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Saison 1 | Episode 3
Dépression chronique, anxiété
La dépression est un trouble de l’humeur fréquent. Si fréquent que l’Organisation Mondiale de la Santé prédit qu’elle sera la première cause d’invalidité dans le monde d’ici à 2030. Qu’on ne s’y méprenne pas : la dépression n’est pas un vague à l’âme temporaire comme on peut tous en connaître, mais un véritable état de souffrance durable. Non, il ne suffit pas « de se bouger » pour sortir d’un épisode dépressif. Il ne s’agit pas d’une affaire de volonté.
La dépression a 1001 visages : grande fatigue ou insomnie, perte d’appétit et de plaisir, libido en berne, ruminations incessantes, dévalorisation de soi, désociabilisation, etc. Chaque personne, dans le contexte qui lui est propre, vit sa dépression de manière différente, et cette dernière peut avoir un impact plus ou moins important sur le fonctionnement quotidien.
Des prises en charge médicamenteuse et psychothérapique s’avèrent la plupart du temps nécessaires. Tout d’abord pour permettre à la personne de garder la tête hors de l’eau, et éviter un risque suicidaire. Puis pour éviter les rechutes. Cependant, dans certains cas, les traitements ne sont pas suffisants et la dépression peut devenir chronique et s’installer durablement.
Je reçois aujourd’hui Alexandre, un jeune homme de 26 ans, qui souffre de dépression chronique et d’anxiété de performance depuis une dizaine d’années. Il nous explique ce qu’il vit au quotidien et comment il se maintient à flots contre vents et marées.
Mickaël : Bonjour Alexandre.
Alexandre : Bonjour Mickaël !
Mickaël : Nous allons parler aujourd’hui d’un trouble de l’humeur très fréquent qui est la dépression, dont tu souffres depuis de nombreuses années. Très concrètement pour commencer est-ce que tu pourrais nous décrire brièvement avec tes propres mots ce qu’est la dépression ?
Alexandre : Je dirais que c’est un état gris permanent, pour moi, c’est-à-dire que sans être vraiment tout noir c’est un état qui me plonge dans une sorte de médiocrité et d’incapacité à savourer les moments les plus normaux et les plus heureux d’une vie. Et donc à être plongé dans du gris. La couleur grise, parce qu’elle a beaucoup de nuances, tout en symbolisant souvent quelque chose d’un peu ennuyant et de pas très heureux, en fait, c’est pour ça que je l’associe vraiment à ce trouble. Et la dépression n’est pas juste un état dichotomique entre tout noir ou tout blanc, il y a beaucoup de variations et donc de nuances.
Mickaël : Alors on va parler essentiellement de l’histoire de ta maladie, et on va peut-être commencer par ce qui est le plus simple, à savoir le présent. Au quotidien, ta dépression elle se manifeste de quelle manière, quels sont les signes ?
Alexandre : Tout d’abord une hypersomnie et un manque de motivation constant pour les choses les plus simples de la vie, que ce soit manger, sortir de chez soi, voir des amis, s’engager dans n’importe quel processus professionnel, social… On n’a pas envie de mener la moindre action ou… pas l’envie, mais disons qu’on a une sorte de force qui nous retient en arrière et qu’on n’arrive pas forcément à battre.
Mickaël : Ces symptômes ont commencé à quel âge ?
Alexandre : Vers 17/18 ans. Alors je dis 17 ou 18 ans, mais j’avais déjà connu des phases un peu… qu’a posteriori je pourrais qualifier de dépressives quand j’étais enfant puis quand j’étais adolescent, mais c’étaient des phases assez courtes. Alors que depuis 17, 18 ans, donc un peu moins de dix ans maintenant, je suis dans la même maladie, de manière chronique.
Mickaël : Tu dis que ça fait dix ans que tu es dans cet état, est-ce que cet état a évolué, est-ce que les choses ont empiré ou se sont amoindries, est-ce qu’il y a une évolution cyclique, saisonnière, ou est-ce que c’est vraiment constant ?
Alexandre : D’une part c’est le caractère chronique de la chose, sans chercher de l’aide et sans en obtenir la maladie est toujours là, mais évidemment elle est plus ou moins faible selon les jours, selon les périodes de l’année et les moments de la vie, donc ça peut être en dents de scie. J’ai eu des périodes où, sur ces dix dernières années, où j’allais mieux, clairement, et d’autres où j’allais beaucoup moins bien. Après on pourra discuter des facteurs, mais oui, ça dépend véritablement. À cela s’ajoute, tous les ans et ça je le sais depuis quelques années maintenant, en plus de la dépression chronique il y a une dépression saisonnière, qui touche beaucoup de gens d’ailleurs, et je sais qu’environ, entre fin octobre et début novembre, on va dire, et jusqu’à mars, ma dépression empire. C’est-à-dire que même quand je vais bien, mon moral habituel de tous les jours va être en dessous de ce qu’il pourrait être lors des mois d’été, de printemps ou d’automne. Donc oui cette dépression saisonnière, elle a des causes, c’est la durée d’ensoleillement, le mauvais temps, et le fait qu’on associe moins ça avec l’activité physique en extérieur et souvent aussi avec moins de relations sociales.
Mickaël : Donc les troubles ont commencé réellement il y a une dizaine d’années. Au bout de combien de temps tu t’es rendu compte que c’était une situation qui était problématique, qui pouvait être pathologique ?
Alexandre : J’ai mis beaucoup de temps. J’ai mis beaucoup de temps parce que je suis influencé par les clichés de la société qui n’ont été déconstruits que récemment, qui sont que la santé mentale ça appartient à l’individu et à personne d’autre, et qu’il faut avoir de la force de caractère pour s’en extirper. Et donc pour moi je pensais juste que c’était ma fainéantise, ou un manque de motivation qui n’appartenait qu’à moi. Du coup je n’ai pas perçu le caractère pathologique de la chose avant… je dirais au moins bien 5 ans. Pendant plusieurs années je n’ai pas cherché d’aide, je n’en ai pas parlé sauf à une ou deux personnes vraiment très proches, des amis, qui n’étaient pas du tout de ma famille, et donc encore moins des professionnels de santé qui auraient pu m’aider beaucoup plus tôt.
Mickaël : Tu parles justement des clichés qui ont cours dans la société et notamment autour de la santé mentale, est-ce que tu penses qu’il y a encore aujourd’hui un véritable tabou autour de cette question dans notre société ?
Alexandre : D’une certaine manière oui, parce qu’il n’y a rien qu’à voir la prise en charge en fait de la santé mentale et notamment de la dépression par la médecine du travail ou par la sécurité sociale. Je rappelle que les thérapies cognitives ou comportementales, menées par des psychologues qui sont des professionnels de santé, reconnus par l’état, ne sont pas pris en charge du tout par la sécurité sociale alors que scientifiquement des études ont montré que c’était tout aussi voir plus efficace que les médicaments. La société française est hyper médicamentée, or, sans vouloir du tout écarter la piste médicamenteuse, qui peut vraiment aider, on n’évoque pas assez le simple fait de parler avec une personne tierce et neutre, et spécialisée, et puis mener un combat de chaque instant avec des méthodes qui ont été testées et qui sont efficaces pour changer son comportement et ses modes de pensée. Donc elle est moins tabou qu’avant, je pense, faut pas tout voir en noir justement ! Mais il y a encore des incompréhensions et une tendance à penser que ça se réglera par des médicaments, pour les gens qui perçoivent la dépression comme une maladie. Et puis il y a l’autre partie de la société qui pense que la dépression c’est juste un petit coup de déprime et qu’il suffit de se bouger. J’ai beaucoup entendu ça…
Mickaël : Et au terme des cinq années qu’il t’a fallu pour te rendre compte du caractère pathologique de ton état, c’était quoi le premier contact pour aborder une prise en charge ?
