Garçon jouant aux assiettes chinoises, illustrant l'association éponyme venant en aide aux familles de personnes atteintes de schizophrénie. à début précoce.

Schizophrénie | Les assiettes chinoises

Alexandra & Nathan

Saison 1 | Episode 9
Schizophrénie à début précoce, famille

La schizophrénie à début précoce est une forme très rare, qui ne représenterait en tout et pour tout que 1 à 2% des cas de troubles schizophréniques, eux-mêmes déjà peu fréquents. En raison de clichés erronés et stigmatisants qui perdurent malgré la multiplicité des sources d’information existantes, la schizophrénie a mauvaise presse et est souvent assimilée à tort à la violence. 

Déjà quand les troubles apparaissent à l’âge adulte, l’individu se retrouve fréquemment mis au ban dune société qui ne comprend pas la maladie psychique et préfère y rester totalement hermétique. Alors, quand la première crise psychotique intervient dans l’enfance, c’est tout le système familial qui est chamboulé, désorienté et surtout abandonné à son sort, face à un système de santé qui n’est pas en mesure d’offrir une prise en charge adaptée. C’est alors que le combat commence. Pas le combat contre la maladie, mais le combat pour la vie.

Je reçois aujourd’hui Alexandra, une mère de famille, ancienne infirmière en psychiatrie, qui nous parle des troubles de son fils Nathan et du combat qu’elle mène au quotidien pour lui permettre de vivre sa vie d’adolescent comme les autres et trouver des solutions pour le guider vers le rétablissement. En deuxième partie d’émission, nous entendrons Nathan qui a tenu à s’exprimer pour la première fois et que nous remercions chaleureusement.

Mickael : Bonjour Alexandra.

Alexandra : Bonjour Mickael.

Mickael : merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission avec ton fils Nathan.

Alexandra : Avec plaisir !

Mickael : Donc aujourd’hui on va parler des enfants qui souffrent de schizophrénie à début précoce. Est-ce que tu peux nous dire un peu avec tes propres mots comment toi tu décrirais le trouble dont souffre ton fils ?

Alexandra : Alors je tiens à préciser avant qu’effectivement on parle souvent de la schizophrénie alors que c’est quand même utile de préciser qu’à l’heure actuelle on parle DES schizophrénies, dans le sens où ce terme-là regroupe un ensemble, un cortège de symptômes, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais en gros c’est important de se dire qu’il y a autant de schizophrénies que de personnes touchées par la maladie. Chez Nathan ça se manifeste par beaucoup de symptômes dits positifs, on entend par là non pas des symptômes agréables à vivre, le mot positif, mais plus des manifestations psychiques surajoutées au comportement habituel d’une personne. Donc pour mon enfant il se manifeste la question des ententes de voix, parfois plus ou moins d’hallucinations visuelles, ou de sensations dans le corps. Et puis les troubles impactent aussi l’organisation psychique à savoir tout ce qui est cognitif, donc parfois ça peut impacter la concentration, la capacité à être attentif ou encore la mémoire, des choses comme ça. C’est variable, c’est pas tout le temps présent, certains symptômes sont tout le temps plus ou moins là, mais ne sont pas tout le temps dérangeants… Tout dépend du terrain qu’ils gagnent sur le psychisme et le présent de la personne. En fait là où ça devient invalidant c’est quand ça vient empêcher une vie sociale ou lorsque ça vient l’empêcher de fonctionner avec ses plaisirs, avec ses activités, etc. C’est là où on peut vraiment parler de symptômes invalidants. Mais Dieu merci il ya des périodes où on peut quand même, comme aujourd’hui par exemple, faire des choses qui ont du sens. Et d’autres moments où la vie peut se faire douce aussi !

Mickael : Les symptômes de Nathan se sont manifestés à quel âge pour la première fois ?

Alexandra : Alors je pense qu’ils se sont manifestés avant qu’ils ne soient décrits et exprimés par Nathan, mais il était jeune en fait, moi là… j’ai commencé à avoir des inquiétudes lors du CM2, quand Nathan avait 11 ans, 10 ou 11 ans, parce qu’à l’école on me décrivait un comportement que je ne reconnaissais pas, avec de l’agitation, des moments où il sollicitait beaucoup les instituteurs, les adultes en général, et je sentais chez lui des choses qui bougeaient, qui changeaient, mais je n’arrivais pas trop à nommer quoi. Et en fait ça a commencé à plus se manifester au passage en sixième, parce que je pense les milieux sont beaucoup plus hostiles au collège, j’avais des sollicitations beaucoup plus inquiétantes. Et pour le coup je pense aussi que ça va… Les manifestations se sont amplifiées aussi avec… bah, grandir ! et il y a eu une évolution des symptômes où je pense qu’avant les symptômes faisaient partie du psychisme de l’enfance, pour plein d’enfants qui disent entendre des voix ou des choses, c’est intégré à l’enfance ! Sauf que là, les symptômes sont devenus beaucoup moins agréables plus Nathan avec des choses plus inquiétantes, plus effrayantes, et il a pu au bout de trois mois de sixième les exprimer en fait. Et à partir de là se sont enchainées les prises de contact avec les soignants, et ça prend du temps ! Je veux dire un diagnostic ne se pose pas juste à partir d’un ou deux symptômes, sur une semaine, une seule consultation, il y a la nécessité d’attendre un minimum de six mois d’observation des troubles, et pas que des troubles d’ailleurs, d’observation du fonctionnement de la personne, ce qui s’est passé pour mon enfant en milieu hospitalier, pour pouvoir réellement dire bah là on est face à une pathologie, quelque chose qui ne va pas. Donc ça s’est manifesté très jeune, mais le temps que le diagnostic soit posé, Nathan avait treize ans.

