"Je n'ai pas honte de lui et je ne veux pas avoir honte de ce qu’il a fait. Donc je ne passe par quatre chemins pour dire les choses. Après c’est sûr que… tu te demandes toujours ce que les gens vont se dire. Est-ce qu’il était fou ?"

DEUIL, SUICIDE— Avant de vous présenter cet épisode, nous tenons à vous avertir que nous y évoquerons des sujets difficiles, tels que le suicide. Si vous vous sentez mal, n’hésitez pas à reporter votre écoute à un moment plus opportun.

En effet, nous recevons aujourd’hui Elisée, une jeune psychologue dont le père est décédé par suicide. Elle nous parle de son deuil compliqué suite à cet événement si brutal. Elle évoque aussi son double regard de fille et de psychologue, et l’aide que lui a apporté l’association Empreinte à qui elle souhaite dédier cet épisode. On estime que plus de 130 personnes sont impactées par un suicide, et jusqu’à 15 très fortement, notamment la famille et les amis proches.

Bonne écoute !
Manon Combe, pour Les Maux Bleus, un podcast sur la santé mentale

Intervenant

Elisée

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Mickael : Bonjour Elisée !

Elisée : Bonjour.

Mickael : Merci de t’être proposée pour participer à cette émission. Donc aujourd’hui on va parler d’une situation qu’on connaitra toutes et tous un jour de notre vie c’est la situation du deuil, avec une particularité qui est que toi tu as été endeuillée par suicide. Est-ce que tu peux nous dire un peu comment s’est passée la vie de ton père, les années qui précédaient son suicide ?

Elisée : Ouais. Alors mon père s’est suicidé quand il avait 67 ans, il venait juste de les avoir, c’était en juin 2020. Un peu après la sortie du premier confinement. Il a été enseignant une partie de sa deuxième vie, je dirais, parce qu’ils se sont rencontrés avec ma mère quand mon père avait une trentaine d’années et avant ça il avait un peu bourlingué, fait des petits boulots de restaurateur, de bûcheron, donc il avait fait pas mal de choses. Et ensuite il s’est lancé dans l’enseignement, on a vécu à l’étranger donc il a enseigné dans des écoles françaises à l’étranger pendant assez longtemps. Et puis on est rentrés en France pour mon lycée et à ce moment-là il s’est dirigé vers l’enseignement dans les prisons, donc il a été d’abord enseignant puis responsable de l’enseignement dans des centres de détention avec des adultes, du coup.

Mickael : Et avant son suicide, est-ce que ton père avait déjà manifesté des troubles psychiques tels qu’une dépression, des troubles anxieux ou d’autres ?

Elisée : Du plus loin que je me souvienne il a toujours eu des moments où il était moins bien, alors soit un peu irritable soit angoissé, et puis je dirais sur les quinze années qui ont précédé son suicide il y a eu plusieurs épisodes dépressifs que moi j’ai remarqués parce que j’étais sans doute plus âgée et plus en capacité de comprendre qu’il était déprimé à ce moment-là. Ma mère m’a dit a posteriori qu’il y avait sans doute eu d’autres épisodes avant, mais que moi je n’avais pas forcément identifiés en tant qu’enfant. Dans sa famille il y a aussi du côté paternel des antécédents soit de troubles dépressifs soit de troubles bipolaires. Donc il y a un passif, effectivement. Mon père il avait tendance à se faire du souci pour tout un tas de choses, pour ses enfants, pour son travail, pour la tenue de sa maison… Il y avait quand même pas mal de moments où il se faisait du souci pour des petites choses du quotidien comme pour des choses plus importantes. Et des fois ça pouvait aller jusqu’à de la déprime, de la perte de poids, des troubles du sommeil… Ça, je l’ai remarqué, ouais, avant même, plusieurs années avant qu’il se suicide. Il était issu d’une famille de six enfants, lui c’était le, que je dise pas de bêtises ! Le 5e. Donc il a été élevé à la campagne, dans une famille où il y avait beaucoup d’amour même si j’imagine que les conditions étaient peut être un peu compliquées parce que six enfants, très rapprochés, ma grand-mère ne travaillait pas, donc ça a sans doute été un peu rude, mais il décrivait souvent une famille assez heureuse, un parcours où il n’y a pas eu nécessairement d’événement de vie très très compliqué, en tout cas que je sache ! Et c’est quelqu’un qui était très, très famille, très centré sur les liens avec les autres, il a toujours été beaucoup dans des milieux associatifs, dans des milieux sportifs, il a fait du foot, du handball quand il était jeune… Il s’est beaucoup donné pour les autres et il aimait bien être en lien avec les autres.

Mickael : Et est-ce qu’avant son suicide ton père avait déjà fait des tentatives de suicide ?

Elisée : C’est une question que je me suis beaucoup posée, pas que je sache. Quand j’ai parlé du suicide de mon père a une collègue de travail, assez rapidement après que ça soit arrivé parce que j’ai dû annoncer que j’allais être absente un moment, il y a une de mes collègues qui m’a dit, mais tu sais peut être que ton père a déjà essayé plusieurs fois, ou qu’il y a pensé plusieurs fois en tout cas, et que cette fois-ci c’était une fois parmi d’autres, et que sans doute avant il s’est ravisé, peut être pour toi, pour ton frère ou pour ta mère. Peut-être que vous lui avez entre guillemets acheté des années de vie. Et c’est une idée qui m’a un peu réconfortée, et en même temps je trouve ça triste de me dire que peut être c’est pas la première fois qu’il y pensait, et qu’il y pensait peut être dans son coin depuis très longtemps sans oser en parler.

Mickael : Donc ça s’est passé il y a deux ans maintenant. Tu avais quel âge à l’époque ?

Elisée : Alors je venais d’avoir trente ans. J’ai fêté mes trente ans pendant le confinement, je venais de déménager donc j’avais pris un appartement à moi toute seule, enfin ! en région parisienne après quelques années de collocation. Le jour de mes trente ans, j’étais seule, j’avais fait justement un Skype avec des copines et puis avec ma famille, comme on faisait tous à l’époque, on faisait des visios le soir avec des proches. Le suicide de mon père est intervenu deux mois et quelques après mes trente ans, donc… Je l’avais revu qu’une seule fois avant qu’il meure, à l’occasion d’un moment pas très sympa d’ailleurs, j’avais un oncle qui est décédé pas très longtemps avant mon père des suites d’un cancer, donc j’étais allée à l’enterrement et c’est à ce moment-là que j’ai vu mon père pour la dernière fois. On n’avait pas encore eu le temps de fêter vraiment mes trente ans en famille. C’était une date qui était importante pour moi et maintenant elle est un peu marquée du sceau du décès de mon père cette année-là, quoi.

Mickael : Et comment est-ce que tu as appris le décès de ton père ?