Alexandre : C’était un médecin généraliste. On va même dire deux médecins généralistes. Mon cas personnel étant un peu particulier parce que ma mère est médecin généraliste, j’en ai d’abord parlé à ma mère qui a tout un tas d’idées reçues sur la dépression, n’étant pas de la même génération que les nouveaux professionnels de santé… Elle m’a conseillé du coup d’aller voir une de ses collègues spécialisée dans la sophrologie et qui m’a donc reçu durant trois ou quatre séances, à mi-chemin entre la méditation et l’hypnose, pour travailler sur mes schémas de pensée, mes sentiments, en me mettant aussi sous médicaments. J’étais assidu à ma prise de médicaments, mais c’est vrai que j’ai arrêté tout seul, sans en parler, ce qu’il ne faut pas faire… au bout d’un an et demi deux ans, justement, avant d’en parler à nouveau et de changer de médicament deux mois plus tard.
Mickaël : Et qu’est-ce qui a fait que tu as décidé d’arrêter de prendre la molécule ?
Alexandre : Je pensais aller mieux, d’une part, et puis les effets secondaires. Parce qu’il y a de nombreux effets secondaires avec les médicaments antidépresseurs. Après il faut peser le pour et le contre… Moi j’avais pesé contre, j’avais fait la balance des bénéfices et du défavorable, et notamment de manière physique sur les relations sexuelles et dans la vie de tous les jours ça augmentait ma propension à dormir, en fait, or ce qui me gênait déjà de base avec la dépression c’était un peu l’hypersomnie, le fait de dormir beaucoup, et le médicament m’aidait à aller mieux, à voir la nuit de manière moins noire, je vais dire, justement, pas grise, mais noire ! Mais ça me faisait tout autant, voir plus, dormir. En fait on traitait une des causes de mes symptômes, mais un des symptômes les plus handicapants se trouvait renforcé, ça ne m’aidait pas du point de vue journalier ! Alors actuellement je suis toujours sous traitement, c’est un nouveau traitement, je suis sous une nouvelle molécule après un passage en hôpital et après avoir été suivi par de nombreux médecins spécialisés en psychiatrie. Il y a des effets secondaires, mais je vais mieux globalement, je pense, le retour que j’ai de moi-même est assez positif depuis un an, et même mes amis, parce que j’ai toujours besoin d’un regard extérieur pour savoir comment je me porte, et même mes amis pensent que je vais aussi de manière générale mieux.
Mickaël : Et donc au-delà de ces traitements médicamenteux, quel autre type de prise en charge tu as expérimentée jusqu’à présent ?
Alexandre : Alors à partir de 2018, donc quasiment six ans après les débuts de ma dépression, j’ai cherché à voir un professionnel de santé en psychiatrie en dépit des réticences de mes parents et de moi-même aussi, et j’ai donc vu, commencé à voir un psychologue qui m’a aidé, avec qui on a mis en place petit à petit une thérapie cognitive et comportementale. Je n’étais pas hyper assidu sur les exercices qu’il me donnait à faire, ça, c’est vrai. Mais parce que j’ai du mal à agir sur mes schémas de pensée qui sont bien ancrés. C’est un peu compliqué d’agir sur des schémas de pensée qui sont présents très profondément depuis l’enfance, en fait ! Mais ça me faisait quand même beaucoup de bien, parce que parler avec une personne tierce qui est là pour ça, pour soi, qui est neutre et qui sait ce qu’il fait, en fait tout simplement, ça aide beaucoup déjà. Et c’est quelqu’un qui peut jouer le rôle de thermomètre et qui peut voir à travers ce qu’on lui dit, à travers ce qu’on est, que ça va plus ou moins bien. Et cette personne remarquait que, à travers ce que je lui disais de ce que j’avais fait durant la période depuis notre dernière rencontre, il remarquait que j’avais peut être fait moins de choses, eu moins d’entrain dans mes activités, et du coup pouvait me dire qu’il fallait que je fasse attention, peut être modifier telle ou telle chose. Voire même lorsque j’allais vraiment mal cette personne m’a conseillé d’aller aux urgences psychiatriques, et notamment la dernière fois que je l’ai vraiment vue, m’a conseillé un psychiatre. Ce psychiatre ne m’a vu que deux fois, il était chef de service lorsqu’il était à l’hôpital, il exerçait aussi en libéral, je le voyais en libéral, mais il exerçait à l’hôpital psychiatrique saint Anne. Et cette personne au bout de deux séances m’a fait rentrer à la clinique des maladies de l’encéphale, en gros du cerveau et des maladies mentales, de l’hôpital, où j’ai été hospitalisé pendant un peu plus d’un mois. Voilà. Et du coup j’y ai été suivi par plusieurs psychiatres, par plusieurs psychologues, qui m’ont beaucoup aidé aussi. Et ensuite depuis je suis suivi par toute une équipe coordonnée, un psychiatre, un psychologue, une assistante sociale pour tout ce qui concerne l’administratif ou les choses un peu compliquées sur lesquelles je procrastine beaucoup, qui me font un peu angoisser. Et un infirmier aussi qui peut en fait jouer le rôle de lien entre tous les membres de cette équipe-là, de coordinateur.
Mickaël : Dans cette prise en charge pluridisciplinaire, tu as notamment évoqué le rôle des psychologues, des exercices qu’ils peuvent te donner dans le cadre de thérapies cognitives et comportementales. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur en quoi consiste ces exercices qu’ils te donnent à faire ?