Mickael : Alors justement tu dis qu’un diagnostic, ça ne se pose pas en un claquement de doigts, ça prend du temps. Est-ce que tu peux du coup nous en dire un peu plus sur le parcours du combattant que c’est au final pour obtenir un diagnostic et une reconnaissance de ce dont souffre Nathan ?

Alexandra : Je pense que c’est pas tant le fait d’obtenir un diagnostic qui est un parcours du combattant, c’est l’accès aux soins ! C’est-à-dire qu’actuellement on entend parler de la psychiatrie, du sinistre de la psychiatrie ! Mais c’est vrai qu’on entend essentiellement parler de la psychiatrie adulte, très peu de la pédopsychiatrie, ça commence un petit peu, je pense, à émerger, tout doucement, mais en pédopsychiatrie les offres de soin sont vraiment minimalistes ! Et même dans des cas de grande urgence comme celles que nous on a rencontrée, c’est… Malheureusement il faut vraiment que la souffrance aiguë soit très manifeste pour qu’on obtienne des choses ! Parce qu’il y a pas les moyens suffisants à l’heure actuelle pour accueillir toutes ces souffrances-là. Ce qui est un drame, parce que je pense qu’on parle de plus en plus en parallèle des détections précoces ! Et on sait bien que plus tôt on dépiste un trouble mieux sera le pronostic par la suite et l’accompagnement ! Et en ce qui me concerne, Nathan par exemple quand il a commencé à aller mal, c’est essentiellement notre médecin généraliste qui nous a énormément soutenus, énormément accompagnés et qui nous a aidés à obtenir les soins, et malgré tout pour accélérer la demande de soin en centre médico-psychologique il a fallu passer par une hospitalisation en fait ! Je ne dis pas que c’est le parcours habituel, nous ça s’est passé comme ça, ça a été dans le moment où c’est devenu vraiment très aigu qu’on s’est dit ah bah peut être qu’on va accélérer le processus vers le soin ! La première hospitalisation que Nathan a subie, dans un contexte d’angoisse majeure… en gros entre le moment où les premiers symptômes sont apparus, ça doit être en octobre, on a eu le médecin généraliste qui a du faire superviser l’accompagnement de Nathan par un médecin psychiatre, parce qu’en libéral c’est pareil ils étaient tous très très occupés, et l’accès à une hospitalisation spécifique pédopsychiatrie c’était au mois de septembre l’année d’après ! Donc quasiment un an. Heureusement entre temps on a eu le soutien de l’hospitalisation en pédiatrie communautaire sur Nantes, mais euh c’est pas un lieu dédié à… un lieu dédié à des observations vraiment spécifiques sur des pathologies telles que celle-ci, donc… même si on a eu la chance malgré tout de rencontrer les psychiatres de liaison au cours de l’hospitalisation en pédiatrie, déjà on perd un temps fou quoi ! On perd un temps fou. Et parfois j’en venais à me dire, mais jusqu’où les enfants doivent manifester leur souffrance, leur besoin et leur demande d’aide pour avoir accès aux soins ? Pourtant c’est des questions que je me pose souvent, on entend parler de l’augmentation des tentatives de suicide chez les mineurs, chez les très jeunes, quand je dis très jeunes j’entends onze, douze, treize ans. Souvent ça va être l’arbre qui cache une forêt autre qu’une simple tristesse et dépression, ça peut être des troubles beaucoup plus conséquents, mais effectivement il y a des stats comme ça parce qu’il n’y a pas d’accès rapide aux soins, et les médecins généralistes peuvent faire leur job comme ils peuvent, moi je tiens à parler d’eux parce qu’ils sont quand même régulièrement en première ligne, ils ne sont pas pédopsychiatres, voilà ! Donc il y a réellement une urgence sanitaire, il n’y a jamais assez, mais là la Covid est très révélatrice du grand désarroi des jeunes, même des adultes, des étudiants, mais on peut dire aussi que c’est très révélateur de tout ce manque sidérant et aberrant qui est plus possible aujourd’hui en 2021 dans un pays comme le nôtre ! On est très en retard, je veux dire, dix ans de retard en France ! C’est… je ne sais pas, je ne sais pas jusqu’où il va falloir aller pour que ça avance ! Et après une fois qu’on est dans les réseaux de soin, ce qui est très compliqué c’est de faire communiquer les différentes spécialités entre elles. On a l’impression que ça y’est, c’est bon on a un pied dedans, mais c’est pas si simple que ça ! Quand il y a une multiprise en charge, pluridisciplinaire en fait, on se rend compte que malheureusement les familles doivent faire beaucoup, beaucoup pour mettre les gens en lien, pour ne pas perdre de temps, pour sanctuariser autour de l’enfant ou de l’adolescent, du jeune adulte, c’est quand même quelque chose qui ne va pas. Vraiment.

Mickael : Tu as parlé de la difficulté d’avoir accès à une prise en charge adéquate. Au final la prise en charge actuelle de Nathan consiste en quoi ?