Elisée : C’était le dimanche des élections municipales, le deuxième tour des élections municipales. J’avais passé la journée avec mon copain, on avait trainé, on a l’habitude de trainer un peu le dimanche matin donc on avait trainé, j’ai eu ma mère au téléphone le midi, souvent elle m’appelait le dimanche, donc je me suis levée pour téléphoner à ma mère. Et puis dans l’après-midi on a regardé des épisodes de série sur Netflix, on a chillé un peu. Et vers 19 h je me prépare, mon copain est parti voter et moi je me préparais pour aller diner avec une copine et j’ai reçu un SMS d’un cousin me disant qu’il pensait à moi et qu’il allait participer aux recherches. Et là j’ai compris que quelque chose était en train de se passer en Province là où vivent ma mère, mon père, mon frère et les autres de ma famille. Et j’ai tout de suite pensé qu’il y avait quelque chose en rapport avec mon père. Et du coup j’ai appelé sur le fixe de la maison de mes parents et ma mère a décroché et j’ai dit tout de suite « Ça va ? » et elle m’a répondu « Non, ton père a disparu. » Et là, à ce moment-là pour moi mon père était mort, j’en étais sure. J’ai tout de suite pensé qu’il s’était suicidé, donc ma mère m’a expliqué brièvement depuis quelle heure mon père avait disparu selon elle, il était parti boire un café chez mon frère et sa copine dans le village. Vers 15 h, 16 h, mon oncle, donc le frère de mon père était passé pour voir si mon père était disponible et ne le trouvant pas il était monté vers chez mon frère pour voir si eux savaient où était mon père. Et comme personne ne savait où il était ma mère s’est un peu alertée et c’est à partir de la fin de l’après-midi qu’ils ont commencé à le chercher. Donc moi à 19 h quand j’ai ma mère au téléphone tout le monde est un peu en branle-bas de combat depuis assez longtemps, et ma mère a fini par raccrocher, je ne sais pas combien de temps ça a duré, peut être trois quatre minutes, ma mère m’a dit « écoute, il y a les gendarmes qui sont en train d’arriver, euh, donc je te laisse, je te tiens au courant, il y a des gens qui sont en train de le chercher dans le village… Voilà. Du coup j’ai raccroché, j’étais quasiment sure que mon père était mort donc j’ai écrit à mon copain pour lui dire qu’après avoir voté ce serait bien qu’il revienne chez moi. Et j’ai écrit à ma pote avec qui je devais aller diner pour lui dire que je n’allais pas venir parce que mon père avait disparu. Et j’ai écrit à mes deux meilleures amies en leur disant, d’ailleurs il y en a une avec qui j’ai fait un lapsus, je lui ai dit mon père est mort. Et j’en étais vraiment persuadée à ce moment-là. Et je sais pas exactement, c’est un peu flou combien de temps il s’est écoulé à partir de ce moment-là et le moment où je l’ai su, mais j’ai l’impression qu’il y a eu environ une demi-heure, et je m’impatientais parce que personne me rappelait sur mon téléphone portable… Du coup j’ai appelé sur le fixe de la maison, personne n’a décroché, et voyant que personne ne décrochait je me suis dit que j’allais tenter le portable de mon frère, donc j’ai appelé le portable de mon frère. Il a pas décroché, mais c’est sa copine qui a décroché, donc ma belle sœur, et elle a hurlé dans le téléphone que mon père était mort. Enfin elle a dit très précisément « C’est fini ». Voilà.

Mickael : Et ta réaction face à ce… Cette annonce par téléphone, ça a été quoi ?

Elisée : Je pense, je le dis aujourd’hui a posteriori, mais je pense que j’étais sidérée. Je crois pas avoir pleuré tout de suite. J’étais un peu figée et je dirais que ce dont je me souviens le plus c’est une espèce d’énorme douleur dans la poitrine, comme si j’avais pris un énorme coup de poing dans le sternum. Et c’est une douleur que je ressens encore aujourd’hui, parfois quand j’en parle comme là maintenant ou quand je repense à ce qu’il s’est passé. Parfois quand j’y repense pas ça s’impose à moi. Et c’était une douleur que j’avais jamais ressentie avant, j’ai jamais fait de crise d’angoisse, de crise de spasmophilie ou autre, dans ma vie, et là pour la première fois j’avais un truc dans la poitrine qui me faisait très mal, que j’avais jamais ressenti avant. Donc je dirais ça, c’est peut être la douleur physique en premier lieu. Et ensuite seulement sont venus les pleurs, mais quand mon copain est réarrivé chez moi, je pense que avant j’avais peut être un espèce de… pas un freezing, mais j’étais vraiment… Ouais, complètement sidérée, un peu écrasée sur place. Quand ma belle sœur a donc dit « c’est fini, c’est fini » dans le téléphone, j’ai dit « OK, je vais venir ». Et dans ma tête commençait déjà à s’enchainer des pensées du type comment est-ce que je vais venir ? On est dimanche, il y a plus de train pour aller en région Grand Est à partir d’une certaine heure le soir, comment je vais faire pour trouver une voiture, etc., j’étais déjà en mode un peu pilote automatique. Et du coup j’ai fini par raccrocher parce qu’avec ma belle sœur on se disait rien d’intéressant à ce moment-là. Et mon frère m’a rappelée peut être cinq ou dix minutes après en disant « T’es où ? » donc je lui ai dit « Je suis chez moi », il me dit « T’es toute seule ? », je dis « Non non, Pierre va arriver », donc mon copain. Et tout de suite il m’a dit « Ne fais pas de bêtises, reste où tu es », comme s’il s’avait que ça allait avoir une portée différente pour moi parce qu’eux ils étaient tous ensemble et moi j’étais toute seule à Paris et c’était quand même un peu particulier de le vivre comme ça à distance. Et une des premières choses que j’ai pensées ce soir-là, c’est je le sais après tout le monde alors que eux sont en train de le chercher depuis 15, 16 h de l’après-midi, je me sentais très à part de ce qui était en train de se dérouler. Ouais, je dirais c’est ça, la sidération et puis tout de suite le besoin de me mettre en mouvement, en action pour faire quelque chose, et en même temps le sentiment d’exclusion parce que je suis pas là où les choses sont en train de se dérouler. Ouais, c’est ça je dirais.

Mickael : Il se trouve que tu es aussi psychologue.

Elisée : Oui.

Mickael : Tu as réagi en tant que fille, mais peut être aussi en tant que psychologue, un peu par déformation professionnelle.

Elisée : Oui.

Mickael : Comment est-ce que tu as réussi à faire la part des choses justement entre ce qui relevait du lien familial et finalement de l’observation en tant que psychologue ?