Alexandre : J’ai suivi du coup deux thérapies différentes avec deux professionnels différents. Mon premier psychologue lui partait sur une base un peu plus théorique et émotionnelle. Il fallait lorsque j’avais des pensées négatives sources de dépression ou de comportement anxieux il fallait que je le note, soit en faire une note mentale soit même carrément en faire une note à l’écrit, car mettre sous format écrit aide à extérioriser et à clarifier les choses. On avait aussi des sortes de tableaux où j’associais en fait, d’une part avec lui puis tout seul, une pensée négative qui revenait constamment avec une source, quelle était la source de cette pensée négative, quelle en était la cause qu’on avait identifiée en séance, souvent l’enfance ou l’adolescence, et puis une manière de retourner cette pensée négative, non pas de la rayer, surtout pas l’étouffer ou la rayer de la carte, mais plutôt de l’observer et de trouver un autre angle d’approche. Pour être plus concret par exemple si on est du genre à se trouver médiocre, à se trouver nul, comme c’est mon cas, constamment, un des exercices consiste à se dire qu’est-ce que dirait par exemple une personne extérieure, soit une personne normale, soit même un ami, qu’est-ce que dirait cet ami au moment présent, est-ce qu’il dirait vraiment que je suis médiocre ? Et après ça dépend beaucoup des gens et de leur caractère, moi je suis une personne qui est assez logique, intellectuellement on va dire froide et logicienne, donc j’aime bien ce caractère assez froid et objectif plutôt que basé sur des émotions comme le faisait mon premier psychologue, ce avec quoi j’étais moins en… moins… pas d’accord, mais moins en vibration, j’avais plus de mal à faire ces exercices-là. Les exercices qu’on fait actuellement avec ma nouvelle psychologue, que je vois depuis un peu plus de neuf mois maintenant, c’est des exercices un peu plus concrets en fait ou par exemple moi qui ai tendance à voir les choses de manière négative, noire… en fin de journée, une idée qui peut paraître tout à fait banale, mais j’écris les choses positives qui me sont arrivées dans la journée, même en me forçant. C’est-à-dire qu’une journée vraiment j’allais dire down ou un peu noire, je vais devoir me forcer, l’écrire sur le papier et réfléchir à ce qui a été positif. Ça peut être bête, mais je me suis levé, j’ai mangé deux repas à peu près convenables et j’ai pris une douche, voire j’ai descendu ma poubelle et je me suis promené cinq minutes dans la rue au soleil, ça je le note dans la colonne des positifs. Sans donner une note à la fin de sa journée, c’est pas le concept, mais se dire qu’alors qu’à la fin d’une journée ou à la fin d’une semaine j’aurais pu avoir tendance à dire comme je le fais souvent « j’ai gâché ma journée, j’ai gâché ma semaine » et de fil en aiguille « j’ai gâché ma vie », cet exercice-là va me forcer à forcer mon cerveau et mes connexions neuronales à voir le positif en fait. Je me force, je… ce n’est pas de l’autopersuasion parce que c’est un niveau vraiment prouvé scientifiquement, c’est à un niveau physique dans le cerveau, on crée de nouvelles connexions neuronales pour voir le positif autour de nous et dans ce qu’on fait. Moi je suis quelqu’un encore une fois très pessimiste de nature, je vois les choses en noir et j’ai tendance à me juger constamment de manière négative. Du coup cet exercice-là me convient bien parce que je suis obligé de voir du positif dans des choses auxquelles je ne faisais même pas attention ! Ce n’est pas que je les jugeais négativement, mais pour moi, se lever, prendre une douche et manger, c’est des actions en fait de la vie de tous les jours que la plupart des gens font sans s’en rendre compte, c’est normal pour eux. Or pour une personne dépressive lorsqu’on n’a même plus en fait d’envie de vivre entre guillemets, c’est quelque chose de très fort de se lever le matin même si c’est sans le sourire, de manger, de boire, de sortir de chez soi ou de ranger un peu son appartement ou sa maison. C’est déjà un grand pas en avant en fait. Et se dire à la fin de la journée bon j’ai peut être rien fait au niveau professionnel ou des études, j’ai pas gravi une montagne, mais je suis sorti de chez moi et j’ai fait cinq pas, et c’est un peu… Si on devait le résumer par une formule toute faite, c’est avant de gravir la montagne, il faut déjà sortir de chez soi, quoi ! Et c’est ça, cet exercice-là me force à faire ça. Un autre exercice qu’on me donne à faire c’est de la méditation. Alors on a le cliché du yoga ou de la méditation orientale ou bouddhiste, ce qui peut être très bien au passage, mais là c’est de la méditation de pleine conscience qui est utilisée par psychiatre et psychologue, où on va pas tenter de faire le vide de l’esprit, mais en fait de revenir à sa respiration, revenir à son corps, et évidemment, c’est tout le principe de l’exercice, c’est pas d’éteindre les pensées, c’est de se rendre compte des pensées. C’est-à-dire qu’évidemment il ne faut pas le prendre comme un exercice, ce que j’avais tendance au début à faire… Mais immédiatement notre pensée dérive à une vitesse folle et on s’en rend compte pendant cet exercice, on se rend compte que le cerveau va à mille à l’heure et va se fixer sur n’importe quelle chose et dériver d’un sujet à l’autre, on entend le bruit d’un oiseau, on va penser aux avions, à un voyage, etc., etc. Et en fait cet exercice de méditation pleine conscience va consister à se dire en fait… « ah tiens »… va consister à se rendre compte qu’on a eu une pensée, pour les personnes dépressives souvent des pensées négatives, et se dire bon, j’ai cette pensée, voilà, je reviens à ma respiration. Et c’est déjà un exercice important parce que souvent les personnes dépressives ou anxieuses sont tellement prises dans leurs automatismes qu’elles ne se rendent même pas compte que ce sont des automatismes, des pensées automatiques et négatives. C’est un peu comme si on était un moteur qui tournait à vide constamment comme ça, et on ne se rend pas compte qu’on n’a plus de carburant ou que le carburant est un peu toxique. Et c’est juste prendre un pas de côté et se rendre compte que ah en fait j’ai des pensées négatives, tout bêtement, ça ne sort pas de nulle part, ce n’est pas juste je me lève le matin et je me dis que je suis nul. C’est alors que je suis sorti de chez moi et que je vois une personne qui est peut être mieux habillée que moi, ou plus belle que moi dans la rue, se rendre compte que notre cerveau immédiatement va se dire ah oui cette personne elle est mieux que moi donc moi je suis vraiment moins bien que les autres, les gens doivent me détester, les gens doivent me mépriser. Et la méditation de pleine conscience, une fois qu’elle est pratiquée régulièrement, va nous aider à nous dire c’est juste une pensée, c’est juste… c’est du bruit mental. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut étouffer le bruit, mais c’est que du bruit, c’est passager en fait. Et que, comme tout ce qui est passager, on peut y faire attention, on peut aussi ne pas y donner trop d’importance, et on peut le changer ce bruit, avec quelque chose d’autre. Et donc ces deux exercices on va dire de positivité et de prise de conscience des pensées négatives sont assez complémentaires, ces deux exercices me permettent à chaque fois tous les jours où j’ai une pensée négative à d’abord m’en rendre compte et puis à essayer de prendre un autre angle pour voir ce que je peux tirer de positif, en fait.
Mickaël : Tu nous as parlé à plusieurs reprises de ce sentiment de valoir moins que les autres, de ne pas être aimé par autrui, donc au final d’avoir une image de toi qui est assez dégradée. Est-ce qu’au final les différents traitements, les choses que tu as pu mettre en place, les exercices de pensée positive, est-ce que tout ça ça a contribué à améliorer l’image que tu as de toi ?
Alexandre : Les médicaments, je vais être assez brut : non. Les médicaments n’ont pas amélioré l’image que j’ai de moi. Les médicaments c’est la bouée de sauvetage en fait, et c’est pour ça que ce serait intéressant que la France passe à une stratégie moins médicamenteuse et plus axée sur la thérapie en fait. Les médicaments sont importants, mais plus en tant que compléments, en tant que bouée de sauvetage vraiment, quelqu’un qui se noie on lui lance d’abord une bouée et après on essaie de lui apprendre à nager, voilà, c’est la métaphore que j’utiliserais. Le fait de lancer une bouée ça m’aide évidemment, mais ça va pas m’aider si je retombe à l’eau. Donc non, les médicaments que je prenais, que j’avais testés avant de faire des thérapies m’avaient pas aidé sur l’image que j’ai de moi. Ma première thérapie où j’étais moins assidu, mais aussi qui avait une approche différente, plus émotionnelle et théorique, m’avait pas trop aidé non plus parce que justement étant assez insensible à ce côté émotionnel et théorique, justement ça renforçait en fait mon idée que je ne faisais pas assez d’effort et que j’étais trop nul pour être sensible à ma thérapie, et ça ça renforce cette mauvaise image qu’on a de soi. C’est encore assez tôt pour le dire, mais les nouvelles, la nouvelle thérapie que je suis depuis 9 mois là, en complémentaire d’une prise médicamenteuse bien sûr, ça m’aide, ça m’aide. J’ai moins de mal à me dire bah que, oui, que je ne suis pas si nul que ça, que je ne suis pas si médiocre que ça, que même si… j’ai tendance toujours à me juger négativement, mais j’ai moins de mal à passer outre et à faire des choses malgré tout, et sans avoir peur du regard des autres, de mon propre regard et de la peur de l’échec, en fait. Mais je dirais que le plus important c’est la thérapie. La thérapie et la méditation.
Mickaël : Et dans la période que l’on vit actuellement, ce contexte de pandémie, de restriction de liberté, confinement, semi-confinement, couvre-feu, restriction de mobilité… Est-ce que toutes ces restrictions ont eu un impact justement sur ton humeur ? Est-ce que ça a pu aggraver tes troubles dépressifs ou au contraire ça n’a pas eu d’effet sur toi ?