Alexandra : Nathan actuellement a différentes personnes qui… qui l’entourent, il y a deux médecins universitaires, donc une personne un peu plus dédiée à tout ce qui est pharmaco pour accompagner les traitements de façon très adaptée, une personne qui est plus spécialisée du côté de la neuropsy. Et puis Nathan a une place dans un centre médicopsychologique et bénéficie d’une séance de psychologie par semaine, avec une psycho, une fois par semaine, ce qui est bien évidemment d’un très grand soutien pour lui ! On a mis deux ans pour obtenir ce suivi, pour vous donner une idée… C’est bien évidemment très insuffisant. Nathan aussi avait accès à un groupe thérapeutique qui consistait en un jeu d’écriture, qui n’était pas pour lui soutenant en fait. Et depuis qu’il a pu exprimer que ça ne répondait pas forcément à ses besoins, il n’a plus de groupe du tout. Donc euh, c’est toujours un peu compliqué d’en parler parce qu’il ne s’agit pas pour moi de dire tel professionnel est bon, tel professionnel est mauvais, je ne rentre pas là-dedans du tout, je tiens juste à profiter de ce moment-là pour exprimer que les différents clivages qui peuvent exister entre les différents professionnels de santé mentale ne permettent pas d’avancer en fait. Et je trouve que le drame aujourd’hui c’est que c’est beaucoup, en tout cas au niveau de la pédopsychiatrie, aux enfants et adolescents de s’adapter aux structures, ce qui est complètement aberrant ! Alors qu’aujourd’hui on sait que les avancées en santé mentale c’est l’inverse en fait, aux structures d’enfin s’adapter aux besoins, demandes des usagers. Je pense qu’on reste encore dans une espèce de stigmate au niveau de la… Alors je parle en mon nom, ça n’engage que moi ce que je dis, par rapport au parcours qu’on a, par rapport à ce qu’on a pu constater, je pense qu’on est encore dans ce stigmate de dire déjà il y a des troubles qui invalident, donc déjà si on ne regarde l’être humain qu’à travers un prisme diagnostic comme ça c’est sûr qu’on n’avance pas ! Le but du jeu c’est justement de révéler qui on peut être autre qu’une pathologie, hein, bien évidemment, et il n’y a pas assez d’évaluation, de rencontre de qui est un individu, et même un enfant, un adolescent est tout à fait capable de faire ce travail-là ! Mais on, on ne le met pas suffisamment en valeur, et du coup c’est pas évalué les besoins, demandes des enfants, des adolescents, et du coup il y a ce double stigmate de se dire les enfants/ado est-ce qu’ils sont capables de réfléchir à tout ça, pff, ils sont un peu jeunes, il y a peut-être un peu de ça, en plus s’il est un peu… un psychotique qui réfléchit est-ce que c’est possible ? Je me montre un peu volontairement sarcastique, mais je suis pas sûre que les rencontres se fassent réellement entre. La personne concernée… et la place des familles c’est un peu compliqué quand on est en pédopsychiatrie, quand on est une maman… C’est vrai qu’on entend peu parler des papas en fait en pédopsychiatrie et je pense que c’est dommage, c’est dommage, il existe des papas qui sont présents dans les parcours de soin de leurs enfants, on entend beaucoup parler des mamans et on entend peut être plus s’exprimer les mamans ! mais voilà il est grand temps je pense d’arrêter de rendre les liens, les histoires familiales responsables des maladies, de l’origine des maladies psychiques, ça suffit quoi ! Surtout qu’à l’heure actuelle on a quand même des connaissances très avancées grâce à tout ce qui est neuro, tout ce qui est génétique, c’est bien évidemment des troubles qui sont multifactoriels, il y a tout ce qui est environnement, stress, mais pas que, et il faut sortir de ce cliché-là ! Parce que là aussi on met les familles sur le bord de la route, on fait du mal, il faut être aujourd’hui très armé quand on est une famille touchée et impactée par des troubles psychotiques chez un proche. Et les familles sont très ressources et ont des capacités à effet thérapeutique pour leurs proches si on est aidées, accompagnées et éclairées !

Mickael : C’est bien que tu abordes ce sujet de la famille parce que c’est aussi pour ça que j’ai tenu à vous interroger tous les deux. Pour avoir aussi ton regard à toi sur l’impact que peuvent avoir les troubles de Nathan sur ton quotidien social, professionnel. Au final comme tu l’as dit les familles sont souvent oubliées que ce soient les mères, les pères, les frères les sœurs… Parce qu’on oublie aussi que ça peut avoir des répercussions, dont l’individu n’est pas du tout responsable bien entendu ! Et quand on parle de ces répercussions, on parle de quoi par exemple dans ton cas personnel ?