Elisée : Je sais pas si j’ai réussi à le faire ! Au début j’étais très partagée entre l’idée psychologique très intellectualisée des choses, de… Je comprends, intellectuellement parlant, que des gens puissent arriver à passer à l’acte, je comprends la ritournelle de pensée qui peut s’installer dans la tête de quelqu’un jusqu’à ce qu’il ait des idées de ce type, jusqu’à ce qu’il finisse par envisager que c’est la seule solution, que c’est la bonne et que c’est maintenant qu’il faut faire, ça je l’entends totalement. Et d’ailleurs j’ai coutume de dire que je me lève le matin entre guillemets pour essayer d’aller aider des gens qui pensent comme ça, et justement de ne pas les juger, de ne pas considérer que c’est n’importe quoi, mais en ayant très à cœur vraiment dans ma pratique professionnelle de soulager les gens. Je ne sais pas si c’est le cas pour tous mes confrères, consœurs, j’en parle parfois avec des collègues, mais je ne sais pas si c’est le cas pour tout le monde, mais moi j’ai vraiment cette conviction qu’on peut toujours aider quelqu’un qui a un trouble psychologique, quel qu’il soit, quelle que soit l’ancienneté de son trouble, l’intensité de ses symptômes, j’entends tout à fait qu’il y a des troubles qui sont chroniques, mais je pense qu’on peut toujours soulager la souffrance psychique de quelqu’un et qu’il y a toujours des solutions même dans les situations les plus graves. Et du coup j’étais vraiment en dissonance entre cette compréhension intense que j’ai de la souffrance psychique et l’empathie que j’ai pour ces gens-là, donc je me disais je comprends que mon père ait pu se dire ça à un moment donné, je l’entends. Et en même temps c’était inentendable comme décision. Je pense que je me suis longtemps refusé toute critique par rapport à ça donc je disais à qui voulait l’entendre que j’étais pas en colère, que je comprenais, qu’il était fatigué, qu’il était pas bien, que ça faisait trop certaines choses, que dernièrement il était de nouveau très déprimé, que peut être il avait la sensation qu’un nouveau cycle dépressif s’installait et que ça allait lui faire trop, mais je pense que je me suis menti en racontant ces choses-là. Parce qu’en réalité, et encore aujourd’hui, je pense que je ne comprends toujours pas comment il a pu faire ça et comment il a pu me faire ça, nous faire ça, pourquoi est-ce qu’il est arrivé à cette conclusion définitive alors que sans doute mille autres solutions auraient été envisageables. Donc je ne suis pas sûre d’avoir fait la part des choses entre ma position de psychologue, ma compréhension de la dépression et des idées suicidaires, et ma place de proche. Disons que je pense qu’aujourd’hui peut-être j’accepte plus les pensées qu’un proche peut… Qu’un proche peut avoir, et j’accepte plus de les avoir moi, de les laisser s’exprimer, de les laisser me créer des émotions, alors que pendant la première année après le décès de mon père, peut être que j’ai privilégié les pensées scientifiques peut être parce qu’elles m’arrangeaient ou qu’elles me protégeaient de quelque chose.

Mickael : Quand ces pensées scientifiques ou rationnelles finalement ont commencé à laisser place aux émotions, c’était quoi ces émotions que tu as commencé à ressentir ?

Elisée : En fait moi, chez moi c’est d’abord passé par le corps. J’ai exprimé petit à petit une grande fatigue, je n’arrivais plus à aller au travail en n’étant pas fatiguée. J’ai eu des troubles du sommeil, j’avais une grande baisse de ma libido. J’ai jamais eu de troubles de l’appétit à proprement parler, mais voilà, ça se manifestait par cette douleur dans la poitrine que je ressentais de plus en plus fréquemment et dans des moments que moi je jugeais comme inadaptés c’est-à-dire au milieu d’une conversation avec une amie alors qu’on parlait de totalement autre chose ou parfois dans le métro, à l’occasion d’une station qui me rappelait quelque chose ou d’une musique qui se mettait à défiler sur mon portable, d’un coup je me mettais à avoir mal à la poitrine sans forcément m’expliquer pourquoi. Et c’est, je dirais peut être un an après le décès de mon père que mon copain a commencé à me dire en ce moment tu dis tous les jours que tu es fatiguée, même que tu es épuisée, c’est un peu comme si ton « Salut, ça va ? » avait été remplacé par « Je suis fatiguée ». Et c’est seulement quand les gens ont commencé à me faire remarquer ça que je me suis dit qu’il y avait peut être un problème. Donc ça a mis quand même pas mal de temps. Donc j’ai été arrêtée plusieurs fois pendant quelques semaines, parce que ma médecin généraliste me trouvait fatiguée, etc. Et puis un an dans cette zone à peu près à un an du décès, que j’avais beaucoup sacralisée parce que j’ai commencé à voir, enfin à revoir une psychologue dès que mon père est décédé, j’avais eu plusieurs suivis évidemment pendant mes études de psycho, et puis après quand j’ai commencé à travailler. Et donc quand mon père est décédé je suis allée voir une psychologue immédiatement pour reprendre un suivi. Et j’avais beaucoup sacralisé cette période des un an du décès et la psychologue m’avait dit à juste titre lorsque cette période est passée, « mais vous savez il n’y a pas de avant/après la date des un an du décès ». Il faut croire qu’il fallait que je le voie pour accepter que c’était vrai ! J’espérais un, je sais pas, un truc qui allait bouger en moi, qui allait faire que j’aurais plus mal à la poitrine, etc. Et quand j’ai vu que ça se passait pas, et qu’on me disait que j’étais fatiguée, qu’on me le faisait remarquer beaucoup, j’ai fini par aller voir une psychiatre et là bah j’ai expliqué un petit peu tout ce qui s’était passé depuis un an, et… Elle m’a gardée peut être une heure et quart, et au bout d’une heure là seulement j’ai craqué, et je me suis mise à pleurer et j’avais l’impression que j’allais plus jamais m’arrêter de pleurer à ce moment-là. Et un des trucs que je lui ai dits, parce qu’elle m’a dit « Vous dites que vous êtes un peu bloquée avec vos émotions, mais là vous pleurez », etc., un des premiers trucs que je lui ai dits c’est que le fait de pleurer devant elle là c’était peut être la 5e ou 6e fois que je le faisais en un an. J’ai pas réussi à pleurer. Pour répondre à ta question sur les émotions, je pense que ça s’est exprimé d’abord par de la tristesse, vraiment très très à retardement passé le décès. À l’enterrement j’ai pas pleuré, au funérarium j’ai pas pleuré, enfin quasiment pas, et l’année qui a suivi, non plus. Donc les premières émotions que j’ai eues c’est de la tristesse, mais vraiment à retardement, et je dirais que dernièrement il y a pu y avoir d’autres choses comme de la colère. Et je ne sais pas si on peut qualifier ça d’émotion, mais beaucoup de culpabilité. Ça, c’est un leitmotiv chez moi, c’est la culpabilité par rapport à ce qui s’est passé.

Mickael : Cette culpabilité elle s’exprime de quelle manière, c’est quel type de pensées que tu as quand tu te sens coupable ?

Elisée : Je me dis… J’aurais pu faire quelque chose, rarement je me dis on aurait pu faire quelque chose, généralement c’est plutôt dirigé contre moi. J’aurais pu voir, j’aurais pu… alors ça peut être des choses très précises comme j’aurais pu demander à ma mère de lui passer le téléphone le midi quand j’ai téléphoné à la maison, mon père a envoyé un SMS le matin à toutes les personnes qui lui étaient les plus proches en disant des petites choses mignonnes, ce qui était pas très habituel de ma part, mais j’étais prise dans mon dimanche avec mon copain, etc., j’ai vu le message le matin, mais je me suis dit que j’y répondrai le soir, et quand je lui ai répondu a priori il était déjà mort. Donc ça peut être des choses comme j’aurais pu répondre à ce texto et peut être ça aurait changé quelque chose… j’aurais dû quand je l’ai revu post confinement même si c’était à l’occasion de l’enterrement de mon oncle voir qu’il était pas bien, poser plus de questions… ma mère m’a dit qu’il avait perdu du poids, qu’il avait du mal à manger, lui m’a dit lui-même qu’il avait des troubles du sommeil… Voilà, ça peut être des choses sur j’aurais dû, j’aurais pu, et puis de manière plus générale il y a des choses sur le passif en se disant on aurait dû l’amener vers les soins, plusieurs épisodes dépressifs en plusieurs années ça nécessite peut être une prise en charge un peu plus accrue. Il y a cette idée chez moi que malgré tout je ne suis pas allée vers un métier du soin pour rien, et sans doute que la grande fragilité de mon père et sa sensibilité qui existait sans doute depuis longtemps m’ont imbibée en tant qu’enfant et donc une sensibilité et une empathie à la souffrance des autres qui est plus accrue peut être que d’autres personnes. Et donc c’est ce qui fait de moi aujourd’hui, je l’espère, une bonne psychologue, en tout cas c’est ce qui m’a attirée vers ces choses-là. Et donc être psychologue et ne pas avoir réussi à protéger mon père de la pire des choses qu’on puisse faire quand on souffre psychologiquement c’est un peu comme is professionnellement j’avais raté, et c’est un des premiers trucs que je me suis dits dans les jours qui ont suivi le décès de mon père, c’est « J’ai raté », j’ai pas… J’ai pas été l’enfant parfaite qui donne envie de rester en vie, j’ai pas été la psychologue parfaite qui remarque chaque symptôme chez les personnes autour d’elle.