Alexandre : Ça les a aggravées, après j’ai de la chance c’est que cette année justement en même temps qu’il y avait des confinements, des couvre-feux, des restrictions à répétition j’ai commencé à être suivi par une équipe de manière très régulière, vraiment toutes les semaines, avec prise en charge du coup, j’avais moins de culpabilité en fait à voir ces professionnels de santé. Et donc cet encadrement très étroit m’a permis de me maintenir à flot en fait. Je pense vraiment que sans eux, sans cette nouvelle prise en charge, les confinements auraient été catastrophiques. Et je connais beaucoup de personnes dépressives, avec ou sans diagnostic, mais en tant que personne qui est passée par là j’arrive un peu à reconnaître les symptômes… Ces confinements, surtout le deuxième, surtout le deuxième qui a eu lieu justement on en parlait au début, mais lors de cet automne en fait, ça a eu lieu fin octobre jusqu’à décembre, c’est la période déjà où les choses pour de nombreuses personnes deviennent plus difficiles avec ce qu’on appelle communément la dépression saisonnière. Donc le deuxième confinement a été plus dur que le premier, celui qui a eu lieu au printemps où à partir du moment où on a un petit bout de jardin, un balcon et puis les quinze minutes réglementaires où on pouvait sortir, on avait déjà un peu plus de soleil et puis c’était plus facile, et surtout on avait… on avait des dates, on nous disait voilà c’est uniquement temporaire, ça ne va pas durer, on arrivait à se projeter dans l’avenir. Alors qu’à l’automne c’était différent, on n’avait pas vraiment de planification et c’est ça qui était dur. Et puis plus globalement je dirais que cette année 2020 et ce début d’année 2021, ce qui est peut-être un peu dur, notamment pour les personnes qui ont une dépression, mais d’autres troubles mentaux aussi, c’est cette incapacité à se projeter dans l’avenir. C’est à dire que tant au point de vue professionnel que social, familial, même au niveau des loisirs en fait on ne peut pas entreprendre quelque chose au long terme parce qu’on ne sait pas si on aura le droit, ne serait-ce que d’aller dans une salle de sport pour s’améliorer physiquement, prendre soin de soi… aller visiter un musée, aller au cinéma, ce qui peut être un petit passe-temps qui nous raccroche à la vie de tous les jours et met du bon dans un quotidien qui peut paraître un peu terne, bah ça n’a plus lieu d’être ! Et puis souvent, ce que m’avait dit mon premier psychologue c’est que les deux choses qui motivent un être humain dans la vie c’est la découverte de nouvelles choses et la stimulation, et les relations sociales. Soit on découvre et on se stimule intellectuellement, soit on se stimule émotionnellement ou socialement avec les relations sociales. Et les confinements, les couvre-feux, ben… ça a un peu… On ne peut plus faire grand-chose ! Surtout quand on est comme de nombreuses personnes de milieu urbain, lorsqu’on est célibataire et isolé… bah oui, on n’a plus de relations sociales sauf à distance, ce qui n’est pas la même chose du tout, et on peut certes lire ou regarder une série via les plateformes de streaming, mais c’est quand même un peu monotone, c’est toujours la même chose. On ne peut pas aller faire une pratique sportive, on ne peut pas aller au cinéma, au théâtre, à l’opéra, faire une brocante, que sais-je, ça dépend beaucoup des gens ! mais non… C’est l’incapacité à se projeter et à faire des activités qui nous raccrochent à la vie de tous les jours.
Mickaël : Justement tu parles de la vie de tous les jours, est-ce que tu peux nous dire un peu quelles sont tes activités quotidiennes en ce moment, dans les jours où tu vas bien et dans les jours où tu vas moins bien ?
Alexandre : Euh, je vais commencer par les jours où je vais moins bien. Un jour où je vais mal, c’est un jour au lit, voilà. C’est un jour où je dors beaucoup, un jour où je ne vais pas sortir de chez moi, où je vais me réfugier dans le sommeil parce que c’est une libération, pour éviter d’avoir à penser, et à la limite un jour où je vais essayer de me vider l’esprit en regardant des vidéos sur internet ou en écoutant la radio ou des podcasts. Tout en fermant les yeux et en espérant m’endormir. Ça, c’est une journée où je vais mal. Une journée où je vais bien… juste une journée normale où je vais bien, où je considère avoir une bonne journée. C’est se lever, manger, prendre une douche, c’est-à-dire prendre soin de soi, faire mes exercices du coup de méditation et de positivité, et puis tout bêtement en fait ce que je fais c’est que je me fais une todo list de choses à faire en fait. Très très basique, qui peut concerner simplement le fait d’aller faire ses courses ou de laver une pièce, faire la poussière. Je vais donc remplir cette liste petit à petit, avec des activités du coup scolaires parce que je suis toujours étudiant, mais aussi le fait d’aller voir un ami, le fait de me balader cinq dix minutes, ou plus, d’ailleurs, une à deux heures dans Paris. Et voilà. C’est juste sortir de chez soi et faire quelque chose de productif ou positif de ma journée.
Mickaël : C’est bien que tu abordes la question de voir ses amis parce que ça amène à la question des relations que tu entretiens aux autres. Est-ce que ta dépression a des répercussions ou a pu en avoir par le passé sur tes relations avec tes amis, avec ta famille, avec tes collègues ou avec d’autres étudiants… Ou même dans le contexte universitaire, au final quelles sont les répercussions relationnelles que ta dépression peut avoir ?