Alexandra : Alors dans mon cas personnel étant donné l’absence de prise en charge correcte pour les personnes qui présentent des schizophrénies à début précoce et très précoce, je rappelle pour mémoire que très précoce c’est un diagnostic posé pour les enfants de seize ans et moins, et diagnostic précoce de schizophrénie c’est dix-huit et moins. Bah les troubles sont très invalidants, il n’y a pas à l’heure actuelle ou très peu de structures soins études collège, ce qui fait que, et en plus le drame c’est que le peu de structures soins études collège qui existent nécessitent que l’enfant soit dit stabilisé, c’est à dire… moi ça me fait un peu sourire, c’est-à-dire que l’enfant peut venir s’il ne manifeste pas trop de troubles et s’il a une totale… enfin une totale, une meilleure disponibilité psychique aux apprentissages… hm, autant dire que c’est très sélectif ! Donc ce qui fait que les familles se retrouvent souvent, je parle en mon nom, mais aussi en celui de beaucoup d’autres familles que je connais, avec des jeunes qui sont déscolarisés parce que c’est trop compliqué sans accompagnement de faire avec ces symptômes à l’école c’est juste pas possible en fait ! Euh, pour certains, hein, il y en a qui y arrivent, mais pour beaucoup d’autres ce n’est pas possible ! Aussi, ben, l’enfant est à la maison, il y a très peu d’entourage soins thérapeutiques ou hôpitaux de jour, etc., c’est des accès… fonctionnent plus sous un modèle CATTP [Centres d’Accueil Thérapeutiques à Temps Partiel] qu’hôpital de jour, ce qui fait que bah, on est à la maison en fait ! Donc pour la plupart des familles, ce qui est réel pour d’autres situations invalidantes, on est avec notre proche à la maison, et on bricole ! On bricole ! Donc pour ma part bah ça a été une cessation d’activité professionnelle ! Ce qui permet d’autres choses, moi ça m’a permis de découvrir d’autres choses dans mes propres compétences, capacité, ça m’a permis de re-rencontrer Nathan, mais aussi mes autres enfants et mes autres proches sous une autre forme, mais ça prend du temps ! Et il y a quand même une grosse période tsunami émotionnel autour de l’annonce de tels troubles… aujourd’hui avec le recul moi je me dis que j’avais certainement la chance, entre guillemets, d’être une professionnelle de santé mentale, ce qui au-delà des confusions que ça a donné au départ, parce que c’est pas simple d’avoir une connaissance en santé mentale et d’être impactée personnellement, à travers son enfant, mais malgré tout c’est quand même une sacrée corde à mon arc pour faire face au jargon médical, pour faire face à la relation aux équipes, pour faire face à la relation aux médecins, pour pouvoir se positionner aussi pour son enfant parce que quand on a un enfant jeune c’est pas la même chose que d’accompagner un jeune adulte qui est touché par une vulnérabilité, je veux dire, y’a d’autres enjeux. Et puis pour accompagner mon enfant étant donné le très peu de soutien qu’on peut avoir, j’avais tout de même un minimum d’agir possible en fait avec mon fils. Donc voilà j’ai envie de dire que c’est un tsunami, c’est le mot qui me vient à chaque fois parce que c’est un remaniement pour tout le monde, en fait, et je trouve important de souligner qu’est-ce qu’on entend par aidants familiaux, c’est pas juste un père, une mère, c’est toute personne-ressource finalement est importante pour la personne qui est concernée, la question de la fratrie me tient à cœur parce que ce sont des gens assez oubliés, et je tiens à évoquer des ressources par rapport à ça qui m’ont aidée, il y a une association qui s’appelle les Funambules qui est sur Paris, qui est très bien, qui est dédiée aux fratries de personnes impactées, ou enfants de personnes impactées par la schizophrénie, qui permet bah l’écoute ou l’accueil des fratries, et puis il y a aussi, parce qu’il n’y a pas que la dimension du soin il y a aussi d’autres choses qui existent, qui peuvent accompagner et avoir un effet thérapeutique, il y a un formidable film qui a été écrit par Vero Cratzborn qui s’appelle La forêt de mon père, que je conseille vraiment, moi il a vraiment eu un effet de résonance et de mise en mot par l’image sur ce que peut être la solitude d’une famille impactée par une vulnérabilité psychique.

Mickael : Tu as évoqué à juste titre la solitude des familles impactées par les difficultés de leurs proches, mais également du fait que cette situation t’a fait découvrir en toi des capacités que tu ignorais. Et tu pratiques notamment ce qu’on appelle la pair-aidance. Est-ce que tu peux nous dire ce que ça signifie exactement et comment tu accompagnes au quotidien des personnes qui sont dans des situations semblables à celles que tu peux vivre ?