Mickael : Et au niveau du processus de deuil à proprement parler, ça s’est déroulé comment chez toi ? Et est-ce que c’est toujours quelque chose que tu sens être en cours ?

Elisée : Oui, je pense que c’est toujours en cours. Encore une fois je pense que je vois les choses a posteriori sur la période qui s’est écoulée, mais je ne sais pas du tout comment ça va se passer dans le reste de ma vie. J’avais des conceptions vraiment toutes faites sur ce que c’est que le deuil, j’avais un peu cette idée quand même qu’il y a des étapes, qu’il faut passer par différents processus émotionnels, qu’on doit s’autoriser différents types d’émotion, etc., ça je l’avais en tête, et puis j’ai acheté plusieurs livres de Christophe Fauré qui a écrit plusieurs choses sur le deuil par suicide, donc j’avais lu notamment Après le suicide d’un proche. Au début je m’attelais mécaniquement à me dire il faut que je sois triste, j’ai le droit d’être triste, c’est la première étape. Donc toute la première année que je t’évoquais tout à l’heure j’avais la sensation que je m’autorisais à être triste parce que je disais aux gens que j’étais triste d’avoir perdu mon père. Alors je pleurais pas trop, mais je m’autorisais à dire que c’était dur, je me suis autorisée à me mettre en arrêt de travail parfois alors que… c’est pas une habitude chez moi, j’avais vraiment l’impression de traverser les choses correctement, entre guillemets, de faire bien les choses. Et quant au bout d’un an j’ai vu cette psychiatre et qu’elle m’a dit « mais vous êtes complètement pour le moment encore dans la sidération », et c’est aussi ce que m’a dit ma psychologue, mais j’avais du mal à l’entendre, elle m’avait dit « pour le moment il ne se passe rien dans votre esprit, vous êtes complètement choquée ». Ça, j’avais du mal à l’accepter. Donc je me disais non non, je suis triste, c’est bien, je traverse mon émotion, je l’accepte… Et c’est que quand la psychiatre m’a dit « Non, là vous êtes complètement bloquée » que j’ai réalisé que toute cette première année ça avait été la sidération… Ce qui n’est pas forcément toujours une première étape dans un deuil, mais dont j’ai réalisé que c’était en tout cas toujours la première étape dans un… trauma. Déjà mettre ce mot-là, se dire que ce que je traversais c’était pas nécessairement un deuil classique, mais qu’il y avait peut être aussi un stress post-traumatique par rapport à ça, ça m’a aidée. Et ensuite j’ai fait des démarches pour être accompagnée différemment parce que j’ai réalisé que peut être mon deuil allait pas se dérouler tout seul, que la pelote allait pas se dérouler tranquillement toute seule si j’étais pas accompagnée par les bonnes personnes, et c’est à ce moment-là que j’ai demandé à participer à des groupes de parole pour endeuillés par suicide, dans l’idée voilà de confronter le déroulé de mon deuil avec d’autres personnes, dans l’idée de me sentir moins seule aussi. Donc j’ai demandé à participer à ces groupes de parole dans lesquels j’ai pu participer grâce à une association et j’ai entamé un suivi spécifique pour la question du traumatisme, donc un suivi en EMDR. Et aujourd’hui je dirais que c’est encore en cours, oui effectivement, parce que la tristesse j’ai encore beaucoup de mal à l’évoquer, et à accepter de la ressentir surtout. Je peux la dire, je peux décrire par plein plein de mots différents ce que je ressens et tout, mais j’accepte pas qu’elle me traverse physiquement et psychologiquement.

Mickael : Tu évoquais le fait d’aller participer à des groupes de paroles pour te sentir moins seule. Cette solitude que tu as pu ressentir elle s’est manifestée de quelle manière, comment tu la ressentais ?

Elisée : En premier lieu je dirais que la solitude… alors après je veux pas parler de manière générale, mais moi ma solitude elle s’est manifestée parce que déjà géographiquement je n’étais pas au même endroit que ma famille. Et à la fois je dis ça, mais je sais pas si j’aurais voulu être au milieu d’eux parce qu’il y a eu toute une période où quelque part c’était aussi assez confortable de pas, de pas comme ma mère vivre dans la maison de mes parents, de ne pas vivre comme mon frère dans le village et donc de ne pas forcément être confrontée à tous ces lieux quotidiennement. Il y a des moments où j’ai trouvé ça très confortable, mais en même temps je me suis sentie très isolée parce que impossible au détour d’une rue d’aller me recueillir si j’avais envie de passer sur la tombe de mon père, impossible d’aller regarder des albums photos si j’en avais envie comme ça à l’improviste, donc il y a tout un tas de choses qui se sont ritualisées, et pendant plusieurs mois j’ai eu du mal à aller voir ma mère. Alors, j’y allais, évidemment, mais c’était toujours comme une espèce de plongée dans… dans une autre vie, quoi, il y avait ma vie à Paris et puis quand je retournais voir ma mère… Ah oui, Papa n’est toujours pas là… Non pas que je l’oubliais quand j’étais à Paris, mais il y avait la possibilité, quand même, de mettre les choses à distance. Mais en même temps ce sentiment d’isolement par rapport au reste de la famille, pas de possibilité de passer voir des gens qui connaissaient mon père pour évoquer des souvenirs avec eux, des choses comme ça. Et puis la solitude aussi parce que même si les gens sont très doux, très prévenants, en dehors des très très proches quand on traverse une épreuve, je pense pas seulement le deuil, toute sorte d’épreuves, les gens sont doux et prévenants les premières semaines, les premiers mois au mieux, et puis après ça s’estompe. Et peut être parce qu’ils ne savent pas quoi dire, peut être parce qu’ils ne savent pas comment nous prendre, mais du coup on nous demande de moins en moins comment tu vas, ou du moins si on te le demande on le fait avec des pincettes parce qu’on a peur que tu t’effondres, alors que moi j’aurais eu envie à certains moments juste qu’on me demande comment j’allais vis-à-vis de mon père, tout en sachant que j’allais pas m’étaler, mais juste qu’on me fasse comprendre « Je pense toujours à ce qu’il t’est arrivé », et ça c’est pesant… Voilà, il y avait cette solitude à et puis dans le monde dans lequel on est, notamment dans l’univers hospitalier, tout va très vite, il faut que ça roule, quoi. Et moi j’ai repris mon travail assez rapidement, donc les premiers temps on me regardait avec sollicitude et c’était pas grave si j’étais en arrêt, au bout d’un certain temps on a commencé à me faire comprendre que ça allait être compliqué si j’étais moins productive au travail, si j’étais moins présente, etc. Et puis tu te sens seule parce que… Bah quelque part le deuil par suicide c’est quand même pas tout à fait la même chose que le deuil après une maladie ou par vieillesse. Je dirais pas qu’il y a une hiérarchie, évidemment, y’en a pas dans la souffrance, c’est différent quoi. Donc… J’ai une collègue qui a perdu son père à la suite d’un cancer assez foudroyant, j’ai beaucoup échangé. Elle a perdu son père un an avant moi. C’était très plaisant en fait d’en parler avec elle parce qu’elle traversait des choses similaires à moi et elle a 20… 26 ans maintenant. Donc on était toutes les deux des jeunes femmes qui avaient perdu leur père avec tout ce que ça comporte comme élément comme bah si un jour on a des enfants notre père le connaitra pas, ou si un jour on se marie il sera pas là, etc. Ça, on pouvait le partager, mais en même temps elle avait vécu des choses terribles vis-à-vis du cancer de son père et moi j’avais pas vécu la même chose au décès de mon père, donc il y a des expériences en lien avec le suicide qui sont tellement uniques, tellement différentes, et tellement choquantes en termes de violence sur le coup que c’est très difficile de pas pouvoir les partager avec les autres, et au bout d’un certain temps en plus je ne voulais plus trop me déverser sur mon copain, me déverser sur mes amis proches parce que j’avais peur que ça soit trop lourd et de leur apporter un fardeau supplémentaire. Donc il y a des choses que je me disais et que je gardais pour moi. Le suicide c’est un tel tabou, quand tu dis aux gens que ton père s’est suicidé ou que quelqu’un de ton entourage s’est suicidé, les gens généralement ils ont une espèce de mouvement au niveau de leur paupière, ils font un truc avec leurs yeux, ils sont un peu écarquillés et puis après ils font « Oh. » et ils… Enfin ça laisse un espèce de blanc et de malaise. Et du coup il y a des fois où tu le dis pas forcément, quoi.