Alexandre : Dépression veut dire isolement, de toute façon, je pense que c’est un point commun à toute personne qui vit une dépression. Ça a eu un impact énorme pendant toutes les années pendant lesquelles je n’assumais pas d’avoir une pathologie, puis je n’assumais pas socialement, c’est – à dire que je n’assumais pas d’abord auprès de moi-même puis je n’assumais pas auprès des gens. Au tout départ si on prend les choses chronologiquement, lorsque la dépression s’est déclarée, je me suis d’abord enfermé sur moi-même en coupant plus ou moins court à toute relation avec mes camarades de classe puis lorsque j’ai changé d’établissement en ne nouant aucune relation avec ces nouveaux congénères à la faculté. J’avais entre guillemets la chance d’avoir établi un certain nombre de connaissances via les réseaux sociaux et notamment twitter qui faisaient que, puisque c’est beaucoup plus facile à l’écrit qu’à l’oral et surtout qu’on peut écrire depuis son lit j’avais des connaissances et un semblant de relations sociales même dans les jours où j’allais mal, ça s’était plutôt positif ! Mais durant disons les 5 années qui ont suivi le début de ma dépression, cinq, six années, ça m’a beaucoup empêché de mener à bien des projets amicaux, je ne sortais pas quand on m’invitait par exemple à une grosse soirée, à une sortie dans un parc d’attractions ou restaurant parce que je pouvais ne pas être en fait en de bonnes dispositions au niveau de mon moral et j’avais pas envie de devoir expliquer en fait, à la fameuse question ça va, est-ce que je dois mentir, est-ce que je dois dire la vérité, et si je dis la vérité qu’est-ce que je dois dire, en fait, quelle explication, parce que quand les gens demandent « ça va », la plupart des gens attendent comme réponse oui ça va. Si on leur dit « nan ça va pas », la question qui suit c’est « ah bon, pourquoi ? ». Et ça… si on a une cause passagère et très établie comme une rupture amoureuse ou un problème professionnel qui peuvent ensuite d’ailleurs causer des dépressions ! Mais qui est établi dans le temps de manière ponctuelle, c’est assez facile à expliquer. Mais si ça traine depuis des années et qu’on n’en a jamais parlé à quelqu’un… sortir du bois pour dire que tout d’un coup voilà je suis dépressif et pfff, aujourd’hui c’est vraiment un jour sans, c’est pas facile du coup et on préfère s’isoler. Ça évite d’avoir à affronter le regard des autres et la sensation de gêner tout le monde aussi ! Parce que si t’es invité à un anniversaire et que tout le monde est heureux, et même si on nous a invité et qu’on est heureux pour la personne, bah si ça se voit sur notre figure qu’en fait c’est un peu un sacerdoce d’être ici, c’est un peu une tâche pénible, et qu’on fait tache dans le décor, on n’a pas du tout envie de se déplacer… Du coup ça a eu un impact sur mes relations amicales, j’avais moins d’amis, et les amis que j’avais je passais moins de temps avec eux que la plupart des gens, sauf en virtuel. Et euh sur mes relations, alors avec ma vie estudiantine, c’était quasiment zéro, j’avais vraiment pas de relations avec mes camarades de promo. Avec mes collègues de travail, parce que j’ai travaillé pendant quelques années durant cette période, c’était plus facile, parce que ça a été rapidement justement les seules personnes qui étaient au courant pour moi et ma pathologie. Mais grosso modo lorsque j’ai commencé à assumer, ce qui correspond à peu près au moment où j’ai commencé à voir un psychologue, mon premier psychologue, plus commencé une thérapie et mon deuxième médicament, les choses se sont nettement améliorées au niveau social. Ça n’a pas toujours été facile, certaines personnes dont je me suis coupé ensuite m’ont dit qu’il suffisait que je me secoue, que ce n’était que passager, que… ce genre de clichés ! Ils ne pensaient pas à mal évidemment, mais c’est vrai que lorsque vous dites à quelqu’un que vous avez des problèmes dans votre vie qui sont plus profonds que seulement un coup de mou, certaines personnes ne comprennent pas. Et il vaut mieux s’en éloigner ponctuellement plutôt que de le subir. Mais la vaste majorité de mes relations sociales et notamment de mes amis ont parfaitement compris et m’ont soutenu, comme ils pouvaient, mais ils m’ont soutenu. Donc je conseillerais aux gens qui savent être dépressifs et qui ne l’assument pas socialement de l’assumer, alors pas vis-à-vis de tout le monde évidemment, mais vis-à-vis de leurs amis proches et moins proches. Parce que ça aide beaucoup, les gens comprennent, je pense de plus en plus quand même. Les médias parlent de plus en plus, c’est plus facile qu’avant. Et puis ça aide beaucoup parce que vos réactions sont mieux comprises. J’en parlais tout à l’heure, mais si on vous invite dans un anniversaire et que vous dites que vous n’allez pas venir, au lieu d’inventer un bobard comme je le faisais tout le temps en disant que j’avais une fuite d’eau qu’il fallait que je répare de manière urgente, je peux tout simplement dire écoute j’ai très envie d’être là, mais honnêtement aujourd’hui ça va pas. Ce qui peut mener la personne ou d’autres amis à vous dire bah écoute tant pis pour ce soir, mais est-ce que ça te dirait que je passe demain pour qu’on se voie ? Et ça, c’est très bien parce qu’en fait ils viennent dans votre… ils viennent vous voir, peut être dans un espace où vous vous sentez en sécurité ou moins anxieux ou dépressif, chez vous souvent, et puis ils vont peut être vous encourager à sortir ou à faire quelque chose, sans vous forcer. Et ça, c’est très positif.
Mickaël : Et à partir du moment où tu as commencé à assumer ta dépression auprès de ton entourage, au final ça s’est déroulé comment ? Qu’est-ce qui a causé le déclic, l’étincelle pour que tu te dises maintenant il faut que j’en parle ?
Alexandre : Les pensées suicidaires. Les pensées suicidaires et le fait de se sentir à bout du mensonge. Parce que pendant des années en fait je mentais à mes parents sur ma situation scolaire et sur ma situation mentale, en fait, tout court. Mes parents continuaient à penser que j’étais une personne assez solitaire, qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, et puis qu’au niveau de ma scolarité les choses étaient parfaitement normales et que je n’avais pas du tout pris de retard. Alors qu’en réalité je m’étais déscolarisé en fait un an après le début de ma dépression et que j’avais commencé à travailler. Mes parents étaient au courant que j’avais commencé à travailler, mais pensaient que je continuais en parallèle à suivre des cours à distance et à avancer dans ma scolarité à l’université, ce qui n’était pas le cas. Donc évidemment je mentais. J’allais même jusqu’à donner des fausses notes à mes parents, le genre de choses qu’on fait lorsqu’on est en CE2. Et j’en avais assez de mentir donc j’ai tout avoué comme un petit enfant à mes parents et tant sur ma scolarité que sur mon état mental, voilà. Ça ne s’est pas passé de manière toute parfaite non plus hein ! Mais a posteriori je ne le regrette pas du tout parce que c’est beaucoup plus facile, la charge mentale est beaucoup plus facile au quotidien. Lorsqu’on ment à son entourage, non seulement on va mal, mais on doit prétendre qu’on va bien ! Et ça c’est éminemment compliqué, mettre un masque tous les jours c’est impossible, ça fatigue intellectuellement, moralement, énormément. Aller mal c’est quelque chose déjà en soi de compliqué, mais prétendre aller bien c’est un combat de tous les instants, surtout lorsqu’on est entouré. Si on est solitaire, à la limite… Si on a une famille, des amis avec qui on est assez proche… C’est possible, mais c’est pas… Je le conseillerais à personne. Parce que… Pour sa propre santé mentale, voilà !
Mickaël : Donc au final ce que tu nous dis en somme c’est qu’accepter le fait d’avoir un problème, c’est le début de la guérison.
Alexandre : Tout à fait.
Mickaël : Et donc est-ce que tu aurais d’autres conseils à donner aux personnes qui souffrent de dépression ?
Alexandre : De manière générale… Donc, déjà avouer à soi même qu’on a un problème, c’est la première étape, s’assumer en fait auprès de soi même. Ensuite je conseillerais de le dire à certains cercles restreints de personnes autour de soi sur lesquels on puisse se reposer, non pas comme une charge, mais comme une roue de secours, comme une bouée. Ensuite, à des professionnels de santé. C’est difficile, c’est vraiment compliqué de se dire qu’on a besoin d’aide, je le sais, parce que ce n’est pas comme si on avait une entorse ou même un cancer, tout ça, c’est évident pour les gens qu’il faut aller voir un médecin ! Voir un psychiatre, ou un psychologue, qui n’est pas un médecin, mais qui aide, c’est les médecins du mental, c’est les médecins de l’esprit. Et il faut qu’on généralise cette approche, c’est-à-dire que lorsque ça va mal dans la tête il faut aller voir quelqu’un qui nous répare, ou qui nous aide, qui nous guérisse. Donc je conseillerais aux gens d’aller voir un psychiatre, ou déjà en parler à son médecin généraliste qui peut nous aiguiller vers un psychiatre, et un psychologue si votre mutuelle le permet. Parce que malheureusement comme je le disais ce n’est pas pris en charge par la sécu, et c’est bien dommage. Donc ça, c’est les premières étapes. Ensuite, il y a une quatrième chose je dirais, qui a beaucoup d’importance, c’est l’hygiène de vie, qui fait aussi partie de la prévention aussi d’une certaine manière, mais c’est vrai qu’on l’oublie. Le sommeil, l’alimentation, les activités sportives c’est des choses très importantes pour prévenir ou même aider en fait, accompagner la dépression. C’est scientifiquement prouvé, c’est pas juste des choses un peu new age mais vraiment manger de manière équilibrée, dormir sept à neuf heures par nuit et avoir une activité physique régulière ça crée des endorphines, c’est les hormones du bonheur en fait, vous allez agir sur vos récepteurs neuronaux, vous allez voir la vie moins grise, moins noire, et donc c’est important.