Alexandra : Alors en fait c’est… c’est quelque chose qui s’est construit vraiment en même temps que l’évolution familiale et individuelle de Nathan. Depuis le début des troubles j’étais tellement sidérée et affectée par la solitude que l’on peut ressentir à travers ces parcours-là que je me suis dit c’est pas possible en fait. Et je crois qu’il y avait une double blessure parce que je suis aussi soignante et je travaillais plus particulièrement auprès d’adolescents en difficulté psychique, et j’avais déjà conscience en fait des manques, des limites que la santé mentale avait, au cours des prises en charge que je pouvais accompagner en tant que soignante, mais je pense que j’étais loin d’imaginer à quel point c’était dramatique et à quel point… à à quel point les familles une fois hors contexte des hospitalisations, des gestions de crise aiguë, des accompagnements de jour qu’on peut avoir, et encore, je parle de la psychiatrie adulte qui est déjà différente ! J’avais donc déjà un peu une blessure sur ce que devenaient la psychiatrie et la profession en elle-même et là je découvrais vraiment l’envers du décor, et je me suis dit, plus on avançait et plus je me disais c’est pas possible en fait ! Et à la fois c’était une période où je me disais, mais euh… moi il y a des choses que je sais faire, en fait, que je connais ! Ça prend du temps, c’est un petit peu en miroir avec l’évolution, le chemin de Nathan, que moi j’avais ma propre évolution en tant que maman, mon propre rétablissement. Et je me suis dit je ne peux pas continuer comme ça. Et en fait il y a eu une rencontre qui a été très marquante pour moi parce que je recherchais de l’aide, je recherchais des familles qui avaient vécu la même chose pour sortir de la solitude, et j’ai eu la grande chance de rencontrer Jennifer Bunnens qui gère l’association SCHIzo’Jeun’S, qui est une personne vraiment remarquable qui m’a beaucoup aidée, beaucoup soutenue. Et en même temps dans ma tête je me disais ce n’est pas possible qu’il y ait aussi peu de soutien, Jennifer était la seule, enfin SCHIzo’Jeun’S était la seule association qui était concernée par, par la dynamique enfant, en fait, enfant/adolescent. Et je me suis dit il faut continuer, il faut développer les choses. Et j’ai eu l’idée de créer l’association les Assiettes chinoises, qui est dédiée, on a rajouté l’acronyme Safers, donc soutien aux familles, enfants, adolescents vers le rétablissement d’une schizophrénie à début précoce. Il y avait trois objectifs, qui ont été freinés par la Covid, comme pour beaucoup de personnes, je pense. Le premier objectif est effectivement la pair-aidance familiale. Pair-aidance familiale c’est le partage expérientiel, le partage de ressources pour avancer, et nous on a à cœur aussi d’aller vers le partage d’orientations, d’information pour les mises en lien rapides, et de ne pas laisser les familles comme ce que nous on a connu en fait, c’est-à-dire qu’on découvre par hasard, au fil de nos rencontres, au fil de nos énergies pour ouvrir des portes, parce qu’on ne vous les ouvrira pas pour vous-même, c’est ça qui est dramatique c’est que même si les gens connaissent des choses, on va pas vous les donner en fait. Je ne dis pas qu’il y a une volonté à ne pas les donner, mais ça questionne. Et donc moi j’ai découvert plein de choses par moi-même parce qu’un jour je rencontre telle personne qui va me dire, ah, mais attend, par rapport à ce problème-là il y a telle chose ! Donc nous on a à cœur de pouvoir donner un maximum d’infos, un maximum de mises en liens très rapides aux personnes qui sont isolées, seules, et puis aussi juste l’écoute empathique en fait, une écoute active, empathique… et puis de pouvoir mettre en miroir des parcours qui sont plus avancés pour faire fonctionner l’espoir, qui est le moteur du rétablissement. Et puis peut être aussi de, du côté de la vie tout simplement parce que quand on a un jeune enfant qui présente des troubles et qui a pas mal de traversées dans les hôpitaux, on oublie parfois d’être du côté de la vie et de se retrouver en tant que mère-fils, mère-fille, tous ces liens, frères et sœurs. C’est très envahissant, mais si c’est très envahissant c’est qu’il n’y a pas suffisamment de soutien, et en tant qu’aidant on est un peu tout, on est l’assistance sociale, on est le secrétaire, on est le médecin généraliste, c’est dramatique, et du coup ça nous enlève des parts de nous parfois, ou ça les bloque d’être juste dans des liens familiaux tout simplement. Donc il y a aussi avec les assiettes chinoises ce besoin de remettre un peu de vie, de remettre de l’espoir, d’informer, de former, de déstigmatiser aussi, un diagnostic c’est un mot, un diagnostic qui est juste un diagnostic ça sert à rien, il faut que ça soit utile à quelque chose en termes d’orientation des soins, d’information, et puis de… d’obtenir des soutiens pour avancer, pour pouvoir, je pense notamment à tout ce qui est MDPH, etc., mais c’est certainement pas ce qui résume une personne. Donc je pense que parfois j’ai eu la chance de rencontrer des gens, notamment Jennifer Bunnens dans ces moments-là, qui a pu vraiment me rebooster en espoir et c’est né de tout ça, la création de l’association. Donc pour en fait, les gens, alors il se peut que ça soit des médecins qui me contactent pour me dire voilà, en ce moment on a telle famille dont l’enfant est concerné, est-ce que c’est OK pour un contact ? Moi je laisse les gens très libres de me contacter ou pas. Et puis après ça peut être juste une écoute, un jour comme ça où la personne va avoir besoin de pff, de partager pourquoi ci, pourquoi ça, voilà ce qu’on vit, et parfois ça va suffire, et parfois il se tisse un lien d’amitié ce qui fait que notamment pour Nathan ça lui a permis d’être en lien avec d’autres jeunes qui étaient concernés et qui se soutiennent. Et du coup qui les sortent de l’isolement parce que malgré tout un des symptômes terribles de la schizophrénie c’est tout de même la tendance au retrait, au repli, et la difficulté des contacts sociaux. Donc ça permet tout ça, en fait, c’est pas juste accompagner pour accompagner, c’est aussi remettre de la vie dans tout ça, remettre du mouvement de vie, remettre de la rencontre. Et voilà, et du coup on a eu d’autres actions notamment comme des ciné-débats, on espère grandement que ça puisse reprendre. On a aussi à cœur d’essayer de sensibiliser les écoles, dès le collège, parce que je pense que c’est tout jeune qu’on peut sensibiliser avec évidemment des mots et des outils adaptés. On ne parlera pas de la même façon à des enfants qui rentrent au collège qu’à des lycéens, mais voilà, je trouve que la santé mentale devrait être intégrée, la prévention santé mentale, dans les programmes d’école. Ça devrait être intégré.