Mickael : On sait que les troubles psychiques ont souvent mauvaise réputation, on dit qu’ils sont stigmatisés, est-ce que c’est aussi entre guillemets facile de dire à quelqu’un que ton père est décédé par suicide que si tu disais qu’il est décédé à la suite d’un cancer ?

Elisée : Je sais pas si c’est aussi facile, en tout cas moi j’ai fait le choix de le dire assez spontanément, et ça m’est venu assez rapidement après le décès de mon père. Déjà d’une part parce que j’ai pas honte de lui et je veux pas avoir honte de ce qu’il a fait, du coup je ne veux pas passer par quatre chemins pour dire les choses. Après c’est sur que… tu te demandes toujours ce que les gens vont se dire soit sur toi, soit sur ton proche. Est-ce qu’il était fou ? Est-ce qu’elle, voilà, est-ce qu’elle est capable de tenir debout, est-ce qu’elle est capable d’aider des patients alors que son père s’est suicidé ? Il y a cette peur du jugement par rapport à ça. Mais jusqu’à présent j’ai pas eu de mauvais retours, si des gens ont été choqués de ça ils me l’ont pas dit. Moi je fais le choix de le dire parce que je pense que c’est important de démocratiser la parole par rapport à ça. C’était aussi en ce sens que j’ai souhaité participer au podcast, mais aussi en ce sens que j’ai souhaité participer au groupe de parole auquel j’ai participé, parce que finalement, j’ai pas les chiffres exacts en tête, mais je crois que c’est 9000 suicides par an en France… C’est énorme, et concrètement il y a le suicide en lui-même et il y a toutes les personnes autour par ribambelle et par cercles successifs. Donc là le suicide de mon père ça a touché directement ma mère, mon frère et moi, mais aussi très directement ses amis les plus proches, sa mère qui est toujours vivante et ses frères et sœurs qui sont tous vivants. Donc déjà rien que ce cercle très proche on est au moins une vingtaine à avoir été impactés vraiment de façon très proche. Et au-delà de ça, selon la fréquentation des gens autour, ça impacte deux cents, trois cents personnes autour. Et finalement c’est un sujet dont on ne parle jamais, on ne l’aborde quasiment pas dans les médias, c’est extrêmement tabou, quand on aborde ça on le dit toujours entre deux portes un peu en parlant tout bas… Donc je pense que le premier pas c’est de le dire. Quand je le dis, généralement, selon la proximité… Par exemple il y a mon propriétaire qui était venu changer une pièce d’un truc chez moi, l’année qui a suivi, il m’a demandé comment ça allait et je lui ai dit « Ça va, enfin j’ai perdu mon père il y a pas très longtemps, ça a été un peu dur » et tout, et il me dit « Ah bon ? il était malade ? », question classique quand on a une trentaine d’années si on dit qu’il a perdu son parent c’est a priori qu’il était malade ou alors il était âgé. Et du coup j’ai répondu tout de suite « Il s’est suicidé ». Et ça a été hyper simple comme discussion et lui a pu me dire « Ah oui ? Ah d’accord, je suis désolée. » Et il a été hyper… Je vais me permettre l’expression, hyper à la cool sur ce sujet, et c’était très plaisant de voir que c’est pas… On n’est pas obligés d’en faire tout un cérémonial. Après j’en ai déjà discuté avec cette collègue justement qui a perdu son père par un cancer et dans le cas des longues maladies comme ça, comme on dit souvent dans la presse « des suites d’une longue maladie », il y a souvent des questions indiscrètes du genre « Ah bon, il est parti en combien de temps ? Est-ce que ça a été dur ? Il a eu de la chimio ? » enfin les gens se permettent des questions hyper intrusives et dans le suicide on voit qu’il y a encore un tabou, quoi. Enfin moi je connais personne qui m’a dit « Ah bon, mais du coup il a fait ça comment ? Et c’était où ? Qui l’a retrouvé ? », c’est des détails que mes très proches connaissent mais sinon les gens sont pas très intrusifs. Je pense que ça leur fait peur, c’est comme s’il y avait une espèce de contagion, si je pose trop de questions oh la la, peut être ça va m’arriver ! C’est…

Mickael : Tu as parlé des groupes de parole auxquels tu assistais. Tu as parlé d’une thérapie EMDR également. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur comment se déroulent les groupes de parole et cette thérapie ?