Mickaël : Et se pose souvent la question de l’entourage qui ne sait pas forcément comment réagir face à une telle situation, qui ne sait pas comment apporter de l’aide, qui a peur d’être maladroit, de mal faire les choses. Selon toi qu’est-ce que l’entourage peut faire pour aider une personne dépressive ?
Alexandre : Je pense qu’il y a deux cas de figure. Si la personne vient vous voir en vous disant que ça va pas, même si elle ne met pas le mot dépression dessus, la première chose je dirais c’est l’écoute. L’écoute, en affirmant à cette personne qu’on n’est pas dans le jugement, c’est une phrase un peu bateau, mais c’est déjà important que la personne le sache, qu’elle ne va pas se faire juger parce qu’elle ne se lève plus le matin et n’a pas envie de se lever pour aller au boulot ou à l’école. Donc il faut être dans une sorte de bienveillance vis-à-vis de cette personne, l’écouter et puis je pense lui dire qu’on sera là pour elle pour des petites choses telles qu’aller faire une promenade, l’aider à aller faire du sport, aller au cinéma, boire un verre, ce genre de choses toutes bêtes qui créent des relations sociales et qui stimulent la personne dépressive pour sortir de chez soi. Et si une personne par contre ne vient pas vous voir, mais que vous avez remarqué tous les symptômes d’une dépression. C’est un peu plus compliqué parce que vous n’avez peut-être pas envie d’envahir sa vie privée et de la braquer, et ça se comprend tout à fait. Je dirais qu’il faut profiter peut être d’un moment où la personne, où ça se voit particulièrement que la personne va mal, ne pas la brusquer, mais lui dire, peut-être, écoute, j’ai remarqué que tu avais l’air d’avoir un peu le moral en berne, est-ce que tu veux qu’on en parle ? Ne te sens pas forcé surtout, mais sache que je suis là et que je tiens à toi, et que si ça va pas tu peux toujours me parler. Déjà c’est un énorme premier pas, et ensuite si la personne se confie à vous on revient au premier cas de figure, affirmer qu’on est là pour la personne, écouter, ne pas la juger, et peut être mettre en place une certaine routine avec cette personne, peut être la voir une fois ou deux fois par semaine pour prendre un café, discuter, se dire tiens, et si on allait au sport ensemble, et si on allait au cinéma ? C’est des choses toutes bêtes, mais ça a une efficacité prouvée, en fait. Entourer la personne, mais pas de manière étouffante, il ne faut pas que la personne se sente oppressée et se dise il faut que j’aille bien pour que vous ne soyez pas déçu. Parce que là on arrive dans un autre mécanisme, donc il ne faut pas opprimer ou étouffer la personne, mais il faut être présent, et c’est ça qui est difficile et je comprends très bien, il faut être à distance, mais en même temps proche. Et donc je pense que l’écoute, le non-jugement et la mise en place concertée d’une petite routine sociale impliquant la personne, qui peut ensuite se développer vers une aide pour raccrocher les wagons en termes professionnels, scolaires ou dans les domaines dans lesquels elle a une difficulté, mais déjà juste sortir de la zone noire de l’isolement, pour faire des choses. Voilà.
Mickaël : Tu nous as parlé également du fait que tu souffrais de troubles anxieux, de pas mal de ruminations assez négatives, au final ce sont des schémas de pensée qui sont comme tu l’as dit ancrés en toi depuis très longtemps et sur lesquels tu as essayé de travailler avec ta psychologue. Est-ce que tu peux nous décrire avec un peu d’introspection comment se mettent en place ces schémas de pensée quand ils t’arrivent dans la tête ?
Alexandre : Déjà souvent les troubles anxieux ou la dépression sont souvent des comorbidités, c’est un grand mot pour dire que les gens qui ont des troubles anxieux sont souvent aussi dépressifs et inversement. Moi mes schémas de pensée négatifs, qui sont ancrés en moi depuis l’enfance et l’adolescence, c’est des schémas de type performance et anxiété sociale, le regard des autres, il faut que je performe et il ne faut pas que je déçoive, c’est les deux principaux schémas de pensée que j’ai. Et ben dans toutes les actions que je mène au jour le jour, des actions alors en particulier les actions qui ont de l’importance au niveau social, professionnel, scolaire, sur lesquels on est jugés, souvent, ça, c’est des schémas qui reviennent dans ma tête et qui me disent Alexandre, vraiment, tu es médiocre, tu es nul, tu vois bien que cette personne avec qui tu parles a beaucoup plus de diplômes que toi, vous étiez ensemble à la fac, elle a beaucoup avancé dans sa vie alors que toi tu as fait du surplace, vraiment t’as rien fait, t’es nul, t’as gâché ton année donc t’as gâché ta vie. Ce genre de répétitions. Et… donc ça, c’était le côté performance et il y a le côté anxiété sociale regard des autres, qui suit en fait, et qui se manifeste on va dire typiquement lorsque je suis dans une discussion avec une personne que je peux admirer, jalouser même d’une certaine manière, et mon cerveau va me dire ah ! Qu’est-ce qu’elle doit penser de toi cette personne ? Au fond elle doit te mépriser. Franchement, vu comment toi tu vois, la personne elle doit vraiment te voir encore pire. Et donc voilà c’est ça, des schémas qui sont omniprésents et en fait qui mènent à la peur de l’échec, et la peur de l’échec qui va avec la méticulerie, le fait d’être méticuleux et perfectionniste, ça va avec la procrastination. C’est-à-dire qu’étant donné que je pense ne pas être capable de faire quelque chose de bon, et chez moi bon ça veut dire parfait, autant ne pas le faire ! Parce que de toute fa_on je vais échouer et je vais être mal jugé, donc d’une certaine manière est-ce qu’il ne vaut mieux pas que je ne le fasse pas, parce que je vais échouer, mais d’une certaine manière je serais peut être moins jugé parce que je n’ai même pas tenté ? Et on ne juge pas quelqu’un qui ne fait pas un marathon, on juge le type qui arrive dernier. Donc ça m’a empêché pendant des années de candidater à des postes ou à des formations en fait à la fac ou dans des écoles. Et oui, ce n’est pas une solution à long terme évidemment parce qu’on se retrouve un peu bloqué et ça renforce encore ces pensées négatives qui disent tu n’avances pas, et tu passes à côté de ta vie, tu rates ta vie. Donc voilà c’est ce genre de schémas de pensée sur lesquels je travaille constamment maintenant pour essayer d’avancer. Et je dois dire aussi que ça peut aller très loin parce que là on parle des choses compréhensibles, parce qu’on peut tous avoir peur d’échouer professionnellement ou au niveau des études, mais moi ça a été au point où pendant sept ans je ne suis pas parti en voyage ou en vacances parce que j’avais peur de ne pas assez profiter. Et c’est quand même assez fou quand je m’en rends compte a posteriori, c’est-à-dire que je m’empêchais de partir en vacances, en voyage à l’étranger ou en France, parce que je me disais tu vas passer de moins bonnes vacances que les vacances idéales que tu aurais pu passer comme on peut voir chez tes amis lorsqu’ils postent leurs photos de vacances sur Facebook ou Instagram. Et ça me fait sourire a posteriori parce que c’est quand même quelque chose qui paraît complètement illogique, on part en vacances pour aller bien et pour profiter de bons moments. Et en fait je préférais ne pas passer de bons moments du tout plutôt que de pas passer un moment parfait. Et ça se retrouvait dans les vacances, ça se retrouvait dans la nourriture, je préférais ne pas manger plutôt que de faire un diner qui me convenait pas en me disant je suis vraiment un mauvais cuisinier, et ça se retrouvait pour tout, même pour l’activité sportive, je préfère ne pas aller à la salle de sport plutôt que de me dire une fois que j’y étais j’ai vraiment fait une séance pas terrible aujourd’hui, je n’ai pas fait beaucoup de longueurs à la piscine, c’est vraiment nul. Sauf que c’est vraiment stupide en fait, parce qu’on n’avance à rien et que oui, ça prête à sourire d’une certaine manière, parce que c’est… Mais il fallait que j’en sorte, quoi. Et ça, cette anxiété de performance et anxiété sociale, peur du regard des autres, elle était présente dans tout ce que je faisais. Et aujourd’hui elle l’est moins, j’ai moins de mal à faire des projets. Alors toujours du mal à faire des projets sur les choses entre guillemets importantes comme le scolaire, le professionnel, ça ça mettra du temps à changer je pense, mais par exemple je me suis accordé cet été lorsqu’on avait un peu de répit au niveau du confinement, etc., je me suis accordé un mois de vacances totalement à l’improviste en Italie avec un ami puis tout seul, chose que je n’aurais jamais faite si j’avais pas été un peu mieux dans ma tête. Et pareil, en 2018, je me suis mis à faire, lorsque j’ai consulté mon premier psychologue je me suis mis à faire beaucoup plus de sport et donc par un cercle bénéfique j’allais mieux parce que je faisais beaucoup plus de sport et que j’accomplissais des objectifs, objectifs que je, que je me voyais en fait objectivement accomplir.
