ai parlé avec elle bien sûr avant, je lui ai dit je pense que je pourrais aller mieux, je suis pas encore au bout des choses, mais… Déjà là ça me permet de souffler, de réfléchir à comment aller mieux, donc quelle est la prochaine étape ? Donc j’ai pris rendez-vous avec un psychiatre et j’ai commencé un traitement aux antidépresseurs. C’est quelque chose qui me faisait extrêmement peur, moi j’avais entendu dire qu’une fois qu’on en prenait, ça nous changeait quelque chose dans le cerveau, induire plus de problèmes que ça en réglait, en fait, donc énormément d’a priori. D’ailleurs quand j’ai commencé à en prendre j’ai eu une énorme crise d’angoisse, je crois une des pires de ma vie, où j’ai vraiment cru que j’allais mourir, j’ai l’impression que je suis différentes personnes, je me sens pas bien, bref, une crise d’angoisse classique. Il faut donner du temps à ce traitement, ça se fait pas du jour au lendemain, moi ça a commencé à faire effet au bout de quatre semaines, voilà, où les choses allaient mieux qu’elles étaient avant. À mon sens c’est comme si j’avais de base un déséquilibre chimique dans la tête, et que ça, ça m’a mis au niveau des autres, que j’avais les mêmes armes que les autres pour affronter bah l’anxiété, le stress, ce genre de choses. Parce que je me trouvais déjà trop sensible, en fait ! Il suffisait que quelqu’un klaxonne dans la rue et je commençais à avoir peur que les gens se battent, qu’il se passe quelque chose, voir de la violence… J’étais devenu, mais beaucoup trop sensible, et au lieu de me dire bah c’est ma personnalité, c’est moi, je suis quelqu’un de sensible, j’avais quand même envie de voir s’il y avait un moyen de me débarrasser aussi de ça. Tous les mois je vois ma psychiatre pour savoir s’il faut changer la posologie, le dosage, chaque changement de dosage avant que ça fasse effet et qu’on voie si ça va ou pas, ça prend quelques semaines, donc ça se fait sur une longue période. Mais là où je voulais en venir, c’est qu’à la fin j’ai trouvé le dosage parfait, et là j’ai senti une amélioration nette, c’est un phénomène, je pense qui est purement chimique, mais je me sentais beaucoup mieux après un dosage qui était… vraiment précis, pour le coup, j’étais assez surpris, que si je prenais dix milligrammes en moins, ou vingt, ça allait plus du tout ! Et de pas hésiter à dire à ma psychiatre que je trouve qu’on est un peu bas, ou un peu haut… Parce que c’est le seul moyen en fait qu’ils ont pour juger l’état d’un patient. Donc il faut pas hésiter à être lucide sur l’état. Si on va pas bien, c’est pas honteux ! J’avais toujours un peu honte de dire bah là cette semaine, ça va pas bien, j’avais l’impression de dire je retombe. Et en fait non, c’est comme ça en permanence, on s’en sort, et puis après on peut retomber dedans, c’est pas que c’est pas grave, mais c’est quelque chose qui est très fréquent dans la dépression, le taux de rechute il est énorme ! Il faut être conscient de ça et pas avoir honte de le dire. On réajuste le dosage, s’il y a des choses qui se passent pas bien dans la vie, on en parle… Alors c’est plus facile à dire qu’à faire, il y a vraiment des moments où ça arrive d’avoir des rechutes, et on se dit oh lala, y’a plus rien qui marche, le médicament marche plus, etc., sauf que cette rechute en vérité elle va pas durer, loin de là, aussi longtemps ! Elle peut durer une semaine en fait. Même des fois ça m’arrive, ça dure trois jours, je suis complètement déprimé, et en fait ça va durer trois jours au lieu de dix ans, donc je pense que la dépression, pour la combattre, il faut être lucide par rapport à elle, et pas hésiter à se faire aider, il y a un arsenal complet de médecins, de traitements, dès qu’on a un doute sur son état mental, consulter. Même si c’est des trucs qui paraissent anecdotiques… Ça va pas être des choses qu’on va dire à ses amis, c’est honteux, de dire j’ai eu peur parce que je me suis fait klaxonner, j’ai eu peur parce que quelqu’un m’a bousculé, quoi ! C’est… y’a pas moyen que je raconte ça à mes proches. Mais par contre je vais pouvoir le dire à ma psychologue sans avoir de jugement. Et on s’en fiche, c’est pas nous qui décidons, c’est le cerveau, donc y’a un moment faut le prendre comme un organe qu’on contrôle pas autant qu’on le voudrait, et voilà, avoir cette lucidité dessus, et parfois il tombe malade, comme tous les autres organes ! pourquoi ce serait différent ? Pourquoi le cerveau il exigerait moins de notre part, en fait ? Non, en fait, c’est la raison principale de notre conscience, c’est une des choses les plus importantes. Il faut le traiter en tant que tel, il faut en prendre soin, en fait, chaque fois qu’on ignore des signaux de mal être ça ne fait qu’accumuler la dette qu’on a envers sa santé mentale, et un jour on va devoir la payer cette dette ! Et souvent la dette c’est le burn-out, c’est la dépression, et plein d’autres maladies. Faut pas sous-estimer ça, en fait, c’est vraiment l’organe qu’il faut le moins sous-estimer.
Mickael : Merci Franz d’avoir participé à cette émission, d’avoir participé avec nous ton histoire.
Franz : Merci à toi !