Elisée : Les groupes de parole sont des groupes de parole qui sont proposés par une association qui s’appelle l’association Empreintes, qui est une association spécialisée dans le deuil, que je recommande vivement, vraiment. Le principe c’est des groupes de parole fermés avec un groupe de personnes qui commence la session et qui la termine dans l’idée d’être un petit peu dans un petit cocon où on est toujours avec les mêmes gens et on s’engage à venir, donc il n’y a aucune absence à ces groupes sauf quelqu’un qui avait eu quelque chose dans sa famille de vraiment important. Ça donne comme ça un petit cérémonial où ce sont les mêmes personnes qu’on retrouve une fois par mois pendant six mois. Ce sont des groupes de deux heures accompagnés par une psychologue et une intervenante de l’association. Et l’idée c’est d’avoir un échange un peu libre sur comment on va et comment est-ce qu’on se pose des questions sur notre deuil ou sur ce qui s’est passé. La première séance elle est consacrée au récit de, des décès de nos proches, avec, bah là, le détail, pardon, comme on le souhaite. On peut tout à faire dire voilà X s’est suicidé tel jour, de telle manière et c’était telle personne pour moi ou alors rentrer vraiment dans le détail, voilà, mon père s’appelait bidule, il avait tel âge, ça faisait tant de temps qu’il pensait à ça, etc. C’est vraiment libre et ça permet d’aller à son rythme, de pas se dévoiler trop si on se sent pas, ou au contraire de donner plein de détails qu’on a envie de partager. Moi il y a des détails que j’ai partagés dans le groupe de parole que j’ai pas partagé avec grand monde en parallèle. Par exemple après le décès j’ai tenu à aller sur le lieu où ça s’était déroulé et à interroger le voisin qui a retrouvé mon père et je lui ai demandé de façon très précise de m’expliquer dans quelle position il avait retrouvé mon père, comment il était habillé, est-ce qu’il avait les yeux fermés, ouverts, etc. Et ça, c’est des détails que j’ai pas vraiment partagé avec mes amis ou autres parce que ce sont des choses très intimes, que tu te demandes si les gens sont prêts à les recevoir. Et là dans le groupe de parole c’était vraiment un espace pour le faire et je me suis rendue compte que les autres le faisaient aussi, donc c’était vraiment un besoin commun qu’on avait de partager ces informations qu’on a en tête et qui sont… Bah qui sont un peu lourdes à garder pour soi tout seul. Donc la première séance c’est ça, et puis ensuite les autres séances on partage ce qu’on veut. Il y a une vraie dynamique qui s’est installée, c’était hyper enrichissant ce groupe. La première fois que j’y suis allée, j’étais hyper stressée, je suis arrivée devant la porte je me suis dit, mais qu’est-ce que je fais, vraiment, c’était… Qu’est-ce que je vais faire en plus, je suis psychologue, j’anime des groupes de parole toute la semaine et là c’est moi qui vais m’assoir pendant deux heures pour parler du suicide de mon père, vraiment qu’est-ce que je fais là ? Il y avait dans la salle des gens, plusieurs personnes qui avaient perdu leur mère, il y avait aussi des personnes qui avaient perdu leur enfant, et il y avait quelques personnes qui avaient perdu leur frère. Après cette première séance qui a été quand même assez lourde parce que du coup j’ai raconté le suicide de mon père, mais aussi j’ai entendu le récit de six autres suicides… En y allant je m’étais dit oh la la, ça va être très lourd et je vais ressortir complètement plombée. Et avec la souffrance des autres en plus de la mienne sur les épaules. Et je me souviens d’être sortie et d’avoir marché dans la rue pendant assez longtemps, l’association est pas très loin de République, j’ai marché pour rentrer chez moi et j’avais un sentiment comme si je pouvais un peu plus respirer que les semaines, les mois avant, comme si, je sai spas, quelque chose s’était ouvert en moi après ce premier groupe. Et j’ai posté un truc sur Instagram en disant que enfin je me sentais moins seule, vraiment c’est le sentiment qui m’est resté après cette première séance c’est de me dire je savais qu’il y avait d’autres personnes qui avaient vécu la même chose que moi, bien sûr, j’en avais confiance, mais là il y avait des gens qui avaient vécu la même chose que moi et là ils avaient un visage, ils avaient une voix, ils avaient un prénom, et ça, c’était incroyable comme sensation. Et c’était pas mon frère, ma mère, ma famille, c’étaient des inconnus à qui du coup je pouvais dire tout ce que je ressentais, même des choses que je peux pas dire à mes proches. Et on continue à garder contact avec les membres du groupe, on s’écrit aux dates anniversaires du décès de nos proches et on, de temps en temps on va au restaurant ensemble. Et c’est comme si on avait créé une espèce de petite famille, j’ai l’impression qu’on se sait, entre guillemets, comme ce truc de si j’envoie un message au groupe whatsapp de ces gens-là pour leur dire que je pense à mon père ils savent exactement ce que je ressens et du coup ils vont pas me dire « Ah bon, pourquoi ? Pourquoi aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu ressens ? » ce qui sont des paroles très mignonnes d’amis ou que mon copain peut me prononcer, ils vont juste me dire « Je pense à toi, je sais ce que tu ressens, tiens le coup ! » ou des choses comme ça et je sais précisément qu’ils savent ce que je traverse, et c’est hyper précieux. Enfin c’est un peu dans le même registre que la pair aidance ou comme les groupes de parole entre patients dans les services de soins, c’est vraiment ce bénéfice supplémentaire d’avoir à la fois un soignant spécialisé, donc comme ma psychiatre ou ma psychologue, et en même temps ce groupe de personnes qui ont vécu la même expérience que moi, donc peut être pas au même endroit au même moment, mais en tout cas ils ont expérimenté ce choc, cette vague, et du coup ce que je ressens vraiment c’est très précisément, quasiment la même chose que ce qu’eux ressentent. Et pour te répondre, la thérapie EMDR elle est en cours. L’idée c’est qu’on puisse évoquer mes souvenirs traumatiques de manière assez détaillée, assez précise pour que je puisse comme les ranger un peu dans une espèce de petite boîte dans ma tête qui serait moins… Moins douloureuse, moins traumatique, lorsque je pense à ces souvenirs-là. Et pour le moment on est au stade d’ouvrir la boîte parce que comme je te disais tout à l’heure je suis encore très bloquée sur certains souvenirs, notamment la voix de ma belle sœur par exemple quand elle me dit que mon père est décédé. Donc pour le moment on est en train d’ouvrir la boîte et après on essaiera de ranger pour que ça soit un peu plus propre dedans !

Mickael : Tu travailles aujourd’hui avec des personnes qui ont notamment des troubles du comportement alimentaire. On sait que dans ces troubles-là le suicide est une problématique qui se pose souvent. Comment est-ce que tu réagis toi en tant que psychologue maintenant après cet événement quand un patient ou une patiente évoque des comportements suicidaires ou des idées suicidaires ?