Mickael : Donc tu as cette action d’accompagnement de familles. Et au-delà de cette activité d’accompagnement, est-ce que tu pourrais aussi donner quelques conseils aux familles qui aujourd’hui ne savent pas par où commencer, ne savent pas avec qui prendre contact lorsque leur enfant commence à avoir des symptômes que ce soient des symptômes psychotiques ou d’autre nature. Qu’est-ce que tu pourrais vraiment donner comme recommandation, comme conseil, pour entamer un parcours de prise en charge ?

Alexandra : Alors déjà premier conseil c’est qu’il n’y a pas de question idiote, en fait, parce que… Alors si je dis ça c’est en lien avec beaucoup de témoignages que j’ai pu accumuler jusqu’ici, beaucoup de familles se demandent s’ils ne se font pas des idées en fait ! C’est… Et puis il y a aussi… ce qui est douloureux à accueillir en tant que parent, et comment on en parle, et à qui. Moi je pense que les généralistes sont un bon premier contact parce que souvent un médecin généraliste on se connait, on a peut-être une… c’est peut-être moins complexe ! Alors après… il faut quand même connaitre, si vraiment il y a une phase aiguë… Parce que chaque individu entre dans la maladie de manière différente, donc si c’est un début très, quand même, bruyant on va dire, il y a les urgences pédiatriques. Aux urgences pédiatriques ils peuvent quand même un minimum évaluer. Dans certaines urgences pédiatriques maintenant il y a des pédopsychiatres qui commencent à être mis en place, c’est pas toujours comme ça, mais ça commence à venir. Il faut pas hésiter aussi à demander à voir un pédopsychiatre, moi je sais que ça m’est arrivé des fois, donc là nous on est sur Nantes, j’ai entendu dire qu’il y avait deux pédopsychiatres qui allaient être dans les urgences pédiatriques, ce qui est vraiment une excellente nouvelle, mais ça m’est arrivé moi avec Nathan de devoir aller aux urgences et qu’on ne nous donne pas forcément accès à un pédo de liaison. Et parfois malheureusement il faut réclamer. Mais je pense qu’il ne faut pas hésiter à demander, faut pas hésiter à s’affirmer, mais ça c’est pas facile quand on est en… angoissé nous-même par la situation, quand on comprend pas ce qu’il se passe non plus ! Je veux dire quand… Il faut bien comprendre que l’hôpital c’est un milieu particulier, que je pense qu’on reste encore dans une certaine verticalité dans la relation usager et médecin, que souvent on a tendance à… à juste entendre ce qu’on nous dit et que du coup on ne va pas exprimer complètement à fond ce qu’on veut. On peut perdre du temps de ce côté-là, quand c’est trop vertical ! Les familles ont le droit de demander, les familles ont le droit de prendre le temps de questionner, d’aller chercher d’autres avis. Enfin… j’ai envie de dire aux parents soyez à votre écoute à vous aussi ! Et osez, quoi. Et puis faites-vous aider aussi si besoin. Y’a aucune honte d’avoir besoin d’aller nous-mêmes en tant que parent consulter, pour être accompagné parce que c’est un chemin qui est long, qui est chaotique, qui est pas simple, et je pense que ça rassure beaucoup nos enfants, que ce soit, du plus jeune au plus âgé, ça les rassure beaucoup de savoir que nous-mêmes on a un espace pour nous, pour prendre soin de nous, parce que souvent l’enfant peut avoir un sentiment de culpabilité, penser être un poids… Je veux dire, ils sentent que malgré tout leur trouble impacte beaucoup. Et c’est un chemin aussi pour bien comprendre qu’on parle des troubles et pas de la personne, en fait ! Donc un conseil c’est oser, exprimer les choses, demander, s’il faut demander quinze mille fois la même chose, bah demandez quinze mille fois la même chose, faites-vous aider par des associations aussi. Mais c’est vrai que c’est des choses qui prennent du temps parce que de même que le rétablissement d’un usager de la psychiatrie c’est un processus, être parent et basculer du côté de devenir aidant, puisqu’on appelle ça comme ça aujourd’hui, c’est aussi un parcours, c’est pas inné, c’est pas spontanée, c’est quelque chose qui nous est imposé par les troubles, mais aussi par la société, parce qu’on ne nous offre pas, il y a quelque chose de très politique aussi, dans les offres ou les manques de soin ! Voilà, je pense qu’il faut vraiment prendre soin de soi, se faire bien entourer, aussi, c’est important, avoir des personnes qui sont en capacité d’accueillir tout ça. Et puis ne pas tarder, quoi. C’est pour ça que j’insiste sur le côté d’exiger des soins, d’exiger, exiger, on a le droit d’être en colère, on a le droit de ne pas être contents, on a le droit de demander, on a le droit aussi de dire quand les choses se passent bien parce que parfois ça se passe bien aussi, et c’est important de le souligner aussi ! Dieu merci du côté du soin il y a aussi des chouettes personnes ! Mais c’est vrai que c’est tout un travail sur soi aussi en tant qu’aidant, en tant que parent, euh et puis d’être vigilant sur les fratries aussi, de leur proposer sans leur imposer, il faut faire confiance à nos enfants aussi, il faut faire confiance aux fratries, mais aussi de faire attention parce qu’on peut vite être aux prises avec tout ça et c’est toujours important de connaitre des lieux qui peuvent être là aussi pour nos proches. Attention aux fratries, attentions à la dimension couple aussi, attention à tout ça, et surtout n’oubliez pas qu’avant tout ça reste des enfants, des ados, et il faut vraiment savoir s’octroyer aussi des moments où l’hôpital n’est pas là, où, voilà, on retrouve nos liens enfant/parent, c’est précieux, et ça il faut faire attention parce qu’on peut vite se faire absorber. Donc voilà, ne pas s’isoler, ne pas hésiter à parler aux personnes en qui on a confiance, à l’hôpital ou sans l’hôpital, d’ailleurs, aux associations. Voilà ce que je pourrais dire comme conseil. Prendre soin de soi et de sa famille, c’est important.

