Sexe et troubles mentaux : les meilleurs ennemis

Vie sexuelle et santé mentale.

On me demande souvent avant les interviews s’il y a des sujets que je ne souhaite pas évoquer, ce à quoi je réponds que mon crédo est de parler de tout. Absolument tout. Sans exhibitionnisme, il me semble capital d’évoquer tous les pans de la vie, sans tabou, afin de donner le maximum d’éléments de compréhension et des clés pour dialoguer.

Or, il est un sujet dont on ne parle jamais : le sexe. Si la santé mentale reste taboue, le sexe l’est aussi. Pourtant, ces deux sujets concernent tout le monde et sont omniprésents dans nos vies. Le sexe, autant qu’une bonne santé mentale, sont des facteurs de bien-être qui contribuent à la qualité de vie d’une personne – nous n’évoquons pas ici le cas des personnes asexuelles. Ces deux éléments sont interconnectés et s’influencent mutuellement. Qu’en est-il dans les troubles de santé mentale ? Je vous propose une courte mise au point sur ce sujet.

Anxiété, dépression et sexualité

Très fréquents et souvent minimisés dans leur impact, l’anxiété et la dépression ont un impact important sur la vie sexuelle. En amont même de l’activité sexuelle, c’est le désir, la libido, qui peut être affecté négativement : il devient difficile de s’épanouir sexuellement quand on souffre de fatigue chronique, de tristesse et d’une perte d’intérêt pour ce qui nous fait du bien.

Même dans les cas où la libido est présente, c’est l’activité sexuelle en elle-même qui peut être perturbée, avec des dysfonctions érectiles, des problèmes de lubrification vaginale, des troubles de l’éjaculation et de l’orgasme, etc. Il est important de noter que plusieurs antidépresseurs peuvent avoir comme effet indésirable un effet retardateur sur l’éjaculation. A contrario, dans les troubles anxieux, cela peut être utilisé à dessein comme traitement contre l’éjaculation précoce qui peut les accompagner. Dans d’autres cas, les traitements antidépresseurs peuvent entrainer une augmentation, tout comme une diminution, de la libido. Ces effets dépendant des molécules et de la réponse de la personne à leur prise.

L’anxiété empêche également d’être pleinement disponible et présent émotionnellement lors d’un rapport sexuel, et le plaisir peut en pâtir, voire disparaître. En effet, une anxiété de performance, par exemple, peut rendre un rapport sexuel très stressant, en découlant des problèmes érectiles ou encore du vaginisme et une impossibilité de coït, si celui-ci est envisagé lors de cette relation intime.

Dans le film Melancholia de Lars van Trier, la dépression est représentée de manière métaphorique et montre l’impossibilité pour la protagoniste d’avoir une vie affective, relationnelle et sexuelle satisfaisante. La série Sex Education sur Netflix aborde la sexualité sous ses différents aspects, y compris dans les difficultés qui y sont liées, par exemple en présence de symptômes anxieux.

Troubles bipolaires et sexualité

Comme Thomas nous en parlait dans son témoignage, les troubles bipolaires peuvent impacter la vie affective et sexuelle, avec des effets différents selon les états d’humeur. Dans le cas d’une phase maniaque ou hypomaniaque, la personne peut avoir une image d’elle-même plus élevée que d’habitude et se sentir irrésistible.

Cela peut mener à des comportements sexuels impulsifs, ou encore à une hyperactivité sexuelle. Celle-ci peut présenter des risques, dans le cas d’une absence de protection lors des rapports, ou encore en cas de prise de toxiques, tels que l’alcool ou d’autres drogues pouvant altérer l’état de conscience et perturber le « consentement éclairé » au rapport. Ces conséquences se retrouvent également dans le trouble de la personnalité borderline, par exemple, caractérisé par une instabilité relationnelle « entre amour et haine » de soi et de l’autre.

Dans les phases d’humeur diminuée, la vie sexuelle se trouve affectée de la même manière que dans la dépression unipolaire.

Dans le film Happiness Therapy, un des protagonistes atteint d’un trouble bipolaire, rencontre des difficultés relationnelles et sexuelles liées à son trouble. Concernant le trouble borderline, on peut par exemple regarder le film Une vie volée dans lequel Angelina Jolie joue le rôle d’une personne touchée par état-limite.

Comment gérer ces défis pour s’épanouir ?

Lorsqu’une souffrance est associée à la vie sexuelle et intime, il est nécessaire de demander de l’aide. En effet, une vie sexuelle insatisfaisante peut aggraver l’état de santé mentale en retour.

Il est crucial de discuter ouvertement avec son partenaire des préoccupations, besoins et limites en matière de vie sexuelle et affective liés à votre état de santé mentale. Il est très important de dépasser le tabou et d’en parler avec le professionnel de santé qui nous suit, il pourra proposer des solutions adaptées à vos problèmes : psychothérapie, ajustement médicamenteux, ajout de molécules stimulantes, stratégies contre l’anxiété, etc.

L’information sur les liens entre santé mentale et sexualité est absente de la discussion publique, sans doute par pudeur ou par honte injustifiées. En parler permet de réduire la culpabilité des personnes concernées quant à leur ressenti au sujet d’une vie sexuelle qui ne les satisfait pas.

Y aller étape par étape, sans chercher à brusquer, est également très important. Si une personne ayant perdu toute libido depuis plusieurs mois se trouve éprouver du désir sexuel auquel un partenaire est disposé à répondre, le simple fait d’éprouver du désir est à valoriser. Cela dénote déjà une amélioration de l’état de santé mentale.

Le désir est un signe de guérison ou d’amélioration

Nietzsche. Humain, trop humain.

Même si le rapport qui s’ensuit n’est pas vécu comme satisfaisant, en aucun cas cela ne doit frustrer, rendre honteux ou faire culpabiliser la personne. Le premier pas est fait, la suite viendra progressivement, au rythme qu’il est possible de suivre.

Pas après pas, en s’ouvrant sur ce sujet qui concerne tout le monde, on peut atteindre une vie sexuelle satisfaisante même dans le cas de troubles mentaux chroniques.

Pour aller plus loin :

  • Atlantis, E., & Sullivan, T. (2012). « Bidirectional association between depression and sexual dysfunction: a systematic review and meta-analysis. » The Journal of Sexual Medicine, 9(6), 1497-1507.
  • McCabe, M. P., & Althof, S. E. (2014). « A systematic review of the psychosocial outcomes associated with erectile dysfunction: Does the impact of erectile dysfunction extend beyond a man’s inability to have sex? » The Journal of Sexual Medicine, 11(2), 347-363.
  • Reinares, M., Bonnín, C. M., Hidalgo-Mazzei, D., Colom, F., Solé, B., Jiménez, E., … & Vieta, E. (2016). « The role of family interventions in bipolar disorder: A systematic review. » Clinical Psychology Review, 43, 47-57.
  • Sansone, R. A., & Wiederman, M. W. (2009). « Borderline personality disorder and sexuality. » Psychiatry (Edgmont), 6(2), 45-51.