Elisée : Aujourd’hui je dirais que ça va mieux. Toute la première année ou année et demi qui a suivi le décès de mon père je pense que je réagissais surtout en tant que personne qui avait vécu ça plutôt qu’en tant que psychologue donc au moment où, où certains patients pouvaient m’évoquer des difficultés en lien avec des idées noires ou des idées suicidaires il y avait ce qu’on appelle de la dissociation entre guillemets c’est-à-dire que je sortais un peu de ma place de psychologue pour avoir une partie de mes pensées qui étaient focus sur mon souvenir traumatique à moi et donc ça me demandait beaucoup d’énergie psychologique de me concentrer sur mon patient ou ma patiente, de focus sur ce que j’étais en train de faire c’est-à-dire en train de travailler parce que mon cerveau il avait envie à l’évocation de ces choses-là de se reconcentrer sur moi, ma personne et mes souvenirs à moi. Je pense pas que ça se voyait, mais ça me demandait beaucoup plus d’énergie, beaucoup plus de concentration pour travailler dans le cadre des questions suicidaires. Par contre aujourd’hui ça me demande beaucoup moins d’énergie, je pense justement parce que j’ai fait du chemin et que j’ai été accompagnée. Et aujourd’hui je dirais que ce qui reste c’est peut être un petit pincement ou une petite douleur à la poitrine au moment où le patient l’évoque, mais ma concentration est 100 % sur le patient maintenant, et je crois que ça m’a amené encore plus de sensibilité à ces questions-là. J’ai toujours été ultra attentive à la question suicidaire, je sais pas pourquoi, en tout cas c’est un sujet qui m’a toujours beaucoup alertée. J’espère ne jamais avoir minimisé des éléments suicidaires chez un patient. La première année de ma carrière, j’ai un patient qui s’est suicidé dans le service où je travaillais, et il y avait un chef psychiatre dans le service à qui j’en avais parlé, pour lui dire que c’était la première fois de ma carrière que ça m’arrivait et que, bah c’était dur ! Et il m’avait dit « Vous savez madame, moi j’ai plus de 40 ans de carrière, j’ai perdu une trentaine de patients et je me souviens de tous ». Et ça m’avait beaucoup marquée ce qu’il avait dit, il l’avait dit avec beaucoup de sollicitude, il vouvoyait tous les membres de l’équipe donc il avait poursuivi sa phrase en disant « Vous savez madame, c’est pas votre faute, et c’est pas un échec du service. Mais c’est normal que vous soyez triste et que ça soit difficile pour vous. » Et je crois que c’est un peu aujourd’hui ce qui me porte dans mon rapport aux idées suicidaires de mes patients c’est je me dis ça peut arriver, et ça arrivera sans doute de nouveau dans ma carrière que des personnes dont j’ai croisé le parcours se suicident. Malheureusement. On peut tout faire pour essayer d’éviter ça, et en tout cas moi j’essaie de faire de mon mieux. Je pense que ce que ça m’a appris de plus professionnellement parlant le fait que mon père se suicide c’est que cette idée de les patients n’en parlent pas forcément avant elle est encore plus prégnante chez moi et donc j’accorde une place prépondérante au fait de poser des questions aux patients, de les déculpabiliser, de dire que c’est OK de penser des choses comme ça, mais que ça nécessite de l’aide, que je ne les juge pas, qu’il n’y a pas de problème, qu’il vaut mieux en parler, toujours, qu’on va faire quelque chose, que ça va être très difficile de porter ça. Donc je ne réagis plus en tant que personne coupée en deux, je pense que j’agis de nouveau en tant que professionnelle. Ça ne reste pas moins difficile parce que c’est difficile d’avoir quelqu’un en face de soi qui dit que la vie lui semble plus vivable, quoi.

Mickael : Et à partir de combien de temps est-ce que tu t’es sentie prête pour parler de ce sujet en dehors du cercle familial ?

Elisée : Je pense que c’est venu assez progressivement. Au début j’ai commencé à écrire des textes que j’ai essayé de mettre en forme, alors j’avais commencé une espèce de petit blog, et puis je me suis aperçue rapidement que c’était trop tôt parce que les textes que j’écrivais ils me semblaient adéquats, mais en même temps je voyais pas très bien comment j’allais les formaliser, c’était pas très clair. Et c’est un peu étrange parce que dès que, enfin je dirais pas dès que mon père est décédé, mais assez rapidement j’ai évoqué à mes très proches que j’avais la sensation qu’un processus créatif allait sortir de ça. Et je me demande si ce n’était pas aussi un peu en miroir avec mon père parce que mon père a écrit un livre sur son enfance quelques années après le décès de son père. Et je sentais que moi aussi j’allais avoir besoin à un moment donné de raconter les choses, mais l’écrit que j’avais commencé, c’était un peu trop tôt. Donc j’ai laissé tomber ça. J’ai fait une longue longue pause, et il y a eu ces groupes de parole, etc., et puis je dirais que là, ces derniers temps, c’est un peu différent, je prends des notes dans mon téléphone, dans un cahier, je nourris l’idée peut être d’écrire quelque chose sur mon père, peut-être un livre sur lui. Et en même temps je ne sais pas trop quelle forme formuler les choses, donc… Peut-être la première étape c’est de venir en parler ici ! Je pense que je me suis sentie très tôt capable de parler du suicide par contre, capable de parler de ce que ça me faisait, peut-être un peu moins.

Mickael : Le décès de père est donc intervenu après le premier confinement de 2020. On sait que la mobilité était très réduite pendant le confinement, que même des funérailles devaient se faire finalement sans les proches. Comment est-ce que tu penses que tu aurais vécu cette annonce de suicide de ton père sans pouvoir te rendre là où il était ?

Elisée : Je pense que ça aurait été complètement dévastateur pour moi. Ironiquement parlant on est tombés dans la période où l’accès aux obsèques venait tout juste d’être réouvert. On a pu être une centaine dans l’église, bien sûr avec les masques, et au cimetière il n’y avait pas de limitation. Je pense vraiment que ça aurait été trop compliqué de ne pas pouvoir dire au revoir. Alors je ne sais pas comment le vivent les gens, je crois que c’est très disparate, par exemple ça a été très important pour moi de voir mon père à la chambre funéraire, ce qui n’a pas été possible pour tout un tas de familles pendant le confinement, il y a même des personnes qui étaient ce qu’on appelle mises en bière, donc mises dans leur cercueil et ensuite le cercueil fermé sans les familles, donc il y a tout un tas de personnes qui n’ont ni pu dire au revoir à leur proche, ni pu voir leur proche dans les habits qu’il avait choisis, le cercueil qui est fermé, il y a tout un tas de choses comme ça très symboliques autour de la question des rites funéraires qui n’auraient pas pu être possibles quelques semaines encore avant, et ça ça a été très important pour moi de voir mon père mort. Le fait de voir quelqu’un décédé c’est quand même pas la même chose que de savoir qu’il est décédé. Il y a comme quelque chose qui doit se raccorder, en fait, une image qui doit se raccorder avec l’idée qu’on a précise de ce qu’il s’est passé. Et pour moi ça a été vraiment un élément très fondateur du début de mon deuil. Je crois que ça aurait été très compliqué. Et puis la cérémonie en elle même ça a été extrêmement fort parce que déjà il y avait énormément de monde et ça m’a fait extrêmement chaud au cœur de voir tous ces gens qui s’étaient déplacés pour dire voilà, on est tristes qu’il soit plus là. Il y a même des gens qui sont venus que je n’avais pas vus depuis des années, qui ont fait le déplacement, qui ont posé une journée de congés pour venir. Il y a des amis de Paris qui se sont déplacés, alors qu’ils n’ont pas de véhicule, enfin… Des choses comme ça, la cérémonie et tous les rites funéraires c’est extrêmement important, je pense que ça aurait été terrible pour moi de pas pouvoir le vivre en étant coupée. Je sais qu’il y a eu des études qui ont été menées là-dessus, sur la manière dont des personnes qui ont perdu des proches pendant la manière de confinement et de covid, de restrictions en tout cas, comment est-ce qu’elles ont traversé leur deuil après. Et pour la plupart ça a été extrêmement compliqué. C’est, je crois que c’est pas pour rien, sans rentrer dans les questions religieuses parce que moi je suis athée, je crois que c’est pas pour rien que les civilisations ont des rites funéraires et c’est tellement important de pouvoir commencer par là pour dire au revoir à son proche, même si évidemment il ne suffit pas d’aller à l’enterrement pour dire au revoir à son proche, et que chacun a une façon différente soit d’y penser, soit de rendre hommage, soit de rentrer dans le processus de deuil. Je pense quand même que les rites sont pas là pour rien et que ça aurait été vraiment très violent de pas le faire.