Mickaël : Donc parmi les choses qui te font du bien il y a les voyages, il y a le sport, est-ce qu’il y a d’autres petites choses dans lesquelles tu peux te réfugier quand ça ne va pas très bien ?
Alexandre : Le sport. C’est quelque chose d’important pour moi. Les voyages, c’est peut-être un peu différent parce qu’on ne peut pas vraiment partir au pied levé comme ça, surtout en ce moment. Sinon il y a la méditation. Je le prends parfois comme un exercice donc ce n’est pas forcément un moment de plaisir, mais parfois si, et ça me permet de décrocher du cycle négatif dans lequel je suis empêtré. Sinon il y a les relations sociales et ça, c’est vraiment important, pourtant à la base j’étais quelqu’un de solitaire, et j’ai changé en fait avec la thérapie, je m’en suis vraiment rendu compte, je me suis beaucoup plus ouvert aux autres, et voir des amis, en profiter pour boire un verre, manger un repas ensemble, discuter, ça m’aide vraiment, ça m’aide vraiment parce qu’on décroche en fait, au lieu d’être enfermé dans sa tête avec ses pensées, avec lesquelles on a du mal à décrocher parfois même en faisant les exercices, on s’intéresse aux autres et le fait de s’intéresser aux autres on s’intéresse moins à ce qui se passe dans son cerveau. Je dirais que mon plan de crise que j’ai établi avec ma thérapeute, on appelle ça un plan de crise, consiste à ne serait-ce que se lever, se dire que ce n’est pas parce qu’il est 13 h que j’ai raté ma journée, il y a encore pas mal d’heures dans la journée, et je fais une petite liste de choses à faire, du plus simple vraiment le plus basique jusqu’à le plus compliqué. Et donc je me douche, je prends juste un petit déjeuner ou un déjeuner, et le simple fait de prendre soin de soi aussi, oui, le fait de prendre une douche, de faire je sais pas un peeling ou aller chez le coiffeur pour se sentir un peu beau bah ça aide aussi parce que voilà, on a fait quelque chose de sa journée et on a une meilleure estime de soi à la fin. Donc de manière générale le sport, les voyages, l’activité physique et les amis, et la méditation, et au jour le jour me faire une petite liste d’objectifs vite faits, d’objectifs qui sont accomplis en fait de manière facile et immédiate, parce que le simple fait de mettre une croix sur ces objectifs va vous entraîner dans un mouvement positif pour vous satisfaire en fait, le fait de se dire tiens j’ai fait une chose, deux choses, trois choses, même si c’est des choses très simples comme faire la vaisselle, prendre une douche et se raser, le cerveau va dire je suis sur ma lancée en fait, je fais quelque chose, et on va être moins tenté de penser négativement, et on va se projeter en avant pour aller faire quelque chose de positif, on va se dire tiens, j’ai quatre mails à envoyer, bon, ça fait une semaine que j’attends et que je procrastine, bah déjà je vais en envoyer un. Et vous en avez envoyé un, et vous vous dites il me reste encore une demi-heure, si je faisais deux autres ? Et ainsi de suite. Et en fait c’est comme ça qu’on combat aussi la procrastination qui est un des symptomes de la dépression, je pense, c’est accomplir des petits pas plutôt que de réfléchir à l’objectif final. Et ça, c’est encore un conseil que m’avaient donné mes thérapeutes, c’est qu’on ne franchit pas le sommet de l’Everest en réfléchissant tout de suite aux 8000 mètres. On franchit l’Everest en se disant là-bas y’a un premier col, il est à 200 mètres, je vais déjà essayer de l’atteindre avant de penser aux 8000 mètres. Et puis ne serait-ce que de sortir de chez soi, en plus ! Donc voilà, c’est des petits objectifs qu’on enchaîne immédiatement et qui nous mettent sur la lancée pour la suite de la journée, et à la fin de la journée vous pouvez vous rendre compte que vous avez accompli 20, 30 choses et vous dire à la fin de la journée justement ah ! C’était une bonne journée ! Et ça, ça m’arrive après trois mauvais jours, et je me rends compte que c’était une bonne journée. Et le lendemain matin je me réveille, bah, je suis toujours dépressif, mais c’est un bon jour.
Mickaël : Et dans cette stratégie des petits pas, actuellement tu en es où dans tes études et qu’est-ce que tu entrevois comme prochain petit pas dans cette voie ?
Alexandre : Je suis en master de droit, c’est la deuxième année que je fais ce master parce que l’année dernière j’ai été hospitalisé et il y a eu les confinements donc je n’ai pas continué. Ce n’est pas quelque chose qui me plait, je le fais vraiment par défaut, chose qui avait tendance du coup à me déprimer jusque-là, mais que j’assume maintenant plus ou moins donc c’est plus facile. Dans cette stratégie des petits pas suivre des cours, déjà, parce que j’avais tendance pas à les louper, mais à être inattentif. J’assiste à mes cours, j’essaie, et sinon candidater à des choses qui de toute façon dans ma tête sont vouées à l’échec. Pendant des années je ne l’ai pas fait, je continue à penser de manière automatique que j’y arriverai pas, mais contrairement à avant je candidate. Et c’est une phrase que m’a dite ma psychologue il y a un mois ou deux en rapport avec la métaphore du loto, mais 100 % des gagnants ont tenté leur chance. Et c’est vrai en fait ! C’est tout bête, c’est-à-dire que je ne risque pas de réussir si je ne tente pas. Quand je constitue un dossier de candidature à un stage ou à une formation, mes pensées automatiques elles sont là, mais grâce à la méditation bah je sais qu’elles seront là et il faut juste que j’admette qu’elles soient là, je les contemple, et ce n’est pas parce qu’elles sont là que je vais les laisser m’empêcher de faire ce que je fais. Et du coup je candidate, j’ai candidaté à des formations et j’espère recevoir des réponses positives, je prévois des plans B, je prévois des plans C, etc., et je prévois même un plan où s’il n’y a pas de choses qui me satisfasse de cette manière-là en fait j’ai même pour objectif de faire une pause pour aller travailler sur un emploi alimentaire et de voyager en fait, de faire une pause au niveau de mon esprit pour, pour faire autre chose, pour me dire qu’il n’y a pas que ça dans la vie et que je peux accomplir des choses pour être fier de moi. Et ça ça dépend des valeurs qu’on a dans la vie, et y’a des gens pour qui les valeurs c’est de voyager, c’est de découvrir des choses, c’est de lire. Moi c’est ça par exemple. Il y a des gens, leurs valeurs, et elles sont tout aussi bonnes, c’est de fonder une famille et avoir un grand cercle amical. Et dans ce genre de moments là, il faut se dire sur quel genre de valeurs j’ai envie de me recentrer. Et si ça marche pas, qu’est-ce que je mets en place, bah je ferai un pas de côté et je me dirais, bon, et je suis déjà en train de le faire au cas où, bon est-ce que je ne vais pas prendre un emploi à l’étranger, facile entre guillemets à obtenir, pour pratiquer une langue ? Voilà, ce genre de choses.