Mickael : Et est-ce que tu aurais une note d’espoir à communiquer aux familles qui traversent des épreuves semblables ?

Alexandra : La note d’espoir c’est : nos enfants adolescents ou même jeunes adultes qui traversent des moments aigus ne vivent pas que des moments aigus. Je pense qu’à l’heure actuelle quand on parle de psychiatrie on entend tout de suite crise, on entend tout de suite souffrance, douleur, etc. C’est pas que ça ! Toutes les personnes qui vivent des difficultés sont pas dans les hôpitaux, ça se saurait. Il y a aussi tout plein de moments ordinaires. Et la note d’espoir c’est faites confiance à vos enfants, aussi ! Parce qu’ils vont vous épater ! Vous avez… Il y aussi toute une part qui fait redécouvrir, je disais un peu au début, qui on est. Qui fait qu’on se re-rencontre autrement, et euh… et nos enfants sont plein de compétences, de ressources. Et je pense qu’il faut vraiment être en capacité de se projeter, en fait, de se dire on va y arriver… Je pense que l’espoir il sera porté quand on parlera vraiment plutôt de projet de vie à la place de projet de soin, parce que même ça projet de soin ça réduit vraiment la personne et les familles au soin et à la maladie, ça renvoie tout le temps à ça, que lorsqu’on dit projet de vie ça change tout en fait ! Encouragez vos enfants à faire des projets, autorisez-vous aussi à faire des projets avec vos enfants, et ça porte, parce que c’est des buts, des objectifs, et ça permet de traverser bien des choses. C’est ce que je dirais. Accrochez-vous, ça vaut le coup !

Mickael : Merci Alexandra !

Alexandra : Bah de rien, merci pour l’invitation !

[Transition]

Mickael : Bonjour Nathan !

Nathan : Bonjour.

Mickael : Merci d’avoir accepté mon invitation à participer à cette émission avec ta maman.

Nathan : Pas de problème.

Mickael : Alors on a parlé déjà de toi un peu tout à l’heure avec ta maman, et maintenant j’aimerais entendre un peu ce que toi tu as à dire de tes troubles, et pour commencer je vais te poser la même question que j’ai posée à ta maman, c’est si tu devais décrire tes troubles avec tes propres mots, ce serait quoi ? Si tu avais une image, une métaphore ?

Nathan : Bah c’est surtout des hallucinations, quoi, du genre les voix, les visions, le visuel, le synesthésique… je crois que ça s’appelle comme ça. Et voilà. C’est un peu tout.

Mickael : Et ces symptômes, la première fois qu’ils se sont manifestés, tu as réagi comment ? Ça s’est présenté comment à toi ?

Nathan : Je m’en souviens pas trop pour être honnête. Mais euh, c’était de la peur surtout, de la peur, de l’angoisse. Et ça a duré longtemps.

Mickael : Et cette peur et cette angoisse que tu as ressentie la première fois que tu as eu des manifestations, est-ce qu’elle est toujours présente ? Ou est-ce qu’à force, finalement, on finit par s’habituer ?

Nathan : Bah ouais, on s’habitue, mais ça fait quand même peur des fois. Ça arrive que ça fasse des crises d’angoisse quand c’est trop fort.

Mickael : Et au niveau de ta vie quotidienne, tes troubles t’impactent de quelle manière ?

Nathan : En fait j’entends des voix tout le temps, mais ça dépend des volumes.

Mickael : Est-ce que ces voix elles t’empêchent de faire des choses au quotidien ?

Nathan : Sortir dehors, souvent. Prendre les transports en commun. Et plein d’autres choses genre le bus, le tram, et tout, c’est gênant des fois.

Mickael : Et du coup comment est-ce que tu arrives à gérer ces voix que tu entends ?

Nathan : Bah c’est le silence, ça m’angoisse, c’est gênant. Et du coup il y a tout le temps une musique, ou la télé, ou des trucs comme ça. Et la guitare du coup. Ma passion !

Mickael : Et quand tu joues de la guitare, tu entends encore des voix ou ça s’arrête ?

Nathan : C’est, j’en entends tout le temps, mais moins fort.

[Air de guitare de Nathan]

Mickael : Il y a une question peut-être que beaucoup de personnes se posent, c’est… ces voix, elles te disent quoi ?

Nathan : Soit en fait c’est du brouhaha, soit c’est des gens qui m’insultent, beaucoup de choses gênantes souvent.

Mickael : Et au niveau de tes relations sociales, ça se passe comment, est-ce que tu as des amis sur qui tu peux compter, ou est-ce que c’est difficile de t’intégrer dans une société qui a beaucoup de clichés, et qui a une image souvent très négative du trouble dont tu souffres ?

Nathan : Bah en fait euh mes amis je les vois plus, mais je suis encore en contact avec eux sur les réseaux.