Mickael : est-ce qu’il y a un mot, un concept, une métaphore que tu associerais justement à cette situation de deuil ?

Elisée : Je crois que si je devais choisir un concept ou un mot j’utiliserais le terme de traversée. Déjà j’aime beaucoup l’univers marrant, depuis longtemps j’ai pris l’habitude de considérer les événements difficiles ou les événements difficiles comme un peu des vagues qui nous envahissent mais avec la conviction profonde que de toute façon quand la marée monte, elle finit toujours par se retirer et donc ça va toujours aller mieux au bout d’un moment, on ne sait pas quand, mais ça va aller mieux. Je pense que ça, c’est une idée qui m’a beaucoup porté après le décès de mon père, que j’étais en train de subir une grande marée montante, et des vagues très très difficiles, mais qu’elles allaient finir par se retirer, ça c’est sûr. Moi j’ai bien l’idée de traversée parce qu’il y a cette idée de… Un peu comme quelqu’un qui se lance dans une traversée d’un océan, je pense à l’océan Atlantique, on ne sait pas forcément quand va arriver la prochaine terre. C’est-à-dire il y a au début un horizon comme ça, complètement vide, il n’y a pas d’îles, il y a pas de terre, on ne voit rien. Donc on sait pas trop, c’est l’inconnu, mais en même temps on est lancé parce que bah voilà la marée est montée et il faut bien commencer à naviguer. Il y a de toute façon des choses qui vont se produire sur le chemin, on ne sera pas le même une fois qu’on aura fini la traversée, mais c’est pas grave, moi je vois les choses comme ça, comme une traversée.

Mickael : Est-ce que tu aurais des conseils à donner à des personnes qui justement traversent les mêmes épreuves ?

Elisée : Alors j’aurais envie de parler de la culpabilité en disant s’il vous plaît essayez de ne pas vous accabler, et en même temps pour ressentir moi-même ce sentiment je sais à quel point il est difficile à contrôler. Mais je vais le dire quand même, ce n’est pas de votre faute. C’est la première chose que j’ai dite à ma mère quand je l’ai retrouvée le lendemain, j’ai dit c’est pas ta faute, et elle m’a dit je sais, mais j’avais besoin de lui dire que c’était pas de sa faute. Donc voilà, si c’est possible essayez de ne pas trop vous culpabiliser ou de ne pas trop vous accabler parce que la culpabilité c’est très lourd à porter, et de toute façon ça ne ramènera pas nos proches de se sentir coupable. Et puis s’entourer, se faire accompagner alors par des professionnels si on s’en sent capable, parce qu’il y a des gens supers vraiment qui peuvent mettre des mots sur les choses qu’on a du mal à formuler, par des associations, vraiment s’il y a des groupes de parole près de chez vous faites le, c’est hyper important. Avec le confinement justement il y a beaucoup de choses qui se sont développées sur Internet, il y a des chats, il y a des lignes téléphoniques, des groupes de parole en visio, donc si c’est possible essayez de vous entourer de gens aussi qui ont partagé la même chose que vous-même si c’est pas forcément pour poursuivre l’expérience pendant très longtemps, mais ne serait-ce qu’une ou deux fois d’échanger avec des gens qui ont partagé vraiment l’expérience, et puis s’écouter, s’écouter, ne pas se forcer, moi ce processus de deuil au début j’ai eu la sensation qu’il fallait que je coche les cases parce que quand on va sur Internet ou quand on lit des choses, même en sortant de la question de mon boulot, on nous dit voilà, au bout d’un an ça ira un peu mieux, et puis le processus de deuil ça commence par la tristesse, et puis la colère, etc., etc. Et je crois que le plus important c’est de s’écouter et si on reste en colère pendant longtemps OK, c’est pas grave, si on est triste pendant un peu de temps et puis après on oublie, pas qu’on oublie, mais on passe à autre chose, qu’on réussit à refaire sa vie, ou qu’on… Qu’on réussit à revivre des choses plaisantes, bah c’est OK aussi, on n’est pas obligé de se rouler dans son lit pendant des mois et des mois si on se sent capable de faire des choses. De la même manière que à l’inverse on n’est pas obligé d’aller travailler si on ne s’en sent pas capable. Vraiment je pense que le maître mot c’est de s’écouter, et je le dis d’autant plus que moi je ne me suis pas assez écoutée au début, c’est ce qui a maintenu aussi mon état de sidération, vraiment s’entourer, s’écouter et autant que possible si les gens y arrivent continuer à considérer que la vie c’est chouette quand même, même si notre proche est parti, quoi.

Mickael : Comment est-ce que tu te sens maintenant, après cet échange ?

Elisée : Plutôt bien. J’ai ce petit côté obsessionnel qui me fait me dire est-ce que j’ai dit des choses bien, est-ce que ça va être intéressant pour les gens, etc., et en même temps je repense au groupe de parole auquel j’ai participé ou des fois les autres avaient l’impression de ne rien avoir dit, ou d’avoir parlé d’un truc pas très intéressant, et finalement moi ça me faisait extrêmement écho, il y avait des phrases qu’ils avaient dites où je me disais, mais bien sûr, c’est exactement ce que je pensais, c’est exactement le mot que j’avais en tête, donc je me sens plutôt apaisée, et bah je pense à mon père donc je suis un peu nostalgique aussi, mais je me sens plutôt bien, j’espère que ça va aider des gens et qu’ils se reconnaîtront dans ce que j’ai partagé.

Mickael : Et pour conclure, est-ce que tu accepterais pour faire vivre ton père aussi dans cet épisode de te remémorer avec nous un événement, un moment que tu as passé avec lui ?

Elisée : Le pot qu’il avait fait pour sa retraite, mon père et moi on adorait chanter tous les deux, dans la famille on aime beaucoup chanter et pour le pot qu’il avait fait pour sa retraite il avait choisi qu’on chante tous quelque chose avec lui. Et moi j’ai chanté une chanson du groupe America qui s’appelle A horse with no name, on a chanté ça tous les deux. C’était peut être un peu faux, je sais pas, mais c’était cool, j’ai une vidéo de ce moment tous les deux, et ça, c’était vraiment un bon souvenir. Ouais, c’est du partage, j’avais fait un discours après le pot, etc., je lui disais que j’étais fière d’être sa fille. Je le pense toujours, même s’il est plus là.

Mickael : Merci beaucoup pour ce partage, merci d’avoir participé à cette émission Elisée ! On te souhaite tout le meilleur pour la suite.

Elisée : Je voudrais dédier ma participation au podcast les Maux bleus aux participants de mon groupe de parole Empreinte Turquoise qui ont traversé cette épreuve avec moi et qui ont été vraiment comme une deuxième petite famille sur cette fin d’année 2021 et au printemps 2022.

Mickael : Merci !

Elisée : Bah merci à toi !

Vous avez des idées suicidaires ?

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