Mickaël : Et justement ton emploi idéal, ce serait quoi ? Tu te rêverais en quoi ?
Alexandre : Oh là ! Je suis un peu touche-à-tout en fait donc ce serait quelque chose de très stimulant. Je suis assez analytique et donc du coup ce serait un métier dans les relations internationales, la diplomatie, les affaires publiques, ce genre de choses. Je suis un peu un touche à tout donc j’ai toujours eu du mal à me projeter et encore aujourd’hui je sais pas vraiment, si on me demande un poste ou une branche je ne saurais pas dire, mais j’ai des domaines de prédilection donc je peux les dire, c’est tout ce qui touche aux affaires publiques, la diplomatie, les affaires étrangères, ce genre de choses.
Mickaël : Est-ce que tu peux nous parler de la dernière chose positive que tu as notée dans ton petit carnet ?
Alexandre : Les deux dernières choses que j’ai notées dans mon carnet c’est que j’ai été faire des longueurs à la piscine, donc c’était déjà très agréable et en plus j’ai rempli un objectif que je m’étais fixé en termes de longueur, et puis j’ai été me balader au parc sur les bords de Seine au soleil couchant. Donc ça c’était très agréable aussi, ça m’a fait marcher 5000 pas dans la journée, et puis voilà, j’ai fait quelques photos, pris l’air, c’était agréable.
Mickaël : Si on fait abstraction de la situation difficile qu’on est en train de vivre en ce moment, est-ce que tu aurais une note d’espoir à communiquer à nos auditeurs ?
Alexandre : Ça ira mieux. Ça ira mieux dès que vous en parlerez à quelqu’un de confiance qui peut vous tendre la main et qui peut vous aider. Voilà, je pense que c’est ça le plus important.
Mickaël : Moi j’aimerais ajouter quelque chose, Alexandre, premièrement te remercier encore une fois d’avoir participé à cet épisode, et deuxièmement comme je sais que tu as quelques problèmes d’anxiété de performance et d’anxiété sociale, je peux te dire de mon point de vue personnel que tu as été un très bon interlocuteur et que c’était très agréable d’échanger avec toi.
Alexandre : Oh, merci.
Mickaël : Merci beaucoup.
[Musique de fin]
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Encore une fois, si vous reconnaissez dans un témoignage ou ressentez un mal-être psychique et avec besoin d’en parler, n’hésitez pas à consulter un professionnel ou à vous rapprocher des associations de patients. Des ressources sont également disponibles sur notre site.
La dépression est un trouble mental fréquent. L’OMS estime qu’elle sera la première cause d’invalidité dans le monde d’ici à 2030.
On estime qu’en France, une personne sur cinq vivra un épisode dépressif au cours de sa vie. Tous les âges peuvent être touchés, mais les femmes semblent deux fois plus touchées que les hommes. Cette différence est à nuancer par le fait que, pour des raisons socioculturelles, les hommes tendent à moins consulter pour des problèmes de santé psychique et donc à être moins diagnostiqués.
En 2020, avec l’arrivée de l’épidémie de SARS-CoV2 et ses conséquences économiques et sociales, le nombre de personnes touchées augmente fortement. Environ 3 millions de personnes sont actuellement concernées en France.
Dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, édité par l’Association Américaine de Psychiatrie, dans sa cinquième édition (DSM-V), neuf symptômes principaux de la dépression sont listés. Pour obtenir le diagnostic d’un épisode dépressif majeur, cinq de ces symptômes doivent : être présents concomitamment pendant une durée de deux semaines au moins, provoquer un changement dans le fonctionnement de la personne, engendrer une souffrance significative. Présenter au moins l’un des deux premiers symptômes de la liste est nécessaire :
Humeur dépressive présente la plus grande partie de la journée, presque tous les jours, comme signalée par la personne (par exemple : se sent triste, vide, désespérée) ou observée par les autres (par exemple : pleure). Remarque : Chez les enfants et les adolescents, peut être une humeur irritable.
Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes, les activités, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
Perte de poids significative en l’absence de régime ou gain de poids (par exemple : changement de poids excédant 5 % de la masse corporelle initiale en un mois), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. Remarque : Chez les enfants, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue.
Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (observable par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).
Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
Bien entendu, il s’agira de s’assurer que ces symptômes ne sont pas liés à une autre affection ou à la consommation de substances.
Le trouble dépressif peut avoir de multiples origines. De manière générale, en santé, on estime qu’un trouble est la conséquence d’une interaction entre des vulnérabilités (génétiques, biologiques, psychologiques, sociales, …) et l’environnement (au sens large).
Pour les épisodes dépressifs légers à modérés, une psychothérapie est recommandée en première intention, éventuellement accompagnée d’un traitement antidépresseur en sus. Pour les cas sévères, un traitement antidépresseur s’impose souvent. Les recommandations sanitaires mettent en avant la nécessité de la combinaison des médicaments avec une psychothérapie réalisée par un professionnel formé (psychologue ou psychiatre psychothérapeute). Rétablir et conserver une bonne hygiène de vie (sommeil, alimentation, activité) est également nécessaire.
La plupart des traitements antidépresseurs agit sur la transmission d’un neurotransmetteur, la sérotonine, qui semble déficitaire chez la personne atteinte de dépression. Les neurotransmetteurs permettent aux neurones de communiquer : le neurone en amont va libérer ces messagers chimiques pour transmettre un message au neurone en aval, puis ces messagers vont être recapturés par le premier neurone. Les antidépresseurs classiques permettent d’inhiber la recapture du neurotransmetteur sérotonine, afin qu’elle reste plus longtemps dans l’espace de communication entre les neurones, qu’on appelle la fente synaptique.
La dépression correspond aux critères mentionnés ci-avant, elle répond à un tableau clinique précis, avec une durée et des conséquences définies. La déprime est un état passager de vague-à-l’âme qui ne se manifeste pas par une souffrance cliniquement significative ni impact majeur sur le fonctionnement de la personne (continuité de l’activité, des relations sociales, de l’hygiène de vie antérieures).
Une déprime se résorbe spontanément en quelque jours. Cependant, si cette « mauvaise passe » venait à perdurer et si la tristesse devient envahissante dans votre quotidien, n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé pour étudier la nécessité d’une pris en charge adéquate.
Si vous souhaitez en savoir plus, vous trouverez des lectures complémentaires dans la rubrique ci-dessous.
En cas d’urgence :
Si vous avez besoin de parler :
Si vous (ou un de vos proches) ressentez un mal-être durable :
Pour les étudiant-e-s :
Les Maux Bleus est un podcast sur la santé mentale qui relaie des témoignages de personnes concernées, d’aidants mais aussi de professionnels intervenant dans ce champ (psychiatrie, psychologie). Les témoignages sont nécessairement subjectifs et représentent l’expérience de la personne invitée. Consultez un professionnel de santé pour avoir des conseils adaptés à votre situation personnelle.