Mickael : On est dans une société qui est quand même très empreinte de clichés, de préjugés sur la santé mentale, qui souvent utilise des mots sans vraiment connaitre leur véritable signification. Et toi quand tu entends ces clichés sur la schizophrénie ou sur la santé mentale en général, ça te fait quoi ?

Nathan : Bah c’est gênant souvent parce qu’ils ont les faux préjugés ! Du genre la schizophrénie c’est les troubles… comment ça s’appelle ?

Mickael : De personnalité multiple ?

Nathan : Voilà, les troubles de la personnalité, la violence, souvent… C’est pas vrai, en fait ! Du coup ça peut être gênant pour certaines personnes, je pense.

Mickael : Et qu’est-ce que tu penses qu’on pourrait faire pour que les gens réalisent que ce qu’ils croient n’est pas vrai ?

Nathan : Une émission télé connue, qu’ils en parlent, quoi !

Mickael : Donc pour toi la médiatisation de la santé mentale et des troubles psychiques devrait être plus importante, pour que le grand public soit plus informé, soit plus au fait de ce qu’il se passe dans ce domaine et de ce que recoupent réellement les mots qu’on utilise au quotidien. Et ce que fait ta maman, son engagement dans l’associatif, son engagement dans la pair-aidance, pour aider d’autres familles, c’est très important justement, elle participe de ce mouvement-là. Et toi justement est-ce que tu as des projets dans ce sens, est-ce que tu te sentirais, peut-être, plus tard, de participer à porter la parole des personnes qui souffrent de ta maladie ?

Nathan : Oui bah l’association de ma mère, les Assiettes chinoises, je suis le porte-parole. Et j’aimerais bien créer mon asso qui s’appellerait Schizodon, et voilà.

Mickael : Et est-ce que tu as déjà des idées de choses que tu pourrais faire avec cette association ?

Nathan : Aider les gens, que ça soit adultes, enfants, adolescents, à mieux comprendre leur maladie, et voilà quoi.

Mickael : Et toi justement, ta maladie, comment tu en es venu à la comprendre, est-ce que c’est quelque chose qui s’est fait progressivement, ou est-ce que c’est quelque chose qui est encore difficile à comprendre toi-même ce dont tu souffres ?

Nathan : Ouais c’est encore difficile à comprendre, parce qu’il y a plein d’autres choses qui viennent en ce moment, du genre les angoisses, et les voix, ce que je vois, et plein d’autres choses que j’aimerais plus comprendre.

Mickael : Et justement, toi qu’est-ce que tu aimerais dire aux personnes qui nous écoutent pour justement qu’ils puissent mieux comprendre cette maladie ?

Nathan : Je suis pas, on n’est pas une maladie, mais une personne avant tout ! Qu’on a des qualités et des défauts, mais que c’est pas écrit schizophrénie sur notre front, quoi !

Mickael : Et d’un point de vue plus personnel, si tu devais te décrire en un seul mot ce serait quoi ?

Nathan : Franchement je sais pas, franchement je sais pas en un seul mot ! Apparemment je suis drôle, je suis gentil, doux, et voilà, je pense !

Mickael : Donc aujourd’hui tu as quinze ans, tu as toute la vie devant toi ! Et si tu devais te projeter, d’ici quelques années ce serait quoi ta vie rêvée ?

Nathan : Travailler dans un magasin de manga ou de jeux vidéo ou de guitare, musique en général quoi !

Mickael : Donc les mangas, les jeux vidéo ou la musique, ce sont un peu des refuges pour toi, c’est là que tu trouves un peu d’apaisement ?

Nathan : Ouais !

Mickael : Et est-ce qu’il y a peut-être d’autres activités qui te font du bien au quotidien, qui te permettent un peu de penser à autre chose ?

Nathan : Regarder des films, des séries, des vidéos sur YouTube de genre drôle, souvent. Et voilà.

Mickael : Et est-ce que tu as un message que tu aimerais porter aujourd’hui ?

Nathan : Ah bah c’est pas une maladie qu’on a, c’est un don !

Mickael : Il est temps pour moi de te remercier Nathan, d’avoir participé à cette émission, pour le courage dont tu as fait preuve en venant témoigner ici pour la première fois. Je pense que le message que tu portes est très important, tu l’as dit, avoir un trouble de santé mentale c’est pas forcément une maladie, c’est un don aussi, une manière de penser différemment, et la différence ne devrait en aucun cas induire de relations hiérarchiques entre les personnes, parce que nous sommes tous égaux, nous sommes tous différents, malades ou pas ! Et merci encore d’être venu témoigner ici, je te souhaite le plus prompt rétablissement et beaucoup de réussite pour tes projets !

Nathan : Merci !

[Musique de fin]

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Encore une fois, si vous reconnaissez dans un témoignage ou ressentez un mal-être psychique et avec besoin d’en parler, n’hésitez pas à consulter un professionnel ou à vous rapprocher des associations de patients. Des ressources sont également disponibles sur notre site.

Les Maux Bleus est un podcast sur la santé mentale qui relaie des témoignages de personnes concernées, d’aidants mais aussi de professionnels intervenant dans ce champ (psychiatrie, psychologie). Les témoignages sont nécessairement subjectifs et représentent l’expérience de la personne invitée. Consultez un professionnel de santé pour avoir des conseils adaptés à votre situation personnelle.